WOLSKI BUILDING CONTRACTORS LTD.

Décisions


WOLSKI BUILDING CONTRACTORS LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel n° 3017

TABLE DES MATIÈRES

DD-90-007

Ottawa, le jeudi 17 mai 1990

Appel n° 3017

EU ÉGARD À un appel entendu le 23 mars 1990 en vertu de l'article 51.19 de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13;

ET EU ÉGARD À une décision du ministre du Revenu national rendue le 17 juin 1988 concernant un avis d'opposition déposé conformément à l'article 51.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

WOLSKI BUILDING CONTRACTORS LTD.Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

L'appel est rejeté. Le Tribunal déclare que l'appelante n'est pas admissible à réclamer un montant égal à la taxe payée en vertu de l'alinéa 46(1)b) pour la taxe de vente fédérale comprise dans le prix d'achat des matériaux utilisés pour la construction de la bibliothèque municipale de la ville de Wetaskiwin.


Michèle C. Blouin ______ Michèle C. Blouin Membre présidant

Arthur B. Trudeau ______ Arthur B. Trudeau Membre

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur la taxe d'accise - Déterminer si l'appelante répond aux exigences du paragraphe 46(1) de la Loi sur la taxe d'accise aux fins du remboursement de la taxe de vente fédérale - Déterminer si l'appelante a présenté sa demande dans les délais prescrits - Préciser les règles à utiliser pour déterminer si l'exemption à l'égard de la taxe de vente payable doit être accordée.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Il incombe à l'appelante de démontrer clairement que sa demande d'exemption de la taxe de vente payable satisfait aux exigences énoncées à l'alinéa46(1)b) de la Loi sur la taxe d'accise. Le Tribunal estime qu'elle n'y est pas parvenue.

Pour être admissibles à l'exemption, les matériaux doivent avoir été achetés par une organisation, ou en son nom, pour la construction d'une bibliothèque publique qui lui est destinée. En outre, la bibliothèque doit être exploitée par l'organisation, ou en son nom. Or, l'appelante n'a agi qu'en qualité d'entrepreneur pour la construction de la bibliothèque publique, laquelle était destinée à la ville de Wetaskiwin et exploitée par cette dernière. Comme l'appelante n'a pas droit à l'exemption, il n'y a pas lieu de déterminer si la demande de remboursement a été produite dans les délais prescrits.

Lieu de l'audience : Edmonton (Alberta) Date de l'audience : Le 23 mars 1990 Date de la décision : Le 17 mai 1990
Membres du Tribunal : Michèle C. Blouin, membre présidant Arthur B. Trudeau, membre W. Roy Hines, membre
Greffier du Tribunal : Janet Rumball
Ont comparu : Eugen Wolski, pour l'appelante Michael Chiavaglia, pour l'intimé
Jurisprudence : The Assessment Commissioner of The Corporation of the Village of Stouffville v. The Mennonite Home Association of York County and The Corporation of the Village of Stouffville, [1973] R.C.S. 189; W.A. Sheaffer Pen Company of Canada Limited v. Minister of National Revenue, [1953] Ex.C.R. 251; Joseph Granger c. Commission de l'emploi et de l'immigration, [1986] 3 C.F. 70; Supercrete Precast Ltd. c. Le ministre du Revenu National, Appel n o 2899, le 16 octobre 1989 (non publié).
Lois citées : Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, paragraphes 27(1) et 46(1); Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur l'accise et modifiant d'autres lois en conséquence, L.C. 1986, chap. 9, art. 34.





RÉSUMÉ

L'appelante a conclu une entente avec la ville de Wetaskiwin pour la construction d'une bibliothèque municipale. L'appelante a acheté les matériaux nécessaires auprès de ses sous-traitants à des prix comprenant la taxe de vente fédérale. Elle réclame maintenant le remboursement de la taxe en application de l'alinéa 46(1)b) de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi).

La dernière commande de matériaux pour la construction de la bibliothèque date du 29 janvier 1982.

La bibliothèque n'a pas été construite pour l'appelante. En outre, elle n'a pas dirigé l'immeuble à titre de bibliothèque publique. L'appelante a agi uniquement comme entrepreneur en construction. Au contraire, la ville de Wetaskiwin a dirigé la bibliothèque.

L'appelante soutient avoir déposé une demande de remboursement de la taxe de vente fédérale en février 1986 mais n'en a pas de copie, pas plus que le ministère du Revenu national (le Ministère). L'appelante affirme avoir soumis une nouvelle requête pour un montant identique de 81 978,65 $ au bureau d'Edmonton (Alberta) du Ministère, le 30 septembre 1987. Le dossier du Ministère au nom de l'appelante renferme bel et bien les documents relatifs à cette demande.

Le Ministère a rejeté la demande parce qu'elle a été soumise après l'échéance du délai de quatre ans prescrit par la Loi. L'appelante a déposé un avis d'opposition auprès du ministre du Revenu national (le Ministre), mais ce dernier a maintenu la décision du Ministère.

L'appel n'est pas admis. Il incombe à l'appelante de démontrer clairement que sa demande d'exemption de la taxe de vente payable satisfait aux exigences énoncées à l'alinéa 46(1)b) de la Loi. Le Tribunal estime qu'elle n'y est pas parvenue.

Pour être admissibles à l'exemption, les matériaux doivent avoir été achetés par une organisation, ou en son nom, pour la construction d'une bibliothèque publique qui lui est destinée. En outre, la bibliothèque doit être dirigée par l'organisation, ou en son nom. Or, l'appelante n'a agi qu'en qualité d'entrepreneur pour la construction de la bibliothèque publique, laquelle était destinée à la ville de Wetaskiwin et dirigée par cette dernière. Comme l'appelante n'a pas droit à l'exemption, il n'y a pas lieu de déterminer si la demande de remboursement a été produite dans les délais prescrits.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

La période visée par le présent appel a été déterminée par l'appelante dans la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale soumise au Ministre; elle s'étend du 8 juin 1981 au 4 mars 1982. Les dispositions législatives pertinentes durant la période de cotisation sont les suivantes :

Imputabilité de la taxe de vente

27(1) Est imposée... une taxe... sur le prix de vente... de toutes marchandises

a) produites ou fabriquées au Canada,

(i) payable... par le producteur ou fabricant à l'époque où les marchandises sont livrées à l'acheteur ou à l'époque où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre...

Remboursement, par le ministre du Revenu national, du montant payé au titre de la taxe - délai de prescription

46(1) Lorsque des matériaux ont été achetés

...

b) par toute organisation, ou pour son compte, et sont destinés exclusivement à la construction d'un bâtiment pour cette organisation, devant servir exclusivement ou principalement de bibliothèque publique, dirigée par cette organisation ou en son nom sans but lucratif...

et que la taxe imposée par la Partie V [le paragraphe 27(1)] a été payée à l'égard de ces matériaux, le Ministre peut, sur demande de... l'organisation... à lui adressée... dans un délai de quatre ans à compter de la date d'achat des matériaux, verser à... l'organisation... un montant égal à cette taxe. (soulignement ajouté)

En application de l'article 34 de la Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur l'accise et modifiant d'autres lois en conséquence [2] , le paragraphe 46(1) a été abrogé et remplacé, le 1er mai 1986, par une disposition semblable, savoir l'article 44.27, qui ramène de quatre à deux ans suivant l'achat des matériaux le délai de présentation des demandes de remboursement.

LES FAITS

Les faits ont été établis à partir des pièces versées au dossier et des témoignages de M. Eugen Wolski, président de l'appelante, et de M. Jocelyn Danis, un fonctionnaire du Ministère chargé du dossier de l'appelante. Cette dernière, une petite société offrant des services d'entrepreneur en construction, a conclu une entente avec la ville de Wetaskiwin pour la construction d'une bibliothèque municipale. L'appelante a acheté les matériaux nécessaires de ses sous-traitants au coût total de 327 914,60 $, taxe de vente fédérale comprise, et soutient que la taxe de vente fédérale sur ces achats s'élève à 81 978,65 $.

Selon M. Wolski, le projet de construction de la bibliothèque a démarré en 1981. Le Ministre a soutenu que les travaux étaient achevés le 4 mars 1982, soit à la fin de la période mentionnée par l'appelante dans sa demande de remboursement. L'appelante conteste cette affirmation. Bien que M. Wolski n'en soit pas tout-à-fait certain, il a indiqué que le projet a pu se prolonger jusqu'en 1983 en raison de vices de construction.

Il a ajouté que, de toutes façons, les derniers matériaux requis pour la construction de la bibliothèque ont été achetés le 29 janvier 1982.

D'après M. Wolski, la bibliothèque n'a pas été construite pour l'appelante. En outre, elle n'a pas dirigé l'immeuble à titre de bibliothèque publique. L'appelante a agi uniquement comme entrepreneur en construction. Au contraire, la ville de Wetaskiwin a dirigé la bibliothèque.

M. Wolski a déclaré qu'au cours de février 1986, l'appelante a déposé une demande de remboursement en application de l'alinéa 46(1)b) de la Loi, au montant de 81 978,65 $, auprès du bureau d'Edmonton du Ministère. Ni l'appelante, ni le Ministère n'ont pu produire de documents relatifs à cette demande.

M. Danis a affirmé que le bureau d'Edmonton ne disposait d'aucun document lié à la requête de février 1986.

M. Wolski a également déclaré avoir soumis une seconde demande en vertu de l'alinéa 46(1)b) de la Loi pour un montant identique de 81 978,65 $ au bureau d'Edmonton du Ministère, le 30 septembre 1987. Le dossier du Ministère au nom de l'appelante renferme bel et bien les documents relatifs à cette demande.

Cette demande a été rejetée, les fonctionnaires du Ministère alléguant qu'elle avait été présentée après l'échéance du délai de quatre ans prescrit à cette fin par la Loi.

Le 17 juin 1988, le Ministre a confirmé cette décision pour les motifs suivants :

Votre contrat avec la Ville de Wetaskiwin pour la construction de l'immeuble abritant la bibliothèque municipale a pris fin vers le 4mars 1982. À cette époque, la Loi sur la taxe d'accise prévoyait que les demandes de remboursement de la taxe de vente devaient être produites dans les quatre ans. Dans votre cas, la période d'admissibilité s'est donc terminée vers le 4mars 1986. Or, le bureau de district de l'Accise situé à Edmonton a reçu votre demande le 1eroctobre1987.

En outre, votre objection ne peut être retenue parce que l'article 44.27, l'ancien paragraphe46(1), de la Loi sur la taxe d'accise stipule que le requérant doit être l'organisation qui utilisera l'immeuble exclusivement ou principalement à titre de bibliothèque publique, laquelle doit être dirigée par cette organisation ou en son nom sans but lucratif. (traduction)

Par la suite, l'appelante a interjeté appel à la Commission du tarif le 22 juin 1988 [3] .

LES QUESTIONS EN LITIGE

Le présent appel soulève deux questions. L'appelante répond-elle aux exigences décrites au paragraphe 46(1) de la Loi en ce qui touche le remboursement de la taxe de vente fédérale? Dans l'affirmative, l'appelante a-t-elle produit sa demande dans les délais prescrits?

En réponse à la première question, l'appelante a déclaré, dans sa lettre à la Commission du tarif, être admissible pour les raisons suivantes :

Il avait été entendu par WOLSKI BUILDING CONTRACTORS LTD. qu'en qualité de maître d'oeuvre, nous pouvions réclamer le remboursement de la taxe de vente fédérale; nous avions donc établi nos budgets et soumissionné le marché en conséquence. (traduction)

En réponse à la deuxième question, l'appelante a soutenu qu'elle a déposé une demande de remboursement dans les délais prescrits, en février 1986. De toutes façons, a-t-elle ajouté, la construction de la bibliothèque s'est poursuivie jusqu'en 1983, prolongeant la période d'admissibilité.

De son côté, l'intimé a déclaré que l'appelante ne répondait pas aux exigences concernant la remise de taxe visée au paragraphe 46(1) de la Loi. Il a invoqué les causes The Assessment Commissioner of The Corporation of the Village of Stouffville v. The Mennonite Home Association of York County and The Corporation of the Village of Stouffville [4] , tranchée par la Cour suprême du Canada, et W.A. Sheaffer Pen Company of Canada Limited v. Minister of National Revenue [5] , entendue par la Cour de l'Échiquier du Canada, pour soutenir qu'il incombe à la personne souhaitant être exemptée de la taxe de vente payable de démontrer clairement que sa requête répond aux exigences des dispositions législatives pertinentes.

L'intimé a donc affirmé que l'appelante doit prouver que sa demande satisfait aux conditions suivantes :

a) que les matériaux pour lesquels la taxe de vente a été payée ont été achetés par une organisation ou en son nom;

b) que les matériaux servent uniquement à la construction d'un édifice pour cette organisation;

c) que l'édifice sert exclusivement ou principalement de bibliothèque publique;

d) que la bibliothèque publique est dirigée par cette organisation ou en son nom sans but lucratif; et

e) que l'organisation a produit une demande de remboursement dans les quatre ans suivant l'achat des matériaux.

L'intimé a déclaré que l'appelante ne répond pas à ces exigences parce qu'elle ne constitue pas l'organisation qui exploite l'immeuble en tant que bibliothèque publique.

En réponse à la deuxième question, l'intimé a soutenu que la prescription visée au paragraphe 46(1) de la Loi est exécutoire. Se référant à la décision de la Cour d'appel fédérale dans la cause Joseph Granger c. Commission de l'emploi et de l'immigration [6] et à celle du Tribunal canadien du commerce extérieur dans la cause Supercrete Precast Ltd. c. Le ministre du Revenu national [7] , l'intimé a affirmé que le Tribunal n'avait pas compétence pour examiner une demande de remboursement présentée après l'échéance du délai prescrit.

DÉCISION

Comme l'indique l'exposé des éléments de preuve qui précède, les parties ayant comparu devant le Tribunal et ayant participé aux diverses instances d'appel du Ministère se sont longuement attardées sur la question de savoir si l'appelante avait ou non soumis une demande de remboursement de la taxe avant l'échéance du délai prescrit au paragraphe 46(1) de la Loi. Le Tribunal estime cependant qu'avant même d'aborder cet aspect, il faut déterminer si l'appelante est un requérant admissible au sens de l'alinéa 46(1)b) de la Loi. Le Tribunal est d'avis que si l'appelante ne peut solliciter un remboursement de la taxe en application dudit paragraphe, il serait à la fois injustifié et prématuré d'analyser le délai de prescription en vigueur qui régit ce paragraphe.

Le Tribunal est d'avis que si les faits relatifs au présent appel sont examinés à la lumière du libellé de l'alinéa 46(1)b) de la Loi et de la jurisprudence pertinente, ils ne soutiennent pas la position de l'appelante, qui affirme être admissible au remboursement de taxe en cause.

Dans la cause Mennonite Home Association (supra), le juge Spence déclare, à la page 194, que le principe suivant sert à déterminer si un réclamant peut être exempté de la taxe payable :

Il est, bien entendu, clairement établi que même si les termes de la loi doivent nettement imposer la taxe afin d'y assujettir la personne visée, celle-ci doit, à son tour, établir clairement que son cas s'insère dans l'exemption si elle veut s'en prévaloir. (soulignement ajouté)

Il incombe donc à l'appelante de prouver que sa demande d'exemption de la taxe payable satisfait aux exigences énoncées à l'alinéa 46(1)b) de la Loi. Le Tribunal estime qu'elle n'y est pas parvenue.

Selon l'alinéa 46(1)b) de la Loi, un montant égal à la taxe payée par une organisation sur les matériaux achetés par elle ou en son nom sera versé à l'organisation si :

1. les matériaux servent uniquement à la construction d'un édifice pour cette organisation;

2. l'édifice sert exclusivement ou principalement de bibliothèque publique; et

3. la bibliothèque publique est dirigée par cette organisation, ou en son nom, sans but lucratif.

Dès le départ, l'appelante n'a fourni aucune preuve à l'effet que Wolski Building Contractors Ltd. est une «organisation» au sens de l'alinéa 46(1)b) de la Loi. Toutefois, en supposant que ce soit le cas (aspect sur lequel le Tribunal ne se prononce pas), les éléments de preuve révèlent que l'appelante ne satisfait pas aux autres exigences dudit alinéa. Ainsi, l'appelante a agi uniquement à titre d'entrepreneur pour la construction de la bibliothèque publique. Cette bibliothèque a été construite pour la ville de Wetaskiwin, qui en assure la direction. Bref, la bibliothèque n'a pas été construite pour l'«organisation» Wolski Building Contractors Ltd., pas plus qu'elle n'est dirigée par cette dernière ou en son nom.

Comme l'appelante ne satisfait pas aux exigences énoncées à l'alinéa 46(1)b) de la Loi, le Tribunal estime qu'il n'a pas à déterminer si la demande de remboursement a été déposée dans les délais prescrits.

CONCLUSION

Compte tenu de tout ce qui précède, l'appel n'est pas admis.


[ Table des matières]

1. S.R.C. 1970, chap. E-13, tel que modifié.

2. L.C. 1986, chap. 9.

3. Même si la Commission du tarif a amorcé l'audition de l'appel, la cause a été reprise et entendue par le Tribunal canadien du commerce extérieur.

4. [1973] R.C.S. 189.

5. [1953] Ex.C.R. 251.

6. [1986] 3 C.F. 70.

7. DD-89-020, Appel no 2899, le 16 octobre 1989 (non publié).


Publication initiale : le 15 août 1997