WEST SHORE CONSTRUCTORS LTD.

Décisions


WEST SHORE CONSTRUCTORS LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no 3066

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 2 février 1990

Appel no 3066

EU ÉGARD À une demande entendue le 30 mai 1989 en vertu de l'article 51.19 de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, dans sa forme modifiée;

ET EU ÉGARD À un avis de décision du ministre du Revenu national en date du 4 août 1988 concernant un avis d'opposition présenté en vertu de l'article 51.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

WEST SHORE CONSTRUCTORS LTD.Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONALIntimé

L'appel est rejeté. Le Tribunal conclut que le délai pour demander un remboursement a débuté au plus tard le 31 janvier 1986 et, par conséquent, que l'appelante n'a pas présenté sa demande de remboursement de la taxe de vente fédérale au cours de la période de deux ans tel que l'exige l'article 44.2 de la Loi sur la taxe d'accise.


Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre présidant

Robert J. Bertrand, c.r. ______ Robert J. Bertrand, c.r. Membre

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur la taxe d'accise - Déterminer la date de vente afin d'établir si la demande de remboursement a été présentée au cours de la période de deux ans prévue par l'article 44.2 de la Loi sur la taxe d'accise - Les effets de l'accord régissant le transfert de propriété - Les effets de la décision administrative.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal conclut que le délai pour demander un remboursement a débuté au plus tard le 31 janvier 1986 et, par conséquent, que l'appelante n'a pas présenté sa demande de remboursement de la taxe de vente fédérale au cours de la période de deux ans tel que l'exige en vertu de l'article 44.2 de la Loi sur la taxe d'accise.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 30 mai 1989 Date de la décision : Le 2 février 1990
Membres du jury : Sidney A. Fraleigh, membre présidant Robert J. Bertrand, c.r., membre Kathleen E. Macmillan, membre
Avocat du Tribunal : Donna J. Mousley
Greffier du Tribunal : Lillian Pharand
Ont comparu : Ray Trottier, pour l'appelante Peter C. Englemann, pour l'intimé
Jurisprudence : The King v. Dominion Bridge Co. Ltd., (1940) R.C.S. 487; (1940-1941) C.T.C. 99; D.T.C. 499-14; The Queen v. Stevenson Construction Co. Ltd. et al., (1979) C.T.C. 86 (B.C.C.A.).
Lois citées : Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.C. 1988, art. 60; Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, art. 44.2.
Autre référence citée : Décision 5325/8-2 du ministère du Revenu national, le 19 septembre 1984.





RÉSUMÉ

Dans le présent appel, le litige consiste à déterminer si l'appelante a présenté la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale payée sur certaines marchandises utilisées dans la construction d'un pont conformément à l'article 44.2 de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi) qui prévoit un délai de deux ans. Selon cet article, un remboursement sera versé «si la personne qui a vendu les marchandises en fait la demande dans les deux ans qui suivent la vente».

Il existe aucun doute que la fourniture de matériaux acquis pour un projet de construction est considérée comme étant une vente aux fins de demander un remboursement de la taxe de vente fédérale. Ceci a été établi dans la cause The King v. Dominion Bridge Co. Ltd. [1] et confirmé récemment dans la cause The Queen v. Stevenson Construction Co. Ltd. et al [2] . Dans le présent appel, l'effet du contrat était aussi de transférer la propriété des biens à la Couronne, et nous pouvons conclure, de même, qu'il y a eu une vente des matériaux à la Couronne.

La condition générale no 13 du contrat avec West Shore Constructors Ltd. (West Shore) indique que «Tous les matériaux... acquis, utilisés ou fournis... pour les travaux deviennent, à compter de l'époque où ils ont été acquis, utilisés ou fournis, la propriété de Sa Majesté aux fins des travaux... ». En conséquence, la date de la vente est la date à laquelle les matériaux ont été acquis pour le projet de construction, et le délai pour demander le remboursement a commencé à cette date.

De plus, le contrat indique que tous les matériaux acquis pour le projet de construction auraient pu être représentés dans un délai de 30 jours après l'achat ou la livraison au chantier. La demande de paiement sur évaluation provisoire pour la période du 1er janvier au 31 janvier, demande qui n'est ni signée ni datée, semble être la dernière demande remise en ce qui concerne le travail accompli et les matériaux livrés au chantier de construction. Les montants indiqués sur cette demande sont identiques à ceux pour lequel on a demandé un remboursement de la taxe pour le projet au complet. En plus, la demande de remboursement, qui fait l'objet de cet appel, indique que la demande se rapporte à des marchandises achetées entre novembre 1985 et janvier 1986.

Selon les éléments de preuve, le Tribunal conclut qu'aucun matériau n'a été vendu à l'État après la dernière période de facturation et, qu'en conséquence, la période de demande de remboursement a débuté au plus tard le 31 janvier 1986. Donc, la demande de remboursement signée par l'appelante le 10 mars 1988 n'a pas été présentée dans le délai légal de deux ans. L'appel n'est pas admis.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Aux fins du présent appel, la disposition législative pertinente de la Loi est la suivante :

44.2 Lorsque la taxe a été payée en vertu de la Partie III ou V à l'égard de marchandises et que subséquemment les marchandises sont vendues à un acheteur en des circonstances qui, à cause de la nature de cet acheteur ou de l'utilisation qui sera faite de ces marchandises ou de ces deux éléments, auraient rendu la vente à cet acheteur exempte ou exonérée de cette taxe aux termes du paragraphe 21(2.3), de l'alinéa 21(3.1)b) ou des paragraphes 27(2) ou 29(1) si les marchandises avaient été fabriquées au Canada et vendues à l'acheteur par leur fabricant ou producteur, une somme égale au montant de cette taxe doit, sous réserve de la présente Partie, être versée à la personne qui a vendu les marchandises à cet acheteur, si la personne qui a vendu les marchandises en fait la demande dans les deux ans qui suivent la vente...

(Soulignement ajouté)

LES FAITS

L'appelante, West Shore, a signé un contrat avec Sa Majesté du chef du Canada, représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada, pour construire un pont d'accès à Fort Babine (Colombie-Britannique).

Le 21 mars 1988, l'intimé a reçu une demande de remboursement d'un montant de 7 756,76 $ présentée par l'appelante. La demande de remboursement, en date du 10 mars 1988, visait le recouvrement des taxes payées sur certaines marchandises utilisées dans la construction du pont. Le 2 mai 1988, l'intimé a émis un avis de décision dans lequel il refusait la demande de remboursement parce qu'elle n'avait pas été présentée dans le délai légal de deux ans.

L'appelante a présenté un avis d'opposition le 20 mai 1988. Le 4 août 1988, le ministre du Revenu national (le Ministre) a confirmé la décision initiale voulant que la demande de remboursement soit refusée. Dans une lettre du 14 septembre 1988, l'appelante en a appelé de la décision de l'intimé en vertu de l'article 51.19 de la Loi. Même si l'appel a initialement été interjeté auprès de la Commission du tarif, il a été confié au Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) en application de l'article 60 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [3] , et celui-ci l'a mené à terme. La seule question dans cet appel est à savoir si l'appelante a remis la demande de remboursement dans le délai de deux ans tel que prévu à l'article 44.2 de la Loi. Si l'appelante réussit, la demande sera renvoyée au Ministre pour sa considération.

La demande de remboursement présentée par l'appelante porte sur la période allant de novembre 1985 à janvier 1986. Quoiqu'elle ait été datée du 10 mars 1988, elle a été reçue dans les bureaux de l'intimé le 21 mars 1988. L'enveloppe estampillée par la poste a été perdue ou détruite. L'avocat de l'appelante a présenté une déclaration signée par le teneur de livres de l'appelante indiquant que la demande de remboursement a été envoyée par retour du courrier le jour de la signature, ce qui est une pratique courante de l'entreprise.

Une partie du contrat entre l'appelante et Sa Majesté en vue de la construction du pont était incluse dans le mémoire de l'appelante et a été présentée à l'audience. Dans la mesure où ils ont été présentés comme éléments de preuve, les articles et conditions pertinents sont résumés comme suit.

Les travaux d'un montant autorisé de 402 200 $ devaient être terminés le 31 janvier 1986. D'après les modalités de paiement, à la fin de chaque période de 30 jours, l'entrepreneur devait remettre à l'ingénieur une demande de paiement au pro rata des travaux et des matériaux livrés à pied d'oeuvre pendant la période. L'ingénieur devait ensuite inspecter les travaux et les matériaux décrits dans la demande de paiement sur évaluation provisoire et présenter un rapport d'étape indiquant leur valeur. L'entrepreneur devait recevoir, dans les 30 jours, le montant indiqué moins le montant de la retenue de garantie, cinq pourcent dans le cas présent. Une condition préalable à chaque paiement exigeait une déclaration statutaire de l'entrepreneur remise à l'ingénieur indiquant, entre autres, que tous les comptes des sous-traitants pour les travaux et les matériaux et tous les autres comptes à l'égard de l'exécution de travaux visés par le contrat avaient été payés. Le paiement final exigible en vertu du contrat devait être effectué dans les 60 jours de la présentation du certificat d'achèvement des travaux et de la réception de la déclaration statutaire.

La disposition qui suit, condition générale no 13, a indiqué les conditions pour le transfert de propriété des matériaux devant être utilisés dans la construction du pont. Parce que cette condition est un des éléments clés de cette cause, elle est reprise ici en entier.

CG13Matériaux, outillage et biens immobiliers devenus propriété de Sa Majesté

13.1Tous les matériaux et outillage, de même que tout droit de l'Entrepreneur sur tous les biens immobiliers, permis, pouvoirs et privilèges acquis, utilisés ou fournis par l'Entrepreneur pour les travaux deviennent, à compter de l'époque où ils ont été acquis, utilisés ou fournis, la propriété de Sa Majesté aux fins des travaux et continuent de l'être

13.1.1dans le cas des matériaux, jusqu'à ce que l'Ingénieur déclare qu'ils ne sont plus requis pour les travaux, et

13.1.2dans le cas de l'outillage, des biens immobiliers, des permis, des pouvoirs et des privilèges, jusqu'à ce que l'Ingénieur déclare que le droit dévolu à Sa Majesté en l'espèce n'est plus requis pour les travaux.

D'autres documents ont été présentés comme éléments de preuve; par exemple, un document intitulé «Request for Contract Payment» (Demande de paiement en vertu du contrat), porte sur la période du 1er janvier 1986 au 31 janvier 1986, qui était évidemment la dernière période de facturation. Le montant réclamé est de 188 039 $, portant le coût total du projet à 404 171 $. La deuxième page du document indique la valeur de matériau livré au chantier et le travail complété pendant cette période et à ce jour.

Le certificat d'achèvement de l'ingénieur a également été présenté en preuve. L'ingénieur responsable du projet a signé, le 7 mars 1986, le document qui indique que la «date d'achèvement» est le 24 janvier 1986. Deux défauts sont relevés dans le certificat :

1. La cinquième flèche de l'appui d'extrémité est, du côté sud doit être remplacée. L'installation existante a été vérifiée à fond.

2. Le flanc inférieur de la poutre du côté sud de l'appui d'extrémité doit être nettoyé. Il y a eu débordement lorsque la terre de remplissage a été versée.

Valeur estimative de 1 000 $.

Une autre note recommande le paiement de la retenue de garantie après la période de 60 jours (les défauts à être corrigés au cours de la période d'entretien). L'avocat de l'appelante a déclaré au Tribunal qu'il ne savait pas si les défauts avaient été corrigés et, si c'est le cas, à quelle date les travaux ont été faits.

D'autres éléments de preuve présentés étaient la déclaration statutaire, en date du 10 mars 1986, du vice-président de la société appelante et les reçus pour les deux chèques émis, d'après l'avocat de l'appelante, en paiement de la retenue de garantie. Les deux chèques sont datés du 8 avril 1986, aux montants de 5 765,55 $ et de 20 413,45 $. Il est noté que les chèques ont été reçus et déposés le 11 avril 1986.

Voici la chronologie des événements telle que la preuve l'a établie :

Le 5 novembre 1985 Signature d'un contrat entre l'appelante et Sa Majesté du chef du Canada représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada.

Le 24 janvier 1986 Date d'achèvement indiquée sur le certificat d'achèvement.

Le 31 janvier 1986 Date prévue pour l'achèvement des travaux selon le contrat.

Le 7 mars 1986 Certificat d'achèvement signé par l'ingénieur du projet.

Le 10 mars 1986 Déclaration statutaire signée par le vice-président de West Shore Constructors Ltd.

Le 8 avril 1986 Date des chèques émis par le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada aux montants de 5 765,55 $ et de 20 413,45 $.

Le 10 mars 1988 Date de la demande de remboursement.

Le 21 mars 1988 Réception de la demande de remboursement dans les bureaux de l'intimé.

LA QUESTION EN LITIGE

Dans le présent appel, le Tribunal doit déterminer si la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale a été présentée dans le délai légal de deux ans.

Au cours du présent appel, l'appelante a présenté des arguments fondés sur un certain nombre de motifs. Elle a présenté sa position telle qu'énoncée dans son avis d'opposition du 2 mai 1988 :

Lorsqu'un entrepreneur présente une demande de remboursement de la taxe payée sur les matériaux utilisés dans la construction, basée sur l'évaluation provisoire des travaux, ce qui est le cas ici, et qu'il est difficile de confirmer à quel moment les marchandises ont été incorporées, le Ministère accepte la date des paiements au pro rata comme la date à laquelle le remboursement est devenu payable. Il est courant dans l'industrie de la construction de présenter les demandes de remboursement fondées sur le certificat d'achèvement des travaux, c'est-à-dire la déclaration statutaire, parce qu'avant cela une demande de remboursement n'est pas justifiée en raison des défauts éventuels, du déblocage des retenues de garantie, etc. Dans la présente cause, la demande a été présentée le 10 mars 1988, démarche qui respectait le délai de deux ans, même s'il s'agissait de la dernière journée parce que la déclaration statutaire a été dûment signée le 10mars1986, qui était effectivement la date d'achèvement et de l'acceptation finale. (Traduction)

À l'audience, l'avocat de l'appelante a soutenu que la fiche de décision 5325/8-2 du 19 septembre 1984 du ministère du Revenu national devrait servir à déterminer le litige. Selon l'avocat, par cette décision, une personne peut présenter une demande de remboursement d'après un paiement au pro rata ou à l'achèvement des travaux prévus par contrat. Voici le libellé de la fiche de décision :

Pour les contrats, la taxe est exigible ou remboursable selon les termes du contrat. Si une facturation proportionnelle est exigée, les marchandises sont censées avoir été vendues le jour de la facturation proportionnelle.

On peut dire avec raison que les matériaux qui ont servi à la construction n'ont pas été achetés tant que le travail visé par la facturation proportionnelle n'a pas été examiné, et la livraison acceptée à titre d'acompte.

...

Cette procédure n'empêche pas, toutefois, une personne d'être admissible à un remboursement lorsque celle-ci décide de retarder la présentation d'une demande à cette fin jusqu'à la conclusion du contrat.

L'avocat de l'appelante a soutenu que le paiement de la retenue de garantie peut être considéré comme un paiement proportionnel, et donc, selon la fiche de décision 5325/8-2, la période de présentation de la demande de remboursement a commencé le 11 avril 1986, soit la date de réception du paiement de la retenue de garantie.

D'autre part, l'avocat a déclaré que le projet n'a pas été terminé tant que tous les travaux n'ont pas été effectués, y compris les travaux mentionnés comme n'ayant pas été terminés sur le certificat d'achèvement, par exemple les travaux d'aménagement paysager qui devaient être effectués au printemps. L'appelante a donc confirmé que, de toute façon, les travaux prévus dans le contrat ont été effectués après la date d'achèvement indiqué sur le certificat.

L'avocat de l'intimé a répondu que le 7 mars 1986, date à laquelle l'ingénieur du projet a déclaré que les travaux étaient terminés en signant le certificat d'achèvement, était la dernière journée qui pouvait servir de début de la période pour demander le remboursement. D'autre part, il a déclaré que la date d'achèvement indiquée sur le certificat, soit le 24 janvier 1986, était le début de la période de remboursement.

Puisqu'une demande de remboursement doit être présentée dans les deux ans de la date de vente des marchandises selon l'article 44.2, l'avocat de l'intimé a déclaré que les conditions du contrat se rapportant à la propriété des matériaux devant être utilisés à la construction devaient servir à déterminer la date de la vente et, en conséquence, la date du début du délai pour demander le remboursement. L'avocat a affirmé que la condition générale no 13 peut être considérée comme une disposition régissant une «vente présumée» et ainsi la date d'acquisition des matériaux par l'entrepreneur doit être considérée comme le début de la période.

L'avocat a de plus soutenu qu'étant donné que le Tribunal n'a reçu aucune preuve qu'il y ait eu vente de marchandises après le 24 janvier, encore moins le 7 mars, la date du certificat d'achèvement doit être considérée comme la dernière date pouvant servir comme début du délai de deux ans pour présenter la demande de remboursement.

LA DÉCISION

Dans le présent appel, le Tribunal doit déterminer si la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale de l'appelante a été présentée dans le délai de deux ans prévu par l'article 44.2 de la Loi. Selon cet article, un remboursement doit être payé «... si la personne qui a vendu les marchandises en fait la demande dans les deux ans qui suivent la vente... ». Ainsi, la période de deux ans doit commencer à la date de la vente des marchandises à l'acheteur, dans ce cas, Sa Majesté, représentée par le ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada.

Il ne fait aucun doute que la fourniture de matériaux dans le cadre d'un contrat de construction est une vente aux fins de la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale. Ce précédent a été établi dans la cause The King v. Dominion Bridge Co. Ltd. [4] , et confirmé dans la cause plus récente, The Queen v. Stevenson Construction Co. Ltd. et al [5] .

Dans l'affaire Stevenson Construction, un certain nombre de sociétés de construction réclamaient un remboursement de la taxe de vente fédérale payée sur les matériaux utilisés dans la construction et la réparation de gares maritimes pour le compte d'un gouvernement provincial. M. le juge Le Dain, se reportant à la décision dans l'affaire Dominion Bridge a considéré qu'il y avait eu «achat» et «vente» au sens du paragraphe 44(2) de la Loi [6] . Le paragraphe 44(2) permet un remboursement de la taxe de vente payée sur les marchandises achetées par Sa Majesté du chef d'une province lorsque les marchandises sont utilisées dans certaines conditions. Comme l'affaire Stevenson Construction est semblable au présent appel, sur plusieurs points, elle est reprise en partie comme suit (pages 89-90) :

Selon moi, si l'on tient compte de l'intention du législateur d'après la disposition pertinente, ce passage signifie, qu'il faut prendre, au sens large, le mot «vendu» dans la disposition sur le remboursement ou le mot «acheté» dans la disposition pertinente de l'article44.2 de la Loi sur la taxe d'accise, et y assimiler toute transaction qui effectue le transfert de propriété des marchandises au gouvernement provincial... Il ne fait aucun doute que le contrat de la présente cause aboutit au transfert de la propriété des marchandises à un gouvernement provincial. C'est là, la nature même du contrat qui, de toute façon, mentionne spécifiquement ce transfert à l'article13 de la formule normalisée du contrat utilisé dans la présente cause, qui indique ce qui suit:

13. Tous les matériaux fournis par l'entrepreneur dans le cadre du projet deviendront, à partir du moment où ils ont été fournis jusqu'à l'acceptation finale du projet, la propriété du Ministre aux fins dudit projet, et ces matériaux ne peuvent pas être enlevés, consommés ou aliénés, pour servir à d'autres fins, sans le consentement écrit de l'ingénieur. Le Ministre ne peut pas être tenu responsable de quelques pertes ou dommages que ce soient à l'égard de ces matériaux: sous réserve de la restitution des matériaux à l'entrepreneur à l'achèvement des travaux et du paiement par l'entrepreneur de tous les montants, coûts et dommages, s'il y a lieu, qui seront exigibles ou imputables dans le cadre du contrat et ce, en vertu du présent contrat.

En conséquence, je suis d'accord avec la conclusion de la Division de première instance selon laquelle les marchandises ont été achetées par Sa Majesté du chef de la province au sens de l'article 44.2.

(Traduction)

Dans le présent appel, le contrat a pour effet de transférer la propriété des marchandises à l'État et nous pouvons aussi conclure que des matériaux ont été vendus à l'État. La condition générale no 13 du contrat avec West Shore prévoit que tous les matériaux acquis, utilisés ou fournis dans le cadre du contrat deviennent, à compter de l'époque où ils ont été acquis, utilisés ou fournis, la propriété de Sa Majesté aux fins des travaux. Ainsi, la date de vente est la date à laquelle les matériaux ont été acquis pour servir au projet de construction et la période de demande de remboursement a commencé à ladite date.

De plus, le contrat prévoit que tous les matériaux devant servir au projet auraient dû être comptabilisés dans les 30 jours de l'achat et de la livraison à pied d'oeuvre. La demande proportionnelle visant la période du 1er au 31 janvier, qui n'est ni signée ni datée, semble être la demande finale présentée à l'égard des travaux effectués et des matériaux livrés à pied d'oeuvre. Les montants indiqués sur cette demande correspondent aux montants pour lesquels un remboursement de la taxe a été demandé pour l'ensemble du projet. Par ailleurs, la demande de remboursement qui fait l'objet de l'appel vise des marchandises achetées entre novembre 1985 et janvier 1986.

Selon les éléments de preuve, le Tribunal conclut qu'aucun matériau n'a été vendu à l'État après la dernière période de facturation et, qu'en conséquence, la période de demande de remboursement a débuté au plus tard le 31 janvier 1986. Donc, la demande de remboursement signée par l'appelante le 10 mars 1988 n'a pas été présentée dans le délai légal de deux ans.

L'appelante a soutenu que le 10 mars 1986, date de la déclaration statutaire finale, est le début de la période de deux ans prévue pour demander le remboursement puisque ce n'est qu'à ce moment-là que l'entrepreneur a rempli toute ses obligations contractuelles et a eu droit au paiement complet et au déblocage de la retenue de garantie.

Il est évident que l'appelante applique les principes de comptabilité utilisés pour déterminer le moment auquel un montant est reconnu comme étant exigible et recevable afin de déterminer quand le transfert de propriété des marchandises a eu lieu. Lorsque les conditions du contrat règlent explicitement la question du transfert de propriété, il n'est pas nécessaire de recourir à ces principes car les termes du contrat devraient plutôt s'appliquer. Si le contrat n'avait pas mentionné à quel moment devait se faire le transfert de propriété, les modalités de paiement aurait pu être prises en considération au moment de déterminer l'intention des parties quant à la date du transfert de propriété ou à la date de la vente.

Quoique la décision ministérielle ne puisse pas déterminer la question en litige dans cette cause, le Tribunal a également examiné les faits en fonction de cette décision de septembre 1984, sur laquelle l'appelante a fondé son argument.

La décision indique «Pour les contrats, la taxe est exigible ou remboursable selon les termes du contrat. Si une facturation proportionnelle est exigée, les marchandises sont censées avoir été vendues le jour de la facturation proportionnelle». Si le contrat prévoit la facturation proportionnelle, les marchandises sont censées avoir été vendues à la date de la facturation proportionnelle. Dans un cas comme celui-ci, lorsque les conditions du transfert de la propriété des marchandises sont explicitement énoncées dans le contrat, il n'est pas nécessaire de supposer qu'il y a eu vente en raison de la facturation proportionnelle.

Toutefois, quel que soit le moment de la vente établi en vertu d'un contrat de construction ou de la vente supposée par la facturation proportionnelle, la décision ministérielle indique qu'une personne peut retarder la présentation de la demande de remboursement à la conclusion du contrat, acceptant ainsi implicitement la date d'achèvement comme le début du délai de présentation. Comme le laissait entendre l'avocat de l'intimé, un entrepreneur n'a qu'à présenter une demande que lorsqu'il est absolument convaincu que tous les matériaux nécessaires au projet ont été vérifiés et achetés. Cette concession administrative est bien annoncée et le contribuable devrait pouvoir y recourir.

Dans la présente cause, la date d'achèvement indiquée sur le certificat d'achèvement de l'ingénieur est le 24 janvier 1986, quoique le certificat ait été signé le 7 mars 1986. Les éléments de preuve ont également indiqué que l'appelante a choisi le 24 janvier 1986 comme date d'achèvement afin de tirer avantage d'une clause du contrat qui oblige la Couronne à effectuer le paiement dans un délai précis après cette date. Comme l'appelante a choisi le 24 janvier 1986 comme date d'achèvement afin d'exiger le paiement en vertu du contrat, elle ne devrait pas être autorisée à prendre une date ultérieure à titre de date d'achèvement pour pouvoir demander un remboursement de la taxe à l'État. En se basant sur soit la date d'achèvement indiquée (le 24 janvier 1986) soit la date à laquelle le certificat d'achèvement a été signé (le 7 mars 1986), l'appelante n'a pas demandé le remboursement dans le délai de deux ans prévu par l'article 44.2 de la Loi.

CONCLUSION

L'appel n'est pas admis. Le Tribunal conclut que la période de demande de remboursement a débuté au plus tard le 31 janvier 1986 et, donc, que l'appelante n'a pas demandé le remboursement de la taxe de vente fédérale dans les deux ans prévus par l'article 44.2 de la Loi.


[ Table des matières]

1. (1940) R.C.S. 487; (1940-1941) C.T.C. 99; D.T.C. 499-14.

2. (1979) C.T.C. 86 (B.C.C.A.).

3. L.C. 1988, chap. 56.

4. (1940) R.C.S. 487; (1940-1941) C.T.C. 99; D.T.C. 499 - 14.

5. (1979) C.T.C. 86 (B.C.C.A).

6. Le paragraphe 44(2) des S.R.C. 1970, chap. E-13, a été modifié par la L.C., chap. 9, et est maintenant le paragraphe 44.19(1) de la Loi, tel qu'il était lors des présentes instances.


Publication initiale : le 15 août 1997