SEALAND OF THE PACIFIC LTD.

Décisions


SEALAND OF THE PACIFIC LTD.
v.
LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no 3042

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 11 juillet 1989

Appel no3042

EU ÉGARD À une demande entendue le 8 mai 1989 en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985, ch. 1 (2e suppl.) dans sa forme modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision du sous-ministre du Revenu national rendue le 26 mai 1988 au sujet d'une demande de réexamen déposée en vertu de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

SEALAND OF THE PACIFIC LTD.Appelante

ET

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONALIntimé

L'appel est admis. Le Tribunal déclare que le vaisseau «M.V. Cherokee IV» devrait être classé sous le numéro tarifaire 44005-1 en tant que «yachts et bateaux de plaisance, dépassant 9.2 mètres de longueur hors tout» plutôt que sous le numéro tarifaire 44000-1 en tant que «navires, vaisseaux, dragues, chalands, yachts, barques et autres embarcations...», tel que réclamé par l'intimé.


Kathleen Macmillan ______ Kathleen Macmillan Membre présidant

John C. Coleman ______ John C. Coleman Membre

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur les douanes - Classification tarifaire - Déterminer si le vaisseau M.V. CherokeeIV devrait être classé sous le numéro tarifaire 44000-1 en tant que «navires, vaisseaux, dragues, chalands, yachts, barques et autres embarcations...» plutôt que sous le numéro tarifaire 44005-1 en tant que «yachts et bateaux de plaisance, dépassant 9.2mètres de longueur hors tout».

DÉCISION: Il est précisé dans les lois et règlements douaniers que les marchandises doivent être classées selon leur nature au moment de l'importation. Vu que le M.V.CherokeeIV était conforme à la description d'un bateau de plaisance au moment de son importation, il est correctement classé sous le numéro tarifaire 44005-1. En outre, ce dernier constitue un numéro descriptif qui ne traite pas de l'utilisation des marchandises. Par conséquent, bien que l'appelante ait soumis une demande d'exemption du paiement de la taxe de vente fédérale en vertu de la Loi sur la taxe d'accise parce qu'elle prétend que le M.V. CherokeeIV serait utilisé pour la pêche sportive sur une échelle commerciale, cette question n'influe nullement sur le présent appel, car l'usage prévu du navire ne s'applique pas aux numéros tarifaires en cause.

Lieu de l'audience : Vancouver (Colombie-Britannique) Date de l'audience : Le 8 mai 1989 Date de la décision : Le 11 juillet 1989
Membres du jury : Kathleen Macmillan, membre présidant John C. Coleman, membre W. Roy Hines, membre
Avocat du Tribunal : Donna J. Mousley
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : Lorne A. Green, pour l'appelante Jean Fitzgerald, pour l'intimé
Jurisprudence: Aritech Inc. (Canada) c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1985), 10 R.C.T. 89; Kelly c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1985), 10 R.C.T. 70; le ministre du Revenu national c. MacMillan and Bloedel Ltd. et al., [1965] R.C.S. 366.
Lois et règlements cités: Tarif des douanes, L.R.C. 1985, ch. C-54, Annexe II, numéros tarifaires 44000-1 et 44005-1; Tarif des douanes, L.C. 1987, ch. 49; Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, ch. E-13, art. 8.1, Partie XVII, Annexe III (maintenant L.R.C. 1985, ch. E-15, art. 11, Partie XVII, Annexe III); Loi sur la marine marchande du Canada, L.R.C. 1985, ch. S-9, art. 2; Règlement concernant l'application de l'article 8.1 de la Partie XVII de l'annexe III de la Loi sur la taxe d'accise aux navires et autres vaisseaux, C.R.C., ch. 597, par. 2a).





RÉSUMÉ

Il s'agit d'un appel interjeté en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes concernant la classification douanière du vaisseau «M.V. Cherokee IV» importé au Canada des États-Unis le 28 juillet 1987. L'appelante souhaite que le vaisseau soit classé sous le numéro tarifaire 44005-1 en tant que «yachts et bateaux de plaisance, dépassant 9.2 mètres de longueur hors tout». L'intimé a classé ledit vaisseau dans une catégorie générale, plus précisément sous le numéro tarifaire 44000-1 qui comprend, entre autres, des «navires, vaisseaux, dragues, chalands, yachts, barques et autres embarcations...».

L'appelante soutient que la date d'importation représente le moment où doit être appliquée la classification en vertu du Tarif des douanes. Elle prétend également que le numéro tarifaire 44005-1 est un numéro descriptif qui ne traite pas de l'utilisation des marchandises et que, par conséquent, le vaisseau doit être classé en fonction de sa description à la date de son importation et non selon son utilisation prévue.

L'intimé est d'avis que l'utilisation constitue un critère fondamental de la description du vaisseau en tant que «bateau de plaisance». Sachant que le vaisseau en question serait utilisé pour la pêche sportive sur une échelle commerciale, l'appelante a demandé, en vertu de l'article 8.1, Partie XVII, Annexe III de la Loi sur la taxe d'accise, une exemption du paiement de la taxe de vente fédérale. L'intimé croit que le vaisseau ne peut être considéré comme un «bateau de plaisance» aux fins de sa classification en vertu du Tarif des douanes.

L'appel est admis. Il est précisé dans les lois et règlements douaniers que les marchandises doivent être classées selon leur nature au moment de l'importation. En outre, le numéro tarifaire 44005-1 est un numéro descriptif qui ne traite pas de l'utilisation des marchandises. Par conséquent, la demande de l'appelante en vertu de la Loi sur la taxe d'accise n'influe nullement sur le présent appel, parce que l'usage prévu du vaisseau ne s'applique pas aux numéros tarifaires en cause. Le M.V. Cherokee IV est correctement classé sous le numéro tarifaire 44005-1, car il était conforme à la description d'un bateau de plaisance au moment de son importation.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Les dispositions de la loi s'appliquant au présent appel sont les suivantes :

Tarif des douanes

Numéros tarifaires

44000-1Navires, vaisseaux, dragues, chalands, yachts, barques et autres embarcations et submersibles ou semi-submersibles, structures flottantes, y compris les docks, caissons, pontons, cofferdams, plate-formes de production, navires de forage, barge de forage, installations de forage, plate-formes de forage autoélévatrices et autres plate-formes de forage; des combinaisons des articles qui précèdent; tous les articles qui précèdent, automoteurs, assemblés, finis ou non.

Autres que ce qui suit.

44005-1Yachts et bateaux de plaisance, dépassant 9.2mètres de longueur hors tout.

Loi sur la marine marchande du Canada

2. «passager» Personne transportée sur un navire. La présente définition exclut:

...

b) une personne transportée sur un navire ne ressortissant pas à la Convention de sécurité et qui est:

(i) soit le capitaine ou un membre de l'équipage, ou une personne employée ou occupée à bord, en quelque qualité que ce soit, pour les affaires de ce navire,

(ii) soit le propriétaire ou l'affréteur du navire, un membre de sa famille ou un domestique à son service,

(iii) soit un invité du propriétaire ou de l'affréteur du navire, si celui-ci est utilisé exclusivement à des fins d'agrément et si l'invité est transporté sur ce navire sans rémunération ou intention de profit,

(iv) soit âgée de moins d'un an;

...

«navire à passager» Navire qui transporte des passagers.

«yacht de plaisance» Navire, quel qu'en soit le mode de propulsion, utilisé exclusivement pour l'agrément et ne transportant pas de passagers.

Loi sur la taxe d'accise

ANNEXE III

PARTIE XVII

MATÉRIEL DE TRANSPORT

8.1 Navires et autres vaisseaux, achetés ou importés pour servir exclusivement aux activités maritimes autres que les sports ou les loisirs, que le gouverneur en conseil peut prescrire par règlement; articles et matières devant servir exclusivement à la fabrication, à l'équipement ou aux réparations de ces marchandises exemptes de taxe.

Les dispositions réglementaires s'appliquant au présent appel sont les suivantes:

RÈGLEMENT CONCERNANT L'APPLICATION DE L'ARTICLE8.1 DE LA

PARTIEXVII DE L'ANNEXEIII DE LA LOI SUR LA TAXE D'ACCISE AUX

NAVIRES ET AUTRES VAISSEAUX

Activités qualifiées de maritimes

2. Les activités suivantes sont qualifiées activités maritimes aux fins de l'article8.1 de la PartieXVII de l'annexeIII de la Loi sur la taxe d'accise:

a) le transport public par eau assuré par des vaisseaux conçus et équipés d'une façon permanente pour transporter au moins 12passagers;

...

LES FAITS

Il s'agit d'un appel interjeté en vertu de l'article 67 de la Loi sur les douanes à la suite d'une décision du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise, et qui vise le vaisseau «M.V. Cherokee IV» importé des États-Unis à Victoria (Colombie-Britannique) le 28 juillet 1987 conformément au numéro tarifaire 44005-1. Ce numéro englobe les «yachts et bateaux de plaisance, dépassant 9.2 mètres de longueur hors tout». Depuis, le vaisseau en question a été renommé «M.V. Charlotte Princess». Le 18 septembre 1987, le ministère du Revenu national a adressé un Avis de cotisation au propriétaire du vaisseau, Sealand of the Pacific Ltd. (Sealand), pour le reclasser sous le numéro tarifaire 44000-1 en tant que «navires, vaisseaux, dragues, chalands, yachts, barques et autres embarcations...». Le 2 novembre 1987, l'appelante a déposé une demande de réexamen de la classification tarifaire. Le 26 mai 1988, le Sous-ministre a rendu une décision confirmant la classification tarifaire en vertu du numéro 44000-1.

Le M.V. Charlotte Princess mesure 133 pieds de longueur (environ 42 mètres) et 30 1/2 pieds de largeur et tire 12 1/2 pieds d'eau. Il pèse 534 tonnes brutes et est doté d'un moteur de 500 HP. Il a été construit à Lauzon (Québec) en 1956 et mis en service comme bateau-phare. Il a été baptisé Lightship #1 et exploité par le gouvernement du Canada au large de la côte est du Canada, dans l'Atlantique nord. Ce vaisseau a été mis hors service, vendu et exporté aux États-Unis en 1972 où il a été converti en un vaisseau de luxe puis renommé «M.V. Northlite». En 1979, ce dernier a été revendu et rebaptisé «M.V. Romance». Enfin, en 1985, M.V. Cherokee Marine Enterprises Inc., de Los Angeles, en Californie, en a fait l'acquisition et l'a renommé «M.V. Cherokee IV». Au moment de sa vente à l'appelante, ce vaisseau était immatriculé aux États-Unis et son port d'attache était Long Beach, en Californie.

Le président de Sealand, M. Robert Wright, a commencé à manifester de l'intérêt pour le M.V. Cherokee IV lorsqu'il était à la recherche d'une embarcation pour son entreprise d'affrétage dans le domaine de la pêche sportive. Il désirait avant tout acquérir un vaisseau qui lui permettrait d'offrir aux touristes des forfaits de luxe et qui servirait d'«hôtel flottant» pour des excursions de pêche sportive de quatre ou cinq jours. En mai 1987, il s'est rendu à Los Angeles pour déterminer si le vaisseau en question convenait à ses besoins. Le Tribunal a visionné plusieurs photographies de l'intérieur et de l'extérieur du vaisseau au moment de son achat par Sealand; en outre, M. Wright l'a décrit de la manière suivante. Le vaisseau comportait deux salons : le salon principal était doté d'un foyer; le deuxième se trouvait sur le pont supérieur. Le vaisseau comprenait dix-sept cabines de luxe et des salles de bains privés, une cuisine entièrement équipée, des téléviseurs et des systèmes de son, de même que des installations extérieures incluant un pont «bain de soleil», un bain tourbillon et un barbecue. M. Wright déclare qu'à l'époque le vaisseau était utilisé par ses propriétaires pour leur divertissement personnel et pour accueillir leurs clients.

Au moment de la vente, le département américain des Transports et la Garde côtière a dû produire divers documents dans lesquels le vaisseau était défini comme un «bateau de plaisance». Après son arrivée au Canada, Sealand a demandé à Revenu Canada d'exonérer le vaisseau de la taxe de vente fédérale en vertu de l'article 8.1, Partie XVII, Annexe III de la Loi sur la taxe d'accise, alléguant qu'il devait être utilisé exclusivement pour la pêche sportive commerciale. Le M.V. Charlotte Princess figure dans le Registre des navires immatriculés au Canada en date du 13 avril 1989 comme un «navire à passagers en acier» et il subit actuellement des modifications qui lui permettront d'être homologué comme navire à passagers en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada. Il est d'ailleurs utilisé en cette qualité dans le cadre des activités de pêche sportive de Sealand depuis son importation.

Le deuxième témoin de l'appelante était M. Peter Hart, un ingénieur en mécanique et associé d'une firme d'architecture navale qui s'occupe de la conception, de la construction et de la remise en état de vaisseaux. M. Hart a été embauché par M. Wright en mai 1987 pour se rendre à Los Angeles avec deux des capitaines de Sealand et un de ses ingénieurs pour inspecter le M.V. Cherokee IV. De l'avis de M. Hart, ce vaisseau était essentiellement un bateau de plaisance lorsqu'il a été acheté parce qu'il n'était pas doté de l'équipement de sécurité et de navigation nécessaire pour être admissible à la désignation de navire à passagers aux termes de la Loi sur la marine marchande du Canada. En prévision du transport du vaisseau vers Victoria, environ 30 000 $ ont été consacrés à l'achat d'équipement. Cependant, M. Hart a soutenu que même muni de cet équipement supplémentaire, le vaisseau n'aurait pas satisfait aux exigences canadiennes relativement aux navires à passagers au moment de l'importation.

M. Alexander Grieg, de la Division de la sécurité des navires de la Garde côtière canadienne a ensuite rendu compte d'une inspection du vaisseau effectuée par la Division en vertu du Programme de conformité des navires à passagers. Il explique que jusqu'à la fin de 1986, il n'était pas nécessaire que les vaisseaux affrétés soient homologués par la Garde côtière, car ils n'étaient pas définis en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada et parce que, sur le plan technique, ils n'étaient pas assujettis à la définition d'un navire à passagers. La Loi a alors été modifiée pour que les vaisseaux d'excursion comme le M.V. Charlotte Princess soient tenus de se conformer aux exigences imposées aux navires à passagers. À cette fin, les vaisseaux étaient admissibles à un programme de conformité qui leur permettait de subir progressivement, soit sur une période de trois ans, les modifications nécessaires pour respecter ces exigences.

M. Grieg déclare qu'il a effectué une inspection de sécurité sur le M.V. Charlotte Princess au début de 1988 à la suite d'une demande d'adhésion au programme. Il explique qu'il existe trois catégories d'inspection : premièrement, l'inspection de la coque pour en déterminer la navigabilité; deuxièmement, une inspection des machines et de divers appareils auxiliaires; et enfin, une inspection de l'équipement de sauvetage et de lutte contre les incendies. À son avis, le vaisseau respectait la plupart des exigences au moment de l'inspection même si certaines modifications devaient être apportées avant qu'un certificat de sécurité ne soit émis. Il a prévu que le vaisseau se conformerait à ces exigences et qu'un certificat serait délivré à la fin de l'actuelle période de remise à neuf.

L'intimé a interrogé M. Grieg au sujet de la coque du vaisseau pour en connaître davantage sur sa conception comme bateau-phare. M. Grieg explique qu'un bateau-phare est essentiellement une bouée flottante qui sert à indiquer les écueils aux capitaines de bateaux. Il est muni d'un gros phare et d'apparaux de mouillage extrêmement lourds, dont des ancres et des chaînes servant à immobiliser le vaisseau. Lorsque l'intimé lui a demandé si la coque comportait des particularités qui permettraient de classer le vaisseau parmi les bateaux de plaisance, M. Grieg a répondu qu'à certains égards tout type de coque peut être affecté à divers usages, y compris être installée sur un bateau de plaisance. À son avis, il aurait été tout à fait opportun de qualifier le M.V. Charlotte Princess de bateau de plaisance au moment de l'inspection.

LES QUESTIONS EN LITIGE

Le plaidoyer de l'appelante comporte deux volets. D'abord, aux fins de la classification douanière, les marchandises doivent être classées au moment de l'importation. En deuxième lieu, le numéro tarifaire 44005-1 est un numéro descriptif qui ne traite pas de l'utilisation des marchandises. Par conséquent, le vaisseau en question doit être classé en fonction de sa description à la date de son importation et non selon son utilisation prévue. Pour appuyer le premier volet, l'avocat de l'appelante a mentionné la cause entendue par la Commission du tarif Aritech Inc. (Canada) c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1985), 10R.C.T.89, et aux termes de laquelle la Commission a déclaré :

Il ressort clairement de la preuve que les dispositifs de détection à infrarouge mesurent l'énergie infrarouge et indiquent la mesure, à l'intérieur de paramètres précis, à un appareil de contrôle faisant partie du système d'alarme contre le cambriolage. Toutefois, la Commission doit envisager les marchandises au moment de l'importation et non leur utilisation dans une installation d'alarme contre le cambriolage. Les événements qui ont eu lieu après la mesure initiale n'ont aucun autre lien avec les marchandises en cause.

L'appelante soutient également qu'en raison du fait que le numéro tarifaire 44005-1 se fonde sur la description et non sur l'utilisation prévue pour classer le vaisseau, l'utilisation de ce dernier à des fins commerciales depuis son importation n'a rien à voir avec sa classification en vertu du Tarif des douanes. D'autres numéros tarifaires portant sur des vaisseaux qui sont exclus de la classification tarifaire générale, comme les 44002-1 et 44009-1, ont expressément trait à l'utilisation du vaisseau, contrairement au numéro tarifaire 44005-1.

L'avocat de l'appelante précise que la définition de l'expression «navire à passagers» dans la Loi sur la marine marchande du Canada ne doit pas être considérée, puisque les dispositions de cette Loi et celles du Tarif des douanes n'ont rien à voir l'une avec l'autre. Enfin, il affirme que la demande d'exemption du paiement de la taxe de vente déposée par l'appelante en vertu de la Loi sur la taxe d'accise n'est pas liée au présent appel, car le vaisseau devait être utilisé pour la pêche sportive et qu'il avait été modifié afin de servir à une entreprise commerciale. Le critère invoqué en vertu de la Loi sur la taxe d'accise est tout à fait différent de celui du numéro tarifaire; par ailleurs, il convient de noter que le vaisseau a été modifié après son importation.

Pour sa part, l'intimé soutient que l'utilisation est un critère fondamental pour classer le vaisseau parmi les «bateaux de plaisance» sous le numéro tarifaire 44005-1. Vu que seul le terme «plaisance» différencie le numéro tarifaire 44005-1 de la classification générale des bateaux et des yachts sous le numéro 44000-1, seuls les yachts et bateaux utilisés par leurs propriétaires pour leur divertissement peuvent être classés sous le numéro tarifaire 44005-1. L'avocat de l'intimé prétend que si on ne tient pas compte de l'utilisation, les navires à passagers de grand luxe servant à des entreprises commerciales ou tout autre type de vaisseau offrant des éléments de luxe seraient importés sous ce numéro tarifaire.

L'avocat de l'intimé ajoute que le nouveau Tarif des douanes, qui est fondé sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, connu également sous l'appellation Nomenclature de Bruxelles, peut être utilisé pour fournir une interprétation des numéros tarifaires en cause même si la Loi n'était pas en vigueur lorsque le vaisseau a été importé. Les vaisseaux étant définis et classés en vertu du nouveau Tarif des douanes en fonction de leur utilisation prévue, l'avocat laisse à entendre que le législateur prévoyait que les numéros tarifaires seraient interprétés selon des critères fondés sur l'utilisation.

La société Sealand prévoyait d'affecter le M.V. Charlotte Princess à des activités de pêche sportive commerciale et c'est la raison pour laquelle l'appelante a demandé une exemption du paiement de la taxe de vente fédérale en vertu de la Loi sur la taxe d'accise. Dans le Registre des navires immatriculés au Canada, le vaisseau en question est défini en termes commerciaux comme un «navire à passagers en acier». L'avocat de l'intimé prétend que l'appelante n'a pas le droit de classer le M.V. Charlotte Princess comme un vaisseau commercial en vertu d'une loi et comme bateau de plaisance en vertu d'une autre. Elle ajoute que même si aucun élément de preuve n'a été déposé au sujet de l'utilisation du vaisseau immédiatement avant son importation, il en existe de fort convaincants sur son utilisation prévue et réelle à son arrivée au Canada, et c'est la raison pour laquelle le vaisseau en question devrait être classé en fonction de son utilisation prévue.

Enfin, l'avocat de l'intimé prétend, en se fondant sur la cause Kelley c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1985), 10R.C.T.70, que la conception de la coque constitue un élément clé aux fins de la classification du vaisseau. Vu que la conception de la coque du M.V. Charlotte Princess ne comporte aucune particularité qui justifierait la classification du vaisseau parmi les bateaux de plaisance, il doit nécessairement être classé sous le numéro tarifaire général.

DÉCISION

Il est précisé dans les lois et règlements douaniers que les marchandises doivent être classées selon leur nature au moment de l'importation. Ce principe a été invoqué par la Cour suprême du Canada dans la cause opposant le ministre du Revenu national et MacMillan and Bloedel Ltd. et al., [1965] R.C.S.366 et a été réitéré à de nombreuses occasions par la suite. La décision dans la cause Aritech Inc. (Canada) c. le sous-ministre du Revenu national citée par l'appelante, en est un exemple. Selon la description du vaisseau qui a été fournie par les trois témoins, et les photographies du vaisseau au moment de son importation au Canada, le Tribunal est d'avis que le M.V. Cherokee IV a été correctement décrit comme un «bateau de plaisance» et qu'il devrait être classé sous le numéro tarifaire 44005-1.

Il est évident que l'utilisation et les caractéristiques des vaisseaux de cette taille peuvent changer pendant toute leur vie utile. Dans le cas présent, le vaisseau a été transformé à deux reprises, passant d'un bateau-phare à un yacht de luxe, puis à un «hôtel flottant». Cependant, le numéro tarifaire 44005-1 ne traite pas de l'utilisation. Le Tribunal fait remarquer que certains numéros tarifaires applicables aux vaisseaux classent ces marchandises selon leur utilisation prévue tandis que d'autres n'emploient pas le terme «utilisation». Par conséquent, si les droits à l'importation sur les bateaux de plaisance étaient fixés en fonction de l'utilisation prévue du bateau, le législateur l'aurait nettement précisé.

Le Tribunal considère qu'il est souvent utile de se reporter à la Nomenclature de Bruxelles pour interpréter les termes ambigus du Tarif des douanes et c'est exactement ce que l'avocat de l'intimé lui a demandé de faire dans le cas présent. Comme elle l'a mentionné, le nouveau Tarif des douanes, qui est fondé sur la Nomenclature de Bruxelles, permet de classer les vaisseaux presque exclusivement en fonction de leur utilisation prévue. Cependant, cette Nomenclature a été adoptée après que soient survenus les faits invoqués dans le présent appel; le Tribunal conclut que le recours à cette Nomenclature dans le cas à l'étude est limité. Dans le Tarif des douanes, il semble évident que le législateur voulait que certaines catégories de vaisseaux soient classées selon leur utilisation et, si ce terme n'était pas employé, qu'elles le soient en fonction de leur description.

En outre, le Tribunal déclare que le régime tarifaire appliqué au vaisseau en question en vertu de la Loi sur la taxe d'accise et la Loi sur la marine marchande du Canada n'influe aucunement sur le présent appel. Le critère invoqué en vertu de l'article 8.1, Partie XVII, Annexe III de la Loi sur la taxe d'accise est fondé sur l'utilisation prévue du vaisseau et non sur sa description au moment où il a été acheté ou importé. De même, les vaisseaux sont définis dans la Loi sur la marine marchande du Canada en vue de leur homologation aux fins de sécurité et de navigabilité, en fonction de leur utilisation dans des entreprises commerciales; dans le cas qui nous intéresse, le M.V. Charlotte Princess n'a commencé à être exploité comme navire à passagers qu'après son importation. Il convient également de souligner que le témoin de l'intimé, M. Grieg, était d'avis que le vaisseau en question ne pouvait, lorsqu'il a été importé, être considéré comme un navire à passagers, mais qu'il aurait respecté les normes établies pour les bateaux de plaisance.

L'avocat de l'intimé se reporte également à la cause Kelley et elle soutient qu'il importe de tenir compte de la conception de la coque du vaisseau en question pour classer ce dernier. À cet égard, le Tribunal fait remarquer que les observations de la Commission du tarif au sujet de la conception de la coque dans la cause Kelley n'ont pas constitué la base du jugement relatif à cette cause, car la Commission a classé la barge en fonction de son caractère antique et non de sa description en tant que vaisseau. En outre, le témoin de l'intimé, M. Grieg, affirme qu'à certains égards, la coque d'un vaisseau peut être utilisée à diverses fins, notamment pour être installée sur un bateau de plaisance. Enfin, l'appelante n'est pas tenue de prouver que le vaisseau en cause possède les caractéristiques propres à un bateau de plaisance. Elle doit plutôt faire uniquement la preuve que le vaisseau en question est mieux classé comme bateau de plaisance et ce, de façon plus précise, que s'il ne l'était sous la catégorie générale réservée aux vaisseaux et autres embarcations.

CONCLUSION

Le Tribunal conclut que le M.V. Cherokee IV était conforme à la description d'un bateau de plaisance au moment où il a été importé et qu'il est correctement classé sous le numéro tarifaire 44005-1.


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Publication initiale : le 15 août 1997