PICK-A-MIX CONCRETE LIMITED

Décisions


PICK-A-MIX CONCRETE LIMITED
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel n° 3093

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 25 septembre 1990

Appel n° 3093

EU ÉGARD À un appel entendu le 10 juillet 1990 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise;

ET EU ÉGARD À une décision du ministre du Revenu national datée du 30 août 1988 à l'égard d'un avis d'opposition déposé en vertu de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

PICK-A-MIX CONCRETE LIMITEDAppelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est admis. Le Tribunal déclare que l'appelante peut déduire les coûts de transport encourus entre ses installations et le chantier de son client où le béton doit être livré.


Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre présidant

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Charles A. Gracey ______ Charles A. Gracey Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur la taxe d'accise - Déduction des coûts de transport - Matières premières - Marchandises manufacturées - Béton malaxé prêt à l'usage.

Déterminer si, pour calculer la taxe de vente due sur le prix de vente du béton, l'appelante peut déduire les coûts du transport du contenu de la bétonnière mobile entre ses installations et le chantier où le béton doit être livré, même si ledit contenu se compose de quatre ingrédients entrant dans la fabrication du béton chargés dans quatre compartiments distincts.

Jugement  : L'appel est admis. Le Tribunal déclare que l'appelante peut déduire les coûts de transport encourus entre ses installations et le chantier où le béton doit être livré.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 10 juillet 1990 Date de la décision : Le 25 septembre 1990
Membres du Tribunal : Michèle Blouin, membre présidant W. Roy Hines, membre Charles A. Gracey, membre
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Paul E. Hawa, pour l'appelante Ian M. Donahoe, pour l'intimé
Jurisprudence : Sa Majesté la Reine c. York Marble, Tile and Terrazzo Limited, [1968] R.C.S. 140; Montreal Swiss Embroidery Works Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1965), 3 R.C.T. 203; Chevron Canada Limited v. The Minister of National Revenue, [1986] 2 C.T.C. 495 (F.C.A.); Stubart Investments Limited c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536.
Lois et règlements cités : Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. (1970), dans sa forme modifiée, ch. E-13, divis. 26(6)c)(ii)(B), sous-alinéa 27(1)a)(i) et art. 51.19; Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur l'accise et prévoyant un impôt sur les revenus pétroliers, S.C. 1980-1981-1982-1983, ch. 68, par. 8(5); Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur l'accise et modifiant d'autres lois en conséquence, S.C. 1986, ch. 9, par. 52(1), numéro 33, et par. 52(2); Règlement sur l'exclusion du coût du transport aux fins de la taxe de vente, DORS/83-95, le 21 janvier 1983, art. 3.





Le présent appel, interjeté en application de l'article 51.19 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi), concerne une décision du ministre du Revenu national (le Ministre) confirmant celle du ministère du Revenu national, Douanes et Accise (le Ministère), d'interdire la déduction des coûts de transport aux fins du calcul de la taxe de vente exigible de l'appelante sur le prix de vente du béton malaxé prêt à l'usage.

L'appelante est un fabricant de béton qui offre de livrer ce produit au chantier de construction de son client.

L'appelante cherche à obtenir le droit de déduire les coûts de transport encourus pour acheminer le béton entre ses installations et le chantier de construction de son client.

LES FAITS

L'appelante, Pick-A-Mix Concrete Limited (Pick-A-Mix), est un fabricant licencié de béton sur commande. L'appelante assure la livraison du béton au chantier du client, tous frais compris.

Le béton assujetti à la taxe de vente est un mélange de ciment, de sable, de pierres ou de gravier, et d'eau. La bétonnière mobile assurant le malaxage et la livraison présente quatre compartiments distincts contenant du ciment, du sable, des pierres ou du gravier, et de l'eau. Ces compartiments sont remplis aux installations de l'appelante. Une fois chargé, le camion est conduit au chantier du client où le malaxeur du camion, situé sous les compartiments, malaxe les quatre ingrédients pour en faire du béton. Le malaxage terminé, le béton est déversé le long d'une chute dans les formes ou les moules aménagés sur le chantier.

Pour calculer le prix de vente du béton aux fins de la taxe de vente, l'appelante a déduit les coûts de transport liés à la livraison du contenu de la bétonnière mobile entre ses installations et le chantier.

Par le biais de l'Avis de cotisation no TOR 4106, daté du 2 décembre 1987, le Ministère a réclamé à l'appelante 40 493,27 $ (au titre de la taxe impayée sur les coûts de transport déduits), des intérêts de 3 309,75 $ et une amende de 2 480,11 $, pour un total de 46 283,13 $. La période visée s'étendait du 1er juillet 1985 au 31 août 1987.

L'appelante a contesté la somme réclamée par le Ministère par le biais d'un avis d'opposition daté du 26 janvier 1988. Le 30 août 1988, dans l'Avis de décision no 71060AE, le Ministre a confirmé la cotisation réclamée. Le 7 décembre 1988, l'appelante en a appelé de la taxe de vente réclamée en application de l'article 51.19 de la Loi.

L'appelante demande au Tribunal de statuer qu'aux fins du calcul du prix de vente taxable du béton, les coûts du transport et de la livraison des ingrédients entre les installations de l'appelante et le chantier peuvent être déduits en application de la division 26(6)c)(ii)(B) de la Loi [2] .

Deux témoins ont comparu pour l'appelante au cours de l'audience. Le premier fut M. Patrick Aprile, président de Pick-A-Mix. Dans son témoignage, M. Aprile a expliqué ce qu'est du béton et comment il est fabriqué. Il a aussi décrit le mode de fabrication du béton offert par l'appelante. Invité à préciser ce qui distingue le procédé «malaxé prêt à l'usage» et celui utilisé par Pick-A-Mix, M. Aprile a déclaré que la seule différence tient au fait que dans le cas du procédé utilisé par Pick-A-Mix, les matières premières sont malaxées à l'endroit même où le béton doit être livré. (Pour plus de précision, le Tribunal note que l'expression «malaxé prêt à l'usage» réfère au procédé de fabrication qui, lors du transport du béton, utilise des camions équipés de larges mélangeurs rotatifs.)

Le témoin a ajouté que les fabricants de béton qui utilisent le procédé «malaxé prêt à l'usage» étaient admissibles à une déduction au titre de leurs coûts de transport jusqu'au chantier. Il a précisé que, même si les bétonnières servant à livrer le béton malaxé selon le procédé «malaxé prêt à l'usage» amorcaient le malaxage de matières premières aux installations du fabricant, cette opération se poursuivait pendant le transport jusqu'au chantier et que, parfois, certaines matières premières, comme de l'eau ou du ciment, pouvaient être ajoutées. Le témoin a souligné que parfois les bétonnières utilisées dans le procédé «malaxé prêt à l'usage» malaxent ou continuent le malaxage du béton à destination pour obtenir le produit désiré.

Au cours du contre-interrogatoire, le témoin a indiqué où, et à quel prix, l'appelante s'approvisionnait en ciment, en gravier et en sable. Enfin, il a dévoilé l'existence d'une «déduction standard pour coûts de transport» accordée aux fabricants de béton selon le procédé «malaxé prêt à l'usage» à la suite d'une entente conclue avec le Ministère.

Le deuxième témoin fut M. Ronald Weisfeld, comptable agréé et vérificateur indépendant de l'appelante depuis plus de 20 ans. Il a expliqué que les coûts de transport déduits par l'appelante pour le transport des matières premières entre ses installations et le chantier étaient calculés suivant les principes comptables généralement reconnus. M. Weisfeld a ajouté que les coûts de transport constituaient les coûts du fret d'aller imputable au prix de vente du béton. En contre-interrogatoire, il a confirmé l'imputation de ces coûts à la vente du béton.

LA QUESTION EN LITIGE

Le présent litige consiste à déterminer si, en calculant la taxe de vente due sur le prix de vente du béton, l'appelante peut déduire les coûts du transport du contenu de la bétonnière mobile encourus entre ses installations et le chantier de construction où le béton doit être livré.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Les dispositions législatives pertinentes de la Loi [3] sont les suivantes :

26(6) Pour déterminer la taxe de consommation ou de vente exigible en vertu de la présente Partie,

...

c) dans le calcul du prix de vente de marchandises fabriquées ou produites au Canada, on peut exclure

...

(ii) dans les circonstances que le gouverneur en conseil peut prescrire par règlement, une somme représentant

...

(B) le coût du transport des marchandises supporté par le fabricant ou le producteur en livrant celles-ci à l'acheteur à partir de ses locaux commerciaux, lorsque le prix de vente de ces marchandises comprend leur livraison à l'acheteur,

calculé de la façon que le gouverneur en conseil peut prescrire par règlement.

27(1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le prix de vente de toutes marchandises

a) produites ou fabriquées au Canada,

(i) payable, dans tout cas autre que celui mentionné au sous-alinéa (ii) ou (iii), par le producteur ou fabricant à l'époque où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou à l'époque où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre,

...

Règlement sur l'exclusion du coût du transport aux fins de la taxe de vente [4] (le Règlement)

...

3. Sous réserve de l'article 4, aux fins de la taxe de consommation ou de vente exigible en vertu de la PartieV de la Loi sur le prix de vente des marchandises fabriquées ou produites au Canada, le montant représentant le coût du transport de ces marchandises, qui peut être exclu en vertu du paragraphe 26(6) de la Loi dans le calcul du prix de vente des marchandises doit être établi à l'aide des factures, relevés, registres ou livres de compte du fabricant ou producteur des marchandises et conformément aux principes comptables généralement reconnus.

L'ARGUMENTATION

L'appelante soutient que, d'une part, l'article 3 du Règlement stipule que pour l'application de la division 26(6)c)(ii)(B) de la Loi, les coûts de transport ou de livraison encourus par l'appelante doivent être établis conformément aux principes comptables généralement reconnus et que, d'autre part, lesdits coûts de transport et de livraison sont effectivement imputables au prix de vente du béton, conformément aux principes comptables généralement reconnus.

L'intimé fait valoir que la fabrication consiste à «donner des formes, des qualités ou des propriétés nouvelles ou à recombiner» (traduction) et que le béton n'est fabriqué qu'une fois les matières premières, savoir le ciment, le sable, la pierre ou le gravier, et l'eau, livrées au chantier de construction du client. À ce propos, l'intimé invoque deux causes : Sa Majesté la Reine c. York Marble, Tile and Terrazzo Limited [5] et Montreal Swiss Embroidery Works Limited c. Le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [6] .

L'intimé ajoute que, l'appelante fabricant le béton au chantier de son client, elle n'assume aucun coût pour assurer la livraison des produits manufacturés entre ses installations et le chantier du client. Or, ces frais sont les seuls qui soient déductibles. À cet effet, il invoque la cause Chevron Canada Limited v. The Minister of National Revenue [7] .

L'avocat de l'appelante déclare que le sous-alinéa 26(6)c)(ii), qui englobe la division (B), renferme les mots «somme représentant». Par conséquent, ajoute l'avocat, la combinaison de la fin de l'alinéa c) et du début de la division (B) se lit comme suit :

... on peut exclure... une somme représentant... le coût du transport...

L'avocat soutient donc qu'en vertu de cette division, les coûts directs ne sont pas les seuls qui soient déductibles. À son avis, il suffit que les coûts soient imputables au béton livré au chantier de construction une fois les matières premières transportées des installations de l'appelante. Cette imputation, a-t-il ajouté, doit s'effectuer conformément aux principes comptables généralement reconnus tels que prévu par le règlement pertinent, ce que fait déjà l'appelante.

En outre, l'avocat soutient que la disposition applicable ne stipule pas que les marchandises taxables doivent avoir été fabriquées ou produites lorsque le camion de l'appelante quitte son usine. Enfin, il déclare que cette disposition établit une distinction entre le transport et la livraison. Par conséquent, si l'appelante ne transporte pas du béton, elle livre néanmoins du béton, et non des matières premières. Elle peut donc déduire les coûts liés à la livraison du béton, qui correspondent aux coûts de transport encourus entre les installations de l'appelante et le chantier du client, imputables au béton conformément aux principes comptables généralement reconnus.

L'avocat de l'intimé soutient que les coûts encourus par l'appelante visent le transport des matières premières (le sable, le ciment, la pierre ou le gravier, et l'eau), et non le béton. L'avocat ajoute qu'au moment où la bétonnière quitte les installations de l'appelante, le béton n'existe pas. Il ajoute qu'en vertu de la cause York Marble [8] , qui porte sur le sens des mots «produites ou fabriquées au Canada», le béton de l'appelante n'est produit que lorsque le camion arrive au chantier et que commence le malaxage. L'avocat déclare que l'imputabilité des coûts du transport des matières premières à la fourniture du béton du point de vue comptable ne justifie pas la déduction de ces coûts et que la disposition ne fait aucune distinction entre le transport et la livraison.

Enfin, l'avocat de l'intimé invoque la cause Chevron [9] pour démontrer que le texte de la loi doit s'appliquer intégralement, même si cela semble donner lieu à une situation injuste.

LES CONCLUSIONS DU TRIBUNAL

D'après le Tribunal, le présent appel porte sur la question de savoir si la division 26(6)c)(ii)(B) exige, afin que les coûts de transport soient déductibles, que le béton soit fabriqué ou produit avant de quitter les installations de l'appelante pour la livraison au chantier de construction du client.

Pour répondre à cette question, le Tribunal juge utile d'examiner le sens de l'alinéa c) suivant le contexte global du paragraphe 26(6). Le Tribunal est d'avis que le libellé de cette disposition, adoptée en 1981, témoigne de l'intention du législateur [10] . De toute évidence, elle a pour but d'autoriser, sous réserve des modalités prévues par le règlement, la déduction de trois catégories de coûts du prix de vente de marchandises taxables, à savoir: (1) les frais d'inspection, de marquage, d'estampillage ou de certification; (2) le coût pour l'érection ou l'installation des marchandises; et (3) le coût de transport. Ces derniers figurent aux divisions 26(6)c)(ii)(A) et (B).

En ce qui touche le contexte global du paragraphe 26(6), le Tribunal conclut que le législateur n'entendait pas taxer la partie du prix de vente correspondant aux coûts ou aux activités susmentionnés. Bien sûr, il prévoyait établir des modalités et a édicté des règlements régissant la déduction de ces frais. Toutefois, à la lecture de la division (B), le Tribunal ne relève aucune directive, explicite ou implicite, à l'effet que les coûts de transport encourus par l'appelante ne devraient pas être déduits.

Afin d'interpréter le paragraphe 26(6), le Tribunal rappelle la décision de la Cour suprême du Canada dans la cause Stubart Investments Limited c. La Reine [11] , portant sur l'impôt fédéral sur le revenu. Au sujet des règles d'interprétation de la législation fiscale, le juge Estey a formulé les commentaires suivants :

Bien que les remarques E.A. Dreidger dans son ouvrage Construction of Statutes (2eéd.1983), à la p. 87, ne visent pas uniquement les lois fiscales, il y énonce la règle moderne de façon brève :

Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur. (traduction)

L'intimé demande que la déduction soit refusée parce que les matières premières transportées diffèrent des marchandises livrées ou vendues. Le Tribunal adopte un point de vue plus large selon lequel les marchandises livrées par l'appelante sont en fait identiques à celles livrées par un autre mode de transport. Si l'intimé souhaite invoquer l'interprétation la plus stricte possible de la législation, le Tribunal fait remarquer que les marchandises en question sont du béton malaxé prêt à l'usage, et non simplement du béton. Il s'ensuit, par définition, que tout type de béton est le résultat d'un mélange d'ingrédients constitutifs; aussi, le qualificatif «malaxé prêt à l'usage» doit-il désigner un type particulier de béton. L'intimé est d'avis que cette appellation désigne le béton malaxé avant et pendant son transport, et qui fait déjà l'objet d'une déduction au titre des coûts de transport. Le Tribunal considère que l'appelante livre soit du béton malaxé prêt à l'usage, qui est taxable et profite d'une déduction à l'égard des coûts de transport, soit autre chose que du béton malaxé prêt à l'usage, auquel cas les marchandises ne seraient pas taxables. À des fins de précision, l'intimé a fondé son argumentation sur le fait que des ingrédients, et non le béton malaxé lui-même, étaient transportés, d'où le rejet de la déduction. Le Tribunal fait remarquer que le béton ne peut être produit sans les ingrédients transportés à un coût qui peut être imputé au transport du béton malaxé prêt à l'usage conformément aux principes comptables généralement reconnus.

Le Tribunal ajoute que le mot «marchandises» n'est pas défini. Il convient avec l'intimé que le mot «marchandises» figurant à la division (B) concerne les «marchandises... produites ou fabriquées au Canada» visées à l'alinéa c). En revanche, il constate que: (1) les marchandises produites et livrées par l'appelante sont bien des marchandises produites ou fabriquées au Canada; (2) le libellé de la division (B) ne précise pas que les marchandises doivent être produites ou fabriquées avant d'être transportées; et (3) néanmoins, les marchandises doivent être livrées, ce qui implique qu'elles sont produites ou fabriquées au moment de la livraison.

Le Tribunal remarque que le béton malaxé prêt à l'usage n'est assujetti à la taxe de vente que depuis 1985 [12] . À cet égard, il souligne qu'on ne peut s'attendre à ce que le législateur modifie toutes les dispositions générales comme l'alinéa 26(6)c) pour tenir compte des particularités de chaque industrie touchée chaque fois qu'un produit ou une catégorie de marchandises devient assujetti à la taxe de vente. Dans le cas présent, l'industrie utilise des méthodes de transport adaptées à la fabrication et au transport du béton parce que cette tâche comporte des problèmes techniques particuliers. Le Tribunal ne croit pas qu'en décidant de taxer le béton malaxé prêt à l'usage en 1985, le législateur entendait interdire la déduction des coûts de transport uniquement d'après le mode de livraison du béton au chantier de construction. Le Tribunal croit plutôt que le législateur prévoyait que la division 26(6)c)(ii)(B) promulguée en 1981 s'appliquerait de façon générale à ces marchandises parce que le libellé est assez général pour englober cette situation.

C'est sous cet angle que le Tribunal tient compte des éléments de preuve fournis par l'appelante en ce qui concerne le procédé de fabrication «malaxé prêt à l'usage» et en ce qui concerne la déduction à laquelle ces fabricants ont droit en vertu de la même disposition législative. Il constate que l'intimé n'a pas contesté ces éléments de preuve et, de plus, qu'il a interrogé le témoin de l'appelante au sujet du montant exact de la déduction dont il avait été convenu avec le Ministère [13] .

Le Tribunal ne relève aucune différence fondamentale entre les deux méthodes de production et de livraison du béton. Le procédé «malaxé prêt à l'usage» et celui utilisé par Pick-A-Mix permettent d'obtenir le même produit fini taxable, livré sous l'appellation de béton malaxé prêt à l'usage.

Le Tribunal a étudié les causes invoquées par l'intimé et estime qu'elles n'étaient pas pertinentes à la présente cause.

Plus particulièrement, dans la cause Chevron [14] , portant sur l'interprétation de la même disposition, les marchandises en question étaient manifestement produites ou fabriquées. Le juge Pratte de la Cour d'appel fédérale n'avait qu'à décider si le transport entre deux sites appartenant au même fabricant donnait droit à la déduction des coûts de transport, en vertu de la loi, même si les marchandises n'étaient pas livrées à l'acheteur.

Dans la cause York Marble [15] , il s'agissait de déterminer si le travail effectué sur des plaques de marbre constituait une activité de fabrication ou de production de marchandises au Canada. La question en litige de cette cause-là n'a rien à voir avec la présente cause. Premièrement, l'intimé admet que l'appelante livre des marchandises, savoir du béton malaxé prêt à l'usage. Deuxièmement, la cause York Marble portait sur le sens de l'expression «marchandises... produites ou fabriquées au Canada», ce qui ne correspond pas à l'objet du présent litige.

Enfin, la cause Montreal Swiss Embroidery [16] portait sur la question de savoir si l'appelante fabriquait des marchandises, ce qui n'a toujours rien à voir avec le présent litige.

Pour toutes ces raisons, le Tribunal déclare que la division (B) du sous-alinéa 26(6)c)(ii) n'exige pas, afin que les coûts de transport soient déductibles, que le béton malaxé prêt à l'usage soit produit ou fabriqué avant qu'il ne quitte les installations de l'appelante pour la livraison au chantier de construction du client.

LA CONCLUSION

L'appel devrait être admis.


[ Table des matières]

1. S.R.C. (1970), dans sa forme modifiée, ch. E-13; maintenant L.R.C. (1985), ch. E-15, art. 81.19.

2. S.R.C. (1970), dans sa forme modifiée, ch. E-13; maintenant L.R.C. (1985), ch. E-15, divis. 46(c)(ii)(B).

3. S.R.C. (1970), dans sa forme modifiée; maintenant L.R.C. (1985), ch. E-15, art. 46 et 50.

4. DORS/83-95, le 21 janvier 1983.

5. [1968] R.C.S. 140.

6. (1965), 3 R.C.T. 203.

7. [1986] 2 C.T.C. 495 (F.C.A.).

8. Supra, note 5.

9. Supra, note 7.

10. Loi modifiant la Loi sur l'accise et la Loi sur la taxe d'accise et prévoyant un impôt sur les revenus pétroliers, S.C. 1980-1981-1982-1983, ch. 68, par. 8(5).

11. [1984] 1 R.C.S. 536, à la page 578.

12. Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur l'accise et modifiant d'autres lois en conséquence, L.C. 1986, ch. 9, par. 52(1), numéro 33 et par. 52(2), maintenant L.R.C. (1985), ch. 7, (2e suppl.).

13. Transcription de l'appel no 3093, le 10 juillet 1990, pages 35 et 36.

14. Supra, note 7.

15. Supra, note 5.

16. Supra, note 6.


Publication initiale : le 15 août 1997