IRVING OIL LIMITED

Décisions


IRVING OIL LIMITED
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no 3072

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 6 décembre 1990

Appel no 3072

EU ÉGARD À un appel entendu les 17 et 18 mai 1990 en vertu de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E-15;

ET EU ÉGARD À un avis de décision rendu par le ministre du Revenu national le 8 juillet 1988 au sujet d'un avis d'opposition déposé en vertu de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

IRVING OIL LIMITEDAppelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONALIntimé

L'appel, interjeté d'une décision du ministre du Revenu national (le Ministre) à l'égard de l'article I.A du mémoire préliminaire de l'appelante, à savoir le soutage affrété par Esso, est rejeté.

Ordre est donné au Ministre, en vertu de l'alinéa 81.27(1)b) de la Loi sur la taxe d'accise, de reconsidérer sa décision à propos des articles II.A, II.B, II.C, II.D et III.A, d'une partie de l'article I.B (postes de vérification nos 135 et 164) et d'une partie de l'article I.C (la partie «Irving Ocean, International» du poste de vérification no 154) du mémoire préliminaire de l'appelante à la lumière des éléments de preuve que cette dernière a fournis à l'intimé après que ce dernier eut émis l'avis de décision no 70338AE le 8 juillet 1988.

Le Tribunal accède à la demande de l'appelante de retirer en partie son appel et rejette, en conséquence, l'appel de la décision du Ministre concernant :

- les articles relatifs aux «ventes des stations-service de la compagnie» mentionnés dans la lettre d'appel du 5 octobre 1988;

- l'article III.B du mémoire préliminaire de l'appelante; et

- le reste de l'article I.C (la partie «Irving Ocean, Montréal» du poste de vérification no 154) du mémoire préliminaire de l'appelante.


Robert J. Bertrand, c.r. ______ Robert J. Bertrand, c.r. Membre présidant

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur la taxe d'accise - Au départ, le présent appel portait sur la question de savoir si l'appelante était admissible au remboursement de la taxe fédérale de vente touchant plusieurs articles visés par l'avis de cotisation. Il s'agit plutôt de déterminer si l'intimé a réclamé de l'appelante la cotisation appropriée à l'égard de l'article I.A du mémoire préliminaire de l'appelante (soutage affrété par Esso).

Le présent appel est interjeté en vertu de l'article51.19 (maintenant81.19) de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi) et porte sur l'avis de décision no70338AE rendu par le Ministre du Revenu national (leMinistre) le 8juillet1988 à l'égard d'un avis d'opposition daté du 7septembre1987, déposé conformément à l'article 51.17 (maintenant 81.17) de la Loi sur la taxe d'accise.

Par la suite, l'appelante a retiré partiellement son appel.

L'intimé a alors demandé au Tribunal d'ordonner au Ministre de reconsidérer sa décision au sujet de certains articles dont il était fait appel.

L'appelante demande au Tribunal d'annuler la cotisation visant le soutage affrété par Esso et d'ordonner à l'intimé de reconsidérer sa décision au sujet de certains autres articles, comme le réclame l'intimé.

L'appelante a tenté de démontrer, au moyen de témoignages et de certaines pièces accessoires, que les documents qu'elle a produits, et sur lesquels l'intimé s'est fondé pour établir la cotisation de l'appelante, n'étaient pas ce qu'on avait prétendu.

Compte tenu des nombreuses lacunes et des contradictions apparentes dans la série de documents soumis par l'appelante pour établir la preuve du suivi des transactions ainsi que de son incapacité de produire les pièces supplémentaires réclamées par le Tribunal (dont une copie du journal de bord des navires pour toute la période en question), le Tribunal déclare que l'appelante n'a pas prouvé que le Ministre avait commis une erreur en établissant la cotisation.

DÉCISION : L'appel de la décision du Ministre à l'égard de l'article I.A du mémoire préliminaire de l'appelante, à savoir le soutage affrété par Esso, est rejeté.

Ordre est donné au Ministre, en vertu de l'alinéa81.27(1)b) de la Loi, de reconsidérer sa décision à propos des articles II.A, II.B, II.C, II.D et III.A, d'une partie de l'article I.B (postes de vérification nos135 et 164) et d'une partie de l'article I.C (la partie «Irving Ocean, International» du poste de vérification no154) du mémoire préliminaire de l'appelante à la lumière des éléments de preuve que celle-ci a fournis à l'intimé après que ce dernier eut émis l'avis de décision no70338AE le 8juillet1988.

Le Tribunal accède à la demande de l'appelante de retirer en partie son appel et rejette, en conséquence, l'appel de la décision du Ministre concernant:

-les articles relatifs aux «ventes des stations-service de la compagnie» dans la lettre d'appel du 5 octobre 1988;

-l'article III.B du mémoire préliminaire de l'appelante; et

-le reste de l'article I.C (la partie «Irving Ocean, Montréal» du poste de vérification no154) du mémoire préliminaire de l'appelante.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Dates de l'audience : Les 17 et 18 mai 1990 Date de la décision : Le 6 décembre 1990
Membres du Tribunal : Robert J. Bertrand, c.r., membre présidant Sidney A. Fraleigh, membre W. Roy Hines, membre
Greffier : Janet Rumball
Ont comparu : John D. Wallace, pour l'appelante John B. Edmond, pour l'intimé
Loi citée : Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. (1970), ch. E-13, dans sa forme modifiée.





Le présent appel est interjeté en vertu de l'article 51.19 (maintenant 81.19) de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi) et porte sur l'avis de décision no 70338AE rendu par le Ministre du Revenu national (le Ministre) le 8 juillet 1988 à l'égard d'un avis d'opposition daté du 7 septembre 1987, déposé conformément à l'article 51.17 (maintenant 81.17) de la Loi.

LES FAITS

L'appelante est un fabricant licencié de produits de pétrole raffiné dont l'intimé a vérifié les livres pour la période comprise entre le 31 octobre 1984 et le 31 août 1986. Le 10 juin 1987, l'intimé a publié l'avis de cotisation no ATL1809, dans lequel il réclamait à l'appelante la somme de 2 768 519,67 $.

Le 7 septembre 1987, l'appelante a déposé un avis d'opposition à l'avis de cotisation conformément à l'article 51.17 de la Loi. En vertu de l'avis de décision no 70338AE du 8 juillet 1988, l'opposition de l'appelante a été partiellement maintenue à la lumière des éléments de preuve et des documents additionnels fournis à l'intimé aux fins de contrôle de la vérification après la publication de l'avis de cotisation. Le montant réclamé a été ramené à 1 094 685,49 $.

Le 5 octobre 1988, l'appelante en a appelé de la décision du Ministre auprès de la Commission du tarif en vertu de l'article 51.19 de la Loi au sujet de quatre groupes d'articles (soutage, ventes des stations-service de la compagnie, ventes d'antigel assujetties par erreur à cotisation et ventes exemptées de taxe assujetties par erreur à cotisation) représentant une cotisation évaluée à 197 000 $. L'appel a été repris et entendu par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) en application de l'article 60 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] .

Dans une lettre datée du 7 février 1989 et transmise au Tribunal le 14 février 1989, à laquelle était annexé un document intitulé «Opposition à l'avis de décision» (traduction), l'appelante a précisé au Tribunal qu'elle reconnaissait le bien-fondé de la cotisation de 65 599 $ au titre des «ventes des stations-service de la compagnie» mentionnées dans la lettre d'appel du 5 octobre 1988 et souhaitait retirer son appel à cet égard.

Dans l'«Opposition à l'avis de décision» (ci-après appelé le mémoire préliminaire de l'appelante), la portée de l'appel a été ramenée à trois groupes d'articles à l'égard desquels la cotisation totalisait 128 629,39 $ (I. l'approvisionnement des navires affrétés en carburant libéré de taxe, II. les articles déjà compensés dans le cadre de la vérification effectuée par le Ministère après l'émission de l'avis de décision du Ministre et III. les autres points en litige).

Le 7 février 1990, le Tribunal a reçu un mémoire de l'intimé selon lequel, l'appelante ayant produit certains documents au sujet de huit articles visés par l'appel après la publication de l'avis de décision du Ministre, ce dernier serait disposé à reconsidérer et à modifier sa décision si le Tribunal devait ordonner le réexamen, en vertu de l'alinéa 81.27(1)b) de la Loi, des articles II.A, II.B, II.C, II.D et III.A, d'une partie de l'article I.B (postes de vérification nos 135 et 164) et d'une partie de l'article I.C (la partie «Irving Ocean, International» du poste de vérification no 154) du mémoire préliminaire de l'appelante, à l'égard desquels la cotisation totalisait 68 968,51 $.

Le 16 mai 1990, l'appelante a déposé un mémoire complémentaire dans lequel elle limitait davantage la portée de l'appel en affirmant :

- qu'elle était disposée à retirer son appel de la décision du Ministre au sujet du reste de l'article I.C (la partie «Irving Ocean, Montréal» du poste de vérification no 154) du mémoire préliminaire de l'appelante si le Tribunal devait, comme le demandait l'intimé, ordonner au Ministre de reconsidérer les articles énumérés dans le mémoire de l'intimé;

- qu'elle souhaitait retirer son appel de la décision du Ministre au sujet de l'article III.B (ventes à John Hickey - O'Donnell's Trucking) du mémoire préliminaire de l'appelante; et

- qu'elle soutenait la requête de l'intimé à l'effet que le Tribunal ordonne au Ministre, en vertu de l'alinéa 81.27(1)b) de la Loi, de reconsidérer sa décision au sujet des articles II.A, II.B, II.C, II.D et III.A, d'une partie de l'article I.B (postes de vérification nos 135 et 164) et d'une partie de l'article I.C (la partie «Irving Ocean, International» du poste de vérification no 154) du mémoire préliminaire de l'appelante, à l'égard desquels la cotisation totalisait 68 968,51 $.

Par conséquent, le seul point encore en litige à la date de l'audience était l'article I.A du mémoire préliminaire de l'appelante, à savoir le «soutage affrété par Esso», représentant une cotisation de 56 241,13 $.

L'audience a eu lieu les 17 et 18 mai 1990, à Ottawa.

Avec l'assentiment du Tribunal, l'appelante et l'intimé ont soumis leur plaidoirie par écrit les 17 juin et 17 juillet 1990, respectivement.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Les dispositions suivantes de la Loi étaient en vigueur à l'époque :

2.(1)...

«fabricant ou producteur» comprend

...

e) toute personne qui vend de l'essence, du combustible diesel ou du carburant aviation, sauf une personne qui vend ces produits exclusivement et directement aux consommateurs,

...

27.(1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le prix de vente de toutes marchandises

a) produites ou fabriquées au Canada,

(i) payable... par le producteur ou fabricant à l'époque ou les marchandises sont livrées à l'acheteur ou à l'époque où la propriété des marchandises est transmise, en choisissant celle de ces dates qui est antérieure à l'autre,

...

(1.1) La taxe prévue au paragraphe (1) est imposée au taux suivants:

c) au taux indiqué vis-à-vis l'article correspondant de l'annexe II.1, ajusté conformément au paragraphe27.1(1) et multiplié par le taux de taxe indiqué à l'alinéad), exprimé en décimales et multiplié par cent, dans le cas d'essence ordinaire, d'essence sans plomb, d'essence super avec plomb, d'essence super sans plomb et de combustible diesel;

...

29.(1) La taxe imposée par l'article 27 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des marchandises mentionnées à l'annexeIII excepté les marchandises mentionnées à la partieXIII de l'annexeIII qui sont vendues ou importées par des personnes exemptées du paiement de la taxe de consommation ou de vente en application du paragraphe 31(2).

ANNEXE III

PARTIE VI

COMBUSTIBLES ET ÉLECTRICITÉ

...

4. Mazout servant à la production de l'électricité, sauf lorsque l'électricité ainsi produite sert principalement au fonctionnement d'un véhicule.

5. Combustibles pour l'éclairage ou le chauffage, mais non compris les combustibles destinés aux moteurs à combustion interne;...

(soulignement ajouté)

LA QUESTION EN LITIGE

Au départ, le présent appel portait sur la question de savoir si l'appelante était admissible au remboursement de la taxe fédérale de vente touchant plusieurs articles visés par l'avis de cotisation. Il s'agit plutôt de déterminer si l'intimé a réclamé de l'appelante la cotisation appropriée à l'égard de l'article I.A du mémoire préliminaire de l'appelante (soutage affrété par Esso).

L'ARGUMENTATION

L'appelante a soutenu que tout au long de la période à l'étude, aucune quantité de carburant de soute n'a été vendue entre Irving Oil Limited et Irving Steamships Limited pour l'exploitation de certains navires qu'elle contrôlait et que l'intimé a eu tort d'exiger de cette dernière une cotisation en vertu de la Loi pour le non paiement de la taxe fédérale de vente.

Selon l'appelante, les accords d'affrètement, dont copie a été déposée en tant que pièces A-1 à A-11, prouvent que les navires ont été affrétés, pendant toute la période à l'étude, par Imperial Oil Limited ou par Esso Petroleum, une division de Imperial Oil Limited.

Selon M. Kirstiuk, un témoin de l'appelante qui occupe le poste de contrôleur de la division de Irving Oil Limited chargée des accords d'affrètement, les mots «all fuel and port charges for the Account of the Charterer» (tous les frais de carburant et de port sont à la charge de l'affréteur), ou d'autres constructions semblables, utilisés dans un article repris dans chaque accord d'affrètement signifiaient que l'affréteur, à savoir Imperial Oil Limited, devait fournir le carburant de soute nécessaire à l'exploitation des navires pendant la période d'affrètement.

De l'avis de M. Kirstiuk, les formulaires portant la mention «Irving Oil Limited - Invoice -Facture» adressés à Irving Steamships Limited servaient à des fins de documentation entre les divisions de Irving Oil Limited. Ces documents permettaient de consigner les coûts d'exploitation annuels de chacun des navires contrôlés par Irving Oil Limited pour comparer l'efficience des navires entre eux et celle de chaque navire d'une année à l'autre. Pour élaborer ces documents, l'appelante avait surtout utilisé les reçus de soutage de Imperial Oil Limited (précisant la quantité de carburant de soute livrée à bord d'un navire) fournis par Esso Petroleum dans le cours normal de ses affaires. En outre, pour obtenir un point de comparaison valable, l'appelante avait multiplié le nombre de litres de carburant inscrit sur chaque reçu de soutage de Imperial Oil Limited par le prix au litre établi par Irving Oil Limited.

D'après le témoin, les codes de débit et de crédit inscrits à ces documents se référaient à deux divisions de Irving Oil Limited et confirmaient l'argument qu'il s'agissait d'articles aux fins de documentation entre divisions. M. Kirstiuk a déclaré que la mention «facture» et le détail des modalités de paiement n'auraient pas dû y figurer; il a cependant ajouté que l'appelante utilisait aussi des factures à des fins internes.

Selon M. Whitcomb, un cadre supérieur de la firme Deloitte & Touche chargé de la vérification, de la préparation des déclarations de revenu et des états financiers de Irving Oil Limited, de ses divisions et de Irving Steamships Limited, plusieurs autres sociétés ont l'habitude de reporter des transactions entre divisions sur des feuilles de papier portant la mention «facture».

D'après les témoins, à l'époque en question, Irving Steamships Limited exploitait un navire, le Irving Wood, qui n'est pas mis en cause dans le présent appel. Il semblerait que la référence à Irving Steamships Limited sur les factures portant la mention «Irving Oil Limited -Invoice - Facture» avait été ajoutée par erreur.

À l'appui de cet argument, l'appelante a déposé l'annexe A de la pièce A-13, des factures de Esso Petroleum que M. Kirstiuk a décrites comme des documents internes de Esso Petroleum obtenus de Esso Petroleum par l'appelante après avoir reçu l'avis de cotisation rendu par l'intimé. En comparant la quantité (en tonne métriques et en litres) de carburant de soute livrée, la date de livraison, le nom du navire qui a reçu le carburant et le nom de la compagnie de livraison du carburant, l'appelante a soutenu qu'il existait un lien direct entre les reçus de carburant de soute de Imperial Oil Limited, les factures de Esso Petroleum, les pièces de documentation des divisions de Irving Oil et les accords d'affrètement.

S'appuyant sur le fait que les factures de Esso Petroleum adressées à Imperial Oil Limited témoignaient de la facturation de la taxe fédérale de vente applicable, l'appelante a également soutenu que les reçus de carburant de soute de Imperial Oil Limited, les factures de Esso Petroleum, les pièces de documentation entre divisions de Irving Oil et les accords d'affrètement prouvaient que le carburant de soute, à l'égard duquel l'appelante se voyait réclamer 56 241,13 $ au titre de la taxe fédérale de vente, avait été fourni par l'affréteur conformément à l'accord d'affrètement et que ce dernier avait déjà acquitté la taxe fédérale de vente.

L'intimé a déclaré que pour établir la cotisation de l'appelante, il s'était appuyé sur des formules portant la mention «Irving Oil Limited - Invoice - Facture», adressées à Irving Steamships Limited, une entité juridique distincte mais affiliée, témoignant de la vente de carburant de soute, signées ou paraphées par une ou deux personnes et portant la mention «Checked and Approved» (vérifié et approuvé). L'avocat de l'intimé a souligné que selon les témoins, rien ne permettait de distinguer ces factures des autres factures devant être payées de Irving Oil Limited et que les personnes qui avait signé ou paraphé ces factures étaient des agents ou des employés de la société.

Témoignant pour le compte de l'intimé, M. McIntyre, qui était à l'époque un vérificateur principal auprès de Revenu Canada - Accise, chargé de vérifier les livres de Irving Oil Limited, a déclaré que cette dernière avait fait l'objet d'une vérification parce que d'après le total de ses factures, elle aurait omis d'acquitter la taxe sur le carburant diesel facturé à Irving Steamships Limited.

À l'appui de cet argument, l'intimé a déclaré que Irving Steamships Limited considérait aussi les formules portant la mention «Irving Oil Limited -Invoice - Facture» comme des factures lorsque, selon le paragraphe 29(1) et la partie VI de l'annexe III de la Loi, Irving Steamships Limited réclamait le remboursement de la taxe payée sur le carburant de soute utilisé à bord du navire pour l'éclairage et le chauffage.

Toutefois, les témoins de l'appelante ont déclaré que cette demande avait été soumise par erreur, que le nom du requérant devait se lire «Irving Steamships, une division de Irving Oil Limited» et non «Irving Steamships Limited» et que la demande portant sur le carburant de soute utilisé pendant que les navires étaient affrétés par Esso Petroleum n'aurait jamais dû être présentée parce que cette dernière société avait fourni le carburant de soute en question.

L'EXAMEN DES ÉLÉMENTS DE PREUVE ET DES ARGUMENTS

L'appelante a tenté de démontrer, au moyen de témoignages et de certaines pièces, que les formules portant la mention «Irving Oil Limited - Invoice - Facture», sur lesquels l'intimé s'est fondé pour établir la cotisation de l'appelante, n'étaient pas ce qu'on avait prétendu.

Pour y parvenir, l'appelante devait produire les éléments de preuve les plus convaincants. Elle aurait très bien pu produire les états financiers pertinents de Irving Oil Limited et de Irving Steamships Limited, ainsi que les factures adressées à Esso Petroleum ou à Imperial Oil Limited concernant les prétendus accords d'affrètement. Elle aurait également pu citer à comparaître les employés qui sont intervenus directement dans ce dossier (Mme Marion Breau, M. Freeman Byers et Mme Karen Patterson).

L'appelante a choisi de ne pas le faire, préférant citer à comparaître un employé de Irving Oil Limited et un vérificateur de la firme Deloitte & Touche qui n'étaient pas impliqués dans cette affaire lors de la période à l'étude. Elle a également produit des pièces qui, comme nous le verrons plus loin, ont soulevé plus de questions qu'elles n'ont apporté de réponses.

LES FACTURES DE ESSO PETROLEUM

L'appelante a soutenu que ces factures prouvaient que l'affréteur avait payé le carburant de soute. Elle n'a toutefois cité à comparaître aucun représentant de Imperial Oil Limited ou de sa division, Esso Petroleum, pour confirmer que ces documents étaient effectivement des factures. Par exemple, ce témoin aurait pu expliquer pourquoi Esso Petroleum a facturé Imperial Oil Limited pour le carburant livré lorsque, d'après les reçus de carburant de soute de cette dernière, Imperial Oil Limited a imputé le carburant livré au compte de Esso Petroleum.

Le Tribunal a étudié le témoignage de M. Whitcomb, qui a déclaré que plusieurs autres sociétés ont l'habitude de reporter des transactions entre divisions sur des feuilles de papier portant la mention «facture», et en est arrivé à la conclusion qu'il était possible que ces documents soient non pas des factures attestant des ventes, mais bien des pièces documentaires utilisées entre divisions à d'autres fins internes?

LES ERREURS COMMISES PAR ESSO PETROLEUM

L'appelante a soutenu que Esso Petroleum a commis une erreur à trois reprises lorsqu'elle a facturé à Irving Oil Limited la livraison de carburant de soute dont la fourniture, à son avis, incombait à Esso Petroleum en vertu des accords d'affrètement (les pièces A-1, A-9 et A-11 dans ce cas). M. Kirstiuk a déclaré que Irving Oil Limited avait effectivement réglé ces factures et que les montants avaient été recouvrés auprès de Esso Petroleum. Le témoin a accepté, au nom de l'appelante, de fournir au Tribunal tout renseignement complémentaire dont disposait Irving Oil Limited, permettant de confirmer que les sommes en question avaient été remboursées par l'affréteur.

M. Al Gordon a fourni, au nom de l'appelante, ce qu'il a appelé une «preuve de facturation de Esso concernant trois pleins de carburant facturés à Irving Oil Limited par inadvertance» (traduction). Après examen, on doit conclure qu'aucun de ces documents ne renferme de données (telles une note de crédit ou toute autre pièce fournie par Esso Petroleum) confirmant que les montants payés ont été recouvrés auprès de Esso Petroleum.

En fait, l'annexe A de la «preuve de facturation», que l'appelante a produite pour confirmer que le montant de 12 035,49 $, taxe comprise (pour la vente de 25 tonnes métriques de carburant à raison de 481,42 $ la tonne métrique), qui a été facturé par erreur (pièce A-12.1 et annexe A(1) de la pièce A-13) a été recouvré de Esso, indique plutôt que Irving Oil Limited a vendu à Esso Petroleum 54,94 tonnes métriques de carburant à 480,27 $ la tonne métrique, pour un total de 26 386,03 $.

De plus, l'annexe C de la «preuve de facturation», que l'appelante a produite pour confirmer que le montant de 18 784,48 $, taxe comprise (pour la vente de 50,08 tonnes métriques de carburant à raison de 375,09 $ la tonne métrique) qui a été facturé par erreur (pièce A-12.12 et annexe A(19) de la pièce A-13) a été recouvré de Esso, fait état de ce montant sous la rubrique «Plus additional purchases as per attached invoice» (plus les autres achats indiqués sur la facture ci-jointe) et s'accompagne de l'annexe A(19) de la pièce A-13, mais elle démontre aussi que Irving Oil Limited a vendu à Esso Petroleum 15,1 tonnes métriques de carburant à raison de 346,30 $ la tonne métrique et de 27,1 tonnes métriques de carburant à 425 $ la tonne métrique.

Enfin, l'annexe E de la «preuve de facturation», que l'appelante a produite pour confirmer que le montant de 19 847,23 $, taxe comprise (pour la vente de 40 tonnes métriques de carburant à raison de 496,18 $ la tonne métrique) qui a été facturé par erreur (pièce A-12.15 et annexe A(24) de la pièce A-13) a été recouvré de Esso, indique plutôt que Irving Oil Limited a vendu à Esso Petroleum 37,667 tonnes métriques de carburant à 496,18 $ la tonne métrique, pour un total de 18 689,61 $.

Il semble que ces annexes de la «preuve de facturation» ne permettent pas d'affirmer que Esso Petroleum a commis une erreur lorsque, à trois reprises, elle a facturé Irving Oil Limited pour la livraison du carburant de soute, car un lien manifeste n'a pas été établi entre les factures de Esso Petroleum et la «preuve de facturation» de Irving Oil Limited.

«IRVING OIL LIMITED - INVOICE - FACTURE»

L'appelante a soutenu que les codes de crédit et de débit inscrits sur les formules portant la mention «Irving Oil Limited - Invoice - Facture» signifiaient que ces formules servaient effectivement à des fins documentaires entre divisions et ne constituaient pas des factures. Toutefois, le caractère typographique des codes diffère de celui utilisé pour l'inscription des autres renseignements. En outre, le témoignage de M. Whitcomb appuie la thèse selon laquelle les codes ont été inscrits sur les formules après que celles-ci ont été remplies.

L'appelante a déclaré que les formules portant la mention «Irving Oil Limited - Invoice -Facture» ont été transmises par erreur à Irving Steamships Limited. Chacune porte la mention «Bunkers while on charter to Esso Petroleum» (soutage pendant l'affrètement par Esso Petroleum). Pourtant, aucun reçu de carburant de soute de Imperial Oil Limited ni aucune facture de Esso Petroleum ne renferme des données permettant de conclure que le carburant livré était du carburant de soute destiné au navire affrété par Esso Petroleum. Le Tribunal doit donc conclure que la personne qui a rempli ces formules pour le compte de l'appelante s'est fondée sur d'autres documents pour dactylographier la mention «Bunkers while on charter to Esso Petroleum» (soutage pendant l'affrètement par Esso Petroleum). Si l'argument de l'erreur était retenu, cela voudrait dire que la personne qui a rempli ces formules, bien qu'elle ait été au courant de la situation, aurait commis la même erreur en remplissant 11 formules semblables en près d'un an (du 15 avril 1985 au 21 mars 1986) concernant 16 reçus de soutage de Imperial Oil Limited pour 3 navires ayant effectué 11 voyages.

En outre, toutes ces formules portent, immédiatement à droite de la mention «Irving Steamships Limited», l'empreinte d'un timbre avec les mots «CHECKED AND APPROVED» (vérifié et approuvé), de même que la signature ou le paraphe d'au moins deux personnes. Dans son témoignage, M. Kirstiuk a indiqué que deux des personnes dont la signature ou le paraphe accompagne l'empreinte du timbre sont Mme Marion Breau, qui travaille pour M. Freeman Byers, et M. Byers lui-même, qui relève de M. Kirstiuk. Il n'est pas déraisonnable de supposer que ces personnes doivent être au courant de la situation, car il leur incombe, dans le cadre de leurs fonctions chez Irving Oil Limited, de vérifier et de sanctionner le travail d'autres employés. Si l'argument de l'erreur était retenu, cela voudrait dire que deux autres personnes au courant de la situation auraient commis la même erreur à l'égard de 11 formules semblables en près d'un an (du 15 avril 1985 au 21 mars 1986) concernant 16 reçus de soutage de Imperial Oil Limited pour 3 navires ayant effectué 11 voyages.

Dans son témoignage, M. Kirstiuk a souligné que la présence du timbre portant les mots «CHECKED AND APPROVED» (vérifié et approuvé) sur ces formules signifie essentiellement que «si le document en question sert de facture, nous (Irving Oil Limited) demandons habituellement à une ou deux personnes de contrôler l'exactitude des quantités et des prix indiqués sur cette facture» (traduction).

Dans ce cas, le Tribunal considère moins plausible l'argument voulant que dans chacun des 11 cas, la formule portant la mention «Irving Oil Limited - Invoice - Facture» ait servi de facture à des fins documentaires entre divisions et non de facture.

LES ACCORDS D'AFFRÈTEMENT

L'appelante a soutenu que les accords d'affrètement (pièces A-1 à A-11) ont démontré que les navires ont été affrétés par Imperial Oil Limited ou par Esso Petroleum, une division de cette dernière, tout au long de la période à l'étude. En ce qui concerne l'écart entre les dates figurant sur ces accords d'affrètement (plus particulièrement sur la pièce A-1), auxquelles les navires étaient prêts à être affrétés, et celles inscrites sur les formules portant la mention «Irving Oil Limited - Invoice - Facture», sur les reçus de carburant de soute de Imperial Oil Limited et sur les factures de Esso Petroleum, auxquelles les navires ont effectivement été affrétés, M. Kirstiuk a convenu de fournir au Tribunal des copies du journal de bord de chaque navire affrété pour la période à l'étude.

L'appelante n'a pas fourni les documents promis. M. Al Gordon a plutôt produit, au nom de l'appelante, «copie d'un extrait du journal de bord (voir l'annexe B) pour le voyage affrété le 1er mars 1985» (traduction). Le Tribunal suppose que cet extrait se rapporte à la pièce A-1 (l'accord d'affrètement du 1er février 1985), car aucun accord semblable portant la date du 1er mars 1985 ne figure au nombre des pièces.

Cet extrait porte la mention «Objet : Affrètement par Imperial Oil. Relevé de carburant et calendrier» (traduction). D'après cet extrait, le navire M.V. AIME GAUDREAU a commencé le voyage affrété à Halifax le 21 février 1985, y a pris à son bord 25 tonnes métriques de carburant le 1er mars suivant et a terminé le voyage affrété le 8 mars 1985. Aucun élément de cet extrait ne permet d'établir un lien entre le voyage affrété par Imperial Oil dont il est question dans cet extrait et l'accord d'affrètement du 1er février 1985 (pièce A-1).

En fait, cet extrait semble porter sur deux voyages, l'un entrepris le 21 février et l'autre ayant débuté en mars 1985. La «preuve de facturation» que M. Gordon a fait parvenir au Tribunal (annexe A) confirme cette interprétation. En effet, cette annexe comporte la mention «Dernière facture pour les deux voyages du Aime Gaudreau effectués entre le 21 février et le 1er mars 1985» (traduction). Toutefois, la clause 2 des dispositions spéciales de l'accord d'affrètement du 1er février 1985 (pièce A-1) stipule que «Cet affrètement porte sur un voyage aller-retour entre Halifax (embarquement) et Grindstone (Iles-de-la-Madeleine) (débarquement), ou sur une distance équivalente» (traduction).

L'appelante a soutenu que les mots «tous les frais de carburant et de port sont à la charge de l'affréteur» (traduction) (ou d'autres constructions semblables) utilisés dans un article repris dans chaque accord d'affrètement signifiaient que l'affréteur (Imperial Oil Limited ou Esso Petroleum), devait fournir le carburant de soute nécessaire à l'exploitation des navires pendant la période d'affrètement. En contre-interrogatoire, M. Kirstiuk a reconnu qu'une personne pouvait se conformer aux dispositions de l'accord d'affrètement (pièce A-1) et confier à Irving Oil Limited la fourniture du carburant de soute.

Si l'on devait interpréter que les mots «tous les frais de carburant et de port sont à la charge de l'affréteur» signifient que l'affréteur (à savoir Imperial Oil Limited) devait fournir le carburant de soute nécessaire à l'exploitation des navires pendant la période d'affrètement, par souci d'uniformité, il faudrait aussi admettre qu'ils signifient en outre que l'affréteur doit régler à l'avance les frais de port, car l'article prévoit que «tous les frais de carburant et de port sont à la charge de l'affréteur» (soulignement ajouté).

Par contre, l'examen de l'annexe C de la «preuve de facturation» révèle que Irving Oil Limited a facturé les frais de port à Esso Petroleum. De plus, selon l'annexe E de la «preuve de facturation», Irving Oil Limited a transmis ce document à Esso Petroleum «pour facturer le carburant utilisé par le navire Aime Gaudreau affrété aux termes de l'accord du 9 janvier 1986» (traduction).

LES DEMANDES DE REMBOURSEMENT DE IRVING STEAMSHIPS LIMITED

L'appelante a soutenu que ces demandes de remboursement ont été soumises par erreur, que le nom du requérant aurait dû se lire «Irving Steamships, une division de Irving Oil Limited», et non «Irving Steamships Limited», et que ni Irving Steamships Limited, ni Irving Oil Limited ne pouvait demander un remboursement à l'égard du carburant de soute utilisé pendant que les navires avaient été affrétés par Esso Petroleum, car l'affréteur avait fourni ledit carburant.

Étant donné que Mme Karen Patterson (la personne qui a signé les demandes pour attester de l'exactitude et de l'intégralité des renseignements fournis) était, selon le témoignage de M. Whitcomb, à la fois comptable en chef des opérations de Irving Steamships, la division de Irving Oil Limited, et comptable en chef responsable des opérations du Irving Wood, exploité par Irving Steamships Limited, le Tribunal n'est pas convaincu par l'argument voulant que ces demandes aient été soumises par erreur sous la raison sociale de Irving Steamships Limited.

Si l'hypothèse de l'erreur était admise, cela voudrait dire que Mme Patterson se serait trompée à deux reprises (les 15 juillet et 1er décembre 1986) au sujet du nom du requérant (qui, selon le témoignage de M. Whitcomb, aurait dû se lire «Irving Steamships, division de Irving Oil Limited»), de son adresse (celle de Irving Oil Limited semble différente), du motif de la réclamation, de l'inscription des navires et du libellé de l'en-tête suivant, qui figure sur le bilan annexé à la demande du 15 juillet 1986 :

IRVING STEAM SHIPS LTD.

DIESEL FUEL USED IN THE GENERATION

OF ELECTRICITY AND HEATING FOR 1985

(Carburant diesel utilisé pour la production d'électricité et le chauffage en 1985) Traduction

Le Tribunal considère peu soutenable l'argument voulant que le requérant aurait dû être Irving Steamships, une division de Irving Oil Limited plutôt que Irving Steamships Limited, alors qu'une partie du montant réclamé le 15 juillet 1986 concerne l'exploitation du navire Irving Wood et que le témoignage a révélé que Irving Steamships Limited exploitait, à l'époque, le navire Irving Wood.

LA CONCLUSION

Compte tenu des nombreuses lacunes et des contradictions apparentes dans la série de documents soumis par l'appelante pour établir la preuve du suivi des transactions ainsi que de son incapacité de produire les pièces supplémentaires réclamées par le Tribunal (dont une copie du journal de bord des navires pour toute la période en question), le Tribunal déclare que l'appelante n'a pas prouvé que le Ministre avait commis une erreur en établissant la cotisation.


[ Table des matières]

1. L.C. 1988, ch. 56.


Publication initiale : le 15 août 1997