ASIA PACIFIC ENTERPRISES CORPORATION

Décisions


ASIA PACIFIC ENTERPRISES CORPORATION
c.
COMMISSAIRE DE L’AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2000-014

Décision et motifs rendus
le mercredi 12 juillet 2006


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 8 juin 2006 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada le 10 avril 2000 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

ASIA PACIFIC ENTERPRISES CORPORATION

Appelante

ET

 

LE COMMISSAIRE DE L’AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 8 juin 2006

   

Membre du Tribunal :

Zdenek Kvarda, membre présidant

   

Gestionnaire de la recherche :

Paul R. Berlinguette

   

Conseiller pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Agent du greffe :

Stéphanie Doré

   

Parties :

Peter Kang, pour l’appelante

 

Susanne Pereira et Tatiana Sandler, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision du commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) (maintenant le président de l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC]) le 10 avril 2000 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’ADRC a correctement classé les fusils en cause dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre d’armes prohibées. Les fusils en cause sont un pistolet semi-automatique M92FS et une mitraillette Super Ingram M11.

3. Le Tribunal a décidé de tenir une audience sur pièces en vertu des articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 . Un avis à cet effet a été publié dans la Gazette du Canada du 20 mai 20064 .

4. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

5. Le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit ce qui suit :

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, [...]

[...]

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel [...]

6. Le paragraphe 84(1) du Code criminel 5 prévoit qu’un « dispositif prohibé » comprend, entre autres, une réplique, laquelle est définie ainsi :

“replica firearm” means any device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, a firearm, and that itself is not a firearm, but does not include any such device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, an antique firearm.

« réplique » Tout objet, qui n’est pas une arme à feu, conçu de façon à en avoir l’apparence exacte — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence. La présente définition exclut tout objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence.

7. L’article 2 du Code criminel définit « arme à feu » ainsi :

“firearm” means a barrelled weapon from which any shot, bullet or other projectile can be discharged and that is capable of causing serious bodily injury or death to a person, and includes any frame or receiver of such a barrelled weapon and anything that can be adapted for use as a firearm.

« arme à feu » Toute arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile, d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne, y compris une carcasse ou une boîte de culasse d’une telle arme ainsi que toute chose pouvant être modifiée pour être utilisée comme telle.

8. Le paragraphe 84(1) du Code criminel définit « arme à feu historique » ainsi :

“antique firearm” means

(a) any firearm manufactured before 1898 that was not designed to discharge rim-fire or centre-fire ammunition and that has not been redesigned to discharge such ammunition, or

(b) any firearm that is prescribed to be an antique firearm.

« arme à feu historique » Toute arme à feu fabriquée avant 1898 qui n’a pas été conçue ni modifiée pour l’utilisation de munitions à percussion annulaire ou centrale ou toute arme à feu désignée comme telle par règlement.

PREUVE

9. Asia Pacific Enterprises Corporation (Asia Pacific) a tenté d’importer les fusils en cause par la poste. Dans les deux cas, il s’agit d’une arme à gaz airsoft du type vendu par Western Arms du Japon.

10. L’ASFC a déposé les deux fusils en cause à titre de pièces, et le Tribunal les a examinés. Le Tribunal a aussi examiné les armes à feu réelles dont les fusils en cause sont censés avoir l’apparence, que l’ASFC a fournies à titre de pièces.

11. L’ASFC a déposé un rapport d’expert préparé par M. Derek V. R. Penk du Service des laboratoires judiciaires de la Gendarmerie royale du Canada. Les titres et qualités de M. Penk en tant qu’expert en matière d’armes n’ont pas été contestés par Asia Pacific. Le Tribunal a reconnu à M. Penk le titre d’expert en matière d’armes prohibées.

PLAIDOIRIE

12. Asia Pacific a soutenu que le raisonnement tenu par l’ASFC est vicié puisque des armes qui, grâce à un canon, tirent des projectiles ne pouvant infliger des lésions corporelles graves ou la mort sont prohibées, tandis que celles qui tirent des projectiles à une vitesse initiale de moins de 152,4 mètres (500 pieds) par seconde, mais peuvent infliger des lésions corporelles ou la mort, ne sont pas prohibées. D’après Asia Pacific, tel n’était pas l’intention du Parlement.

13. Asia Pacific a soutenu que le fait que les « fausses armes à feu » englobent les « répliques » porte à conclure qu’une « réplique » est une arme qui ne tire pas de projectiles. Elle a prétendu que l’expression « lésions corporelles graves » n’est pas expressément définie dans les textes législatifs et que le Parlement a choisi la vitesse initiale de 152,4 mètres par seconde comme étant le seuil à partir duquel une lésion corporelle grave peut être infligée, étant donné que les armes dotées d’un canon qui ne sont pas conçues pour tirer des projectiles à une vitesse initiale supérieure à ce seuil ne sont pas réputées être des armes à feu.

14. De plus, Asia Pacific a soutenu que les fausses armes à feu ou les répliques qui ne tirent pas de projectiles ne servent aucune fin sociale légitime imaginable. Toutefois, les fusils à vent, qui comprennent les armes à plomb, les fusils à balles BB et les fusils à balles à colorant, peuvent être utilisées sans risque à des fins de divertissement. D’après Asia Pacific, l’intention du Parlement était d’exclure ces objets des objets prohibés; sinon, selon Asia Pacific, le Parlement aurait supprimé le seuil pertinent à la vitesse initiale du projectile ou aurait frappé de restriction toutes les armes à canon ou les fausses armes à canon. Asia Pacific a aussi déposé en preuve un article publié dans le numéro de mai 2001 de l’American Journal of Ophthalmology qui traitait d’une blessure à l’œil causée par un fusil airsoft d’une puissance censément inférieure à celle des fusils en cause.

15. L’ASFC a prétendu que les dispositifs prohibés incluent, entre autres, les répliques et que les fusils en cause satisfont à toutes les conditions énoncées dans la définition de « réplique » au sens du Code criminel et sont donc des dispositifs prohibés.

DÉCISION

16. Pour décider si les fusils en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9898.00.00, le Tribunal doit déterminer si elles satisfont à la définition de « réplique » aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel. Pour satisfaire à cette définition, les fusils en cause doivent remplir trois conditions : 1) ils doivent être des objets conçus de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence; 2) ils ne doivent pas être une arme à feu; 3) ils ne doivent pas être des objets conçus de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

17. L’ASFC a soutenu que le pistolet à gaz airsoft M92FS de Western Arms reproduit le plus fidèlement possible la série d’armes à feu Beretta M92FS et que le pistolet à gaz airsoft Super Ingram M11 reproduit le plus fidèlement possible la mitraillette Ingram M11. Le Tribunal fait observer que le rapport de M. Penk confirme ces faits.

18. Selon l’examen des fusils en cause et des armes à feu réelles originales dont leur apparence est inspirée, effectué par le Tribunal, ces marchandises sont une reproduction fidèle des points de vue de la forme et de l’apparence générale. La seule différence mineure est que les armes à feu réelles originales sont de légèrement plus petite taille. Le Tribunal fait de plus observer qu’Asia Pacific a reconnu que les fusils en cause sont des modèles d’armes à feu réelles, grandeur nature, et faits principalement de plastique. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est convaincu que les fusils en cause satisfont à la première condition de la définition de « réplique », à savoir qu’il s’agit d’objets conçus de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auxquels on a voulu donner cette apparence.

19. L’ASFC a soutenu que les fusils en cause ne sont pas des armes à feu puisque les projectiles qu’elles tirent ne sont pas susceptibles d’infliger des lésions corporelles graves ou à la mort à une personne, comme le prévoit la définition de l’expression « arme à feu » qui se trouve à l’article 2 du Code criminel. Le Tribunal s’entend avec l’ASFC pour dire que, pour être réputé être une arme à feu, un pistolet airsoft doit tirer un projectile à une vitesse initiale de plus de 124 mètres par seconde (407 pieds par seconde). Parce que la vitesse initiale de tous fusils en cause est inférieure au seuil susmentionné6 , le Tribunal s’entend avec l’ASFC pour dire qu’ils ne sont pas des armes à feu. À la lumière de la définition de l’expression « arme à feu » qui se trouve à l’article 2 du Code criminel, le Tribunal est convaincu que chacun des fusils en cause satisfait à la deuxième condition de la définition de « réplique », à savoir qu’il n’est pas une arme à feu. Quant au renvoi par Asia Pacific à un article paru dans le numéro de mai 2001 de l’American Journal of Ophthalmology qui traitait d’une blessure à un oeil causée par un pistolet airsoft, le Tribunal s’entend avec l’ASFC pour dire que cette question n’est pas pertinente à l’espèce puisque l’incident en question ne concernait pas les fusils en cause.

20. M. Penk a indiqué dans son rapport que les armes à feu Beretta M92FS et Ingram M11 ont été fabriquées après 1898. Le Tribunal fait observer qu’Asia Pacific n’a pas contesté ce fait. Le Tribunal est donc convaincu qu’il est satisfait à la troisième condition de la définition de « réplique », à savoir que les fusils en cause ne sont pas des objets qui ont été conçus de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auxquels on a voulu donner cette apparence.

21. Par conséquent, étant donné que les fusils en cause satisfont aux trois conditions qui en font des « réplique[s] » aux termes du Code criminel, le Tribunal conclut qu’ils sont des dispositifs prohibés. Le Tribunal conclut donc que les fusils en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9898.00.00 et, à ce titre, leur importation au Canada est interdite aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel et du paragraphe 136(1) du Tarif des douanes.

22. Pour les raisons qui précèdent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Gaz. C. 2006.I.1231.

5 . L.R.C. 1985, c. C-46.

6 . Le rapport de M. Penk indiquait que le pistolet M92FS et la mitraillette Super Ingram M11 tirent des projectiles à une vitesse initiale de 96 et 90 mètres par seconde respectivement.