VERSALAB INC.

Décisions


VERSALAB INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel n° 3006

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 3 juin 1991

Appel n° 3006

EU ÉGARD à un appel entendu le 19 février 1991 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), chap. E-15;

ET EU ÉGARD à une décision prise par le ministre du Revenu national le 4 février 1988 et qui a fait l'objet d'un avis d'opposition en vertu de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

VERSALAB INC.Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONALIntimé

L'appel est rejeté. L'appelante n'a pas convaincu le Tribunal que les opérations en cause rencontrent les exigences fondamentales du Mémorandum de l'Accise ET 307, ce qui l'aurait autorisée à vendre à Total Lab des produits admissibles en franchise de taxe.


Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Le présent appel, interjeté par VersalabInc. en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, est dirigé à l'encontre d'une décision du ministre du Revenu national rejetant une opposition et confirmant une cotisation. Aux termes d'un avis de cotisation daté du 12novembre 1986, une cotisation a été établie à l'égard de l'appelante pour la période commençant le 1erjanvier1983 et finissant le 31juillet1986, relativement à certaines transactions. L'appelante s'est opposée à la cotisation établie en soutenant qu'elle était exemptée d'obligation fiscale aux termes du Mémorandum de l'Accise ET 307. Dans un avis de décision du 4février1988, le ministre du Revenu national a rejeté cette opposition pour la raison que l'appelante n'a pas satisfait aux exigences fondamentales du Mémorandum de l'Accise ET 307 et, par conséquent, ne pouvait invoquer celui-ci pour justifier une exonération fiscale.

DÉCISION : L'appel est rejeté.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 19 février 1991 Date de la décision : Le 3 juin 1991
Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre Sidney A. Fraleigh, membre
Avocat du Tribunal : David M. Attwater
Greffière du Tribunal : Nicole Pelletier
Ont comparu : Mitchell M. Richler, pour l'appelante Geoffrey S. Lester, pour l'intimé





LES QUESTIONS EN LITIGE ET LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Le présent appel, interjeté par Versalab Inc. (Versalab) en vertu de l'article 51.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi), est dirigé à l'encontre d'une décision du ministre du Revenu national datée du 4 février 1988. L'intimé, ayant déterminé que l'appelante n'avait pas satisfait aux exigences fondamentales du Mémorandum de l'Accise ET 307 (le mémorandum), a conséquemment rejeté l'opposition qu'elle présentait à l'égard de l'avis de cotisation.

Les questions en litige consistent à déterminer si l'appelante a satisfait aux conditions posées par le mémorandum et quant aux transactions en cause et si elle a droit aux concessions administratives prévues par celui-ci, ce qui l'exempterait de la cotisation de la taxe de vente.

Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

27.(1) [2] Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le prix de vente de toutes marchandises :

a) produites ou fabriquées au Canada :

(i) payable,... par le producteur ou fabricant au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre,

...

29.(1) [3] La taxe imposée par l'article27 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des marchandises mentionnées à l'annexeIII [4] ...

44.2 [5] Lorsque la taxe a été payée en vertu de la Partie III ou V à l'égard de marchandises et que subséquemment les marchandises sont vendues à un acheteur en des circonstances qui, à cause de la nature de cet acheteur ou de l'utilisation qui sera faite de ces marchandises ou de ces deux éléments, auraient rendu la vente à cet acheteur exempte ou exonérée de cette taxe aux termes du paragraphe... 29(1),... une somme égale au montant de cette taxe doit, sous réserve de la présente Partie, être versée à la personne qui a vendu les marchandises à cet acheteur, si la personne qui a vendu les marchandises en fait la demande dans les deux ans qui suivent la vente.

En décembre 1975, le ministère du Revenu national, Douanes et Accise (le Ministère) a publié le mémorandum intitulé Exemption relative aux expéditions directes, qui constituait une solution de rechange au paragraphe 44.2 ci-dessus.

Le préambule du mémorandum se lit comme suit :

Si vous êtes titulaire d'une licence de fabricant ou de grossiste aux fins de la Loi sur la taxe d'accise et que vous vendez, à une personne n'ayant pas droit à une exemption des marchandises taxables que vous expédiez ou livrez directement à un tiers qui a droit à une telle exemption, vous pouvez vendre les marchandises en franchise de la taxe de vente et (ou) de la taxe d'accise pourvu que vous vous conformiez aux conditions du présent Mémorandum. Ainsi, votre client n'aura pas à présenter une demande de remboursement pour recouvrer la taxe autrement exigible.

Les dispositions pertinentes sont les suivantes :

1.La taxe ne s'applique pas aux marchandises taxables qu'un fabricant ou grossiste titulaire de licence vend à une personne qui n'a pas droit à une exemption de la taxe et que cette dernière revend à un tiers dans des conditions les exemptant de la taxe, pourvu que les exigences ci-dessous soient respectées:

a) Le premier titulaire de licence doit expédier ou livrer les marchandises directement au tiers ayant droit à une exemption de la taxe.

b) Le premier titulaire de licence doit conserver dans ses dossiers

(1) une copie attestée du bulletin d'achat du tiers (ou le bulletin d'achat original) où figurent le ou les certificats d'exemption appropriés, le ou les numéros de licence requis et les quantités et la désignation des marchandises.

(2) une preuve de l'expédition ou de la livraison directe, tel que le connaissement d'un transporteur public ou un reçu de livraison, et

...

c) La facture de vente provenant du premier titulaire de licence doit indiquer qu'une exemption de la taxe a été accordée et que les marchandises ont été expédiées ou livrées directement au tiers ayant droit à l'exemption.

2.Les renseignements sur les prix peuvent être retranchés de la copie attestée du bulletin d'achat envoyée au fabricant ou au grossiste titulaire de licence.

...

4.Les alinéas 1 et 2 du présent Mémorandum s'appliqueront aux marchandises taxables qui sont vendues à des entrepreneurs ou à d'autres personnes qui les revendent à un prix comprenant la fourniture et l'installation ou le montage des marchandises, si les marchandises sont livrées directement au tiers ayant droit à une exemption de la taxe et qu'un agent responsable de celui-ci atteste, par sa signature, la réception et l'acceptation des marchandises en vertu d'un contrat.

LES FAITS ET LES ÉLÉMENTS DE PREUVE

L'appelante est un fabricant titulaire de licence d'équipements et d'articles de mobilier de laboratoire en acier inoxydable, parmi lesquels des hottes, des éviers, des enceintes, etc. Pendant la période de cotisation commençant le 1er janvier 1983 et finissant le 31 juillet 1986, l'appelante a vendu certaines marchandises à la société Total Lab Furniture Ltd. (Total Lab) qui les avait commandées dans l'intention de les revendre à des tiers ou à des utilisateurs finals dans le cadre de contrats de fourniture et d'installation.

Aux termes d'un avis de cotisation daté du 12 novembre 1986, la cotisation suivante a été établie à l'égard de l'appelante relativement aux opérations pertinentes de celle-ci : taxes non payées, 60 006,27 $; intérêt, 10 777,12 $; et amende, 13 906,54 $, pour un montant total exigible de 84 689,93 $. Le 10 février 1987, l'appelante a déposé un avis d'opposition à la cotisation en alléguant qu'elle avait satisfait aux exigences du mémorandum. Dans un avis de décision daté du 4 février 1988, l'intimé a rejeté l'opposition et a refusé d'annuler la cotisation pour la raison que l'appelante n'avait pas fait la preuve de son droit à se prévaloir des dispositions du mémorandum.

Aux termes de la Loi, les ventes de l'appelante à Total Lab et aux autres installateurs auraient dû être taxées puisque les installateurs n'avaient pas droit à une exemption de taxe. Cependant, les produits fabriqués par l'appelante pour le compte de Total Lab étaient acheminées ultimement à des tiers généralement exemptés de l'obligation de payer la taxe de vente fédérale. Dans certains cas précis prévus par le mémorandum, le Ministère permet à un fabricant titulaire de licence de vendre des marchandises à une seconde partie sans lui faire payer la taxe de vente à condition que les marchandises soient acheminées immédiatement vers un tiers ayant droit à l'exemption. En se fondant sur cette disposition, l'appelante a vendu les marchandises en cause à Total Lab sans lui faire payer de taxe de vente.

Lors de l'audience, l'avocat de l'intimé a avisé le Tribunal et l'appelante du fait que, depuis que la cotisation de cette dernière a été établie, certains paiements ont été effectués par l'un des clients de Versalab, une société du nom de Mobec, ce qui a réduit l'obligation fiscale de l'appelante à 36 739,93 $, plus l'intérêt et l'amende.

L'appelante a joint à son mémoire des copies des factures adressées à Total Lab relativement aux transactions effectuées de 1983 à 1986, transactions dont l'exemption fiscale a été rejetée et relativement auxquelles une cotisation fiscale a été établie. En outre, l'appelante a présenté des copies de bulletins d'achat adressés à Total Lab par des tiers ayant droit à l'exemption en vue de l'installation des marchandises en cause pendant la période allant de 1983 à 1986, ainsi que d'autres documents attestant que les utilisateurs finals étaient titulaires de licence ou avaient droit à l'exemption de taxe. Seules les ventes à Total Lab sont en cause dans le présent appel.

M. C. Gonthier, président de Versalab, et M. M. Koshelowsky, président de Total Lab, ont témoigné pour l'appelante lors de l'audience. M. Richler, qui représentait l'appelante, représentait surtout Total Lab, puisque Total Lab devait être indirectement redevable des taxes que l'appelante aurait éventuellement à payer.

Les commandes, la fabrication et la vente d'articles de laboratoire se font selon le schéma suivant. Total Lab présente à Versalab le plan d'un projet de laboratoire. Versalab examine le plan et fait une évaluation du coût de production pour déterminer le prix qu'il fera payer à Total Lab pour les marchandises commandées. Après avoir reçu la commande, Versalab fabrique les produits commandés conformément aux plans et aux critères définitifs arrêtés par Total Lab ou par l'architecte chargé du projet. L'identité de l'utilisateur ultime est connue de Versalab au moment où il travaille à la fabrication des produits.

Selon le témoignage présenté, un bordereau d'expédition a été préparé par Versalab et fourni au chauffeur du camion de livraison. Alors qu'avant 1980, Versalab livrait les marchandises sur les lieux des travaux dans son propre camion, pendant la période en cause, les produits ont été transportés soit par un transporteur commercial, soit dans le camion de Total Lab. Versalab a vendu les marchandises f. à b. à partir de son usine.

Les marchandises ont été livrées directement sur les lieux des travaux. M. Koshelowsky a témoigné que la preuve en était que Total Lab ne disposait pas d'une usine ni d'un entrepôt dans lequel il aurait pu les placer, puisque le centre de ses opérations se trouvait dans une maison privée. En outre, les marchandises ont été reçues sur les lieux des travaux par Total Lab, et non par l'acheteur ultime. Le témoin a ajouté qu'il aurait été impossible ou illogique de faire signer un reçu pour les marchandises par un agent de l'utilisateur final, comme le prévoyait littéralement le mémorandum.

Les documents fournis par l'appelante et examinés lors de l'audience consistaient en factures relatives à la vente des marchandises par Versalab à Total Lab. Sur ces factures, les instructions relatives à l'expédition ne porte que la mention «même» en français, ou «same» en anglais. Au cours d'un contre-interrogatoire, M. Gonthier a déclaré que «même» ne devait pas être compris comme signifiant que les marchandises devaient être livrées à l'adresse de facturation de Total Lab, mais plutôt qu'elles devaient être envoyées à l'adresse du projet, aux soins de Total Lab. De plus, le nom de l'utilisateur final et l'emplacement du laboratoire, qualifié de «projet», étaient indiqués sur le bordereau d'expédition accompagnant l'envoi.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Gonthier a aussi déclaré que Versalab se fondait dans une très grande mesure sur les instructions de Total Lab quant à la question de savoir si la taxe de vente fédérale devait être incluse ou non dans la facture. Il a ajouté qu'il savait généralement par expérience si le projet était exempté de taxe ou non. De plus, la facture indiquait si les marchandises étaient vendues aux termes du mémorandum (c'est-à-dire pour le compte d'un utilisateur ultime ayant droit à l'exemption de taxe). Lorsque l'utilisateur ultime n'avait pas droit à l'exemption, la taxe fédérale de vente était ajoutée sur la facture.

Pour ce qui est de l'absence des documents d'appui requis par le mémorandum, M. Koshelowsky a déclaré qu'il n'avait pu fournir la documentation lorsque Revenu Canada la lui avait demandée. Interrogé sur la raison de cette impossibilité, il a répondu qu'il lui aurait fallu, pour cela, faire des recherches et parler à un certain nombre de personnes, et qu'il était pressé par le temps. Il a également affirmé que certains documents n'avaient pas été requis par le vérificateur. Ces documents n'ont pas été présentés lors de l'audience. Cependant, M. Koshelowsky a ajouté que, si nécessaire, il pourrait embaucher un assistant à titre provisoire pour l'aider à réunir la documentation nécessaire.

L'intimé a cité un témoin à comparaître, M. Vita, le vérificateur de Revenu Canada qui a réalisé la vérification de 1986 à l'origine de la cotisation faisant l'objet de l'appel.

M. Vita a témoigné qu'une cotisation fiscale de quelque 60 000 $ a été établie à l'égard de Versalab relativement aux ventes que celles-ci avait faites à Total Lab et à d'autres installateurs non titulaires de licence, pour la raison que Versalab n'avait pu montrer, pendant la vérification, qu'elle disposait de la documentation satisfaisant à toutes les exigences du mémorandum.

Selon M. Vita, Versalab ne disposait que de très peu de connaissements de parties indépendantes. Dans les cas où Versalab était en mesure de produire un bulletin d'achat obtenu d'un tiers ayant droit à l'exemption, et dans ceux où l'expédition avait été faite par une autre partie que Total Lab, M. Vita avait accepté la demande d'exemption. M. Vita a également témoigné que Versalab n'avait pas été en mesure de lui fournir le moindre reçu de livraison d'un utilisateur final.

Le point fondamental soulevé par M. Vita était que Versalab n'avait pas répondu aux exigences du mémorandum relatives à l'expédition directe des marchandises. De l'avis de M. Vita, l'instruction, «Le premier titulaire de licence doit expédier ou livrer les marchandises directement au tiers ayant droit à une exemption de la taxe» (traduction), signifie que Versalab devait soit expédier ces marchandises directement au tiers ayant droit à l'exemption, soit les faire livrer directement par un transporteur commercial. Si les marchandises étaient réunies et expédiées dans le camion de Total Lab, cela ne constituait pas une expédition directe au sens du mémorandum, car Versalab aurait dû pour cela garder les marchandises en sa possession jusqu'à leur livraison au tiers.

De plus, M. Vita a témoigné que certaines transactions avaient fait intervenir quatre parties - par exemple lorsqu'un entrepreneur général a commandé des produits et services à des installateurs comme Total Lab afin de les revendre à un utilisateur final. Or, le mémorandum ne porte que sur les transactions relatives à un tiers. Qui plus est, le tiers (l'entrepreneur général) n'était pas, en l'occurrence, titulaire de licence, et n'avait pas droit à l'exemption. M. Vita a expliqué que lorsque quatre parties interviennent dans une transaction, les entrepreneurs généraux peuvent faire des demandes de remboursement de taxe même si aucune taxe n'a été payée. Par conséquent, les transactions liant quatre parties n'étaient pas admises aux termes du mémorandum.

Le témoin a en outre déclaré que le Ministère avait établi une cotisation à l'égard de Versalab dès novembre 1981, cotisation faisant intervenir le mémorandum et l'exigence relative à l'expédition directe. Il a signalé que le Ministère avait pour politique de fournir une copie du mémorandum à l'entité à l'égard de laquelle une cotisation est en cours d'établissement, et de lui expliquer la nature de la cotisation. Il a souligné également que des transactions effectuées par Total Lab étaient visées par la cotisation antérieure.

LES ARGUMENTS

L'appelante soutient que le mémorandum n'est qu'une politique administrative et non un texte de loi. Par conséquent, ses dispositions, notamment celles du paragraphe 4, doivent faire l'objet d'une interprétation d'ordre pratique.

Pour ce qui est de l'exigence selon laquelle les marchandises doivent être livrées directement au tiers ayant droit à l'exemption, l'appelante soutient que, dans la plupart des cas, elles ont été expédiées directement par un transporteur public, mais que parfois il était plus pratique d'utiliser le camion de Total Lab pour faire les livraisons : la chose s'est produite lorsque des gens attendaient sur les lieux des travaux l'arrivée des marchandises pour les installer et qu'un transporteur public ne pouvait faire la livraison à temps. En outre, dans le cas des marchés les plus importants, le camion de Total Lab était utilisé pour transporter les marchandises qui ne pouvaient entrer dans le camion d'un transporteur public. L'appelante a ajouté que le mémorandum ne stipule pas qu'il faut avoir recours aux services d'une compagnie de transport distincte, et qu'il ne précise pas non plus que la seconde partie à la transaction (Total Lab dans le cas qui nous occupe) ne peut faire la livraison.

Pour ce qui est de l'exigence selon laquelle un agent responsable du tiers doit attester par sa signature la réception et l'acceptation des marchandises visées par le marché, l'appelante déclare que l'entrepreneur de transports publics ou Total Lab lui ont fourni des récépissés de livraison au nom des tiers. L'appelante ajoute que ces récépissés ou reçus de livraison n'indiquent pas tout en détail, et que le tiers ne sait donc pas exactement quelles sont les marchandises pour lesquelles il signe le reçu. La meilleure preuve de l'acceptation des marchandises livrées aux termes du contrat est l'approbation du paiement du projet par l'architecte, et le paiement effectif et total par le tiers du prix convenu.

Quant aux transactions faisant intervenir quatre parties, l'appelante les a qualifiées de «faux-fuyants», et a prétendu qu'elles constituent une «dérobade» par laquelle le Ministère se donne une certaine marge de manoeuvre dans le règlement des demandes de remboursement des entrepreneurs généraux.

En résumé, l'appelante soutient avoir satisfait à toutes les conditions posées par le mémorandum et avoir droit à ce titre à l'exemption fiscale prévue par celui-ci.

L'intimé soutient pour sa part que l'appelante est légalement tenue de payer la taxe de vente fédérale, aux termes du paragraphe 50(1) [auparavant paragraphe 27(1)] de la Loi, sur les ventes faites à des parties qui ne peuvent produire de certificats d'exemption. L'appelante, cependant, a le droit de se fonder sur une politique ou une pratique ministérielle qui l'exempterait de cette obligation fiscale, telle que le mémorandum, mais à condition d'observer strictement par ailleurs toutes les exigences inhérentes à cette politique ou à cette pratique.

L'intimé soutient en outre que la question de savoir si l'appelante a respecté toutes les conditions posées par le mémorandum est une question de fait qui doit être examinée à la lumière de la preuve admissible. Or, c'est sur l'appelante que pèse le fardeau de prouver que la position du Ministère est erronée.

L'intimé conclut que l'appelante n'a fourni aucune preuve ou, subsidiairement, n'a fourni qu'une preuve insuffisante, pour s'acquitter du fardeau de la preuve.

LES MOTIFS

Ce qui est en cause dans cette affaire, c'est la question de savoir si l'appelante a satisfait aux exigences du mémorandum. Selon le Tribunal, il est évident que trois conditions fondamentales doivent être observées afin que le Ministère permette aux fabricants de vendre des produits en franchise de taxe. Premièrement, que la commande soit placée par un utilisateur final ayant droit à l'exemption de taxe. Deuxièmement, que les marchandises soient expédiées directement à l'utilisateur final admissible sans être entreposées en un point intermédiaire. Troisièmement, que les marchandises visées par les contrats de fournitures et d'installation soient acceptées par l'utilisateur ayant droit à l'exemption de taxe. En bref, les exigences fondamentales posées par le mémorandum comportent la création d'une piste de documentation depuis le fabricant jusqu'à l'utilisateur ayant droit à l'exemption. Ceci vise présumément à assurer que les marchandises vendues en franchise de taxe ne soient utilisées qu'à des fins compatibles avec l'exonération fiscale.

Lors de l'audience, l'appelante a produit plusieurs bulletins d'achat d'utilisateurs finals ayant droit à l'exemption, satisfaisant ainsi à la première des exigences fondamentales du mémorandum.

La raison principale pour laquelle certaines transactions n'ont pas été autorisées est que Total Lab a pris possession des marchandises dans les locaux de Versalab et, par conséquent, les transactions n'ont pas satisfait à l'exigence relative à l'expédition directe des marchandises. Lorsque les marchandises étaient transportées par un transporteur public, des connaissements apportaient une preuve documentaire de la livraison à l'utilisateur ayant droit à l'exemption. Il n'y avait pas de connaissements ni de reçus de livraison dans le cas des envois faits par TotalLab. Le Tribunal estime que le Ministère a avancé une interprétation indûment restrictive de l'exigence relative à l'expédition directe des marchandises en rejetant toutes les transactions dans le cadre desquelles Total Lab avait effectué la livraison, en dépit du fait qu'il existait un témoignage verbal selon lequel les marchandises avaient été expédiées directement aux locaux de l'utilisateur final ayant droit à l'exemption. Néanmoins, le Tribunal admet que le Ministère a le droit d'exiger une preuve de livraison directe sous forme de reçu de livraison pour que soient totalement respectées les exigences relatives à la piste de documentation posées par le mémorandum. Or, cette preuve documentaire n'a pas été fournie lors de l'audience.

Le mémorandum contient une troisième exigence fondamentale relative aux contrats de fourniture et d'installation : un agent responsable de l'utilisateur ayant droit à l'exemption doit accuser réception des marchandises. Le Tribunal accueille avec sympathie l'argument de l'appelante selon lequel cette exigence ne s'accorde pas vraiment avec les réalités commerciales, en particulier en ce qui concerne les grands chantiers de construction. Cependant, il n'est pas déraisonnable de demander et d'insister pour obtenir ce genre de preuve documentaire, surtout si l'on considère que c'est Total Lab qui effectuait la livraison directe.

Il ressort de l'examen des éléments de preuve et des témoignages que, s'il se peut que l'appelante ait satisfait à certaines exigences du mémorandum, elle n'a pas satisfait à l'exigence essentielle relative à la constitution d'une piste de documentation. Le Tribunal estime que le ministère est justifié dans sa prétention à disposer d'une piste de documentation raisonnable permettant de vérifier les transactions et de prévenir l'abus des dispositions relatives à l'expédition directe. Il incombe donc au fabricant de satisfaire aux exigences du mémorandum s'il veut profiter des avantages qu'il confère.

LA CONCLUSION

L'appel est rejeté. L'appelante n'a pas prouvé au Tribunal que, dans les transactions en cause, elle a satisfait aux exigences fondamentales du mémorandum, ce qui lui aurait permis de vendre à Total Lab des produits admissibles en franchise de taxe.


[ Table des matières]

1. S.R.C. (1970), ch. E-13, présentement article 81.19.

2. S.R.C. (1970), ch. E-13, présentement paragraphe 50(1).

3. S.R.C. (1970), ch. E-13, présentement paragraphe 51(1).

4. Les produits en question, s'ils sont achetés par un utilisateur ayant droit à l'exemption de taxe ou titulaire de licence, seront généralement exonérés en vertu de l'annexe III et aux termes (par exemple) des dispositions de la partie III, Éducation; de la partie VIII, Santé; de la partie XIII, Matériel de production, etc.

5. L.R.C. (1985), ch. E-13, présentement article 68.2.


Publication initiale : le 8 août 1997