BOWNE OF CANADA, INC.

Décisions


BOWNE OF CANADA, INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no 3003

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 11 juillet 1989

Appel no 3003

EU ÉGARD À un appel entendu le 29 mars 1989, en vertu de l'article 51.19 de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970 ch. E-13 (la Loi) dans sa forme modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision du ministre du Revenu national rendue le 20 novembre 1987 à l'égard d'un Avis d'objection présenté en vertu du paragraphe 51.15 de la Loi.

ENTRE

BOWNE OF CANADA, INC.Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONALIntimé

L'appel est admis. Le Tribunal déclare que les marchandises fabriquées par l'appelante, soit le Répertoire de l'Association canadienne des paiements, volumes 1, 2 et 3, sont exemptées de la taxe de vente en vertu de l'alinéa 3(1)a) Partie III, Annexe III de la Loi sur la taxe d'accise et annule l'Avis de décision numéro 70131RE du 20 novembre 1987.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

Kathleen Macmillan ______ Kathleen Macmillan Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur la taxe d'accise - Taxe de vente - Déterminer si les trois volumes du Répertoire de l'Association canadienne des paiements doivent être exemptés de la taxe de vente en vertu de l'article 3, Partie III, Annexe III de la Loi parce qu'il s'agit d'«annuaires nationaux, industriels ou commerciaux» ou de «livres imprimés ne contenant aucune annonce et servant exclusivement à des fins éducatives, techniques, culturelles ou littéraires».

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal conclut que les trois volumes sont exemptés de la taxe de vente en conformité avec l'alinéa 3(1)a), Partie III, Annexe III de la Loi parce que les trois volumes sont des «annuaires nationaux, industriels».

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 29 mars 1989 Date de la décision : Le 11 juillet 1989
Membres du jury : Arthur B. Trudeau, membre présidant Sidney A. Fraleigh, membre Kathleen Macmillan, membre
Avocat du Tribunal : Lyne Letarte
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Michael Kaylor, pour l'appelante Barbara McIsaac, pour l'intimé
Jurisprudence: Nowegijick c. la Reine [1983] 1 RCS 29.
Lois citées : Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, ch. E-13, par. 27(1), 27(1.1) et 29(1), art. 51.19 et par. 3(1), Partie III, Annexe III; Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.C. 1988, ch. 56, art. 60.
Dictionnaires: The Houghton Mifflin Canadian Dictionary of the English Language; Webster's New World Dictionary; Shorter Oxford English Dictionary (3 e éd. rév.); Random House Dictionary of the English Language (2 e éd.).





RÉSUMÉ

L'appelante demande une déclaration selon laquelle les trois volumes du Répertoire de l'Association canadienne des paiements obtenus moyennant paiement de la taxe de vente et visés par une demande de remboursement qui a été rejetée par l'intimé, sont effectivement exemptés de la taxe en vertu de la Loi [1] parce que les trois volumes sont des «annuaires nationaux, industriels ou commerciaux» ou des «livres imprimés ne contenant aucune annonce et servant exclusivement à des fins éducatives, techniques, culturelles ou littéraires». Les trois volumes sont fabriqués par l'appelante en collaboration avec l'Association canadienne des paiements qui coordonne la publication et la distribution. Les volumes donnent les noms, adresses et autres renseignements courants visant toutes les institutions financières au Canada. Le Volume 1 traite des banques, le Volume 2 des caisses d'économie et des caisses populaires et le Volume 3 des compagnies fiduciaires, des compagnies de prêt et autres institutions financières. L'intimé a refusé la demande de remboursement de la taxe de vente, d'où le motif de cet appel.

L'appel est admis. Les trois volumes sont déclarés être exemptés en vertu des dispositions d'exemption de la Loi puisqu'ils sont admis à titre d'annuaires nationaux industriels.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Les dispositions statutaires pertinentes de la Loi sont les suivantes :

27. (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente au taux spécifi 9‚ au paragraphe (1.1) sur le prix de vente de toutes marchandises

a) produites ou fabriquées au Canada,

(i) payable, dans tout cas autre que celui mentionné au sous-alinéa (ii) ou (iii), par le producteur ou fabricant à l'époque où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou à l'époque où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre,

29. (1) La taxe imposée par l'article 27 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des marchandises mentionnées à l'annexe III excepté les marchandises mentionnées à la partie XIII de l'annexe III qui sont vendues ou importées par des personnes exemptées du paiement de la taxe de consommation ou de vente en application du paragraphe 31(2).

ANNEXE III

PARTIE III

ÉDUCATION, TECHNIQUE, CULTURE,

RELIGION ET LITTÉRATURE

3. (1) Les imprimés, articles et matières suivants :

a) annuaires d'écoles et collèges; journaux littéraires non reliés, régulièrement publiés à des intervalles définis, au moins quatre fois par année; musique en feuilles; manuscrits; annuaires nationaux, industriels ou commerciaux; livres imprimés ne contenant aucume annonce et servant exclusivement à des fins éducatives, techniques, culturelles ou littéraires; articles et matières destinés exclusivement à la fabrication ou production de ce qui précède,

... à l'exclusion des albums, des relevés et rapports biographiques, financiers ou statistiques, des livres servant à écrire ou à dessiner, des catalogues, des livres à colorier, des annuaires de toutes sortes non mentionnés au présent article, des livres de mode, des guides, des rapports périodiques, des borderaux de prix, des livres de taux, des horaires, des annuaires, des autres imprimés de même nature et des imprimés ou catégories d'imprimés désignés par le gouverneur en conseil. (soulignement ajouté)

LES FAITS

Le présent appel est interjeté en conformité avec l'article 51.19 de la Loi dans sa forme modifiée à l'égard de l'Avis de détermination numéro ER TOR 15259 du 2 mars 1987 et confirmé par l'Avis de décision de l'intimé, numéro 70131RE, le 20 novembre 1987, refusant la demande de remboursement de la taxe de vente de l'appelante à l'égard des volumes 1, 2 et 3 (les marchandises en question) du Répertoire de l'Association canadienne des paiements. La période de cotisation va de décembre 1982 à décembre 1986.

L'appelante demande une déclaration que les marchandises en question sont exemptées de la taxe de vente en conformité avec l'alinéa 3(1)a), Partie III, Annexe III de la Loi.

L'appel, étant la continuation de procédures engagées avant l'entrée en vigueur de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [2] , est instruit par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) en vertu de l'article 60 de cette loi.

Les marchandises en question sont le Répertoire de l'Association canadienne des paiements. Le Volume 1 traite des banques; le Volume 2, des caisses d'économie et des caisses populaires; et le Volume 3, des compagnies fiduciaires, des compagnies de prêt et autres institutions financières. On y trouve les noms, adresses et autres renseignements courants pour toutes les institutions financières au Canada.

L'avocat de l'appelante a convoqué quatre témoins. Le premier était M. Bill Houston. Il travaille au Répertoire de l'Association canadienne des paiements depuis la Seconde Guerre mondiale et occupe le poste de coordonnateur pour la distribution et l'impression des marchandises en question au nom de l'Association canadienne des paiements (l'Association).

Les trois volumes du répertoire en question ont été présentés comme preuve. Chaque volume indique, au début, un court énoncé précisant que l'Association a été établie par une loi du Parlement en 1980 pour deux raisons : 1) établir et mettre en oeuvre un système national de compensation et de règlement et 2) planifier le développement d'un système national de paiement. La preuve testimoniale a révélé que l'Association est l'éditeur et l'appelante est l'imprimeur et le distributeur du répertoire. La publication d'un tel répertoire a commencé dès 1908.

Les trois volumes du répertoire contiennent deux sections. Une section comporte une liste numérique des sièges sociaux et des succursales. Elle indique les adresses, les numéros d'acheminement pour le paiement direct et les codes imprimés en encre magnétique. La deuxième section indique les mêmes renseignements disposés sous forme de liste alphabétique des emplacements géographiques au Canada. Le Volume 1, répertoire des banques, est le seul à ne pas contenir une section pour les institutions qui ne sont pas membres de l'Association. Le répertoire sert à adresser la correspondance, à trouver des succursales particulières, à distribuer les listes de paie, à vérifier les références de crédit, à procéder au règlement et, en général, à faciliter la communication entre les institutions financières. Le mot «Répertoire» paraît sur la couverture de chacun des trois volumes.

Les membres de l'Association constituent une liste contrôlée des acheteurs et c'est d'après leurs commandes qu'on détermine la quantité d'exemplaires de chaque volume à imprimer. Le Volume 1 vise toutes les banques à charte et les banques de l'annexe B au Canada. En 1988, quelque 6 000 exemplaires de ce volume ont été imprimés. De ce nombre, les banques en ont acheté 4 500 exemplaires alors que d'autres corporations en ont achetés 1 000 et environ 500 exemplaires n'ont pas été vendus. Il est estimé qu'une succursale bancaire sur trois au Canada a une copie du Volume 1 de 1988. Au cours de la même année, 3 500 exemplaires des Volumes 2 et 3 ont été vendus. De ce nombre, les caisses d'économie et les compagnies fiduciaires en ont achetés 3 000 exemplaires. Le reste, soit 500 exemplaires, a été acheté par des «abonnés généraux» c'est-à-dire des grosses corporations et des compagnies d'assurance.

Trois témoins appelés au nom des banques et des compagnies fiduciaires ont lu des extraits d'une série de publications qui utilisent le mot «industrie» pour décrire les activités financières ainsi que les activités des banques et des compagnies fiduciaires. Les éléments de preuve présentés incluent les publications des associations des banques et des compagnies fiduciaires comme les rapports de l'Association des banquiers canadiens, l'Association des de fiducie du Canada et la Société canadienne de crédit coopératif. D'autres documents préparés par des particuliers ou des groupes de l'extérieur du monde bancaire, des caisses d'économie et des compagnies fiduciaires ont aussi été présentés comme éléments de preuve. Là aussi, on utilise le terme «industrie» pour désigner le secteur des services financiers. On peut y voir un discours rédigé par un fonctionnaire du ministère des Institutions financières de l'Ontario, un rapport intitulé The Canadian Trust Industry, An Overview (pièce A-16) du 26 août 1988 et rédigé par Wood Gundy, et un rapport préparé par la firme d'avocats Smith, Lyons, Torrance, Stevenson and Mayer et intitulé The Canadian Financial Services Industry: Recent Proposals for Reform (pièce A-17) du mois d'août 1986.

L'intimé n'a pas appelé de témoin.

LA QUESTION EN LITIGE

Il faut, dans cette affaire, déterminer si les marchandises en question, le Répertoire de l'Association canadienne des paiements, ont droit à l'exemption de la taxe d'accise en vertu de l'une des deux catégories suivantes d'exemption du paragraphe 3(1), Partie III, Annexe III de la Loi : «annuaires nationaux, industriels ou commerciaux» ou «livres imprimés ne contenant aucune annonce et servant exclusivement à des fins éducatives, techniques, culturelles ou littéraires».

S'ils ne sont pas admissibles en vertu de l'une ou l'autre des catégories susmentionnées, les livres sont assujettis à la taxe de vente parce qu'ils sont des «annuaires de toutes sortes non mentionnés au présent article» et entrent dans les exceptions aux exemptions énoncées à l'alinéa 3(1)b), Partie III, Annexe III de la Loi.

L'objectif premier de l'audience est de déterminer si les livres sont admissibles à titre d'annuaires nationaux industriels. L'appelante et l'intimé conviennent que les livres peuvent être considérés comme des annuaires d'envergure nationale. Il faut déterminer si le terme «industriel» s'applique aux institutions financières indiquées dans le répertoire, rendant ainsi les livres admissibles à l'exemption prévue par la Loi à l'égard des annuaires nationaux industriels.

L'avocat de l'appelante soutient que les marchandises en question ont droit à une exemption de la taxe de vente parce qu'il s'agit d'annuaires nationaux industriels au sens de l'alinéa 3(1)a), Partie III, Annexe III de la Loi. Il note que ces répertoires contiennent des renseignements sur les institutions financières au Canada et qu'il s'agit donc de documents d'envergure nationale.

L'avocat soutient que les définitions d'annuaires sont suffisamment étendues pour couvrir les marchandises en litige dans ce cas.

L'avocat de l'appelante déclare qu'il accepte les définitions de dictionnaires du terme «industrie» qui sont énoncées dans le mémoire de l'intimé, onglet 2, afin de soutenir que le terme s'appliquait à l'institution financière où se trouvent, en grande partie, les clients des livres en question.

Le mémoire de l'intimé contient les définitions du mot «industry» (industrie) tirées de quatre dictionnaires anglais. On peut lire les définitions suivantes : «1. The commercial production and sale of goods and services [3] . 2. A specific branch of manufacture and trade... [4] ; «3. Any branch of trade, production or manufacture, or all of theses collectively [5] ; 5. A particular branch of productive labour; a trade or manufacture [6] ».

L'avocat note aussi que les membres des institutions financières visées par les marchandises en question réfèrent collectivement aux institutions comme une industrie. Finalement, dans ce contexte, il se reporte à une décision prise par le ministre du Revenu national, le 27 octobre 1983, code no 5725/12. La décision portait sur un répertoire contenant une liste alphabétique de certains biens et services, ainsi que les noms et adresses des sociétés au Canada qui fournissaient ces marchandises ou qui offraient ces services. En décidant si le répertoire était exempté de la taxe de vente parce qu'il était visé par l'expression «annuaires nationaux, industriels ou commerciaux», le Ministre a déclaré que l'inclusion des services se rapportant à l'industrie dans un annuaire n'empêchait pas le répertoire de bénéficier de l'exemption de la taxe de vente. L'avocat de l'appelante s'est alors reporté à la cause Nowegijick c. La Reine [7] à la page 37 alors que Dickson J. (comme il était connu à l'époque) a déclaré qu'en cas de doute sur le sens des mots tirés d'une loi, il est possible d'examiner les interprétations dans les décisions administratives. D'après cette cause, l'avocat soutient que le Tribunal pouvait consulter la décision susmentionnée pour décider si les marchandises en question était en fait un annuaire industriel. Il a terminé en indiquant que les marchandises en question sont exemptées de la taxe de vente parce qu'il s'agit d'annuaires nationaux industriels au sens de l'alinéa 3(1)a), Partie III, Annexe III de la Loi.

L'avocat de l'intimé a convenu que les marchandises en question étaient des annuaires et qu'ils étaient d'envergure nationale. Elle ajoute que si le mot «industriel» englobait non seulement la production de marchandises, mais encore la prestation de services, alors les marchandises en question pourraient bénéficier d'une exemption de la taxe de vente. Elle affirme toutefois qu'il ne s'agit pas d'annuaires commerciaux, étant donné que le terme «commerce» avait une définition semblable à artisanat ou profession, ni de «livres imprimés ne contenant aucune annonce et servant exclusivement à des fins éducatives, techniques, culturelles ou littéraires». L'avocat de l'appelante n'a pas contesté cette affirmation et admet qu'il pourrait être difficile d'insister que les marchandises en question sont visées par cette dernière citation.

DÉCISION

Après examen des éléments de preuve, le Tribunal est convaincu que les marchandises en question sont des «annuaires nationaux» puisqu'ils indiquent des noms, des adresses et d'autres renseignements relatifs aux banques, aux caisses d'économie et aux compagnies fiduciaires partout au pays.

Le Tribunal accepte, en se fondant sur les éléments de preuve présentés, que les employés des banques, des compagnies fiduciaires, des caisses d'économie et des caisses populaires parlent souvent d'industrie pour décrire leurs propres activités. Le Tribunal était aussi convaincu que les observateurs, comme les membres du gouvernement et la communauté juridique, considèrent le secteur des services financiers comme une industrie. Le Tribunal note que la plupart, mais non la totalité, des définitions de dictionnaires incluent les services tels les activités bancaires. Une des définitions d'«industry» citées est la suivante : «The commercial production and sale of goods and services.» Finalement, le Random House Dictionary [8] définit «industrial» (industriel), l'adjectif qui nous concerne en ce moment, comme suit :

Industrial: 1. of, pertaining to, of the nature of, or resulting from industry:...

Aucune justification valable nous permet d'interpréter le mot «industriel» de façon si étroite qu'il faudrait exclure les services. En se fondant sur le langage courant utilisé par les personnes travaillant dans le secteur bancaire ou non, le Tribunal accepte les éléments de preuve de l'appelante selon lesquels les institutions financières visées par le Répertoire de l'Association canadienne des paiements font effectivement partie de l'industrie des services financiers et il conclut que le répertoire est exempté de la taxe de vente parce qu'il s'agit d'un annuaire national industriel au sens de l'alinéa 3(1)a), Partie III, Annexe III de la Loi.

En raison de cette décision, le Tribunal ne considère pas qu'il faut décider si les marchandises en question sont également exemptées en tant que «livres imprimés ne contenant aucune annonce et servant exclusivement à des fins éducatives, techniques, culturelles ou littéraires» ou en tant qu'«annuaires nationaux, commerciaux».

L'appel est admis.


[ Table des matières]

1. S.R.C. 1970, ch. E-13; maintenant L.R.C. 1985, ch. E-15.

2. L.C. 1988, ch. 56.

3. The Houghton Mifflin Canadian Dictionary of the English Language.

4. Ibid.

5. Webster's New World Dictionary.

6. The Shorter Oxford English Dictionary (3e éd. rev.).

7. [1983] 1 RCS 29.

8. (2e éd.) page 975.


Publication initiale : le 8 août 1997