GRODAN INC.


GRODAN INC.
c.
PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA
Appel no AP-2011-030

Décision et motifs rendus
le jeudi 7 juin 2012


TABLE DES MATIÈRES


EU ÉGARD À un appel entendu le 21 février 2012, en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada le 3 juin 2011, concernant une demande de réexamens aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

GRODAN INC. Appelante

ET

LE PRÉSIDENT DE L’AGENCE DES SERVICES FRONTALIERS DU CANADA Intimé

DÉCISION

L’appel est admis.

Jason W. Downey
Jason W. Downey
Membre présidant

Gillian Burnett
Gillian Burnett
Secrétaire intérimaire

Lieu de l’audience : Ottawa (Ontario)

Date de l’audience : Le 21 février 2012

Membre du Tribunal : Jason W. Downey, membre présidant

Conseillers juridiques pour le Tribunal : Georges Bujold
Nick Covelli
Laura Little

Gestionnaire, Programmes et services du greffe : Michel Parent

Agent du greffe : Haley Raynor

PARTICIPANTS :

Appelante Conseiller/représentant
Grodan Inc. Martha Kirby
Intimé Conseiller/représentant
Président de l’Agence des services frontaliers du Canada Abigail Martinez

TÉMOIN :

Tom Wingreen
Professeur
Cours de serriculture et sur les plantes ligneuses
Département d’horticulture
Collège Algonquin

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté par Grodan Inc. (Grodan) auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes1 à l’égard de décisions rendues le 3 juin 2011 par le président de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) aux termes du paragraphe 60(4).

2. Le présent appel porte sur le classement tarifaire de films ou feuilles de plastique (polyéthylène), en particulier le « polyéthylène de haute technologie Sunmaster » [traduction], le « film de serre améliorant le rayonnement photosynthétiquement actif Oerlemans » [traduction] et le « tapis de sol Bato » [traduction] (les marchandises en cause)2. Ces produits servent exclusivement de matériaux de recouvrement des structures de serre et de tapis de sol pour serres3.

3. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si, en plus d’être classées dans les numéros tarifaires 3920.10.90 (films de serre) et 3920.20.90 (tapis de sol pour serres) de l’annexe du Tarif des douanes4, les marchandises en cause sont admissibles, comme le soutient Grodan, au traitement en franchise de droits prévu au numéro tarifaire 9903.00.00 à titre d’articles et matières entrant dans le coût de fabrication ou de réparation des machines et appareils des types agricoles ou horticoles de la position no 84.365.

HISTORIQUE DES PROCÉDURES

4. Entre novembre 2004 et mars 2007, Grodan a importé les marchandises en cause dans le cadre de 11 transactions distinctes6. Les marchandises en cause ont été classées dans les numéros tarifaires 3920.10.90 (films de serre) et 3920.20.90 (tapis de sol pour serres), et les droits ont été payés en conséquence.

5. Grodan a ensuite déposé des demandes de remboursement des droits aux termes du paragraphe 73(1) de la Loi, soutenant que les marchandises en cause étaient admissibles aux avantages du numéro tarifaire 9903.00.00. Entre le 7 décembre 2007 et le 14 janvier 2009, l’ASFC accordait le remboursement des droits payés7.

6. Cependant, le 29 octobre 2009, l’ASFC émettait des relevés détaillés de rajustement signalant à Grodan qu’un agent de l’ASFC avait procédé à un réexamen, aux termes du paragraphe 59(1) de la Loi, selon lequel les marchandises en cause n’étaient pas admissibles aux avantages du numéro tarifaire 9903.00.00.

7. Le 22 janvier 2011, Grodan demandait, aux termes du paragraphe 60(1) de la Loi, que l’ASFC réexamine le classement tarifaire des marchandises en cause.

8. Le 3 juin 2011, l’ASFC confirmait, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, que les marchandises en cause ne pouvaient être classées dans le numéro tarifaire 9903.00.008.

9. Grodan a déposé son avis d’appel auprès du Tribunal le 1er septembre 2011.

10. À la suite d’une demande de Grodan, le Tribunal a décidé d’entendre le présent appel conjointement avec l’appel no AP-2011-031, un autre appel que Grodan avait déposé le 4 septembre 2011 concernant des décisions contemporaines de classement tarifaire rendues le 6 juin 2011 par l’ASFC relativement à d’autres produits de serre9.

11. Le 21 février 2012, le Tribunal tenait une audience publique à Ottawa (Ontario).

12. Des photographies et de la documentation sur les produits ont été déposées à titre de pièces.

13. Grodan n’a fait entendre aucun témoin. L’ASFC a fait entendre M. Tom Wingreen, professeur, cours de serriculture et sur les plantes ligneuses, Département d’horticulture, Collège Algonquin. Le Tribunal lui a reconnu le titre d’expert dans le domaine de la théorie, de la production et des pratiques serricoles10.

CADRE LÉGISLATIF

14. La nomenclature tarifaire est énoncée en détail dans l’annexe du Tarif des douanes, qui est conforme au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le Système harmonisé) élaboré par l’Organisation mondiale des douanes11. L’annexe est divisée en sections et en chapitres, et les chapitres 1 à 98 contiennent une liste de marchandises classées dans des positions, sous-positions et numéros tarifaires. Le chapitre 99, lequel comprend le numéro tarifaire 9903.00.00, est divisé en numéros tarifaires seulement.

15. Lorsqu’il interprète le chapitre 99, le Tribunal doit suivre l’approche prescrite à l’article 10 du Tarif des douanes12. Précisément, le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes prévoit que le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé13 énoncées à l’annexe14.

16. Les Règles générales sont composées de six règles. Aux fins du chapitre 99, seules les cinq premières règles, à l’exception de la Règle 3 a), s’appliquent15.

17. Les Règles générales sont structurées en cascade, de sorte que si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite. La Règle 1 prévoit ce qui suit : « [...] le classement [doit être] déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres [...]. »

18. La note 4 du chapitre 99 prévoit ce qui suit : « Les termes utilisés dans ce Chapitre et dans les Chapitre 1 à 97 s’entendent au sens de ces derniers Chapitres. » Par conséquent, le sens que le Tribunal attribue aux termes utilisés dans la position no 84.36, par exemple, s’applique aux termes identiques utilisés dans le numéro tarifaire 9903.00.00.

19. Conformément à la note 3 du chapitre 99, les marchandises en cause ne peuvent être classées dans le chapitre 99 que si elles ont préalablement été classées dans un numéro tarifaire des chapitres 1 à 97.

20. En l’espèce, les parties conviennent que les marchandises en cause sont correctement classées dans les numéros tarifaires 3920.10.90 (films de serre) et 3920.20.90 (tapis de sol pour serres). Compte tenu des éléments de preuve, le Tribunal accepte ce classement.

21. Par conséquent, la seule question en litige dont le Tribunal demeure saisi consiste à déterminer si les marchandises en cause sont admissibles au traitement en franchise de droits prévu au numéro tarifaire 9903.00.00.

22. Les dispositions pertinentes du Tarif des douanes prévoient ce qui suit :

Chapitre 84

RÉACTEURS NUCLÉAIRES, CHAUDIÈRES, MACHINES,
APPAREILS ET ENGINS MÉCANIQUES;
PARTIES DE CES MACHINES OU APPAREILS

[...]

84.36 Autres machines et appareils pour l’agriculture, l’horticulture, la sylviculture, l’aviculture ou l’apiculture, y compris les germoirs comportant des dispositifs mécaniques ou thermiques et les couveuses et éleveuses pour l’aviculture.

[...]

Chapitre 99

DISPOSITIONS DE CLASSIFICATION SPÉCIALE - COMMERCIALES

[...]

9903.00.00 Articles et matières qui entrent dans le coût de fabrication ou de réparation des produits suivants, et articles devant servir dans ce qui suit :

[...]

Machines et appareils des types agricoles ou horticoles de la position 84.36;

[...]

ANALYSE

« Articles et matières »

23. Grodan soutient que les marchandises en cause sont des articles ou des matières16.

24. L’ASFC affirme que les marchandises en cause ne sont pas des articles, mais reconnaît qu’elles sont des matières17.

25. Les termes « article » et « matière » ne sont pas interchangeables. Dans Prins Greenhouses Ltd. c. Sous-M.R.N.18, le Tribunal a défini le terme « article » comme « [...] un produit fini ou semi-fini qui n’est pas considéré comme une matière ou un matériel »19.

26. Le Merriam-Webster OnLine Dictionary définit le terme « material » (matière) comme « [...] les éléments, composants ou substances desquels un objet est composé ou peut être fait [...] »20 [traduction]. Autrement dit, une matière entre dans la production d’un article.

27. Dans son témoignage, M. Wingreen a constamment qualifié les marchandises en cause de « matières » [traduction] servant à recouvrir les toits, les côtés et les planchers des serres21.

28. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des matières et non des articles22.

« Machines et appareils des types agricoles ou horticoles de la position 84.36 »

29. Selon Grodan, les serres commerciales sont des machines et appareils des types agricoles ou horticoles de la position no 84.36 si elles présentent des caractéristiques mécaniques comme un toit ou des côtés rétractables, des systèmes de chauffage et des systèmes d’irrigation23.

30. Grodan fait référence à une décision anticipée rendue le 19 juillet 2007 par l’ASFC aux termes de l’alinéa 43.1(1)c) de la Loi, relativement aux importations d’une autre société. Cette décision anticipée prévoit ce qui suit : « Pour qu’une serre soit définie à titre de machine ou appareil [de la position no 84.36], elle doit posséder des caractéristiques mécaniques, c.-à-d. un toit ou des côtés rétractables, un système de chauffage, un système d’irrigation, etc. »24 [traduction].

31. Grodan s’appuie également sur Prins Greenhouses et sur P.L. Light Systems Canada Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada25, dans lesquelles le Tribunal a conclu que les systèmes serricoles intégrés sont des machines et appareils des types agricoles ou horticoles de la position no 84.36 étant donné que la fonction bien déterminée de ces systèmes est d’assurer la commande et la régulation du climat dans une serre pour garantir la croissance optimale des plantes.

32. Grodan est d’avis que la serre elle-même, lorsqu’elle présente des caractéristiques comme des évents de toit et des parois latérales qui s’ouvrent et se ferment au moyen d’énergie mécanique, constitue un tel système serricole intégré compte tenu qu’en l’absence de tous ces éléments combinés, un tel système n’existerait pas26.

33. Pour sa part, l’ASFC fait une distinction entre la structure de la serre et les systèmes qui y sont employés, alléguant que la serre elle-même n’est pas une machine ou un appareil agricole ou horticole27. L’ASFC renvoie au fait que le système serricole intégré dans Prins Greenhouses se composait d’un condensateur des gaz des fumées, de chaudières, de tuyaux en acier et de ventilateurs, qui étaient reliés par des conduites et des câbles à des capteurs et à un ordinateur, et ne comprenait pas la serre elle-même28. Dans A.M.A. Plastics Ltd. c. Président de l’Agence des services frontaliers du Canada29, le système serricole intégré consistait en un système d’irrigation par ruissellement30. L’ASFC soutient que le Tribunal n’a indiqué nulle part dans P.L. Light Systems, qui portait sur l’éclairage dans les serres, qu’un système serricole intégré comprend la serre elle-même31.

34. L’ASFC a proposé l’analogie d’un garage de réparation de véhicules, laissant entendre que le simple fait que le garage abrite des machines et des appareils et que la porte s’ouvre et se ferme au moyen d’un mécanisme ne signifie pas qu’il s’agit d’une machine ou d’un appareil, même si tous ces éléments assurent concurremment la même fonction dont le but est de créer un environnement pour réparer des voitures32. Par rapport aux serres, le fait qu’il y ait des systèmes de chaudières, des systèmes informatiques, des systèmes d’irrigation, etc., ne signifie pas pour autant que les murs de la serre qui abritent ces machines et appareils doivent également être classés à titre de machines et appareils33.

35. L’ASFC ajoute qu’au contraire, la serre elle-même est classée ailleurs dans l’annexe du Tarif des douanes. Plus particulièrement, l’ASFC affirme que si une serre est préfabriquée, elle est alors classée dans la position no 94.0634. Si elle n’est pas préfabriquée, elle est classée dans le chapitre 7335.

36. La position no 84.36 vise les machines et appareils. Le libellé de la position prévoit ce qui suit : « Autres machines et appareils pour l’agriculture, l’horticulture [...]. » Le numéro tarifaire 9903.00.00 vise les « [m]achines et appareils des types agricoles ou horticoles de la position 84.36 ».

37. La note 4 de la section XVI prévoit d’abord ce qui suit : « Lorsqu’une machine ou une combinaison de machines sont constituées par des éléments distincts (même séparés ou reliés entre eux [...]) en vue d’assurer concurremment une fonction bien déterminée [...] » [nos italiques].

38. Par conséquent, rien ne laisse entendre que tous les éléments distincts doivent être mécaniques. Il semble plutôt que l’unité dans son ensemble, formée grâce au fonctionnement concurrent des éléments distincts, est ce qui doit être désignée comme une « machine ». L’essentiel est alors que la combinaison des éléments distincts forme une machine et que les éléments distincts soient conçus pour « [...] assurer concurremment une fonction bien déterminée [...] », c.-à-d. celle de la machine.

39. La partie VII des Notes explicatives de la section XVI précise que la note 4 de ladite section « [...] s’applique lorsqu’une machine ou une combinaison de machines sont constituées par des éléments distincts qui sont conçus pour assurer concurremment une fonction bien déterminée comprise dans l’une des positions du Chapitre 84 ou, plus fréquemment, du Chapitre 85 ». Par conséquent, en ce qui concerne la position no 84.36, la fonction bien déterminée que les éléments distincts accomplissent ensembles doit être « agricole ou horticole ».

40. Le Webster’s New World College Dictionary36 définit le terme « machine » (machine) comme suit : « 3 a) structure se composant d’un cadre et de diverses pièces fixes et mobiles, conçue pour effectuer un certain type de travail [...] » [traduction]. Dans le Gage Canadian Dictionary37, le terme « machine » est définit comme suit : « 1 appareil se composant d’un mécanisme formé de pièces fixes et mobiles interdépendantes, actionné de façon mécanique, électrique ou électronique, conçu pour effectuer un type de travail particulier [...] » [traduction].

41. Par conséquent, pour être classée dans la position no 84.36, une serre ne doit pas nécessairement être mécanique à part entière. L’essentiel consiste à savoir si la serre et les autres éléments se combinent pour former une machine qui, en tant qu’ensemble, assure une fonction agricole ou horticole bien déterminée.

42. À cet égard, le Tribunal a précédemment établi qu’un système serricole intégré est une machine agricole ou horticole de la position no 84.36 assurant la fonction agricole ou horticole bien déterminée qui consiste à commander et à régulariser le climat et l’environnement dans une serre pour garantir la croissance optimale des plantes38.

43. M. Wingreen a déclaré qu’il y a différents types de systèmes serricoles intégrés, ceux dont il était question dans Prins Greenhouses n’en étant qu’un exemple39.

44. Par conséquent, la principale question à trancher dans le présent appel est celle de savoir si la serre elle-même (qui comprend les marchandises en cause) est un élément d’un système serricole intégré compte tenu que, combinée aux autres éléments de ce type de machine, elle est conçue pour assurer la régulation du climat dans la serre afin de garantir la croissance optimale des plantes.

45. En vertu de ce qui suit, le dossier de la présente procédure révèle que la serre elle-même assure la régulation du climat qui y règne pour garantir la croissance optimale des plantes :

Les extraits tirés de la documentation sur les serres que l’ASFC a présentés indiquent que l’objet d’une serre est de laisser pénétrer la lumière naturelle pour la croissance des plantes40.

La définition du terme « greenhouse » (serre) dans le Merriam-Webster OnLine Dictionary indique qu’une serre est « [...] conçue pour la culture ou la protection des jeunes plantes »41 [traduction].

M. Wingreen a déclaré que la protection des cultures contre la pluie, les espèces sauvages, l’environnement, les organismes nuisibles et les maladies, la conservation de la chaleur de sorte que les cultures, au Canada, puissent croître pendant une plus longue période de l’année ou tout au long de l’année, et le contrôle du climat dans la structure pour garantir une croissance optimale des cultures sont ce qui fait de « [...] l’ensemble de la structure une serre »42 [traduction]. À cet égard, il ajoute que la structure de la serre (de même que le matériel de recouvrement) est essentielle43.

M. Wingreen a aussi déclaré qu’un système serricole intégré « n’est généralement pas » [traduction] fixé à la structure de la serre elle-même, mais il a cité à titre d’exception les conduites d’un système de chauffage qui sont « souvent » [traduction] fixées à la structure44. Il a également laissé entendre que les capteurs, qui mesurent la température et la lumière dans la serre, sont fixés à la structure de la serre45. Au cours du contre-interrogatoire, il a aussi expliqué comment ces capteurs ouvrent ou ferment automatiquement les bouches d’aération ou contrôlent les systèmes de ventilation, qui font soit partie intégrante de la structure de la serre ou y sont autrement fixés46. M. Wingreen a également parlé de l’éclairage artificiel et de l’irrigation. Il est intéressant de noter que M. Wingreen a déclaré que tous ces éléments, y compris la structure de la serre elle-même, rendent les conditions de croissance optimales à l’intérieur de la serre47.

M. Wingreen a témoigné qu’une serre se compose nécessairement de matériaux de recouvrement transparents ou translucides, comme les marchandises en cause48, et que ces produits et le tapis de sol assurent eux-mêmes le contrôle du climat dans la serre afin de garantir la croissance optimale des plantes49.

46. Ces éléments de preuve sont conformes à la conclusion du Tribunal dans P.L. Light Systems (Renvoi). Dans cette affaire, le Tribunal a conclu que les réflecteurs en aluminium devant servir dans des installations d’éclairage serricole entraient dans le coût de fabrication des systèmes serricoles intégrés, notamment parce que les réflecteurs étaient « [...] conçus exclusivement pour servir dans des serres [...] »50 et que l’éclairage représentait une partie du coût de « [...] la structure elle-même [...] »51 [nos italiques]. Cette conclusion permettait de déduire que la structure de la serre elle-même constituait un élément du système serricole intégré qui, combiné aux autres éléments d’une telle machine, était conçu pour assurer la régulation du climat dans la serre et pour garantir la croissance optimale des plantes. Cela va de pair avec le témoignage de M. Wingreen en l’espèce.

47. Par conséquent, la position no 84.36 comprend les systèmes serricoles intégrés.

« Qui entrent dans le coût de fabrication ou de réparation »

48. Dans le présent appel, il semble que les marchandises en cause soient commercialisées et vendues séparément des serres et des autres éléments d’un système serricole intégré52. Par conséquent, même si les marchandises en cause sont conçues pour assurer la fonction bien déterminée d’un système serricole intégré, elles ne peuvent être classées dans la position no 84.36. D’ailleurs, comme indiqué précédemment, les parties conviennent qu’elles sont correctement classées dans la position no 39.20. Cependant, elles pourraient également être classées dans le numéro tarifaire 9903.00.00 s’il peut être établi qu’elles entrent dans le coût de fabrication ou de réparation d’un système serricole intégré.

49. Grodan allègue que les marchandises en cause entrent dans le coût de fabrication ou de réparation des machines et appareils des types agricoles ou horticoles de la position no 84.36 parce qu’elles servent à recouvrir le toit, les murs et le plancher des serres et qu’elles assurent la même fonction, c.-à-d. contrôler l’environnement intérieur des serres afin de garantir la croissance optimale des plantes.

50. L’ASFC soutient que les marchandises en cause n’entrent pas dans le coût de fabrication ou de réparation des machines et appareils agricoles de la position no 84.36 étant donné que Grodan importe et fournit des produits serricoles et ne fabrique ni ne répare de serres53.

51. Ces deux positions présentent des failles. Premièrement, pour évaluer si les marchandises en cause entrent dans le coût de fabrication ou de réparation d’une serre ou d’un système serricole intégré, il importe peu de savoir si elles contribuent à la fonction bien déterminée du système serricole intégré; il s’agit de la question à l’étude pour la position no 84.36, et non pour le numéro tarifaire 9903.00.00. Deuxièmement, compte tenu que la question porte sur les marchandises en cause et sur la fabrication d’autres marchandises, la nature des affaires proprement dites de l’importateur est également non pertinente.

52. Comme indiqué précédemment, dans P.L. Light Systems (Renvoi), le Tribunal a conclu que les articles ou matières entraient dans le coût de fabrication des systèmes serricoles intégrés, notamment parce qu’ils étaient conçus exclusivement pour servir dans des serres et qu’ils représentaient une partie du coût de la structure de la serre elle-même.

53. En l’espèce, les éléments de preuve indiquent que les marchandises en cause sont délibérément utilisées avec la structure de serre elle-même, sinon la structure n’est pas une serre54. M. Wingreen a déclaré que le film plastique sert à recouvrir la structure de la serre et y est fixé55. La matière plastique recouvre le toit et les murs de la structure de la serre56. Le tapis de sol sert de barrière de protection entre le sol et la serre57. Cette utilisation du film plastique crée un environnement unique conçu expressément pour permettre et pour favoriser la croissance des cultures; sans le film, ou tout recouvrement conçu à cet effet, la structure n’est rien d’autre qu’une simple structure, dépourvue de fonction.

54. En ce qui concerne les considérations liées aux coûts d’une serre, M. Wingreen a expliqué que le verre est un matériau de recouvrement optimal permettant la transmission de la lumière pour maximiser la croissance des plantes, compte tenu de ses propriétés de transparence extraordinaire et de sa durabilité à long terme, mais que le plastique est manifestement moins cher58. Le recouvrement en verre a une durée de vie beaucoup plus longue que celui en plastique, mais constitue une mise de fonds initiale beaucoup plus élevée. M. Wingreen a déclaré que le film plastique se dégrade (principalement en raison de l’exposition au rayonnement ultraviolet) et doit être remplacé par un nouveau film tous les trois à cinq ans, le coût duquel est également pris en considération au moment du choix des matériaux de construction59; ceci est clairement assimilable à la notion de réparation.

55. M. Wingreen a indiqué qu’un constructeur de serres tiendrait compte des coûts des marchandises en cause par rapport à ceux d’une option comme le verre60. L’utilisation d’un recouvrement en plastique dans la conception initiale d’une serre laisse nécessairement entendre qu’un tel recouvrement devra être remplacé dans quelques années, suivant la fin de son cycle de vie prévu. En ce qui a trait au tapis de sol, M. Wingreen convient que la nécessité d’en avoir un est un facteur qui est également considéré au moment de la décision relative aux matériaux qui seront utilisés pour construire une serre et, du même souffle, il souligne qu’il est bon marché61.

56. Par conséquent, compte tenu que les marchandises en cause ont une durée de vie limitée et doivent être remplacées à des intervalles donnés, le Tribunal conclut que les marchandises en cause entrent dans le coût de fabrication ou de réparation des systèmes serricoles intégrés.

DÉCISION

57. Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont des matières qui entrent dans le coût de fabrication ou de réparation des machines et appareils de types agricoles ou horticoles de la position no 84.36 aux fins du numéro tarifaire 9903.00.00.

58. L’appel est admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . Pièces du Tribunal AP-2011-030-04A, annexe aux pp. 18-22, et AP-2011-030-06A, onglet 5.

3 . Pièce du Tribunal AP-2011-030-06A, onglet 2.

4 . L.C. 1997, c. 36.

5 . Initialement, Grodan soutenait que, subsidiairement, les marchandises en cause étaient des « [a]rticles [...] devant servir dans [...] [des] [m]achines et appareils de types agricoles ou horticoles de la position 84.36 », mais elle s’est ensuite détournée de cette position. Transcription de l’audience publique, 21 février 2012, aux pp. 101-102.

6 . Pièce du Tribunal AP-2011-030-06B, onglet 22.

7 . Pièce du Tribunal AP-2011-030-06A au para. 5.

8 . Pièce du Tribunal AP-2011-030-01, pièces jointes.

9 . L’article 6.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, D.O.R.S./91-499, autorise le Tribunal de joindre des procédures si, en vue du règlement plus expéditif ou moins formel d’une question, les circonstances et l’équité le permettent.

10 . Transcription de l’audience publique, 21 février 2012, à la p. 49.

11 . Le Canada est l’un des pays signataires de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui régit le Système harmonisé.

12 . L’article 11 du Tarif des douanes se rapporte aux positions et sous-positions et prévoit qu’il soit tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, Organisation mondiale des douanes, 2e éd., Bruxelles, 2003, et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, Organisation mondiale des douanes, 4e éd., Bruxelles, 2007 [Notes explicatives]. Cependant, le chapitre 99 ne comporte pas d’Avis de classement ni de Notes explicatives étant donné qu’il est réservé aux classements spéciaux.

13 . L.C. 1997, c. 36, annexe [Règles générales].

14 . Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes fait aussi référence aux Règles canadiennes, mais celles-ci ne s’appliquent qu’aux numéros tarifaires des chapitres 1 à 98.

15 . La Règle 6 des Règles générales prévoit que les Règles 1 à 5 ne s’appliquent qu’au classement au niveau de la sous-position. Le chapitre 99 ne comporte aucune sous-position. La Règle 3 a) ne s’applique pas étant donné que la note 1 du chapitre 99 prévoit que les dispositions du chapitre 99 ne sont pas régies par la règle de spécificité de la Règle 3 a). Cela reflète le fait que, comme indiqué à la note 3 du chapitre 99, le classement dans les chapitres 1 à 97 et celui dans le chapitre 99 ne s’excluent pas mutuellement.

16 . Pièce du Tribunal AP-2011-030-04A au para. 16; Transcription de l’audience publique, 21 février 2012, aux pp. 101-102.

17 . Pièce du Tribunal AP-2011-030-06A aux para. 42-43; Transcription de l’audience publique, 21 février 2012, à la p. 117.

18 . (9 avril 2001), AP-99-045 (TCCE) [Prins Greenhouses].

19 . Prins Greenhouses, note 3.

20 . Pièce du Tribunal AP-2011-030-06B, onglet 9.

21 . Transcription de l’audience publique, 21 février 2012, aux pp. 51, 55-56, 58-61, 64, 70, 75-76, 78, 82.

22 . Par conséquent, les marchandises en cause ne sont pas des « [...] articles devant servir dans [...] des machines et appareils de types agricoles ou horticoles de la position 84.36 » aux fins du numéro tarifaire 9903.00.00.

23 . Pièce du Tribunal AP-2011-030-04A au para. 16.

24 . Ibid. à la p. 12.

25 . (16 septembre 2009), AP-2008-012 (TCCE) [P.L. Light Systems], infirmé 2010 CAF 226 (CanLII), confirmé (4 novembre 2011), AP-2008-012R (TCCE) [P.L. Light Systems (Renvoi)].

26 . Transcription de l’audience publique, 21 février 2012, aux pp. 95-98.

27 . Ibid. à la p. 105.

28 . Ibid. aux pp. 106-107.

29 . (23 septembre 2010), AP-2009-052 (TCCE).

30 . Pièce du Tribunal AP-2011-030-06A au para. 61.

31 . Transcription de l’audience publique, 21 février 2012, à la p. 110.

32 . Ibid. à la p. 112.

33 . Ibid.

34 . Pièce du Tribunal AP-2011-030-06A aux para. 55-59.

35 . Transcription de l’audience publique, 21 février 2012, aux pp. 110-111.

36 . Quatrième éd., s.v. « machine ».

37 . 2000, s.v. « machine ».

38 . Prins Greenhouses à la p. 8; P.L. Light Systems au para. 11.

39 . Transcription de l’audience publique, 21 février 2012, aux pp. 54-55.

40 . Pièce du Tribunal AP-2011-030-06B, onglet 16 à la p. 35.

41 . Ibid., onglet 17.

42 . Transcription de l’audience publique, 21 février 2012, à la p. 71.

43 . Ibid. à la p. 76.

44 . Ibid. à la p. 55.

45 . Ibid. aux pp. 57.

46 . Ibid. aux pp. 62-65.

47 . Ibid. aux pp. 73-77.

48 . Ibid. aux pp. 50-51

49 . Ibid. aux pp. 71-84.

50 . P.L. Light Systems (Renvoi) au para. 30.

51 . Ibid. au para. 33.

52 . Pièce du Tribunal AP-2011-030-06A, onglet 5.

53 . Ibid. au para. 37.

54 . Ibid., onglet 5; Transcription de l’audience publique, 21 février 2012, à la p. 73.

55 . Transcription de l’audience publique, 21 février 2012, aux pp. 51, 75.

56 . Ibid. à la p. 52.

57 . Ibid. aux pp. 79-80.

58 . Ibid. aux pp. 59, 61, 70.

59 . Ibid. aux pp. 59, 70. M. Wingreen a déclaré que le recouvrement devra être remplacé tous les trois à quatre ans, mais est d’accord avec le « [...] cycle de trois à cinq ans » [traduction] proposé par Grodan.

60 . Transcription de l’audience publique, 21 février 2012, à la p. 62.

61 . Ibid. aux pp. 84-85.