MULLEN TRUCKING LTD.

Décisions


MULLEN TRUCKING LTD.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no 3097

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 2 février 1990

Appel no3097

EU ÉGARD À une demande entendue le 15 mai 1989, en vertu de l'article 51.19 de la Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, dans sa forme modifiée;

ET EU ÉGARD À une décision du ministre du Revenu national rendue le 25 octobre 1988 au sujet d'un avis d'opposition déposé en vertu de l'article 51.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

MULLEN TRUCKING LTD.Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONALIntimé

L'appel est rejeté. Le Tribunal déclare que le «TRIPMASTER Trip Recording System» (Système de compteur TRIPMASTER) fabriqué par Rockwell International et installé à bord de camions exploités par l'appelante n'est pas admissible à l'exemption de la taxe de vente conformément à l'article 8, partie XVII, annexe III de la Loi sur la taxe d'accise.


W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre présidant

Robert J. Bertrand, c.r. ______ Robert J. Bertrand, c.r. Membre

Kathleen E. Macmillan ______ Kathleen E. Macmillan Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Loi sur la taxe d'accise - Détermination de la taxe de vente - Déterminer si l'appelante peut réclamer, en vertu de l'article8, partieXVII, annexeIII de la Loi sur la taxe d'accise, le remboursement de la taxe de vente fédérale sur le «TRIPMASTER Trip Recording System» acheté et installé à bord de camions exploités par l'appelante dans le cadre de ses activités commerciales.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal déclare que le «TRIPMASTER Trip Recording System» fabriqué par Rockwell International et installé à bord de camions exploités par l'appelante n'est pas admissible à l'exemption de la taxe de vente conformément à l'article8, partieXVII, annexeIII de la Loi sur la taxe d'accise.

Lieu de l'audience : Calgary (Alberta) Date de l'audience : Le 15 mai 1989 Date de la décision : Le 2 février 1990
Membres du jury : W. Roy Hines, membre présidant Robert J. Bertrand, c.r., membre Kathleen E. Macmillan, membre
Avocate du Tribunal : Danielle Bouvet
Greffière du Tribunal : Lillian Pharand
Ont comparu : David Lunnen et Ronald Huyber, pour l'appelante Peter Engelmann et Louis Cousineau, pour l'intimé
Jurisprudence : Matt's Manufacturing Ltd. c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1983), 9 R.C.T. 44; Edmonton Truck Body Ltd. c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1984), 9 R.C.T. 121; Alberta Institute of Technology c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1984), 9 R.C.T. 367.
Lois citées : Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, S.C. 1988, chap. 56.
Dictionnaire cité : Black's Law Dictionary, Cinquième édition, West Publishing Co. 1979.





RÉSUMÉ

L'appelante, Mullen Trucking Ltd. (Mullen), est une entreprise de camionnage qui effectue du fret partout au Canada et aux États-Unis. La marchandise en question, c'est-à-dire le Système de compteur TRIPMASTER (Tripmaster), comprend des capteurs, des fils, des raccords, des bagues, un dispositif de contrôle et des pièces d'équipement connexes servant de composantes d'un système informatisé de gestion d'un ensemble (parc) de véhicules, et elle a été achetée et installée à compter de 1985 dans les camions exploités par l'appelante.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) doit déterminer si l'appelante a droit au remboursement de la taxe de vente payée à l'égard du Tripmaster en vertu de l'article 8, partie XVII, annexe III de la Loi sur la taxe d'accise [1] (la Loi) parce que le Tripmaster a été conçu pour faciliter le port ou la manutention du fret.

L'appel n'est pas admis. Le Tribunal est d'avis que le Tripmaster est conçu pour contrôler l'utilisation des camions et pour fournir des renseignements en vue d'améliorer le contrôle de l'administration et de la gestion du travail des camionneurs, de même que l'entretien des véhicules. En raison du faible rapport entre le Tripmaster et sa capacité de faciliter le port et la manutention du fret, le système n'est pas admissible à une exemption de la taxe de vente.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

Aux fins du présent appel, les dispositions législatives pertinentes sont les suivantes :

27(1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente... sur le prix de vente de toutes marchandises

a) produites ou fabriquées au Canada

29(1) La taxe imposée par l'article 27 ne s'applique pas à la vente ou à l'importation des marchandises mentionnées à l'annexeIII...

PARTIE XVII

MATÉRIEL DE TRANSPORT

1. Tracteurs routiers; camions destinés principalement au transport de marchandises...

8. Pièces et matériel conçus pour être installés en permanence sur les marchandises exemptes de taxe mentionnées aux articles 1, 2, 3, 4, 5, 5.1, 5.2 et 7 de la présente Partie lorsque, de l'avis du Ministre, le juste prix de vente demandé par le fabricant canadien ou la valeur à l'acquitté de l'article importé dépasse deux mille dollars l'unité, ou installés sur de telles marchandises avant la première utilisation de celles-ci; toutefois, les pièces et le matériel conçus pour le montage permanent ou montés sur les marchandises exemptes de taxe visées à l'article1 de la présente Partie ne sont exempts de taxe que s'ils sont conçus pour faciliter le port ou la manutention du fret.

LES FAITS

Il s'agit d'un appel interjeté en vertu de l'article 51.19 de la Loi, dans sa forme modifiée, à la suite de l'Avis de décision n° 80122RE émis par l'intimé le 25 octobre 1988 lequel rejetait la demande de l'appelante à l'égard du remboursement de la taxe de vente payée sur le Tripmaster fabriqué par Rockwell International et acheté par l'appelante. La période de cotisation s'étend du 26 mai 1986 au 1er juin 1987. Le montant de la demande se chiffre à 2 770,43 $.

L'appelante demande que le Tripmaster soit exempté de la taxe de vente en vertu de l'article 8, partie XVII, annexe III de la Loi.

Bien que l'appel ait été interjeté auprès de la Commission du Tarif, il a été repris par le Tribunal en vertu de l'article 60 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [2] .

L'appelante a demandé, le 14 avril 1988, le remboursement de la taxe de vente fédérale payée à l'égard des marchandises en cause.

Les systèmes informatiques installés à bord des véhicules de l'appelante fournissent au siège social des données qui permettent de contrôler l'administration et la gestion du travail des camionneurs et des déplacements des véhicules affectés au port du fret entre diverses régions des États-Unis et du Canada. L'appelante soutient que le système augmente la productivité, maximise l'économie de carburant, réduit les périodes d'attente pour entretien et accroît la sécurité. Vu que les méthodes de contrôle de la gestion facilitent le port du fret et que le matériel est conçu pour être intégré à des opérations généralement ou indirectement liées au port du fret, le système devrait être exempté de la taxe de vente.

Le ministère du Revenu national (le Ministère) a fait savoir à l'appelante, au moyen de l'Avis de décision n° CAL 28073, du 3 mai 1988, que sa demande de remboursement avait été refusée. Le Ministère précise que l'interprétation de l'article 8, partie XVII, annexe III de la Loi limite l'exemption aux pièces, au matériel et aux accessoires requis pour assurer le bon fonctionnement des camions. En conséquence, le matériel en question n'était pas admissible à un remboursement.

L'appelante a déposé un avis d'opposition le 10 mai 1988, mais le ministre du Revenu national (le Ministre) a rejeté la demande en publiant l'Avis de décision n° 80122RE, du 25 octobre 1988, précisant qu'il existe, au mieux, un faible rapport entre la conception des marchandises et le fait de faciliter le port ou la manutention du fret. En conséquence, la décision a été maintenue.

LA QUESTION EN LITIGE

Il convient de déterminer si le Tripmaster est admissible à l'exemption de la taxe de vente en vertu de l'article 8, partie XVII, annexe III de la Loi du fait qu'il a été conçu pour faciliter le port ou la manutention du fret. Dans l'affirmative, l'appelante a droit de demander le remboursement de la taxe de vente.

Le plaidoyer de l'appelante comportait deux volets. D'abord, l'appelante a présenté une bande vidéo expliquant les différentes caractéristiques du Tripmaster, qui peuvent être résumées comme suit :

- le système permet de réduire les frais d'exploitation par un meilleur contrôle de la consommation de carburant, du temps de fonctionnement au ralenti, des excès de vitesse, de la montée ou de la baisse excessive du régime, des arrêts non prévus et de la durée des voyages;

- les données recueillies par le système permettent d'empêcher l'utilisation abusive du matériel, de réduire le temps d'inactivité et d'assurer l'efficacité et la sécurité du matériel; et

- le système permet de déceler les éventuels problèmes mécaniques et facilite l'entretien des camions.

En deuxième lieu, M. David E. Olson, qui a travaillé pour l'appelante pendant cinq ans à titre de contrôleur général et qui a pris part à la décision initiale relativement à l'achat du Tripmaster, a comparu au nom de l'appelante. Au cours de son témoignage, M. Olson a essentiellement passé en revue toutes les caractéristiques susmentionnées du Tripmaster et a ajouté que l'utilisation du système permet de réduire les frais d'exploitation dans une proportion de 5 à 10 p. 100.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Olson a admis que le Tripmaster ne fournissait aucune donnée sur le genre de marchandises transportées et n'exerçait aucune fonction à l'égard de ces marchandises.

L'appelante a prétendu que les termes «facilitate» (faciliter) et «handle» (manutentionner) sont très généraux et qu'ils ont une connotation très vaste. Par conséquent, leur interprétation doit être libérale. Pour étayer sa position, l'appelante a cité le Black's Law Dictionary [3] , qui définit ces termes de la manière suivante :

Faciliter. Libérer d'une difficulté ou d'un obstacle... Rendre facile ou moins difficile; libérer plus ou moins complètement d'une obstruction ou d'une entrave; réduire le travail de.

Manutentionner. Contrôler, diriger, traiter, exercer une action, accomplir une tâche quelconque ou manipuler, acheter ou vendre, ou traiter ou commercer... Gérer ou opérer.

(traduction non officielle)

Les conseillers de l'appelante ont soutenu qu'aux fins de l'exemption, on devrait donner au terme «faciliter» le sens de rendre plus facile ou moins difficile ou de réduire la tâche du contrôle, de la gestion ou de la réalisation de la fonction «port du fret».

Les conseillers de l'appelante ont soutenu qu'il est suffisant que le Tripmaster soit conçu pour faciliter le port ou la manutention du fret. Les ordinateurs peuvent être conçus pour s'acquitter de l'une de ces tâches et pas nécessairement des deux en même temps. Par conséquent, si le système facilite le port du fret ou le rend moins difficile, le sens du terme «facilitate» (faciliter) est donc respecté aux fins de l'article 8, partie XVII, annexe III de la Loi.

Les avocats de l'intimé n'ont déposé aucun élément de preuve et ils ont soutenu que le Tripmaster a été conçu pour contrôler l'exploitation du parc de camions de l'appelante plutôt que de faciliter la manutention ou le port du fret. En vertu de ses caractéristiques, le Tripmaster n'est pas conçu précisément pour le port du fret par camion. Le système pourrait tout aussi bien être utilisé par un parc de taxis, d'autobus ou de dépanneuses, ou par tout autre parc de véhicules non affecté au port du fret.

Les avocats de l'intimé ont soutenu que «only» (ne... que) constitue le terme important de l'article 8, partie XVII, annexe III de la Loi. Les pièces et le matériel ne sont exempts de la taxe que s'ils sont conçus pour faciliter le port ou la manutention du fret.

Pour appuyer leurs arguments, les avocats se sont reportés aux décisions rendues par la Commission du tarif (la Commission). Dans la cause Matt's Manufacturing Ltd. c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1983) [4] , il convenait de déterminer si les dispositifs (lube units) étaient conçus pour faciliter le port ou la manutention du fret comme l'exige la dernière condition de l'article 8. À la page 49 de cette décision, la Commission déclare ce qui suit :

La principale fonction des dispositifs est de transporter du fret à pied d'oeuvre et jusqu'à des chantiers éloignés. Tous les composants des dispositifs servent directement au port ou à la manutention du fret et les composants et les dispositifs sont conçus pour faciliter cette utilisation. Les dispositifs construits et montés sur des châssis de camions par l'appelante répondent à toutes les exigences des articles1 et 8 de la PartieXVII de l'Annexe III de la Loi.

De même, dans la cause Edmonton Truck Body Ltd. c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (1984) [5] , la Commission était appelée à déterminer si les grandes carrosseries de camions de service décrites dans des brochures et dans des témoignages étaient spécialement conçues pour faciliter le port ou la manutention du fret. La Commission a décidé que les carrosseries de camions de service étaient utilisées pour le transport du fret; à cet effet, elle a déclaré à la page 125 que :

La fonction d'une carrosserie de camions de service est de transporter du matériel et des marchandises sur les lieux de travail pour l'érection, la construction ou la réparation du matériel sur place...

Les avocats de l'intimé en sont venus à la conclusion que les marchandises en cause n'étant pas conçues précisément pour être utilisées directement aux fins du port ou de la manutention du fret, l'appelante n'est pas admissible à une exemption de la taxe.

DÉCISION

Pour que les marchandises en cause remplissent les conditions de la clause d'exemption, elles doivent satisfaire aux exigences suivantes :

a) il doit s'agir de pièces et de matériel conçus pour être installés en permanence;

b) leur prix doit dépasser deux mille dollars l'unité;

c) elles doivent être installées sur des marchandises exemptes de la taxe; et

d) elles doivent être conçues pour faciliter le port ou la manutention du fret.

Il est reconnu que le Tripmaster satisfait aux trois premières conditions, ce dont tient compte le Tribunal, qui en serait venu à la même conclusion à l'égard de chacune d'elles. Il convient donc de déterminer si le Tripmaster présenté dans la brochure, dans la bande vidéo et dans les témoignages a été conçu pour faciliter le port ou la manutention du fret.

Comme en fait foi la cause Alberta Institute of Technology c. le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise [6] , le terme «conçu» utilisé dans le libellé de la dernière condition, fait référence à une intention délibérée du fabricant quant à l'utilisation ou à la fonction du système.

Selon les éléments de preuve déposés, le Tripmaster est mis en vente et utilisé comme un instrument ou un outil visant à fournir de l'information pour améliorer le contrôle administratif du travail des camionneurs et de l'utilisation des véhicules. À l'aide de nombreux rapports, l'information recueillie permet de mettre en évidence d'éventuels problèmes d'entretien, de sensibiliser les exploitants en ce qui touche la sécurité, de contrôler le rendement des camionneurs et le respect des instructions, et de produire des données sur la gestion du temps de même qu'une analyse des économies de carburant. Le Tribunal est d'avis que plutôt que d'être conçu pour faciliter le port ou la manutention du fret, le Tripmaster a pour fonction de contrôler de façon précise le rendement des véhicules dans lesquels il est installé de même que le mode d'exploitation des véhicules, quelles que soient les opérations de port ou de manutention du fret. Le seul fait que le système soit installé dans des camions qui assurent le port du fret ne signifie pas que le dispositif est conçu pour faciliter le port ou la manutention du fret. Dans le cas présent, le rapport entre le dispositif et le port ou la manutention du fret semble trop faible, trop indirect et trop éloigné pour que le système ait été conçu dans cet objectif ou à cette fin. Les éléments de preuve ont révélé que le système pourrait être appliqué à d'autres parcs de véhicules, comme des taxis ou des autobus qui n'ont strictement aucun rapport avec le port ou la manutention du fret. Le Tripmaster, conçu et installé dans des camions par l'appelante, ne respecte pas toutes les exigences mentionnées aux articles 1 et 8, partie XVII, annexe III de la Loi.

Le Tribunal déclare donc que le Tripmaster n'est pas exempt de la taxe de consommation ou de vente imposée en vertu du paragraphe 27(1) de la Loi, conformément au paragraphe 29(1) et aux articles 1 et 8, partie XVII, annexe III de la Loi.

CONCLUSION

En conséquence, l'appel n'est pas admis.


[ Table des matières]

1. S.R.C. 1970, chap. E-13; maintenant L.R.C. 1985, chap. E-15, art. 68.1.

2. S.C. 1988, chap. 56.

3. 1979, Cinquième édition.

4. Appel n ° 1928, 9 R.C.T. 44.

5. Appel n ° 2032, 9 R.C.T. 121.

6. (1984), 9 R.C.T. 367, p. 370.


Publication initiale : le 15 août 1997