EASTMAN AUTOMOTIVE LTD.

Décisions


EASTMAN AUTOMOTIVE LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no 3096

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 20 octobre 1989

Appel no3096

EU ÉGARD À une demande entendue le 8 juin 1989 en vertu de l'article 51.19 de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13;

ET EU ÉGARD À une décision du ministre du Revenu national rendue le 2 novembre 1988 au sujet d'un avis d'opposition déposé en vertu de l'article 51.17 de la Loi.

ENTRE

EASTMAN AUTOMOTIVE LTD.Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONALIntimé

L'appel est admis. Le Tribunal déclare que l'appelante est admissible à un remboursement de la taxe de vente fédérale et de la taxe d'accise payées sur trois voitures de type Chevrolet Caprice Classic portant les numéros de série suivants : 1G1BU51Y0HX - 185872, 1G1BU51Y7H9 - 136298 et 1G1BU51Y1H9 - 121246.


John C. Coleman ______ John C. Coleman Membre présidant

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Kathleen Macmillan ______ Kathleen Macmillan Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur la taxe d'accise - Déterminer si l'appelante a exporté trois voitures neuves de type Chevrolet Caprice Classic vers les États-Unis et si elle est admissible au remboursement de la taxe de vente fédérale et de la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est admis. L'appelante et la société qui a acheté les voitures en question ont convenu que l'appelante livrerait les véhicules à leur destination aux États-Unis. Du fait qu'elle a envoyé les véhicules aux États-Unis, l'appelante est l'exportateur.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 8 juin 1989 Date de la décision : Le 20 octobre 1989
Membres du jury : John C. Coleman, membre présidant W. Roy Hines, membre Kathleen Macmillan, membre
Avocat du Tribunal : Clifford Sosnow
Greffier : Nicole Pelletier
Ont comparu : Katherine Tsetsos, pour l'appelante Peter Engelmann, pour l'intimé
Jurisprudence: Rex v. Gooderham & Worts Ltd. [1928] 62 O.R. 218; The King v. Carling Export Brewing & Malting Co. Ltd. [1930] R.C.S. 361.
Lois et règlements cités: Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.C. 1988, chap. 56, par. 54(2) et art. 60; Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, art. 44.1; Règlement général sur les taxes de vente et d'accise, C.R.C., chap. 594, art. 7.





RÉSUMÉ

L'appelante, Eastman Automotive Ltd. (Eastman), est un grossiste et un détaillant canadien dans le domaine de l'automobile. Elle a vendu trois voitures neuves à un acheteur étranger, Powercar Corporation (Powercar), et a payé la taxe de vente fédérale et la taxe d'accise sur ces trois voitures. Eastman demande maintenant le remboursement de ces taxes, alléguant qu'elle a exporté les voitures aux États-Unis.

Il s'agit de déterminer si l'appelante a exporté les voitures du Canada vers les États-Unis. Dans l'affirmative, l'appelante pourra, en vertu de l'article 44.1 de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) et de l'article 7 du Règlement général sur les taxes de vente et d'accise [2] (le Règlement), demander le remboursement des taxes payées.

L'appel est admis. Au départ, l'appelante et Powercar avaient convenu que Eastman livrerait les véhicules à Powercar au Canada. Mais elles ont par la suite modifié cette entente. Par conséquent, Powercar n'a reçu les véhicules qu'après que l'appelante les eût envoyés à des destinations précises aux États-Unis.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Les dispositions législatives applicables au présent appel pendant la période à l'étude sont les suivantes :

La Loi sur la taxe d'accise

44.1 Lorsque la taxe a été payée en vertu de la présente loi sur des marchandises et que, conformément aux règlements pris par le Ministre, une personne a exporté les marchandises, un montant égal à celui de cette taxe doit, sous réserve de la présente Partie, être payé à cette personne...

Le Règlement général sur les taxes de vente et d'accise

7. Lorsque des marchandises à l'égard desquelles la taxe de vente ou la taxe d'accise a été payée en vertu de la Loi sont exportées sans avoir été utilisées au Canada, les taxes ainsi payées peuvent être remboursées... si

a) dans le cas de marchandises nationales, la preuve du paiement de la taxe lors de l'achat des marchandises...

est conservée dans les dossiers de l'exportateur aux fins d'examen par les agents du ministère, et si l'on peut établir, à la satisfaction du Ministre, que les marchandises ont été exportées du Canada.

Initialement interjeté devant la Commission du tarif, l'appel a été repris par le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) conformément au paragraphe 54(2) et à l'article 60 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [3] .

LES FAITS

L'appelante, Eastman, est un grossiste et un détaillant canadien dans le domaine de l'automobile. Elle a vendu trois voitures neuves de type Chevrolet Caprice Classic à une société américaine, Powercar, qui est établie à New York, mais qui exploite une succursale à Montréal.

Au total, Eastman a payé 5 723,38 $ en taxe de vente fédérale sur les trois voitures en question. Trois demandes de remboursement de la taxe de vente fédérale payée sur les trois véhicules ont été déposées au nom de la société les 7 avril, 24 avril et 29 septembre 1987. L'appelante soutenait qu'elle avait exporté les voitures aux États-Unis et que, de ce fait, elle était admissible à un remboursement.

Le ministère du Revenu national a avisé l'appelante le 4 décembre 1987 (Avis de décision MTL 31272 et MTL 31274) et le 8 janvier 1988 (Avis de décision MTL 32866) que ses demandes de remboursement avaient été rejetées. L'appelante a déposé des Avis d'opposition, mais le Ministre a rejeté les demandes de l'appelante le 2 novembre 1988, parce qu'il était d'avis que Powercar avait acquitté le prix d'achat et les frais de transport de chaque véhicule avant que les véhicules ne soient conduits aux États-Unis. Par conséquent, le Ministre a établi que Powercar était propriétaire des trois véhicules en question au moment de leur exportation du Canada.

L'appelante a ensuite interjeté appel à la Commission du tarif le 12 décembre 1988 conformément à l'article 51.19 de la Loi.

M. Matthew Enright, administrateur de l'appelante et directeur des opérations courantes, est le seul témoin qui a comparu à l'audience. Bien que M. Enright ait témoigné en faveur de l'appelante, l'intimé s'est servi de son témoignage pour déposer des éléments de preuve.

L'appelante est un grossiste qui vend des véhicules neufs et remis à neuf destinés au marché intérieur ou à l'exportation. Son siège social est situé à Montréal (Québec).

Une transaction type impliquant des véhicules achetés en vue de l'exportation outre-mer se déroule comme suit : l'acheteur commande un type particulier de véhicule (Chevrolet, Oldsmobile, etc.) auprès de l'appelante qui, à son tour, s'adresse à plusieurs détaillants de diverses régions du pays en vue d'obtenir le type de véhicule recherché. Lorsque le détaillant reçoit le véhicule, il en avise l'appelante. Une fois que cette dernière a informé l'acheteur de l'arrivée du véhicule, elle fait conduire le véhicule à la frontière des États-Unis et au bureau d'expédition aux États-Unis. Un courtier en douane des États-Unis fait entrer le véhicule en sol américain et facture ensuite l'appelante pour services rendus.

Selon le témoin, tous les véhicules, y compris les trois en cause, entrent aux États-Unis conformément au cautionnement de transport et d'exportation de l'appelante. Ce cautionnement garantit au gouvernement des États-Unis que le véhicule ne sera pas utilisé dans ce pays. L'appelante est désignée sur le cautionnement comme le propriétaire du véhicule. Il a ajouté que chaque véhicule livré par l'appelante à partir de diverses régions du Canada à des bureaux de sortie situés aux États-Unis est assuré en vertu d'une police qui exige que l'appelante soit propriétaire du véhicule.

Une fois le véhicule rendu aux États-Unis, l'appelante le mène à un bureau de sortie américain et le place ensuite à bord d'un navire qui l'acheminera à sa destination d'outre-mer.

L'appelante touche le prix d'achat du véhicule avant sa livraison au bureau de sortie des États-Unis. Habituellement, le véhicule est acheté à un prix correspondant au prix f. à b. (franco à bord) au bureau de sortie des États-Unis. Après réception du prix d'achat de la part de l'acheteur, l'appelante paie le détaillant.

Les transactions assujetties au présent appel ont trait à la vente, de l'appelante à Powercar, de trois véhicules destinés au Koweït. Cependant, les transactions impliquant Powercar diffèrent de la transaction type à un égard : Powercar exigeait que les véhicules ne soient pas achetés au prix f. à b. au bureau de sortie des États-Unis. Elle voulait acheter les véhicules à un prix indiquant que les voitures, selon les paroles de M. Enright, «ont été débarquées à Montréal» (traduction). Powercar prendrait les dispositions nécessaires pour aller chercher les véhicules à Montréal et les conduire à un bureau de sortie aux États-Unis. L'appelante a accepté ces conditions; par conséquent, les prix demandés à Powercar ne comprenaient pas de frais de transport jusqu'à un bureau des États-Unis.

Selon l'appelante, après que les détaillants eurent reçu les véhicules commandés et en eurent avisé Powercar, cette dernière a indiqué qu'elle n'était pas certaine si elle prendrait livraison des voitures. L'appelante a convenu de conduire les véhicules aux divers bureaux de sortie aux États-Unis contre rémunération pour couvrir les frais de transport des véhicules jusqu'aux dits bureaux.

À la demande expresse de Powercar, l'appelante a accepté de lui facturer séparément les frais de transport. Par conséquent, plutôt que de produire une seule facture indiquant le prix global d'un véhicule, l'appelante en a préparé deux : une portant sur le prix d'achat du véhicule et une pour les frais de transport jusqu'au bureau de sortie.

Les détails précis de chacune de ces trois transactions, selon les renseignements recueillis, figurent ci-après. Pour plus de clarté, chaque transaction est identifiée par le numéro de l'Avis de décision émis par le ministère du Revenu national (Douanes et Accise) et par les six derniers chiffres du numéro de série de chaque véhicule visé par l'Avis de décision.

MTL 31272 / 185872

Après avoir reçu une commande de Powercar, l'appelante a commandé une voiture à un détaillant Chevrolet de Sturgeon Falls (Ontario). Powercar a ensuite payé le véhicule (la date exacte n'a pas été révélée). Le 3 avril 1987, le véhicule a été conduit aux États-Unis par un employé de l'appelante. À la frontière, une déclaration du Service des douanes des États-Unis a été remplie et Powercar y a été désignée comme l'exportateur. Lorsque des marchandises entrent aux États-Unis, le Service des douanes des États-Unis exige que soit remplie une déclaration intitulée «Transportation Entry and Manifest of Goods Subject to Customs Inspection and Permit». L'information que renferme cette déclaration est fournie par la personne qui fait pénétrer les marchandises aux États-Unis.

La voiture a par la suite été conduite au bureau d'Albany (New York). L'appelante a payé le détaillant le 8 avril 1987.

Le 31 mars 1987, Powercar a rempli et déposé auprès du Service douanier canadien un document intitulé «Déclaration d'exportation» (formule B13). Jusqu'au 1er avril 1985, le Service douanier canadien acceptait la formule B13 comme preuve d'exportation aux fins du règlement des demandes de remboursement en vertu de la Loi. Depuis, cette formule n'est plus réputée une preuve suffisante d'exportation. Néanmoins, les exportateurs continuent d'utiliser cette formule pour justifier leurs demandes de remboursement.

Sur ce document, Powercar est désignée comme l'exportateur et le propriétaire de deux véhicules : celui sur lequel porte la présente décision et celui ayant trait à la décision MTL 31274 (ci-après).

Deux éléments de preuve supplémentaires ont été produits. Le premier document est un chèque de Powercar à l'ordre de l'appelante en date du 31 mars 1987. Ce chèque au montant de 400 $ renfermait deux jeux de six chiffres. Un jeu correspondait aux six derniers chiffres du numéro de série du véhicule visé par la décision MTL 31272. L'autre jeu avait trait aux six derniers chiffres du numéro de série du véhicule assujetti à la décision MTL 31274 (ci-après). Le témoin de l'appelante n'a pu confirmer si ce chèque représentait le paiement des frais de transport assumés par l'appelante pour conduire les véhicules aux bureaux de sortie respectifs.

La deuxième pièce produite est une déclaration de vente (Bill of Sale). Ce document utilisé pour les trois transactions renferme la clause type suivante :

LE VENDEUR DEMEURE L'UNIQUE PROPRIÉTAIRE DU(DES) VÉHICULE(S) AU RISQUE DE L'ACHETEUR JUSQU'À L'ACQUITTEMENT FINAL DU SOLDE.

(Traduction)

M. Enright affirme que, pour les trois transactions, les renseignements figurant dans la déclaration de vente ont été fournis par l'appelante. Les représentants de Powercar n'ont ni vu ni signé ce document pour aucune des trois transactions. En fait, le témoin, à plus d'une occasion, a souligné que le document avait été utilisé de façon régulière pour les ventes au pays et que, dans les cas mentionnés, il n'a été préparé qu'à des fins internes. L'appelante a soumis le document au ministère du Revenu national (Douanes et Accise) lorsqu'elle a déposé ses demandes de remboursement, mais uniquement parce que le Ministère désirait obtenir une déclaration de vente au sujet des transactions.

Dans la transaction en cause, le document indiquait le 3 avril 1987 à la fois comme date à laquelle l'appelante a vendu la voiture à Powercar et date de livraison de la voiture à Albany (New York).

MTL 31274 / 136298

Après avoir reçu une commande de Powercar, l'appelante a commandé une voiture à un détaillant Chevrolet de Montréal (Québec). Powercar a payé le véhicule le 31 mars 1987 et l'appelante a payé le détaillant en deux versements, les 16 et 21 avril 1987. Le véhicule a été conduit aux États-Unis par un employé de l'appelante, le 23 avril 1987. À la frontière, une déclaration du Service des douanes des États-Unis a été remplie et l'appelante y a été désignée comme l'exportateur. La voiture a par la suite été conduite au bureau de New York (New York).

La déclaration de vente à l'égard de cette transaction indiquait le 23 avril 1987 à la fois comme date à laquelle l'appelante a vendu la voiture à Powercar et date de livraison de la voiture au bureau de sortie.

MTL 32866 / 121246

Après avoir reçu une commande de Powercar, l'appelante a commandé une voiture à un détaillant Chevrolet de Saint John (Nouveau-Brunswick). Le véhicule a été conduit aux États-Unis par un employé de l'appelante le 10 avril 1987. À la frontière, une déclaration du Service des douanes des États-Unis a été remplie et l'appelante y a été désignée comme l'exportateur. La voiture a par la suite été conduite au bureau de sortie de Wilmington (Delaware).

L'appelante a payé le détaillant le 10 avril 1987 et Powercar a payé le véhicule le 20 avril 1987. Contrairement aux deux autres transactions, Powercar a payé le véhicule une fois ce dernier rendu au bureau de sortie. Par ailleurs, l'appelante a payé le détaillant avant d'avoir été payée par Powercar.

La déclaration de vente à l'égard de cette transaction indiquait le 10 avril 1987 à la fois comme date à laquelle l'appelante a vendu la voiture à Powercar et date de livraison de la voiture au bureau de sortie.

LA QUESTION EN LITIGE

Dans le cadre du présent appel, il convient de déterminer si Eastman a exporté les voitures en cause du Canada vers les États-Unis. Dans l'affirmative, l'appelante est autorisée, en vertu de l'article 44.1 de la Loi et de l'article 7 du Règlement, à demander le remboursement des taxes payées.

L'appelante a soutenu qu'elle est l'exportateur. Selon les documents du Service des douanes des États-Unis, cette société a exporté deux des véhicules qui ont franchi la frontière américaine. Eastman a dû payer à un courtier en douane des États-Unis les frais d'entrée des véhicules en sol américain. En outre, lesdits véhicules sont entrés aux États-Unis conformément au cautionnement de transport et d'exportation de l'appelante, qui les a elle-même assurés. Il est indiqué sur le cautionnement et la police d'assurance que Eastman est le propriétaire des véhicules entrés aux États-Unis. Dans ces circonstances, l'appelante a cessé d'être le propriétaire des véhicules lorsqu'elle les a placés à bord des navires à destination du Koweït.

L'intimé a prétendu que l'inscription de l'appelante comme exportateur sur les documents du Service des douanes des États-Unis ne peut servir à déterminer si l'appelante est l'exportateur en vertu de la Loi. Il a soutenu, également, qu'on ne peut que spéculer sur la capacité de l'appelante d'obtenir un règlement satisfaisant contre la compagnie d'assurance si l'un des véhicules en cause avait été endommagé au moment du transport vers le bureau de sortie des États-Unis.

L'intimé a ajouté que l'entente conclue par l'appelante avec Powercar aux fins du transport des véhicules vers les bureaux de sortie aux États-Unis ne conférait pas à l'appelante le titre d'exportateur. Eastman a simplement fait fonction d'agent de l'acheteur pour le transport des véhicules et elle a assumé les frais nécessaires au cours du déplacement.

Enfin, l'intimé a soutenu que Powercar était propriétaire des voitures lorsqu'elle en a payé le prix d'achat. Dans deux des transactions en cause, Powercar a payé le prix d'achat avant l'entrée des véhicules aux États-Unis. Dans la troisième, la note a été acquittée après l'arrivée du véhicule au bureau de sortie des États-Unis. Vu que Powercar possédait deux des trois véhicules avant leur exportation du Canada, elle était l'exportateur des deux véhicules et, donc, celle qui avait droit au remboursement des taxes portant sur ces véhicules.

DÉCISION

À partir de l'examen de la jurisprudence et du libellé de l'article 44.1 de la Loi et de l'article 7 du Règlement, le Tribunal est d'avis que l'appelante a droit de demander le remboursement de la taxe de vente fédérale et de la taxe d'accise payées à l'égard des trois véhicules en cause.

Selon les dispositions législatives pertinentes, une personne a droit à un remboursement de la taxe de vente fédérale et de la taxe d'accise à l'égard de marchandises si, entre autres, cette personne a exporté les marchandises à l'extérieur du Canada. Les deux parties ont reconnu que Eastman a payé la taxe de vente fédérale et la taxe d'accise sur les trois voitures Chevrolet conduites vers divers bureaux d'entrée des États-Unis. La seule question en litige consiste à déterminer si l'appelante est la «personne» qui a exporté les marchandises à l'extérieur du Canada.

L'intimé a demandé au Tribunal d'analyser cette question sous l'angle de la propriété. Si l'appelante n'était pas propriétaire des véhicules avant leur livraison aux bureaux de sortie des États-Unis, elle ne pouvait donc être considérée comme l'exportateur. Selon l'intimé, le Tribunal devrait régler la question de la propriété en précisant la date à laquelle Powercar a payé le prix d'achat des véhicules. En effet, les éléments de preuve soumis par l'intimé visaient principalement à déterminer quand Powercar a payé le prix d'achat des voitures.

Le Tribunal est disposé à examiner la question de la propriété pour fonder sa décision sur l'identité de l'exportateur des véhicules. Cependant, l'intimé n'a pas invoqué de jurisprudence, pas plus que le Tribunal n'a été en mesure de trouver des éléments prouvant que le seul fait de payer le prix d'achat se traduit par un transfert de propriété.

En outre, l'intimé n'a pas fourni d'éléments de preuve indiquant que les parties en cause s'étaient entendues pour transférer les titres de propriété une fois les véhicules payés par Powercar. Les déclarations de vente précisent que le vendeur demeure le seul propriétaire des véhicules jusqu'au règlement du solde final. Cependant, les déclarations n'ont été ni vues ni signées par Powercar. Le Tribunal n'a pas reçu non plus d'éléments de preuve attestant que les parties ont convenu d'organiser leurs affaires commerciales de cette manière.

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal croit qu'il serait utile d'examiner la jurisprudence au sujet de la signification du terme anglais «export» (exportation) en vertu de la Loi. Dans le cadre de la décision de la Cour d'appel de l'Ontario à l'égard de la cause Rexv.Gooderham & Worts Ltd., le juge Grant a formulé les observations suivantes au sujet du sens du terme «export» tel qu'utilisé dans la Loi :

L'imposition de la taxe est fondée sur la vente de marchandises et il me semble que l'acception commerciale du terme «export» s'applique au présent contexte. Le Murray's English Dictionary précise ainsi le sens commercial du verbe «to export»: «to send out commodities of any kind from one country to another» (envoyer des marchandises de tous genres à un autre pays). Il s'agit également du sens ordinaire donné à ce terme dans le domaine commercial au pays [4] .

(Traduction)

Dans la décision de la Cour Suprême du Canada au sujet de la cause The King v. Carling Export Brewing & Malting Co. Ltd. [5] , le juge Duff a donné le sens suivant au terme anglais «export» utilisé dans la Loi :

En général, la notion d'exportation englobe invariablement l'idée de séparation des marchandises du patrimoine commercial d'un pays pour les intégrer au patromoine commercial d'un autre pays. Elle comprend également l'idée du transport d'une marchandise au-delà des frontières du pays dans le but d'atteindre le résultat précité [6] .

(Traduction)

Les éléments de preuve déposés par les parties afin de déterminer si c'est Powercar ou l'appelante qui a envoyé ou fait transporter les véhicules du Canada jusqu'aux États-Unis sont incomplets et contradictoires. Par exemple, la formule B13 des Douanes canadiennes, dans le cadre de la décision MTL 31274, indique que Powercar est l'exportateur du véhicule, tandis que le manifeste du Service des douanes des États-Unis révèle que c'est l'appelante qui l'a exporté.

Malgré ces anomalies, le Tribunal est d'avis, après examen de l'ensemble des faits, que l'appelante a exporté les véhicules aux bureaux de sortie des États-Unis. Il convient de se rappeler que les transactions avec Powercar étaient différentes d'une transaction type. Le prix d'achat des véhicules devait tenir compte du fait que les voitures étaient «débarquées à Montréal». Or, le prix demandé à Powercar n'englobait pas les frais de livraison des véhicules à un bureau de sortie des États-Unis. Toutefois, lorsque les détaillants ont reçu les véhicules commandés, Powercar a exprimé une certaine réticence pour ce qui était de prendre elle-même livraison des voitures; c'est à ce moment que l'appelante a accepté de conduire les véhicules aux divers bureaux de sortie aux États-Unis. L'appelante a procédé ainsi parce Powercar avait convenu de lui verser un montant englobant les frais qu'elle assumerait pour livrer les véhicules aux divers bureaux.

De l'avis du Tribunal, l'entente conclue par les parties, qui prévoyait que l'appelante se chargerait de livrer les voitures aux bureaux de sortie des États-Unis, constituait une modification à la transaction initiale. Cette modification portait sur le lieu de livraison. Plutôt que d'être «débarquées à Montréal», les voitures devaient être «débarquées à (bureau de sortie spécifique des États-Unis)». Par conséquent, même si Powercar n'avait pas au départ l'intention d'acheter les véhicules au prix f. à b. bureau de sortie des États-Unis, elle a par la suite convenu d'un arrangement en ce sens.

CONCLUSION

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal considère que Powercar n'a pris livraison des véhicules que lorsque Eastman eut envoyé les trois voitures aux bureaux de sortie des États-Unis. Conformément à la jurisprudence examinée, le Tribunal est d'avis que l'appelante a exporté les véhicules aux États-Unis et qu'elle doit être autorisée à demander un remboursement de la taxe de vente fédérale et de la taxe d'accise à l'égard des trois véhicules en cause.

L'appel est admis.


[ Table des matières]

1. S.R.C. 1970, chap. E-13; maintenant L.R.C. 1985, chap. E-15, art. 68.1.

2. C.R.C., chap. 594.

3. L.C. 1988, chap. 56.

4. Ibid., p. 227.

5. [1930] R.C.S. 361.

6. Ibid., pp. 371-372.


Publication initiale : le 15 août 1997