NOVA LUMBER CO. LTD.

Décisions


NOVA LUMBER CO. LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no 3071

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 19 juillet 1991

Appel no 3071

EU ÉGARD À un appel entendu le 10 avril 1991 en vertu de l'article 18 de la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre, L.R.C. (1985), ch. 12 (3e suppl.) et de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À trois décisions du ministre du Revenu national datées du 22 juillet 1988 concernant autant d'avis d'opposition déposés en vertu de l'article 51.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

NOVA LUMBER CO. LTD.Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONALIntimé

L'appel est rejeté.


Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre présidant

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

Michel P. Granger ______ Michel P. Granger Secrétaire intérimaire





En application de l'article18 de la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre et de l'article81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, la société Nova Lumber Co. Ltd. en appelle de trois décisions en vertu desquelles le ministre du Revenu national a rejeté ses objections et confirmé les cotisations. Le premier avis de cotisation, daté du 21septembre1987, portait sur la période comprise entre le 1eret le 31juillet1987. Le montant réclamé, intérêt et pénalité compris, s'élevait à 124788,75$. Le deuxième avis, daté du 21octobre1987, portait sur la période comprise entre le 1eret le 31août1987. Le montant réclamé, intérêt et pénalité compris, s'élevait à 110992,11$. Le troisième avis, daté du 20avril1988, portait sur la période comprise entre le 1eret le 30novembre1987. Le montant réclamé, intérêt et amende compris, s'élevait à 100125,80$. L'appelante, en vertu de l'article 51.15 de la Loi sur la taxe d'accise maintenant l'article81.15, s'est opposée aux cotisations, soutenant que ses exportations de bois d'oeuvre étaient admissibles à l'exemption visée à l'article15 de la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre, et qu'elle n'avait donc pas à verser les droits exigibles en vertu de ladite loi et réclamés en vertu de la Loi de la taxe d'accise. En vertu de trois avis de décision datés du 22juillet1988, le ministre du Revenu national a rejeté les objections parce que l'appelante ne figure pas dans l'annexe du Décret d'exemption visant le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre, C.P.1987-1575, qui donne la liste des sociétés exemptées du droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre.

DÉCISION  : L'appel est rejeté.

Lieu de l'audience : Vancouver (Colombie-Britannique) Date de l'audience : Le 10 avril 1991 Date de la décision : Le 19 juillet 1991
Membres du Tribunal : Sidney A. Fraleigh, membre présidant Kathleen E. Macmillan, membre Arthur B. Trudeau, membre
Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater
Greffier : Nicole Pelletier
Ont comparu : Gary A. Letcher, pour l'appelante Brian J. Saunders, pour l'intimé
Jurisprudence : Re Doctors Hospital v. Minister of Health et al., (1976), 12 O.R. (2d), 164; Hui c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 96; Ref. re Constitutional Question Act, 46 B.C.L.R. (2d) 273; Re Air Canada v. Attorney-General of British Columbia, 47 B.C.L.R. 341; Walbern Agri- Systems Ltd. c. le ministre du Revenu national, Tribunal canadien du commerce extérieur, Appel n o 3000, le 21 décembre 1989; Le procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat of Canada et al., [1980] 2 R.C.S. 735; Thorne's Hardware Limited et al. c. Sa Majesté La Reine et al., [1983] 1 R.C.S. 106; Penikett et al. v. The Queen et al., 45 D.L.R. (4th) 108, Y.T.C.A.; Sunshine Coast Parents for French v. Sunshine Coast School, non publié, B.C.S.C., le 5 juillet 1990.





LA QUESTION EN LITIGE ET LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

Selon l'appelante, Nova Lumber Co. Ltd. (Nova Lumber), le présent appel porte sur la question de savoir si le ministre du Commerce extérieur s'est conformé à l'article 15 de la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre [1] (la Loi sur le bois d'oeuvre), et, dans la négative, si cela annule le droit de percevoir ou de conserver les droits à l'exportation de produits de bois d'oeuvre vers les États-Unis prélevés en vertu de ladite loi.

Les dispositions pertinentes de la Loi sur le bois d'oeuvre sont les suivantes :

4.(1) Les produits de bois d'oeuvre figurant à la partie II de l'annexe et exportés aux États-Unis après le 7 janvier1987 sont assujettis à un droit calculé conformément à la présente loi.

...

15.(1) Sur recommandation du ministre du Commerce extérieur, le gouverneur en conseil peut, par décret :

a) soustraire des produits de bois d'oeuvre à l'assujettissement aux droits prévus par la présente loi, conditionnellement ou non et de façon générale ou pour une opération précise, ou exempter toute personne de l'obligation de payer ces droits;

...

18. Les articles 81.1 à 81.32 et 81.34 à 81.39 de la Loi sur la taxe d'accise s'appliquent, compte tenu des adaptations de circonstance, aux droits ou aux autres montants exigibles aux termes de la présente loi.

LES FAITS ET LES ÉLÉMENTS DE PREUVE

En vertu de l'article 18 de la Loi sur le bois d'oeuvre et de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, la société Nova Lumber en appelle de trois décisions en vertu desquelles le ministre du Revenu national a rejeté ses objections et confirmé les cotisations. Le premier avis de cotisation, daté du 21 septembre 1987, portait sur la période comprise entre le 1er et le 31 juillet 1987. Le montant réclamé, intérêt et pénalité compris, s'élevait à 124 788,75 $. Le deuxième avis, daté du 21 octobre 1987, portait sur la période comprise entre le 1er et le 31 août 1987. Le montant réclamé, intérêt et pénalité compris, s'élevait à 110 992,11 $. Le troisième avis, daté du 20 avril 1988, portait sur la période comprise entre le 1er et le 30 novembre 1987. Le montant réclamé, intérêt et pénalité compris, s'élevait à 100 125,80 $.

L'appelante s'est opposée aux cotisations soutenant que ses exportations de bois d'oeuvre étaient admissibles à l'exemption visée à l'article 15 de la Loi sur le bois d'oeuvre et qu'elle n'avait donc pas à verser les droits exigibles en vertu de ladite loi et réclamés en vertu de la Loi sur la taxe d'accise.

En vertu de trois avis de décision datés du 22 juillet 1988, le Ministre du Revenu national a rejeté les objections parce que l'appelante ne figure pas dans l'annexe du Décret d'exemption visant le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre, C.P. 1987-1575, qui donne la liste des sociétés exemptées du droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre.

Dans une lettre datée du 3 octobre 1988, Nova Lumber en a appelé auprès de la Commission du tarif, puis cet appel a été confié au présent Tribunal, conformément à l'article 60 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [2] .

Nova Lumber fabrique des produits de bois d'oeuvre en cèdre. La société a ouvert ses portes en 1950 à North Vancouver et comptait environ 170 employés à l'époque des avis de cotisation, au milieu des années 80. M. Norman Earl Noble, qui était alors président de l'appelante, a comparu à l'audience à titre de témoin de Nova Lumber.

M. Noble a déclaré qu'en août 1986, il a répondu à un questionnaire du United States Department of Commerce (département américain du commerce) visant une pétition émanant des producteurs américains de produits de bois d'oeuvre, qui soutenaient que leurs homologues canadiens profitaient de subventions déloyales en vertu de certains programmes fédéraux et provinciaux. Les producteurs américains réclamaient l'imposition de droits compensateurs sur l'importation aux États-Unis de certains produits de bois d'oeuvre provenant du Canada. Dans sa réponse au questionnaire, M. Noble a indiqué que Nova Lumber n'avait participé à aucun programme de subvention.

En septembre 1986, Nova Lumber a répondu à un autre questionnaire du département américain du commerce en précisant qu'elle ne profitait d'aucune subvention gouvernementale offerte à l'industrie. M. Noble a déclaré que le département américain du commerce avait demandé au Ministry of Forests of British Columbia (le Ministère) de préciser si oui ou non Nova Lumber détenait des droits de coupe dans la province (c'est-à-dire le droit d'abattre des arbres sur les terres publiques). À ce propos, le Ministère a indiqué que, pour l'exercice 1985-1986, Nova Lumber avait détenu des droits de coupe conférés par la Colombie-Britannique. Le témoin a toutefois précisé que Nova Lumber avait vendu sa licence en 1985, mais que la transaction n'a été enregistrée qu'en 1986.

M. Noble a déclaré que les droits de coupe visaient des produits de récupération et représentaient à peine quelques milliers de dollars par année en regard d'un chiffre d'affaires d'environ 25 millions de dollars. Il était d'avis que le gouvernement du Canada avait décidé de ne pas soumettre le calcul indiquant que tout avantage provenant des subventions gouvernementales versées à Nova Lumber était en deçà du critère de minimis, ce qui exemptait la société des droits compensateurs que l'on proposait d'appliquer aux importations de produits de bois d'oeuvre. Le témoin a indiqué que le département américain du commerce s'est fondé sur cette réponse affirmative dépourvue de toute nuance pour décider de ne pas exclure l'appelante. À l'appui de sa déclaration, il a déposé une note de service à classer du département américain du commerce (pièce A-3) selon laquelle Nova Lumber n'a pas été exclue parce qu'elle détenait des droits de coupe en 1985-1986 et que, par conséquent, les avantages reçus du gouvernement étaient supérieurs au critère de minimis.

M. Noble a déclaré que les subventions qu'une société reçoit du gouvernement sont réputées inférieures au critère de minimis, si elles n'excèdent pas 0,5 p. 100 du chiffre d'affaires, auquel cas la société n'est pas assujettie aux droits compensateurs. Dans son mémoire, l'appelante a fourni le calcul des avantages qu'elle tirait effectivement des droits de coupe et indiqué que ces avantages variaient entre 0,013 et 0,01 p. 100 du total de ses ventes, ce qui est largement inférieur au seuil de minimis fixé par les États-Unis. En contre-interrogatoire, M. Noble a précisé que les calculs avaient été effectués par le gouvernement de la Colombie-Britannique.

Le 10 octobre 1986, le département américain du commerce a rendu une décision préliminaire de subventionnement et commencé à percevoir un droit à l'importation de produits de bois d'oeuvre du Canada. M. Noble a déclaré que 20 sociétés en étaient exemptées et que ces mêmes entreprises ont ensuite été exonérées du droit imposé par le gouvernement du Canada en vertu de la Loi sur le bois d'oeuvre en remplacement de celui imposé par les États-Unis. Il a précisé que Nova Lumber n'était pas du nombre.

Le 26 novembre 1986, le Canada a redéposé l'information concernant Nova Lumber confirmant que les avantages que la société avait reçus des droits de coupe et des autres programmes d'aide étaient conformes au critère de minimis. Toutefois, en décembre 1986, le Canada et les États-Unis ont conclu un protocole d'entente «pour résoudre les différends liés aux modalités du commerce du bois d'oeuvre» (traduction). Aux termes du protocole d'entente, tous les droits perçus à l'importation de produits du bois d'oeuvre ont été remboursés aux compagnies exportatrices et, dorénavant, le Canada devait percevoir un droit à l'exportation de 15 p. 100 du prix à l'exportation aux États-Unis de certains produits du bois d'oeuvre depuis le 8 janvier 1987. Toujours selon le protocole d'entente, les 20 mêmes entreprises devaient être exonérées du droit. La Loi sur le bois d'oeuvre a été promulguée peu après.

Dans une lettre datée du 25 février 1987, le Ministre du Commerce extérieur a informé l'appelante que les fonctionnaires du ministère des Affaires extérieures avaient rencontré ceux du département américain du commerce, et qu'ils avaient soulevé le cas de Nova Lumber. Puis, en mars ou avril 1987, le gouvernement du Canada a organisé une rencontre entre les représentants de Nova Lumber et ceux du département américain du commerce. Selon M. Noble, il en est ressorti que Nova Lumber devait solliciter l'aide du gouvernement du Canada, car la décision relevait de ce dernier.

M. Noble a déclaré que lorsque l'appelante a pris connaissance des dispositions de la Loi, elle a enjoint le Ministre du Commerce extérieur d'exercer son autorité pour lui accorder une exemption en vertu de l'article 15 de la Loi sur le bois d'oeuvre. À ce propos, M. Noble a indiqué qu'il a demandé à l'avocat de l'appelante de communiquer avec le Ministre du Commerce extérieur et avec Revenu Canada. Il semble toutefois que ces démarches soient demeurées infructueuses. Pendant plusieurs mois, l'appelante devait acquitter le droit à l'exportation, qui s'est élevé à des centaines de milliers de dollars. Puis, le 3 mars 1988, l'appelante a reçu une lettre du Ministre du Commerce extérieur précisant que le gouvernement du Canada avait renégocié le protocole d'entente et que le droit sur les produits de bois d'oeuvre usinés en Colombie-Britannique et exportés aux États-Unis était supprimé rétroactivement au 30 novembre 1987.

L'ARGUMENTATION

L'avocat de l'appelante a résumé les arguments de sa cliente en déclarant que le Ministre du Commerce extérieur devait déterminer s'il convenait de recommander au gouverneur en conseil d'exempter l'appelante du droit à l'exportation en vertu de l'article 15 de la Loi sur le bois d'oeuvre. Selon l'avocat, il y a tout lieu de croire que le Ministre du Commerce extérieur était d'avis que l'imposition du droit à l'exportation ne pouvait souffrir d'exceptions sans l'approbation des États-Unis, adoptant en cela un point de vue qui ne relevait pas de ses compétences. Le Ministre du Commerce extérieur n'a donc pas pleinement exercé son pouvoir discrétionnaire en s'abstenant de formuler une recommandation quelconque. L'avocat a également soutenu qu'en omettant de déterminer si l'appelante devait être exemptée de l'application du droit à moins d'obtenir l'accord des États-Unis, le Ministre du Commerce extérieur a pris en compte des considérations non autorisées.

L'avocat a attiré l'attention du Tribunal sur l'arrêt Re Doctors Hospital v. Minister of Health et al. [3] et soutenu que le Tribunal est habilité à déterminer si le Ministre du Commerce extérieur a dûment considéré la formulation d'une recommandation en vertu de l'article 15 de la Loi sur le bois d'oeuvre. L'avocat a ensuite mentionné l'affaire Hui c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [4] et soutenu qu'un décideur ne peut restreindre son pouvoir discrétionnaire, outrepasser ses compétences ou prendre une décision sans être informé de tous les faits.

L'avocat a également soutenu que l'appelante avait raison de s'attendre à ce que le Ministre du Commerce extérieur se conforme aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 15 de la Loi sur le bois d'oeuvre. À ce propos, il a attiré l'attention du Tribunal sur Ref. re Constitutional Question Act [5] .

En terminant, l'avocat a référé le Tribunal à la décision dans l'affaire Air Canada [6] , dans laquelle le juge Taggart a déclaré, à la page 679, que :

In conclusion, counsel referred the Tribunal to the decision in the Re Air Canada v. Attorney-General of British Columbia [7] where Mr. Justice Taggart stated at page 679 that:

The following principles of constitutional law may be gathered from the B.C. Power and Amax cases as follows:

(1)The prerogatives of the provincial Crown, including immunity, are restricted to matters falling within its constitutional powers.

(2)A province cannot retain, by direct or indirect means, monies collected under compulsion, pursuant to an ultra vires statute.

(3)Immunity afforded by a provincial statute to protect the province from the recovery of unlawful exactions is offensive to the Constitution.

(4)If a State cannot take by unconstitutional means it cannot retain by unconstitutional means.

(Les affaires B.C. Power et Amax font ressortir les principes suivants en matière de droit constitutionnel :

1) Les prérogatives de la Couronne d'une province, y compris l'immunité, ne s'appliquent qu'aux questions relevant des domaines de compétence que lui confère la Constitution.

2) Une province ne peut conserver, directement ou indirectement, des sommes perçues sous la contrainte aux termes d'une loi ultra vires.

3) L'immunité accordée par une loi provinciale pour éviter qu'une province soit tenue de remettre les sommes prélevées illégalement est inconstitutionnelle.

4) Si un État ne peut prélever par des moyens inconstitutionnels, il ne peut conserver en vertu des mêmes moyens.)

[traduction]

L'avocat a ensuite soutenu, par analogie, que le Ministre du Commerce extérieur avait agi illégalement en omettant de rendre une décision ou en invoquant l'obstacle que constituait la nécessité d'obtenir l'accord des États-Unis, avec le résultat que l'appelante est maintenant tenue de payer le droit à l'exportation, alors que, en vertu de la décision dans l'affaire Air Canada susmentionnée, l'État ne peut conserver cette taxe.

L'avocat de l'intimé a amorcé son plaidoyer en déclarant que le Tribunal ne pouvait entendre que les appels visant les décisions du ministre du Revenu national. En fait, l'appelante demande au Tribunal de revoir non pas la cotisation, mais une erreur qu'aurait commise le Ministre du Commerce extérieur en omettant de recommander que l'appelante soit exemptée du droit à l'exportation. L'avocat a essentiellement soutenu qu'il incombe au Tribunal de déterminer si la cotisation est conforme aux dispositions de la Loi sur le bois d'oeuvre, et que l'appelante devait s'adresser à une autre tribune pour obtenir la réparation qu'elle sollicite.

L'avocat a soutenu que si un contribuable est visé par la lettre d'une loi d'imposition, le Tribunal ne peut relever le contribuable de cette obligation pour des raisons humanitaires. Il a déclaré que le Tribunal devait appliquer la loi telle que prescrite dans la Loi sur le bois d'oeuvre. À l'appui de cette affirmation, il a attiré l'attention du Tribunal sur sa décision dans l'affaire Walbern Agri-Systems Ltd. c. le ministre du Revenu national [8] .

L'avocat a ensuite abordé les divers principes de droit administratif soulevés par l'appelante. Au sujet de l'absence d'éléments de preuve à l'effet que le Ministre du Commerce extérieur a songé à faire une recommandation en vertu de l'article 15 de la Loi sur le bois d'oeuvre, l'avocat a attiré l'attention du Tribunal sur la correspondance du Ministre du Commerce extérieur, soutenant qu'il est au moins implicite, d'après le contenu des lettres, que le Ministre du Commerce extérieur a songé à la chose. Il a également soutenu qu'il était parfaitement raisonnable que le Ministre du Commerce extérieur tienne compte des engagements du Canada sur la scène internationale pour déterminer s'il convient de soumettre une recommandation au gouverneur en conseil.

L'avocat a déclaré que le Tribunal était prié de revoir une fonction prévue par la loi, et qu'un tel réexamen, en matière de compétence, n'était susceptible que pour les motifs restreints. L'un de ces motifs est le précédent de l'omission de se conformer à une condition prévue par la loi. Or, comme aucune recommandation n'a été formulée, il n'y a pas eu manquement au précédent en question. À ce propos, l'avocat a attiré l'attention du Tribunal sur les décisions rendues dans les affaires Le procureur général du Canada c. Inuit Tapirisat du Canada [9] et Thorne's Hardware Limited et al. c. Sa Majesté la Reine et al. [10] . L'avocat a souligné que cette dernière cause démontre qu'un tribunal n'a pas à examiner les raisons pour lesquelles le gouverneur en conseil prend un règlement. De même, l'avocat a déclaré que le Tribunal ne devait pas examiner les motifs pour lesquels le gouverneur en conseil n'édicte pas de règlement, ou, présumément les raisons pour lesquelles le Ministre du Commerce extérieur choisit de ne pas soumettre de recommandation au gouverneur en conseil, quoique cet argument n'ait pas été invoqué.

Quant aux attentes légitimes, l'avocat a soutenu que rien n'obligeait le Ministre du Commerce extérieur à recommander au gouverneur en conseil de prendre un décret d'exemption. Il a ajouté que la doctrine ne s'appliquait pas au processus législatif, évoquant à ce propos les affaires Penikett et al. v. The Queen et al. [11] et Sunshine Coast Parents for French v. Sunshine Coast School [12] .

L'avocat a également soutenu que la doctrine d'estoppel évoquée dans le mémoire de l'appelante ne s'applique pas en l'instance. Il a déclaré que rien ne prouvait qu'une représentation ait été faite auprès de l'appelante ou que cette dernière ait subi un préjudice en se fondant sur une telle représentation, ajoutant que l'estoppel ne peut avoir préséance sur la loi.

LES CONCLUSIONS DU TRIBUNAL

Le Tribunal convient avec l'avocat de l'intimé qu'il n'est pas de son ressort d'accorder à l'appelante la réparation qu'elle sollicite. En apparence, l'appelante conteste une cotisation et demande au Tribunal d'annuler une décision du ministre du Revenu national. En fait, l'appelante demande au Tribunal d'examiner une erreur présumée que le Ministre du Commerce extérieur aurait commise, soit en omettant de décider s'il convenait de recommander d'exempter l'appelante du paiement du droit à l'exportation, soit en se fondant sur des facteurs non pertinents pour refuser de formuler cette recommandation.

Le Tribunal est un organisme constitué en vertu d'une loi précisant ses pouvoirs, ses obligations et ses fonctions. Conformément à son article 18, la Loi sur le bois d'oeuvre reprend les dispositions de la Loi touchant les cotisations et les appels pour tous les droits et montants payables par toute personne aux termes de cette loi. En vertu de l'article 18 et du paragraphe 81.1(1) de la Loi sur la taxe d'accise, le ministre du Revenu national peut cotiser une personne à l'égard des taxes, des amendes, de l'intérêt et de toute autre somme payable par cette personne conformément à la Loi sur le bois d'oeuvre. La Loi sur la taxe d'accise stipule en outre que le Ministre du Revenu national peut reconsidérer la cotisation. En outre, un cotisant peut contester la cotisation auprès du Tribunal, lequel doit déterminer si la cotisation exigée est conforme à la Loi sur la taxe d'accise. L'appelante n'a pas fourni d'éléments de preuve démontrant que, compte tenu des dispositions de la Loi sur le bois d'oeuvre, la cotisation exigée par le Ministre du Revenu national est erronée. Le Tribunal ne peut donc conclure que le Ministre du Revenu national a commis une telle erreur.

* L'appelante a demandé au Tribunal d'aller plus loin et de considérer le fait que le Ministre du Commerce extérieur ne l'a pas exemptée des droits exigés en vertu de la Loi sur le bois d'oeuvre, ce qui l'assujettissait à une cotisation. Cependant, les pouvoirs du Tribunal en matière d'appels sont énoncés à l'article 81.27 de la Loi sur la taxe d'accise, en vertu duquel le Tribunal ne peut mener l'enquête ou accorder la réparation que sollicite l'appelante.

LA CONCLUSION

Le Tribunal est peiné d'avoir à rendre cette décision. Il a beaucoup de sympathie pour l'appelante, d'autant plus que les faits démontrent clairement qu'elle a été assujettie à tort à la Loi sur le droit à l'exportation de produits de bois d'oeuvre et que les décisions concernant les exemptions à l'application de la Loi ont été prises sans que les contribuables touchés puissent intervenir dans le débat ou en appeler. Cependant, compte tenu des motifs qui précèdent, le Tribunal n'a d'autre choix que de rejeter l'appel.


[ Table des matières]

1. L.R.C. (1985), ch. 12 (3e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

3. (1976), 12 O.R. (2d) 164.

4. [1986] 2 C.F. 96.

5. 46 B.C.L.R. (2d) 273.

6. 47 B.C.L.R. 341.

7. 47 B.C.L.R. 341.

8. Tribunal canadien du commerce extérieur, Appel no 3000, le 21 décembre 1989.

9. [1980] 2 R.C.S. 735.

10. [1983] 1 R.C.S. 106.

11. 45 D.L.R. (4th) 108, Y.T.C.A.

12. Non publié, B.C.S.C., le 5 juillet 1990.


Publication initiale : le 15 août 1997