ALUMINART PRODUCTS LIMITED


ALUMINART PRODUCTS LIMITED
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2011-027

Décision et motifs rendus
le jeudi 19 avril 2012


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 2 février 2012, en vertu du paragraphe 61(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, L.R.C. 1985, c. S-15;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 14 juin 2011, concernant des demandes de révision aux termes de l’article 59 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation.

ENTRE

ALUMINART PRODUCTS LIMITED Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Diane Vincent
Diane Vincent
Membre présidant

Serge Fréchette
Serge Fréchette
Membre

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre

Dominique Laporte
Dominique Laporte
Secrétaire

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Date de l’audience : Le 2 février 2012

Membres du Tribunal : Diane Vincent, membre présidant
Serge Fréchette, membre
Jason W. Downey, membre

Conseiller juridique pour le Tribunal : Nick Covelli

Gestionnaire, Programmes et services du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Julie Lescom

Agent de soutien du greffe : Haley Raynor

PARTICIPANTS :

Appelante Conseillers/représentants
Aluminart Products Limited Vincent M. Routhier
Gordon LaFortune
Intimé Conseiller/représentant
Président de l’Agence des services frontaliers du Canada Alexander Kaufman

TÉMOINS :

Anubhav Agarwal
Vice-président, Finances
Aluminart Products Ltd.

Bob Peacock
Président
Almag Aluminum Inc.

Robert Wright
Agent principal de programme
Agence des services frontaliers du Canada

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par Aluminart Products Ltd. (Aluminart) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 61(1) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation1 à l’égard de décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes de l’article 59 de la LMSI.

2. L’appel est appuyé partiellement par une partie intervenante, Universal Consumer Products Inc. (Universal)2.

3. Le Tribunal a entendu l’appel le 2 février 2012.

4. Trois témoins ont comparu à l’audience. M. Anubhav Agarwal, vice-président des Finances chez Aluminart, a témoigné au nom de celle-ci. M. Bob Peacock, président d’Almag Aluminum Inc., et M. Robert Wright, agent principal de programme à l’ASFC, ont témoigné au nom de l’ASFC.

5. Le présent appel porte sur deux questions :

celle de savoir si certaines pièces et certains produits en aluminium, importés de la République populaire de Chine par Aluminart et sur lesquels des droits antidumping ont été imposés (les marchandises en cause), sont de même description que les marchandises auxquelles s’appliquent les conclusions du Tribunal dans l’enquête no NQ-2008-0033 (les Conclusions);

celle de savoir si l’ASFC a incorrectement utilisé la méthode de la « réduction à zéro » pour fixer le montant des droits antidumping.

ANALYSE

Les marchandises en cause sont-elles comprises dans les Conclusions?

Marchandises en cause

6. Les marchandises en cause sont des pièces et produits en aluminium — de façon générale, des traverses qui sont transformées en cadres de porte — ayant des accessoires (c.-à-d. coupe-bise, bandes en mousse, bandes en vinyle, moustiquaire) ainsi que des renforts de coin en aluminium qui servent à assembler les cadres de porte4. Ces marchandises ont été importées par Aluminart et utilisées dans la fabrication ou la vente de contre-portes5.

7. Dans son appel, Aluminart fait référence à des panneaux frontaux en aluminium vendus en trousses avec des pièces d’attache, mais les parties conviennent que les importations de ces marchandises ne sont pas visées par les décisions de l’ASFC6. Par conséquent, les panneaux frontaux et les trousses ne sont pas visés par le présent appel.

Conclusions du Tribunal

8. Les Conclusions prévoient ce qui suit :

[...] extrusions d’aluminium, produites par processus d’extrusion, en alliages comportant des éléments métalliques visés par les nuances d’alliage publiées par The Aluminum Association commençant par les chiffres 1, 2, 3, 5, 6 ou 7 (ou des équivalents exclusifs ou équivalents d’autres organismes de contrôle), dont le fini est extrudé (fini usine), mécanique, anodisé ou peint ou enduit d’une autre manière, ouvrées ou non, avec une épaisseur de paroi supérieure à 0,5 mm, un poids maximum par mètre de 22 kg et un profilé ou une coupe transversale qui entre dans un cercle de 254 mm de diamètre, originaires ou exportées de la République populaire de Chine [...].

[Nos italiques]

Cadre législatif

9. Les conclusions elles-mêmes sont le point de départ pour déterminer si les marchandises importées sont de même description que les marchandises qui y sont décrites. Le Tribunal interprète les conclusions de façon stricte, en fonction du sens courant des mots qui y sont utilisés; il ne regardera au-delà des conclusions, c.-à-d. l’exposé des motifs, que si celles-ci sont ambiguës7. Pour l’interprétation et l’application de la description des marchandises donnée dans des conclusions, le Tribunal n’a pas compétence pour modifier la portée des conclusions, que ce soit en la réduisant ou en l’élargissant8.

10. Pour déterminer si des marchandises importées sont de même description que les marchandises visées par des conclusions, le Tribunal a, par le passé, pris en considération divers facteurs, comme la description physique, les utilisations finales, l’interchangeabilité, la concurrence sur le marché, le prix et la commercialisation9.

11. La question de savoir si la branche de production canadienne peut produire les marchandises importées n’est pas pertinente en l’espèce10.

Position des parties

12. Aluminart soutient que les traverses de cadres de porte en aluminium avec accessoires ne sont pas visées par les Conclusions étant donné qu’elles ne sont pas « produites par processus d’extrusion »; les accessoires (les coupe-bise et les bandes en mousse, par exemple) sont plutôt assemblés après que le processus d’extrusion est terminé11.

13. Selon Aluminart, ces accessoires sont assemblés de façon permanente en ce sens qu’au moment de l’importation, ils sont — dans le cas des coupe-bise, par exemple — sertis aux deux extrémités et ne peuvent bouger12.

14. Aluminart allègue que l’expression « ouvré ou non » se limite au travail effectué sur l’extrusion elle-même, et non au travail entrepris en vue d’y fixer un élément13. À cet égard, Aluminart ne se fonde pas sur le sens courant du terme « ouvré », mais plutôt sur le libellé de l’exposé des motifs étant donné qu’elle est d’avis que le sens de ce terme, tel qu’utilisé dans les Conclusions, est ambigu14.

15. Dans l’exposé des motifs des Conclusions, le Tribunal a indiqué que la définition du produit comprenait les extrusions d’aluminium ayant subi une transformation ultérieure (p. ex. découpées avec précision, usinées, poinçonnées et percées), mais pas au point où « [...] elles ne possèdent plus la nature et les caractéristiques physiques d’une extrusion d’aluminium en soi mais sont devenues un produit différent »15. Aluminart est d’avis que la fixation permanente des accessoires aux traverses va au-delà de ce type de transformation ultérieure limitée; elle transforme les extrusions en produits différents de ceux qui sont décrits dans les Conclusions16. Aluminart remarque également que le Tribunal a indiqué, dans l’exposé des motifs des Conclusions, que la définition du produit « [...] ne [fait] pas référence à l’assemblage d’extrusions d’aluminium avec d’autres composantes [...] »17. À la lumière de ce qui précède, Aluminart affirme que ces marchandises ne doivent pas être visées par les Conclusions.

16. Aluminart soutient que les renforts de coin sont découpés en longueurs maximales de 2 pouces et que, par conséquent, ils sont trop courts pour partager la même nature et les mêmes caractéristiques physiques que les extrusions d’aluminium visées par les Conclusions18. Elle reconnaît que ces découpes sont effectuées avec précision, mais affirme que les longueurs spécifiques signifient que les renforts de coin sont trop petits pour être transformés de nouveau et constituent donc, du point de vue d’un utilisateur, des marchandises finies, plutôt que des extrusions d’aluminium en soi19.

17. L’ASFC convient avec Aluminart que le terme « ouvré » est ambigu et que, par conséquent, le Tribunal doit recourir à l’exposé des motifs pour déterminer son sens. Cependant, l’ASFC prétend à cet égard que la limite se situe là où les marchandises sont produites par un extrudeur d’aluminium (auquel cas le produit est visé par les Conclusions), plutôt qu’achetées auprès d’un extrudeur, puis transformées en un produit en aval20.

18. Selon l’ASFC, les produits finis dont le Tribunal a tenu compte dans l’exposé des motifs ne sont pas les marchandises en cause, sont vendus par les utilisateurs ou les acheteurs d’extrusions, répondent à des besoins différents des clients et ne ressemblent pas étroitement aux marchandises en cause sur le plan des caractéristiques physiques et de marché21.

19. L’ASFC soutient qu’Aluminart, en tant que transformatrice de métaux ou de fabricante de contre-portes, effectue une transformation ultérieure (c.-à-d. coupe) des marchandises avant qu’elles ne deviennent des produits finis (c.-à-d. des contre-portes) et que, par conséquent, elles ne possèdent pas les qualités de produits finis au moment de l’importation22.

20. L’ASFC ajoute que « [...] le simple ajout de coupe-bise, de bandes en mousse ou de moustiquaires »23 [traduction] ne modifie pas la nature ou les caractéristiques physiques des traverses, qui demeurent donc dans le domaine des extrusions d’aluminium visées par les Conclusions24.

21. L’ASFC soutient que les renforts de coin possèdent la même nature et les mêmes caractéristiques physiques que les marchandises visées par les Conclusions.

Décision à l’égard des traverses en aluminium avec accessoires

22. Il est évident que les traverses, sans les bandes qui y sont fixées, sont produites par processus d’extrusion25. Il ressort également que les bandes elles-mêmes ne sont pas faites d’aluminium ni produites par processus d’extrusion26. La question consiste simplement à savoir si le fait de fixer une bande très mince non en aluminium à une extrusion d’aluminium transforme cette dernière en un produit différent.

23. L’allégation d’Aluminart selon laquelle les bandes sont fixées de façon permanente n’est pas entièrement appuyée par les éléments de preuve. M. Agarwal a déclaré au départ que les bandes sont fixées de façon permanente et ne sont jamais enlevées compte tenu qu’elles ont pour but d’isoler les contre-portes27. Toutefois, comme le montre la pièce28, il a par la suite reconnu que les bandes ne sont pas collées aux traverses et que, si les extrémités sont coupées, les bandes peuvent être retirées ou glissées à l’intérieur29.

24. En ce qui concerne les prix, M. Agarwal a déclaré que le prix des bandes est « [...] probablement négligeable [...] »30 [traduction]. Par conséquent, l’ajout des bandes n’augmente que très peu la valeur des traverses en aluminium.

25. M. Agarwal a également reconnu que les traverses peuvent être utilisées pour produire des cadres de porte, avec ou sans bandes, en suivant le même procédé de fabrication, bien qu’il soit aussi d’avis que les bandes font partie intégrante des contre-portes31.

26. Aluminart a établi que l’ajout de bandes fait en sorte que les traverses sont adaptées pour être utilisées avec un type de portes particulier (c.-à-d. les contre-portes), plutôt que dans d’autres types de cadres de porte (comme les portes d’intérieur) et que, par conséquent, les traverses de cadres de porte en aluminium munies de bandes sont plus polyvalentes que celles qui en sont dépourvues.

27. Cependant, la polyvalence accrue ne suffit pas en soi à distinguer un type de produits d’un autre. En l’espèce, le seul fait d’ajouter des bandes ne suffit pas à transformer les extrusions d’aluminium visées par les Conclusions en une catégorie entièrement différente de produits en aval.

28. Compte tenu qu’il n’y aurait pas de litige si les traverses n’avaient pas de bandes, le Tribunal a comparé, à titre d’outil d’analyse, « la nature et les caractéristiques physiques » des traverses fabriquées par Aluminart avec celles de traverses hypothétiques en aluminium sans bandes.

29. En ce qui concerne leurs caractéristiques physiques, les deux produits auraient la forme de traverses et chacun d’entre eux, sans tenir compte des bandes, serait constitué d’aluminium produit par processus d’extrusion. Pour ce qui est de leur nature ou de leurs caractéristiques de marché, les deux produits serviraient à fabriquer des cadres de porte et, compte tenu que le prix des bandes n’est pas considérable par rapport au prix global des traverses avec bandes, leur prix serait quasi identique. Les marchandises seraient vraisemblablement distribuées et vendues par l’entremise de circuits de distribution communs ou semblables, c.-à-d. par les fabricants de portes ou par les fournisseurs de cadres de porte. Par conséquent, leur nature et leurs caractéristiques physiques seraient essentiellement les mêmes.

30. Cette conclusion n’est pas contredite par le peu d’éléments de preuve fournis par Aluminart relativement à la nature et aux caractéristiques physiques des traverses en particulier et des marchandises décrites dans les Conclusions en général.

31. Par conséquent, le Tribunal conclut que les traverses en aluminium sont visées par les Conclusions.

Décision à l’égard des renforts de coin

32. Il ne semble pas être contesté que les renforts de coin soient produits par processus d’extrusion. Le litige portant sur ces produits semble plutôt découler du fait qu’une fois extrudés, ils sont coupés avec précision en longueurs très courtes32. Cette transformation ultérieure constitue-t-elle un « ouvrage » au sens de ce terme, tel qu’utilisé dans les Conclusions, ou va-t-elle jusqu’au point de transformer les extrusions d’aluminium en des produits différents qui ne sont pas visés par les Conclusions?

33. Dans sa réponse à cette question, Aluminart se fonde essentiellement sur l’exposé des motifs, dans lequel le Tribunal a précisé que la définition des produits comprenait les extrusions d’aluminium ayant subi une transformation ultérieure, mais pas au point où « [...] elles ne possèdent plus la nature et les caractéristiques physiques d’une extrusion d’aluminium en soi mais sont devenues un produit différent »33. Dans l’exposé des motifs, le Tribunal a expressément nommé le « découpage de précision » à titre d’exemple d’une telle transformation ultérieure. En outre, le Tribunal a indiqué que « [l]e façonnage [...] [peut] comprendre le découpage de précision [...] »34.

34. Rien dans les conclusions n’appuie, de manière expresse ou tacite, la position d’Aluminart selon laquelle les extrusions découpées avec précision sont néanmoins exclues si leur longueur subséquente est très courte. Au contraire, les conclusions font expressément mention de l’épaisseur de paroi, du poids maximum et du diamètre, mais non de la longueur. Par conséquent, à la lumière des Conclusions, la longueur courte ne constitue pas une caractéristique physique restrictive. Les Conclusions visent donc les extrusions d’aluminium de toutes longueurs, y compris celles très courtes.

35. Par conséquent, le Tribunal conclut que les renforts de coin sont visés par les Conclusions.

L’ASFC a-t-elle incorrectement utilisé la méthode de la « réduction à zéro »?

Cadre législatif

36. Dans le contexte de l’établissement du montant des droits, l’article 3 de la LMSI exige que le montant des droits anti-dumping soit égal à la marge de dumping et, à son tour, le paragraphe 2(1) définit la « marge de dumping » comme « [...] l’excédent de la valeur normale de marchandises sur leur prix à l’exportation ». À titre de comparaison, dans le contexte d’une enquête de dumping, le paragraphe 30.2(1) prévoit que « [...] la marge de dumping relative à des marchandises d’un exportateur donné est égale à zéro ou, s’il est positif, au résultat obtenu en retranchant la moyenne pondérée du prix à l’exportation des marchandises de la moyenne pondérée de la valeur normale des marchandises ».

Position des parties

37. Aluminart soutient que l’ASFC a incorrectement utilisé la « réduction à zéro » pour calculer les marges de dumping, ce qui a donné lieu à des droits anti-dumping excessifs35. Plus particulièrement, l’ASFC s’est fondée sur les transactions indiquées dans les relevés détaillés de rajustement, a considéré les produits ne faisant pas l’objet de dumping comme ayant une marge de dumping de zéro, puis n’a établi le montant des droits à payer qu’en fonction des produits sous-évalués36. Aluminart allègue que l’ASFC aurait dû contrebalancer les importations sous-évaluées dans la même mesure que les autres importations qui n’étaient pas sous-évaluées.

38. Aluminart prétend que l’ASFC n’aurait pas dû utiliser la « réduction à zéro » étant donné qu’elle a affirmé avoir mis fin à cette pratique, que cette dernière a été condamnée par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et que les extrudeurs nationaux d’aluminium n’ont pas le droit d’être protégés au-delà de ce qui est nécessaire pour contrebalancer le dumping dommageable37.

39. En réponse, l’ASFC affirme avoir mis fin à la pratique de la « réduction à zéro » lorsqu’elle détermine les marges de dumping dans les enquêtes de dumping, mais non lorsqu’elle établit le montant des droits antidumping38. Elle explique avoir cessé cette pratique dans les enquêtes compte tenu que le paragraphe 30.2(1) de la LMSI précise que la marge de dumping dans une enquête est établie en retranchant la moyenne pondérée du prix à l’exportation de la moyenne pondérée de la valeur normale. En revanche, aux fins de l’établissement du montant des droits, le paragraphe 2(1) et l’article 3 exigent simplement que la marge de dumping soit déterminée en retranchant le prix à l’exportation de la valeur normale. L’ASFC indique que cette différence dans le libellé signifie qu’elle n’a pas à contrebalancer les transactions d’importation lorsqu’elle établit le montant des droits antidumping39.

40. En outre, l’ASFC prétend qu’il serait impossible de contrebalancer les transactions aux fins de l’établissement du montant des droits étant donné qu’aucune disposition législative n’indique si l’ASFC doit tenir compte de chaque facture ou d’une période particulière40.

41. L’ASFC prétend également que l’élimination de la « réduction à zéro » nuirait à l’objet premier de la LMSI qui, selon elle, est de protéger les producteurs canadiens. Les importateurs pourraient importer des marchandises sous-évaluées qui causeraient un dommage aux producteurs nationaux sans se voir imposer de droits antidumping s’ils importaient aussi les mêmes marchandises à des prix qui ne sont pas sous-évalués41.

Décision

42. Il ressort que la position d’Aluminart à l’égard de la « réduction à zéro » est essentiellement fondée sur un malentendu, compte tenu que même si l’ASFC n’applique plus cette méthode au cours des enquêtes de dumping, elle n’a pas affirmé avoir complètement renoncé à cette pratique.

43. Même si le libellé du paragraphe 30.2(1) de la LMSI, dans la mesure où il renvoie aux moyennes pondérées, se prête, de façon raisonnable, à une interprétation conforme aux obligations internationales du Canada, comme l’expriment les décisions relatives à la « réduction à zéro » rendues par l’Organe d’appel de l’OMC42, ce n’est pas le cas du libellé des dispositions de la LMSI qui s’appliquent pendant une période où des conclusions de dommage subséquent sont en vigueur43. Plus particulièrement, ces dispositions ne renvoient pas aux moyennes pondérées.

44. Selon le sens courant des termes, le paragraphe 2(1) et l’article 3 de la LMSI ont pour effet que l’ASFC doit imposer, avant le dédouanement d’une expédition de marchandises importées de même description que les marchandises à l’égard desquelles le Tribunal a rendu une ordonnance ou des conclusions, des droits antidumping d’un montant égal à l’excédent de la valeur normale de ces marchandises sur leur prix à l’exportation. Par conséquent, lorsqu’il établit le montant des droits, l’agent des douanes est tenu, aux termes de la loi, de prendre en considération le prix à l’exportation des marchandises dont il est saisi, et non les prix de ces marchandises ou ceux des expéditions antérieures ou ultérieures de telles marchandises.

45. Au Canada, il n’y a pas de fondement législatif qui prévoit que des transactions d’importation particulières de marchandises visées par une ordonnance ou des conclusions rendues par le Tribunal et dont la valeur est établie à des prix sous-évaluées soient soustraites à l’imposition de droits antidumping.

DÉCISION

46. L’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985, c. S-15 [LMSI].

2 . Voir l’ordonnance dans Aluminart Products Limited c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (24 janvier 2012), AP-2011-027 (TCCE). Le Tribunal a accordé cette autorisation à intervenir sous forme de mémoire écrit avant l’audience, compte tenu qu’Universal importe des trousses et que ces dernières sont visées par l’appel. Cependant, les parties ont précisé lors de l’audience que les trousses ne sont pas visées par les décisions de l’ASFC; l’argument avancé par Universal est donc essentiellement sans objet.

3 . Extrusions d’aluminium (17 mars 2009) (TCCE) [Extrusions d’aluminium].

4 . Pièce du Tribunal Ehibit AP-2011-027-03A aux para. 45-47, 58-59, 66-67; pièce du Tribunal AP-2011-027-05A au para. 12; Transcription de l’audience publique, 2 février 2012, aux pp. 16-18.

5 . Transcription de l’audience publique, 2 février 2012, à la p. 15.

6 . Les deux parties ont convenu, au début de l’audience, que les panneaux frontaux ne sont pas visés par l’appel et que le Tribunal n’a pas compétence pour rendre une décision à l’égard de ceux-ci. Transcription de l’audience publique, 2 février 2012, aux pp. 4-5, 7. Par conséquent, le Tribunal n’admet aucun argument ni élément de preuve à l’égard des panneaux frontaux en particulier ou des trousses en général. Voir l’ordonnance dans Aluminart Products Limited c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (24 janvier 2012), AP-2011-027 (TCCE). Le Tribunal a accordé cette autorisation à intervenir sous forme de mémoire écrit avant l’audience, compte tenu que Universal importe des trousses et que ces dernières sont visées par l’appel. Cependant, les parties ont précisé lors de l’audience que les trousses ne sont pas visées par les décisions de l’ASFC; l’argument avancé par Universal est donc essentiellement sans objet.

7 . Zellers Inc. c. Sous-M.R.N. (25 janvier 1996), AP-94-351 (TCCE) [Zellers] à la p. 9; BMI Canada Inc. et BMI West Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (2 août 2011), AP-2010-039 (TCCE) au para. 105; Maax Bath inc. c. Almag Aluminum inc., 2010 CAF 62 (CanLII) [Maax Bath] aux para. 36-37.

8 . Zellers aux pp. 8-9; Bicyclettes et cadres de bicyclettes (10 décembre 1997), RR-97-003 (TCCE) à la p. 5; DeVilbiss (Canada) Limited c. Tribunal antidumping, (1982) 44 N.R. 416 aux para. 8, 14; Maax Bath au para. 35.

9 . Voir par exemple Nikka Industries Ltd. c. Sous-M.R.N.D.A. (20 août 1991), AP-90-018 (TCCE); Macsteel International (Canada) Limited c. Commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (16 janvier 2003), AP-2001-012 (TCCE); Zellers; Cobra Anchors Co. Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada (8 mai 2009), AP-2008-006 (TCCE).

10 . Il s’agit d’un facteur pris en compte dans une enquête de dommage lorsque le Tribunal doit déterminer si un produit particulier doit être exclu de ses conclusions. Le Tribunal tend à rejeter une demande d’exclusion de produits lorsque les éléments de preuve indiquent que la branche de production nationale fabrique le même produit ou un produit substituable, ou est en mesure de le faire. Voir par exemple Opacifiants iodés (1er mai 2000), NQ-99-003 (TCCE) à la p. 22; Pièces d’attache (26 septembre 2006), NQ-2004-005R (TCCE) aux pp. 4-5; Tubes soudés en acier au carbone (20 août 20008) NQ-2008-001 (TCCE) à la p. 21. Cependant, en l’espèce, la question n’est pas celle de savoir si le Tribunal doit exclure les marchandises en cause des Conclusions, mais plutôt celle de savoir si les marchandises en cause sont déjà visées par les Conclusions.

11 . Pièce du Tribunal AP-2011-027-03A aux para. 49-52.

12 . Transcription de l’audience publique, 2 février 2012, à la p. 80.

13 . Pièce du Tribunal AP-2011-027-03A aux para. 55-56.

14 . Ibid. aux para. 52-56; Transcription de l’audience publique, 2 février 2012, aux pp. 90, 144.

15 . Extrusions d’aluminium au para. 96.

16 . Pièce du Tribunal AP-2011-027-03A au para. 57; Transcription de l’audience publique, 2 février 2012, à la p. 81.

17 . Extrusions d’aluminium au para. 96.

18 . Pièce du Tribunal AP-2011-027-03A aux para. 64-70.

19 . Transcription de l’audience publique, 2 février 2012, aux pp. 84-85.

20 . Ibid. à la p. 102.

21 . Pièce du Tribunal AP-2011-027-05A au para. 16.

22 . Ibid. aux para. 19-20.

23 . Ibid. au para. 15

24 . Ibid. aux para. 15, 19, 21.

25 . Transcription de l’audience publique, 2 février 2012, à la p. 47.

26 . Ibid. aux pp. 27, 33-34.

27 . Ibid. aux pp. 14, 16.

28 . Pièce A3.

29 . Transcription de l’audience publique, 2 février 2012, à la p. 28.

30 . Ibid. à la p. 31.

31 . Ibid. aux pp. 30-31.

32 . M. Agarwal a déclaré à au moins deux reprises que la découpe doit être « précise » [traduction]. Transcription de l’audience publique, 2 février 2012, aux pp. 18, 35.

33 . Extrusions d’aluminium au para. 96.

34 . Ibid. au para. 23.

35 . Pièce du Tribunal AP-2011-027-03A aux para. 72-74, 77.

36 . Transcription de l’audience publique, 2 février 2012, à la p. 86.

37 . Pièce du Tribunal AP-2011-027-03A aux para. 75-76, 78; Transcription de l’audience publique, 2 février 2012, aux pp. 86-87.

38 . Pièce du Tribunal AP-2011-027-05A au para. 30.

39 . Ibid. aux para. 30-33.

40 . Ibid. au para. 34.

41 . Ibid. au para. 35.

42 . En ce qui concerne notamment le libellé du paragraphe 30.2(1) de la LMSI et la jurisprudence de l’OMC, la Cour d’appel fédérale a jugé raisonnable le fait que l’ASFC renonce à la « réduction à zéro » dans les enquêtes de dommage. Uniboard Surfaces Inc. c. Kronotex Fussboden GmbH et Co. KG, 2006 CAF 398, [2007] 4 RCF 101.

43 . Article 3 de la LMSI ainsi que la définition de « marge de dumping » au paragraphe 2(1).