LAHRMANN CONSTRUCTION LTD.

Décisions


LAHRMANN CONSTRUCTION LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
Appel n° 3016

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 30 juillet 1990

Appel n° 3016

EU ÉGARD À un appel entendu le 22 mars 1990, en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise;

ET EU ÉGARD À un avis de décision publié par le ministre du Revenu national le 30 mars 1988, au sujet d'un avis d'opposition déposé en vertu de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

LAHRMANN CONSTRUCTION LTD.Appelante

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONALIntimé

POUR LES DOUANES ET L'ACCISE

L'appel n'est pas admis. Le Tribunal maintient la décision rendue par le sous-ministre du Revenu national, c'est-à-dire d'imposer Lahrmann Construction Ltd., l'appelante, comme fabricant ou producteur des mélanges d'asphalte pour pavage et d'inclure dans le prix de vente des mélanges d'asphalte pour pavage le coût du ciment asphaltique acheté par l'appelante et utilisé par cette dernière pour fabriquer les mélanges d'asphalte vendus à Travaux publics Canada.


Michèle Blouin ______ Michèle Blouin Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





DÉCISION : L'appel n'est pas admis. Le Tribunal maintient la décision rendue par le sous-ministre du Revenu national, c'est-à-dire d'imposer Lahrmann Construction Ltd., l'appelante, comme fabricant ou producteur des mélanges d'asphalte pour pavage et d'inclure dans le prix de vente des mélanges d'asphalte pour pavage le coût du ciment asphaltique acheté par l'appelante et utilisé par cette dernière pour fabriquer les mélanges d'asphalte vendus à Travaux publics Canada.

Lieu de l'audience : Edmonton (Alberta) Date de l'audience : Le 22 mars 1990 Date de la décision : Le 30 juillet 1990
Membres du Tribunal : Michèle Blouin, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre W. Roy Hines, membre
Greffier du Tribunal : Janet Rumball
Ont comparu : G. Flynn, pour l'appelante M. Ciavaglia, pour l'intimé
Lois et règlements cités : Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur l'accise et modifiant d'autres lois en conséquence, S.C. 1986, ch. 9, paragraphe 52(1), partie I, annexe V, n° 34, article 24, maintenant L.R.C. (1985), ch. 7 (2 e supp.), paragraphe 56(1).
Mémorandum cité : Communiqué de l'Accise 110/T1 du 23 mai 1985.





RÉSUMÉ

L'appelante, Lahrmann Construction Ltd., a signé un contrat avec Travaux publics Canada (Travaux publics) pour fournir, mélanger et poser de l'asphalte sur certaines parties de la route transcanadienne, dans le Parc national de Banff. Pour fabriquer les mélanges d'asphalte pour pavage, l'appelante utilise du gravier que lui fournit gratuitement Travaux publics et achète du ciment asphaltique de la Compagnie Pétrolière Impériale Ltée. Selon les dispositions du contrat, l'appelante se charge de l'achat et de la livraison du ciment asphaltique et des enduits d'imprégnation et d'adhérence à l'usine. Le sous-ministre du Revenu national (le Sous-ministre) a décidé qu'aux fins de l'application de la taxe de vente l'appelante est fabricant ou producteur des mélanges d'asphalte pour pavage et qu'elle doit, en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, payer la taxe en fonction du «prix de vente» des mélanges d'asphalte pour pavage vendu à Travaux publics. En imposant une cotisation à l'appelante, le Sous-ministre a déterminé que le prix de vente des mélanges d'asphalte pour pavage fabriqué par l'appelante comprend le coût du ciment asphaltique. L'appelante a interjeté appel devant le Tribunal, soutenant que le contrat qu'elle a passé avec Travaux publics ne constitue qu'un contrat de services ne portant que sur la main-d'oeuvre et le matériel et qu'il ne prévoit pas la vente de marchandises; il ne s'agit que d'un contrat d'agence pour ce qui est de l'achat de ciment asphaltique. L'appelante a également prétendu que Travaux publics est l'utilisateur final de l'asphalte et qu'il devrait être celui qui doit payer la taxe de vente. Le Tribunal rejette l'appel et maintient la décision du Sous-ministre.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Au moment de l'appel, les dispositions pertinentes de la Loi étaient les suivantes :

Loi sur la taxe d'accise [1]

2 (1) ...

«fabricant ou producteur» Y sont assimilés:

...

f) toute personne qui, y compris par l'intermédiaire d'une autre personne agissant pour le compte de celle-ci, prépare des marchandises pour la vente, notamment en les assemblant, fusionnant, mélangeant, coupant sur mesure, diluant, embouteillant, emballant ou remballant, à l'exclusion d'une personne qui prépare ainsi des marchandises dans un magasin de détail afin de les y vendre exclusivement et directement aux consommateurs. (soulignement ajouté)

...

42 ...

«prix de vente» Relativement à l'établissement de la taxe de consommation ou de vente, s'entend:

a) sauf dans le cas des vins, de l'ensemble des montants suivants:

(i) le montant exigé comme prix avant qu'un montant payable à l'égard de toute autre taxe prévue par la présente loi y soit ajouté,

(ii) tout montant que l'acheteur est tenu de payer au vendeur en raison ou à l'égard de la vente en plus de la somme exigée comme prix - qu'elle soit payable au même moment ou en quelque autre temps -, y compris, notamment, tout montant prélevé pour la publicité, le financement, le service, la garantie, la commission ou à quelque autre titre, ou destiné à y pourvoir,

(iii) le montant des droits d'accise exigible aux termes de la Loi sur l'accise, que les marchandises soient vendues en entrepôt ou non, ...

50 (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente de neuf pour cent sur le prix de vente de toutes marchandises:

a) produites ou fabriquées au Canada:

(i) payable... par le producteur ou fabricant au moment où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou au moment où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre (soulignement ajouté)

...

PARTIE I - ANNEXE V

34. Mélanges d'asphalte pour pavage [2] .

LES FAITS

Le présent appel, interjeté en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi), découle de l'Avis de décision n° 60265 AE du 30 mars 1988. Dans cette décision, le sous-ministre du Revenu national (le Sous-ministre) a conclu qu'aux fins de l'application de la taxe de vente l'appelante était le fabricant ou le producteur des mélanges d'asphalte pour pavage et qu'elle devait, en vertu de la Loi, payer la taxe en fonction du «prix de vente» des mélanges d'asphalte pour pavage vendus à Travaux publics Canada (Travaux publics). En imposant une cotisation à l'appelante, le Sous-ministre a précisé que le prix de vente des mélanges d'asphalte pour pavage fabriqués par l'appelante englobe le coût du ciment asphaltique.

L'appelante, Lahrmann Construction Ltd. (Lahrmann), s'oppose à ce qu'il soit tenu compte de la valeur du ciment asphaltique aux fins du calcul de la taxe de vente fédérale. Elle demande que l'appel soit autorisé et que la question soit reportée au Sous-ministre pour qu'il établisse une nouvelle cotisation, soutenant que la taxe de vente fédérale relative au contrat ne devrait pas être déterminée selon la valeur du ciment asphaltique qu'elle a fourni.

L'intimé demande le rejet de l'appel.

L'appel a d'abord été interjeté auprès de la Commission du tarif. Cependant, en vertu de l'article 60 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [3] , l'appel est repris et entendu par le Tribunal canadien du commerce extérieur.

Lahrmann est une société qui a signé un contrat avec Travaux publics en vue de fournir, de mélanger et de poser de l'asphalte sur un tronçon de 14,8 km de la route transcanadienne, dans le Parc national de Banff. Le contrat a été signé le 9 juillet 1985.

Les éléments de preuve de l'appelante ont été présentés par le chef de la direction de la société, M. Wenzel, qui est à l'emploi de celle-ci depuis 1978.

Le témoin a décrit le processus de fabrication de l'asphalte de la manière suivante : l'entrepreneur utilise deux matières premières, des agrégats concassés, c'est-à-dire de la roche concassée et taillée en morceaux de dimensions spécifiques, et du ciment asphaltique. Ces deux produits sont mélangés dans des proportions précises dans un four tournant qui sèche d'abord le produit et l'enduit par la suite de ciment asphaltique. Le mélange ainsi obtenu est placé dans un silo de stockage puis transporté au chantier de construction. Il est introduit dans des machines d'asphaltage de routes qui l'étendent en une couche d'une certaine épaisseur, habituellement entre deux et quatre pouces. Il est ensuite roulé et compacté.

Le témoin de l'appelante a expliqué que les expressions anglaises asphalt cement (ciment asphaltique) et oil (huile) sont des synonymes. L'expression ciment asphaltique sera utilisée partout dans la présente décision pour décrire les matériaux utilisés.

L'appel d'offres portant sur le contrat passé entre Travaux publics et Lahrmann prévoit ce qui suit :

...

2. L'entrepreneur doit acheter et livrer à l'usine le ciment asphaltique et les matériaux nécessaires pour fabriquer les couches d'imprégnation et d'adhérence. L'entrepreneur doit procéder à un appel de soumissions pour l'acquisition et la livraison du ciment asphaltique et des matériaux nécessaires pour fabriquer les couches d'imprégnation et d'adhérence, envoyer à l'ingénieur des copies des soumissions et des données prouvant que le prix est concurrentiel, juste et raisonnable, et recommander un fournisseur. L'entrepreneur doit être autorisé par écrit par l'ingénieur et avoir reçu le prix de l'asphalte avant d'émettre un bon de commande pour l'achat et la livraison du ciment asphaltique et des matériaux nécessaires à la fabrication de la couche d'adhérence.

3. L'entrepreneur doit recevoir le paiement du ciment asphaltique et des matériaux nécessaires pour fabriquer les couches d'imprégnation et d'adhérence achetés et livrés à l'usine; le paiement sera établi en fonction des coûts facturés par le fournisseur...

(Traduction)

Pour respecter les dispositions du contrat, l'appelante a utilisé du gravier que lui a fournit gratuitement Travaux publics et a acheté du ciment asphaltique de la Compagnie Pétrolière Impériale Ltée. Le témoin a expliqué que le montant de l'achat du ciment asphaltique est ajouté au contrat par Travaux publics et que l'appelante n'exerce aucun contrôle sur ce montant. L'asphalte devait être acheté en franchise de taxe de vente. Le témoin a aussi expliqué que l'appelante ne réalise aucun bénéfice à la revente du ciment asphaltique à Travaux publics et qu'elle ne peut, en vertu des dispositions du contrat, récupérer les sommes versées en taxes. L'appelante a simplement déposé les factures reçues du fournisseur, la Compagnie Pétrolière Impériale Ltée, auprès de Travaux publics qui, à son tour, a remboursé ce montant à Lahrmann. Le montant ainsi recueilli a par la suite étE9‚ remis au fournisseur. Le témoin a ajouté que le prix du ciment asphaltique ne pouvait être précisé avant l'adjudication du contrat parce que l'appelante n'a pas soumis de prix pour le ciment asphaltique. Travaux publics a établi et inscrit au contrat passé avec l'appelante le montant d'achat du ciment asphaltique.

Le témoin a confirmé que dans le cas de la plupart des contrats semblables passés avec la province de l'Alberta aux fins de l'asphaltage de routes, la province est chargée de fournir le ciment asphaltique et le gravier. Ce n'était pas le cas pour le contrat en cause, en raison des exigences de Travaux publics, mais la nature des travaux exécutés était la même, c'est-à-dire le pavage de routes. Le témoin a expliqué que, pour des raisons de commodité, Travaux publics n'a pas acheté lui-même le ciment asphaltique. Au cours de la construction, il est essentiel de commander à chaque jour au fournisseur la quantité exacte de ciment asphaltique requise. Si Travaux publics avait acheté son propre ciment asphaltique, il aurait été dans l'obligation d'embaucher une autre personne uniquement pour surveiller l'état d'avancement des travaux et pour établir l'inventaire, à chaque jour, de la quantité de ciment asphaltique requise par l'entrepreneur. Par conséquent, il n'était pas très pratique pour Travaux publics d'acheter ledit produit; c'est la raison pour laquelle les dispositions du contrat prévoyaient que Lahrmann achèterait le ciment asphaltique et se ferait rembourser par la suite le prix d'achat.

Le paragraphe 22.2 des Conditions générales du contrat passé entre Travaux publics et Lahrmann, le 9 juillet 1985, prévoit ce qui suit :

22.2Nonobstant le paragraphe CG22.1 et l'article CG35, le montant énoncé dans les Articles de convention doit faire l'objet d'un redressement de la manière prévue au paragraphe CG22.3, en cas de modification à une taxe imposée en vertu de la Loi sur l'accise, de la Loi sur la taxe d'accise, de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, de la Loi sur les douanes, ou du Tarif des douanes

22.2.1survenant après la date à laquelle l'Entrepreneur a présenté une soumission pour le Contrat,

22.2.2s'appliquant aux matériaux, et

22.2.3influant sur le coût de ces matériaux pour l'Entrepreneur.

22.3En cas de changement fiscal suivant le paragraphe CG22.2, tout montant pertinent indiqué dans les Articles de convention sera augmenté ou diminué d'un montant égal au montant qui, sur examen des registres mentionnés à l'article CG51, représente l'augmentation ou la diminution, selon le cas, des coûts directement attribuables à ce changement.

22.4Aux fins du paragraphe CG22.2, lorsqu'une taxe fait l'objet d'un changement après la date à laquelle l'Entrepreneur a présenté une soumission mais alors que le ministre des Finances en avait donné avis public avant la date de présentation de la soumission, le changement fiscal est censé être survenu avant la date à laquelle la soumission a été présentée.

Le 1er juillet 1985, les mélanges d'asphalte pour pavage ont été assujettis à la taxe de vente [4] , au taux de 6 p. 100, calculé sur le prix de vente, au moment de la vente ou de l'utilisation des marchandises par les fabricants ou les producteurs, ou au moment de l'importation. Ces modifications apportées à la Loi ont été énoncées au paragraphe 34 de l'avis de motions n° 1 accompagnant les documents budgétaires déposés à la Chambre des communes, le 23 mai 1985.

Le 23 mai 1985, Revenu Canada a émis le Communiqué de l'Accise 110/T1 pour donner un préavis au sujet de la nouvelle taxe proposée et déterminer les méthodes que devraient respecter les fabricants des mélanges d'asphalte pour pavage pour déclarer la taxe de vente payable en vertu de la Loi. Les soumissionnaires ont été mis au courant du contenu de ce communiqué lors d'une réunion préalable à l'ouverture des soumissions, le 25 juin 1985, à laquelle participaient le représentant de Lahrmann.

Des deux méthodes proposées dans le communiqué de l'Accise 110/T1 aux fins du calcul de la taxe de vente, l'appelante a choisi la méthode d'imposition détaillée qui prévoit un calcul plus complexe et englobe les frais liés aux matériaux et services.

En établissant la cotisation de l'appelante pour 1985, le Sous-ministre a déterminé la valeur du ciment asphaltique comme matériau intégré au produit fini, et assujetti à la taxe de vente fédérale, il a donc imposé l'appelante en conséquence. Cette dernière s'oppose à cette décision et a demandé au Tribunal de lui accorder un dégrèvement.

L'intimé a fait comparaître un témoin, M. Iverson, employé de Travaux publics. Ce dernier était directeur adjoint chargé du projet et relevait de l'ingénieur en chef.

Selon ce témoin, le contrat comportait trois éléments : l'approvisionnement en ciment asphaltique, ensuite le mélange, le chargement, le transport, la pose et le compactage du ciment asphaltique et enfin, divers travaux supplémentaires. En vertu du premier volet, l'entrepreneur, soit Lahrmann, devait acheter le ciment asphaltique et se faire rembourser par Travaux publics sur présentation de demandes mensuelles relatives à l'avancement des travaux.

Le témoin a également expliqué qu'une réunion préalable à l'ouverture des soumissions a été tenue le 25 juin 1985, avant l'adjudication du contrat. Tous les entrepreneurs ont pris part à cette réunion, y compris Lahrmann, comme il est indiqué dans le compte rendu de la séance d'information préalable à l'ouverture des soumissions pour le projet du Parc national de Banff (pièce B-1). Ce compte rendu a été rédigé par deux surveillants permanents, M. Don McRitchie et M. Julian Malinsky. Ce dernier était le surveillant permanent chargé du projet.

Le témoin a mentionné qu'à la réunion préalable à l'ouverture des soumissions, les représentants de Travaux publics ont soulevé la question de la nouvelle taxe sur les mélanges d'asphalte pour pavage et ont informé les éventuels soumissionnaires que certaines modifications avaient été apportées à la taxe. Selon le témoin de l'intimé, dès l'étape préalable à l'ouverture des soumissions, l'appelante savait qu'elle devait payer la taxe de vente sur les mélanges d'asphalte pour pavage. Au cours de cette réunion, les représentants de Travaux publics ont fait savoir aux entrepreneurs qu'une taxe d'accise de 6 p. 100 serait appliquée pendant toute la durée du contrat. Ils ont également expliqué que l'entrepreneur choisi devait payer la taxe de vente applicable au ciment asphaltique et qu'il devait incorporer, d'une façon ou d'une autre, cette taxe à sa soumission.

Le Sous-ministre a décidé qu'aux fins de l'application de la Loi l'appelante était le fabricant ou le producteur des marchandises en cause et que, par conséquent, elle devait payer la taxe en fonction du prix de vente des mélanges d'asphalte pour pavage vendus à Travaux publics, et que ledit prix de vente englobait la valeur du ciment asphaltique acheté par Lahrmann et vendu à Travaux publics. Bien qu'au départ, le gravier ait également été taxé par Revenu Canada, il a été exonéré de la taxe à la suite d'un appel interjeté par l'appelante auprès du Sous-ministre. Ce changement est attribuable au fait que le gravier n'a pas été acheté, mais qu'il a été fourni gratuitement à l'appelante.

C'est la décision du Sous-ministre d'intégrer le coût du ciment asphaltique dans le prix de vente des mélanges d'asphalte pour pavage qui fait l'objet de l'appel interjeté par Lahrmann.

LA QUESTION EN LITIGE

Le présent appel a pour but de déterminer si l'appelante doit payer la taxe de vente sur le prix du ciment asphaltique acheté de la Compagnie Pétrolière Impériale Ltée pour fabriquer les mélanges d'asphalte de pavage vendus à Travaux publics.

LES ARGUMENTS

L'appelante est d'avis que le contrat signé avec Travaux publics ne constitue qu'un contrat de services englobant la main-d'oeuvre et le matériel. L'avocat la représentant soutient que le contrat ne comprend pas la vente de marchandises, mais qu'il prend plutôt la forme d'un contrat d'agence pour ce qui est de l'achat du ciment asphaltique. Étant donné cette relation, il prétend que Travaux publics représente l'utilisateur final de l'asphalte et qu'en conséquence, il devrait payer la taxe de vente.

Selon l'avocat de l'appelante, les modalités du contrat précisent, de façon explicite ou implicite, que le rôle de Lahrmann se limite à celui de mandataire de Travaux publics aux fins de l'acquisition du ciment asphaltique. À cet égard, il fait valoir que le contrat n'oblige aucunement Lahrmann à soumissionner la vente du ciment asphaltique. Ce dernier n'a été acheté qu'après autorisation de Travaux publics, qui n'a remboursé à l'appelante que le coût d'achat, sans versement de frais généraux, ni de bénéfices. Vu que Lahrmann n'a pas assumé de frais relativement au ciment asphaltique, le prix de ce matériau ne devait pas être intégré à la base sur laquelle la taxe de vente fédérale est calculée.

En outre, prétend l'avocat, les dispositions de la Loi exigent le paiement de la taxe en fonction du «prix de vente» qui, par définition, correspond généralement au montant exigé comme prix. Selon lui, le concept du prix n'engloberait pas les sommes reçues de Travaux publics comme remboursement à l'égard du ciment asphaltique.

L'avocat ajoute que les dispositions du Communiqué de l'Accise 110/T1 du 23 mai 1985 ne sont pas précises en ce qui a trait à la méthode de détermination de la valeur de base pour fin d'imposition. Cette valeur ne devrait pas englober un simple remboursement des dépenses accordées à l'appelante à titre de mandataire de Travaux publics. Il ajoute que s'il convient d'utiliser une valeur fixe aux fins de l'application du Mémorandum ET207, le terme «coût», utilisé dans les expressions «coût de toutes les matières utilisées» et «coût livré», doit englober le coût assumé par l'appelante. Il n'est pas raisonnable, selon lui, d'imposer à l'appelante une taxe fondée sur les frais assumés par une autre partie, soit Travaux publics.

Subsidiairement, plaide l'avocat, selon les dispositions des paragraphes 5 et 6 du Mémorandum ET207, Travaux publics est réputé être le fabricant aux fins de l'application de la taxe de vente fédérale. Il soutient que ces dispositions couvrent la situation où l'utilisateur final (Travaux publics) fournit à une autre personne (Lahrmann) des matériaux (gravier et ciment asphaltique) devant être intégrés à des produits taxables pour l'utilisateur final (Travaux publics comme organisme du gouvernement du Canada). Par conséquent, le fabricant assujetti à la taxe sur le gravier et le ciment asphaltique devrait être Travaux publics, et non Lahrmann.

L'avocat ajoute aussi que les dispositions du Mémorandum ET311 Travail à façon restreignent l'assujettissement à la taxe de vente fédérale à la valeur du contrat de l'appelante. En effet, le contrat vise des travaux de main-d'oeuvre et l'appelante est réputée avoir vendu des marchandises à un prix de vente correspondant au prix prévu par le contrat. Ce dernier représente un accord en vertu duquel Travaux publics fournit du gravier et du ciment asphaltique (que ce soit directement ou par l'entremise de Lahrmann comme mandataire de Travaux publics) et l'appelante fabrique les matériaux et les remet à Travaux publics sous forme de routes.

L'avocat ajoute enfin qu'il n'est pas raisonnable d'interpréter les dispositions du contrat adjugé au début de juillet 1985 à partir d'un communiqué publié quelques jours auparavant, mais après le début du processus d'appel d'offres. Il soutient que les dispositions de la Loi et des lignes directrices connexes doivent être interprétées de manière à produire un résultat équitable. Selon lui, il est tout à fait déraisonnable de s'attendre à ce que l'appelante paie la taxe de vente fédérale sur des quantités importantes de ciment asphaltique acquises à titre de mandataire de Travaux publics, puisque Lahrmann n'a reçu le remboursement que des frais directs, et non des frais généraux, des bénéfices ou de la taxe de vente fédérale, maintenant imposée par l'intimé.

L'avocat de l'intimé soutient que l'appelante est le fabricant ou le producteur des mélanges d'asphalte pour pavage et qu'elle doit payer la taxe de vente sur le prix du ciment asphaltique qu'elle a acheté et vendu à Travaux publics aux fins de l'exécution du contrat signé avec ce dernier.

L'avocat précise que même si le mélange est utilisé pour respecter les dispositions d'un contrat, l'appelante doit tout de même payer la taxe sur le «prix de vente» total énoncé dans le contrat.

Aux fins du calcul du «prix de vente» imposable, l'intimé prétend qu'il était justifié d'y ajouter le coût du ciment asphaltique. En vertu des dispositions du contrat, de la soumission de l'appelante et des ententes conclues avec le fournisseur (Compagnie Pétrolière Impériale Ltée), l'appelante a commandé et payé le ciment asphaltique, puis l'a fourni et revendu à Travaux publics. Dans de telles circonstances, l'avocat soutient que ledit ciment asphaltique fait partie des marchandises fournies et vendues à Travaux publics, et que la taxe doit être payée sur ces marchandises.

Pour ce qui est de l'allégation de l'avocat de l'appelante voulant qu'elle ait simplement fait fonction de mandataire pour Travaux publics aux fins de l'achat et de la vente du ciment asphaltique, l'avocat de l'intimé prétend qu'il s'agit d'un argument hors de propos, car il a été décidé il y a longtemps qu'en matière d'imposition les dispositions sont appliquées à partir de faits objectifs et non sur la façon dont les gens décident de structurer leurs rapports contractuels.

Enfin, l'avocat de l'intimé soutient que tout autre résultat permettrait de conclure que le ciment asphaltique n'est pas assujetti à la taxe, ce qui serait contraire au libellé et à l'intention de la Loi.

DÉCISION

L'appelante, Lahrmann, est le producteur des mélanges d'asphalte pour pavage. Cette question n'est pas contestée et elle a même été reconnue par celle-ci au cours de l'audience. Vu cette admission, l'appelante ne peut soutenir que le fabricant est Travaux publics.

Le contrat signé par Lahrmann et Travaux publics en vue de fournir, de mélanger et de poser de l'asphalte dans le Parc national de Banff précise que l'appelante est tenue, en vertu du contrat, d'acquérir le ciment asphaltique nécessaire à la fabrication des mélanges d'asphalte pour pavage. En vertu de ce même contrat, le gravier est fourni gratuitement par Travaux publics. La question que doit trancher le Tribunal a trait à la taxe à payer à l'égard de cette opération.

Les modifications législatives en vertu desquelles une taxe de vente a été imposée aux mélanges d'asphalte pour pavage ont été annoncées dans le budget de mai 1985 et sont entrées en vigueur le 1er juillet 1985, avant la signature du contrat par les deux parties, le 9 juillet 1985. Les parties ont été avisées des modifications législatives proposées peu après l'annonce du budget du 23 mai 1985, mais bien avant l'entrée en vigueur des changements apportés à la taxe de vente. En effet, ces modifications législatives ont été discutées à la réunion préalable à l'ouverture des soumissions, le 25 juin 1985, à laquelle prenait part le représentant de Lahrmann. Il ne fait donc aucun doute que l'appelante était au courant de l'applicabilité de la loi à sa situation au moment où elle a déposé sa soumission.

Au cours de l'audience, l'appelante a admis qu'elle fabriquait les mélanges d'asphalte pour pavage en cause. Lahrmann a également vendu ces mélanges à Travaux publics, comme en font foi les éléments de preuve déposés au cours de l'audience. Les dispositions du contrat prévoient que l'appelante procéderait à l'asphaltage de certains tronçons de la route transcanadienne, dans le Parc national de Banff. Le contrat indique également que l'appelante doit acheter le ciment asphaltique et vendre à Travaux publics les mélanges d'asphalte pour pavage auquel le ciment asphaltique est intégré lors de la fabrication de l'asphalte. La modification à la Loi sur la taxe d'accise était en vigueur au moment de la signature et de l'exécution du contrat. C'est pourquoi le Tribunal est d'avis que l'appelante est le fabricant ou le producteur des mélanges d'asphalte pour pavage; il est donc évident qu'elle doit être assujettie aux dispositions de la Loi. Le Tribunal est également convaincu que le prix de vente imposable des mélanges d'asphalte pour pavage comprend le coût du ciment asphaltique acheté par l'appelante aux fins de la fabrication des mélanges d'asphalte pour pavage prévu par le contrat.

Le Tribunal est d'avis que le Sous-ministre était justifié de déterminer que l'appelante était, aux fins de l'application de la Loi, le fabricant ou le producteur des mélanges d'asphalte pour pavage et devait, en vertu des dispositions de la Loi, payer la taxe sur le prix de vente du ciment asphaltique entrant dans la fabrication des mélanges d'asphalte pour pavage vendus à Travaux publics.

Le Tribunal considère comme hors de propos l'argument soumis par l'appelante, à savoir qu'elle faisait simplement fonction de mandataire de Travaux publics pour ce qui est de l'achat du ciment asphaltique. Le Tribunal ne peut accepter le fait que les dispositions de la Loi deviennent inopérantes en raison de l'affirmation selon laquelle l'appelante agissait au nom d'un autre intervenant dans le cadre de la transaction en cause. La question de la relation d'agence entre Lahrmann et Travaux publics dans la présente cause relève du droit privé et doit être réglée par les parties; faute de règlement, elle pourrait être résolue dans des circonstances plus appropriées. Dans le cas présent, l'appelante est manifestement assujettie aux dispositions de la Loi et le Tribunal en a décidé ainsi.

CONCLUSION

L'appel n'est pas admis. Le Tribunal maintient la décision rendue par le Sous-ministre, c'est-à-dire d'imposer l'appelante comme fabricant ou producteur des mélanges d'asphalte pour pavage et d'inclure dans le prix de vente le coût du ciment asphaltique acheté par l'appelante et utilisé par cette dernière pour fabriquer les mélanges d'asphalte vendus à Travaux publics.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985). ch. E-15.

2. Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur l'accise et modifiant d'autres lois en conséquence, S.C. 1986, ch. 9, paragraphe 52(1), modifiant l'article 24 de la partie I, annexe V de ladite Loi, n ° 34, en vigueur le 1er juillet 1985, maintenant L.R.C. (1985), ch. 7 (2e supp.), paragraphe 56(1).

3. S.C. 1988, ch. 56.

4. Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur la taxe d'accise et modifiant d'autres lois en conséquence, S.C. 1986, ch. 9, paragraphe 52(1), modifiant l'article 24 de la partie I, annexe V de ladite Loi, n ° 34, maintenant L.R.C. (1985), ch. 7 (2e supp.), paragraphe 56(1). La même modification apportée à la loi prévoyait, au paragraphe 52(2), que les modifications à la loi étaient réputées être entrées en vigueur le 1er juillet 1985.


Publication initiale : le 8 août 1997