MONARK IMPORT-EXPORT INC.

Décisions


MONARK IMPORT-EXPORT INC.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel n° 3068

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 20 juin 1990

Appel n° 3068

EU ÉGARD À une demande entendue le 6 février 1990 conformément à l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985, ch. 1, (2e supplément), dans sa forme modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise le 30 août 1988 relativement à une demande déposée conformément à l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

MONARK IMPORT-EXPORT INC.Appelante

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISEIntimé

L'appel est admis. Le Tribunal conclut que le montant qui doit être déduit du prix d'achat des marchandises afin de déterminer leur valeur en douane est le coût effectif du transport aérien. Selon les modalités d'un contrat c. et f., le coût total du transport au point de destination est présumé être inclus dans le prix total à payer pour les marchandises.


Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre présidant

Robert J. Bertrand, c.r. ______ Robert J. Bertrand, c.r. Membre

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur les douanes - Valeur en douane - Contrats de vente c. et f. - Déterminer si l'appelante a droit de déduire le plein montant du coût du transport aérien du prix des marchandises prévu dans le contrat afin de déterminer la valeur en douane.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal conclut que le montant qui doit être déduit du prix d'achat des marchandises afin de déterminer leur valeur en douane est le coût effectif du transport aérien. Selon les modalités d'un contrat c. et f., le coût total du transport au point de destination est présumé être inclus dans le prix total à payer pour les marchandises.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 6 février 1990 Date de la décision : Le 20 juin 1990
Membres du Tribunal : Sidney A. Fraleigh, membre présidant Robert J. Bertrand, c.r., membre W. Roy Hines, membre
Greffier du Tribunal : Janet Rumball
Ont comparu : M. Laurence Gross, pour l'appelante Meg Kinnear, pour l'intimé
Lois et règlements cités : Loi sur les douanes, L.R.C., 1985, ch. 1, art. 48; Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.C., 1988, art. 60.
Autre référence citée : «Incoterms de la Chambre de commerce internationale», ICC Publishing SA, Paris, réimprimé en 1983.





RÉSUMÉ

Le 30 août 1988, le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise a rendu une décision au sujet de la valeur en douane de certains gants et de certaines mitaines importés par l'appelante, Monark Import-Export Inc. (Monark). Le vendeur et l'importateur ont établi au départ un prix d'achat c. et f. visant le transport maritime des marchandises. Monark a par la suite communiqué avec le vendeur afin de prendre des arrangements pour que les marchandises soient transportées par avion au Canada. Le prix d'achat et les modalités de la vente ont été renégociés à ce moment-là. Les modalités révisées de vente prévoyaient un prix c. et f. par transport aérien et ont été établies selon la formule suivante. Le vendeur a soustrait le coût du transport maritime du prix d'achat initial c. et f. par transport maritime et ensuite 50 p. 100 des frais du transport aérien ont été ajoutés.

La question en litige dans le présent appel est de savoir si l'appelante a droit de déduire le plein montant des frais de transport aérien du prix des marchandises prévu dans le contrat afin de calculer la valeur en douane.

Dans le calcul de la valeur en douane en vertu de l'article 48 de la Loi sur les douanes, les frais de transport du lieu de l'expédition directe à destination du Canada sont déductibles du prix payé ou à payer pour les marchandises importées dans la mesure où ces frais sont inclus dans le prix de vente. Le Tribunal conclut que les parties se sont toujours entendues sur le fait que les contrats de vente prévoyaient des prix c. et f. L'expression c. et f. (coût et fret) est péremptoirement définie par «Incoterms de la Chambre de commerce internationale», qui tient compte de la pratique courante dans le commerce international. Selon ce document, un prix de vente c. et f. est défini par les droits et responsabilités des parties qui découlent de l'entente conclue entre elles. En contrepartie du paiement par l'acheteur d'un montant déterminé à l'avance, le vendeur accepte de vendre certaines marchandises à l'importateur et de les transporter au port de destination par le mode de transport convenu.

Le Tribunal conclut que le montant qui doit être déduit du prix d'achat des marchandises afin d'en déterminer la valeur en douane est le coût effectif du transport aérien. Que le vendeur ait quantifié et déclaré le coût d'expédition sur les factures commerciales est sans propos. Les calculs figurant sur les factures commerciales du vendeur montrent la façon dont le prix d'achat final a été rationalisé. Selon les modalités d'un contrat c. et f., le coût total du transport au point de destination est présumé être inclus dans le prix total à payer pour les marchandises. Par conséquent, l'appel est admis.

LA DISPOSITION LÉGISLATIVE

Aux fins du présent appel, la disposition législative applicable de la Loi sur les douanes est la suivante :

Loi sur les douanes [1]

48(1) Sous réserve du paragraphe (6), la valeur en douane des marchandises est leur valeur transactionnelle si elles sont vendues pour exportation au Canada, si le prix payé ou à payer est déterminable

...

(4) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, la valeur transactionnelle est le prix payé ou à payer, ajusté conformément au paragraphe (5).

(5) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, le prix payé ou à payer est ajusté :

...

(b) par soustraction, dans la mesure où ils ont été inclus, des montants représentant :

(i) les coûts de transport des marchandises depuis le lieu du pays d'exportation d'où elles sont expédiées directement au Canada, les frais de chargement, de déchargement, de manutention et autres frais, ainsi que les coûts d'assurance relatifs à ce transport...

Même si l'appel a d'abord été interjeté devant la Commission du tarif, il est repris et mené à terme par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) conformément à l'article 60 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [2] .

LES FAITS

Le 30 août 1988, le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre), a rendu une décision au sujet de la valeur en douane de certains gants et de certaines mitaines importés par l'appelante, Monark Import-Export Inc. (Monark) de Montréal (Québec). Les marchandises sont fabriquées en République populaire de Chine et sont exportées par la China National Arts and Crafts Import and Export Corporation (China National Arts and Crafts).

La décision du Sous-ministre porte sur 13 expéditions importées au Canada à Montréal (Québec) sous les numéros de déclarations suivants :

DATE NUMÉRO DE DÉCLARATION L050682 17/08/1987 L048703 12/08/1987 L061034 14/09/1987 D080116 23/09/1987 D080115 24/09/1987 L064245 22/09/1987 D080419 24/09/1987 L063497 18/09/1987 L062941 18/09/1987 L050375 18/08/1987 L045237 04/08/1987 L048356 12/08/1987 L069847 06/10/1987

L'appelante est un importateur et exportateur de vêtements, de gants, de mitaines et d'accessoires. M. Naiman, coordonnateur de l'acheminement chez Monark, a dans son témoignage fourni des précisions sur les pratiques commerciales de l'entreprise applicables au présent appel. À titre de coordonnateur de l'acheminement, M. Naiman s'occupe de tous les aspects de l'entreprise relatifs à l'acheminement des marchandises achetées et vendues par l'appelante, y compris de la négociation avec les compagnies de transport sur les achats f. à b. (franco à bord), des opérations bancaires et de la préparation des coûts estimatifs au débarquement pour les achats futurs.

M. Naiman a témoigné qu'en ce qui concerne chacune des cargaisons en question, près de six mois avant la date prévue d'expédition, le vendeur, China National Arts and Crafts, et l'importateur, Monark, avaient établi un prix d'achat c. et f. (coût et fret) par transport maritime pour une vente à l'exportation au Canada de gants et de mitaines. Ces ententes ont officiellement été confirmées dans une série de documents que l'on appelle «confirmations de vente» et qui constituaient les contrats de vente. Il a déclaré que dans chaque cas le prix de vente initial c. et f. par transport maritime représentait un prix unique «regroupé» pour les marchandises livrées au port de Montréal.

Chaque «confirmation de vente» précisait le mois au cours duquel les marchandises devaient être livrées au Canada. Les expéditions devaient commencer en janvier 1987 et les dernières cargaisons devaient quitter la Chine en juillet 1987. Cependant, en mai 1987, aucune des marchandises n'avait été expédiée et il était apparent que toutes les cargaisons arriveraient en retard au Canada si les marchandises étaient expédiées par transport maritime. Monark a donc communiqué avec le vendeur afin de prendre des arrangements pour que les marchandises soient expédiées par transport aérien au Canada. Le prix d'achat et les modalités de la vente ont été renégociés à ce moment-là.

Selon M. Naiman, les modalités révisées de la vente prévoyaient un prix c. et f. par transport aérien et ont été établies selon la formule suivante. Du prix d'achat initial c. et f. par transport maritime, le vendeur a soustrait le coût du transport maritime et ensuite 50 p. 100 du coût du transport aérien ont été ajoutés.

M. Naiman a déclaré que le prix renégocié était un nouveau prix c. et f. qui représentait le montant total payé pour les marchandises importées. Des documents bancaires ont été produits afin de montrer les montants dus et payés pour les marchandises, qui correspondaient aux prix indiqués sur les factures commerciales. Selon M. Naiman, ni le vendeur ni une autre partie n'ont reçu de paiements par la suite ou de paiements additionnels à valoir sur les marchandises ou sur le transport des marchandises de la Chine à Montréal. L'avocat de l'appelante a aussi produit le bordereau d'expédition aérienne qui indiquait les frais de transport, la date d'expédition, les noms de l'importateur et de l'expéditeur et indiquait que le transport avait été entièrement payé à l'avance par le vendeur. Le montant payé par le vendeur au transporteur figurait aussi sur les connaissements du transporteur.

LA QUESTION EN LITIGE

Dans le calcul de la valeur en douane en vertu de l'article 48 de la Loi sur les douanes (la Loi), les frais de transport à partir du lieu d'expédition directe au Canada sont déductibles du prix payé ou à payer pour les marchandises importées dans la mesure où ces frais sont inclus dans le prix de vente. L'appelante maintient que la valeur en douane des marchandises représente le prix de vente c. et f. moins le montant total des frais de transport payés par le vendeur au transporteur aérien à l'égard du transport de ces marchandises à partir du lieu d'expédition directe au Canada. Le Sous-ministre n'a autorisé qu'une déduction de la moitié des frais de transport, étant donné que les factures commerciales présentées au moment de la déclaration indiquaient que seulement 50 p. 100 du coût d'expédition des marchandises à partir du lieu d'expédition directe au Canada étaient inclus dans le prix total demandé à l'acheteur.

L'appelante est d'avis que l'article 48 de la Loi prévoit une déduction du prix de vente c. et f. d'un montant égal au coût total du transport à partir du lieu d'expédition directe au Canada si ce montant a été payé par le vendeur à la compagnie de transport à l'égard du transport des marchandises importées, tant que ce montant n'a pas été facturé distinctement à l'acheteur ou n'a pas fait l'objet d'une autre facture. Cette interprétation, prétend l'appelante, est étayée par les dispositions législatives de l'article 48 de la Loi dans le contexte de la pratique commerciale courante et des normes commerciales acceptées à l'échelle internationale.

L'appelante fait valoir que l'expression c. et f. devrait s'entendre au sens qu'elle a habituellement dans la pratique commerciale. Comme preuve de la définition d'un contrat c. et f. dans la pratique commerciale internationale, l'appelante cite «Incoterms de la Chambre de commerce internationale». Cette publication donne la liste des responsabilités de chaque partie dans une transaction c. et f. Conformément au paragraphe 2 de la définition, le fournisseur doit :

Conclure à ses propres frais, aux conditions usuelles, un contrat pour le transport de la marchandise par la route habituelle jusqu'au port de destination convenu... en outre, payer le fret et supporter les frais de déchargement dans le port de débarquement, qui pourraient être perçus par les lignes de navigation régulières lors du chargement dans le port d'embarquement.

L'appelante maintient que, dans le cas actuel, les contrats de vente ont toujours énoncé expressément un prix de vente c. et f. En conséquence, lorsque les prix de vente c. et f. par transport maritime ont été établis, ni l'une ni l'autre des parties n'a pu répartir avec précision les fractions attribuables au coût des marchandises ou à celui du transport. L'appelante soutient que les valeurs f. à b. figurant sur les factures révisées ne devraient pas servir à calculer la valeur en douane des marchandises, étant donné que ces valeurs n'étaient ni plus ni moins qu'une rationalisation rétroactive du prix d'achat révisé. Les frais de transport maritime déduits du prix de vente initial c. et f. constituaient une estimation, comme c'était le cas du montant f. à b. figurant sur les factures révisées.

L'intimé fait valoir que, conformément au sous-alinéa 48(5)b)(i), l'appelante a droit de réduire la valeur en douane du montant des frais de transport seulement dans la mesure où ils sont inclus dans le prix payé pour les marchandises importées. Cette disposition, soutient l'avocat, devait être interprétée comme signifiant que les frais de transport peuvent être déduits du prix de vente seulement dans la mesure où ces frais sont assumés par l'importateur et qu'ils sont ajoutés distinctement au coût de la marchandise, déduction faite des frais d'expédition. Dans le cas actuel, l'intimé prétend qu'il s'agit d'une question de fait.

Donc, le Sous-ministre n'a autorisé qu'une déduction de la moitié des frais de transport, compte tenu du fait que les factures commerciales présentées au moment de la déclaration indiquaient que seulement 50 p. 100 des frais de transport aérien avaient été ajoutés au prix de vente initial, après déduction du coût de transport maritime.

L'intimé prétend que même si le contrat initial de l'appelante peut avoir été un contrat approprié c. et f., le contrat renégocié n'en est pas un, étant donné qu'il identifie clairement les frais spécifiques de transport. Donc, 50 p. 100 des frais de transport aérien peuvent être déduits afin de déterminer la valeur en douane.

DÉCISION

La législation canadienne sur le calcul de la valeur en douane prévoit que la valeur en douane de marchandises importées est la valeur de transaction des marchandises, si les marchandises sont vendues à l'exportation au Canada et que le prix payé ou à payer pour les marchandises peut être déterminé. En vertu du paragraphe 48(4) de la Loi, la valeur de transaction doit être déterminée en établissant le prix payé pour les marchandises, et en ajustant ensuite ce prix conformément au paragraphe (5). Le sous-alinéa 48(5)b)(i) autorise la déduction du prix d'achat du coût du transport dans la mesure où il est inclus dans le prix payé. Ces dispositions ont pour effet de convertir des contrats c. et f. en contrats f. à b. aux fins du calcul de la valeur en douane et de faire en sorte que la valeur de transaction soit équivalente au montant payé pour les marchandises au vendeur au point d'expédition directe au Canada. La question de savoir si les frais de transport et d'autres frais déductibles sont inclus dans le prix de vente est fonction des modalités du contrat conclu entre l'importateur et l'exportateur.

Le Tribunal conclut que les parties se sont toujours entendues pour dire que les contrats de vente étaient des contrats c. et f. Même si le mode de transport a changé, du transport maritime au transport aérien, aucun élément de preuve n'a été présenté qui laisserait supposer que les autres modalités de vente ont été modifiées à un moment donné. La facture commerciale qu'utilise l'intimé pour justifier une déduction de 50 p. 100 du coût du transport aérien indique clairement que les prix de vente originaux et renégociés étaient des prix c. et f. Les éléments de preuve présentés montrent aussi que le coût total du transport aérien a été payé par le vendeur. L'acheteur n'a jamais reçu de facture distincte pour une partie des frais de transport, ce qui est conforme à la pratique commerciale en vigueur dans le cas d'un contrat c. et f.

Le Tribunal reconnaît que l'expression c. et f. (coût et fret) est péremptoirement définie dans la publication «Incoterms de la Chambre de commerce internationale» qui reflète directement la pratique commerciale courante dans le commerce international. Selon le document, un prix de vente c. et f. est défini par les droits et responsabilités des parties qui découlent de l'entente qu'elles ont conclue. En contrepartie du paiement d'un montant déterminé d'avance, le vendeur convient de vendre certaines marchandises à l'importateur. Le vendeur convient aussi de transporter ces marchandises au port de destination par le mode de transport convenu.

Le montant à déduire pour les frais de transport doit être le montant effectif payé au transporteur. Il importe peu que le vendeur ait quantifié et déclaré le coût d'expédition sur les factures commerciales d'un contrat c. et f. Les calculs figurant sur les factures commerciales du vendeur portent sur la façon dont le prix d'achat final a été rationalisé. Dans le cas actuel, le vendeur a rationalisé le prix d'achat en ne lui attribuant que 50 p. 100 des frais de transport. Du point de vue de l'acheteur, le prix d'achat final représente la valeur des marchandises ainsi que le coût total de leur expédition au Canada. Du point de vue du vendeur, le montant reçu pour les marchandises au point d'expédition directe au Canada est le montant total reçu de l'acheteur, moins les frais de transport. En fin de compte, un prix unique doit être payé au vendeur qui a fourni les marchandises et assumé le coût du transport.

CONCLUSION

L'appel est admis. Le Tribunal conclut que le montant qui doit être déduit du prix d'achat des marchandises afin de déterminer leur valeur en douane est le coût effectif du transport aérien. Selon les modalités d'un contrat c. et f., le coût total du transport au point de destination est présumé être inclus dans le prix total à payer pour les marchandises.


[ Table des matières]

1. L.R.C., 1985, ch. 1, art. 48.

2. L.C., 1988, ch. 56.


Publication initiale : le 15 août 1997