ABRAHAM I. GOLDRICH

Décisions


ABRAHAM I. GOLDRICH
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2000-035

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 17 octobre 2001

Appel no AP-2000-035

EU ÉGARD À un appel entendu le 10 juillet 2001 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 19 juillet 2000 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

ABRAHAM I. GOLDRICH Appelant

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est admis.



Zdenek Kvarda

Zdenek Kvarda
Membre présidant

Peter F. Thalheimer

Peter F. Thalheimer
Membre

Ellen Fry

Ellen Fry
Membre


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard d'une décision rendue le 19 juillet 2000 par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes. Le Tribunal a tenu une audience sur pièces conformément à l'article 36.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si deux couteaux que l'appelant a tenté d'importer au Canada sont correctement classés à titre d'armes prohibées dans le numéro tarifaire 9898.00.00. L'appelant, un résident des États-Unis, a dû remettre les couteaux en cause aux agents des douanes lorsqu'il a tenté d'entrer au Canada le 27 mai 2000, censément en vue d'un voyage de pêche dans le Nord de l'Ontario.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal est d'accord avec l'appelant sur le fait que plusieurs manipulations ou mouvements corporels coordonnés sont nécessaires pour ouvrir complètement les couteaux en cause et pour que ces derniers puissent accomplir leur fonction de façon raisonnablement satisfaisante. Le Tribunal rejette la prétention de l'intimé selon laquelle les couteaux en cause s'ouvrent automatiquement par gravité. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que les couteaux en cause n'entrent pas dans la portée de la définition d'une « arme prohibée » au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel et ne satisfont donc pas aux conditions et exigences établies dans le numéro tarifaire 9898.00.00. Étant donné que l'appelant ne tente pas d'importer les couteaux en cause au Canada, mais demande plutôt leur retour à son lieu de résidence aux États-Unis, le Tribunal n'est pas tenu de les classer ailleurs dans l'annexe du Tarif des douanes.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 10 juillet 2001

Date de la décision :

Le 17 octobre 2001

   

Membres du Tribunal :

Zdenek Kvarda, membre présidant

 

Peter F. Thalheimer, membre

 

Ellen Fry, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Parties :

Abraham I. Goldrich, pour l'appelant

 

Elizabeth Richards et Ritu Banerjee, pour l'intimé

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 à l'égard d'une décision rendue le 19 juillet 2000 par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire) aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si deux couteaux que l'appelant a tenté d'importer au Canada sont correctement classés à titre d'armes prohibées dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l'annexe du Tarif des douanes 2 , qui prévoit notamment ce qui suit :

9898.00.00 Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l'assemblage d'armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, sauf :

Pour l'application du présent numéro tarifaire :
b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s'entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel[3].

Le paragraphe 84(1) du Code criminel 4 définit l'expression « arme prohibée » comme il suit :

« arme prohibée »

a) Couteau dont la lame s'ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche;
b) toute arme - qui n'est pas une arme à feu - désignée comme telle par règlement.

Les couteaux en cause ont été déposés comme pièces auprès du Tribunal.

Un des couteaux en cause est muni de deux manches noirs de matière plastique, dont l'un porte l'inscription suivante : « HELUVA® KNIFE USA ». La lame, qui semble être de métal, est d'une longueur d'environ six pouces et a seulement un tranchant. Lorsque le couteau est fermé, les manches de matière plastique sont repliés sur la lame qu'ils recouvrent et contiennent lorsque le couteau ne sert pas. Lorsque le couteau est complètement ouvert, les deux manches de matière plastique sont réunis et forment un seul manche qu'une personne peut serrer dans la main pour utiliser le couteau. Un loquet métallique rotatif traverse une extrémité d'un des manches de matière plastique et la dépasse; lorsque le couteau est fermé, le loquet peut être ramené par-dessus l'extrémité de l'autre manche de matière plastique où il s'arrime dans une rainure. Une fois ainsi arrimé, le loquet empêche le couteau de s'ouvrir en maintenant ensemble les deux manches de matière plastique.

Le deuxième couteau en cause ressemble de très près au couteau décrit ci-dessus, mais ses dimensions ne sont que les deux tiers des dimensions du premier couteau. Il est muni d'une lame de métal (un bord tranchant, l'autre bord denté), comprend deux manches noirs de matière plastique, sans marque de fabrique ni nom commercial, qui se replient sur la lame en position fermée et se réunissent pour former un seul manche en position ouverte. Ce couteau est aussi muni d'un mécanisme de verrouillage en position fermée.

L'appelant, un résident des États-Unis, a dû remettre les couteaux en cause aux agents des douanes lorsqu'il a tenté d'entrer au Canada le 27 mai 2000, censément en vue d'un voyage de pêche dans le Nord de l'Ontario. Il a prétendu que les couteaux en cause ne sont pas des armes, mais des couteaux de pêche courants. Il a soutenu que, pour qu'ils puissent servir, lesdits couteaux exigent davantage de manipulations qu'un couteau à cran d'arrêt courant. Il a affirmé que son entrée au Canada avec les couteaux en cause n'avait nullement été motivée par une intention criminelle; à cet égard, il a soutenu que lesdits couteaux avaient été placés dans le coffret de sécurité de l'avion qu'il avait pris pour venir au Canada. L'appelant s'est dit victime des mesures de sécurité contemporaines, dont il dit néanmoins comprendre la nécessité.

L'intimé a soutenu que les couteaux en cause sont des armes prohibées au sens de l'article 2 et du paragraphe 84(1) du Code criminel et qu'ils sont donc correctement classés à titre d'armes prohibées dans le numéro tarifaire 9898.00.00. L'intimé a renvoyé au paragraphe 136(1) du Tarif des douanes,qui prévoit notamment que l'importation des marchandises du numéro tarifaire 9898.00.00 est interdite. Il a aussi renvoyé au paragraphe 136(2) du Tarif des douanes,qui prévoit que le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes ne s'applique pas aux marchandises visées au paragraphe 136(1). Par conséquent, selon l'exposé de l'intimé, le classement des marchandises dans le numéro tarifaire 9898.00.00 n'est assujetti ni aux Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé 5 ni aux Règles canadiennes 6 . L'intimé a soutenu que les couteaux en cause sont des armes prohibées parce qu'ils s'ouvrent automatiquement par gravité. Il a ajouté que les marchandises en cause sont communément désignées par l'expression « couteaux papillons ». Citant une décision rendue par la Cour suprême du Canada7 et une du Tribunal8 , l'intimé a en outre soutenu qu'il a toujours été conclu que les couteaux papillons sont des armes prohibées au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel.

Après avoir examiné les exposés écrits des parties, le Tribunal a demandé à ces dernières de soumettre leurs observations sur la possibilité de tenir une audience sur pièces. Les parties ont été d'accord sur la tenue d'une telle procédure. Par conséquent, aux termes de l'article 36.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 9 , le Tribunal a décidé de tenir une audience sur pièces10 .

Le Tribunal est d'accord avec l'appelant sur le fait que plusieurs manipulations sont nécessaires pour ouvrir complètement les couteaux en cause. En vérité, pour ouvrir l'un ou l'autre des deux couteaux, il faut d'abord déverrouiller le loquet de sécurité. Une fois ce geste posé, l'ouverture complète de l'un ou de l'autre des couteaux comporte les actions suivantes qui supposent des mouvements coordonnés : 1) saisir un manche d'une main; 2) saisir l'autre manche de l'autre main; 3) par un mouvement du poignet et du bras, amener le couteau à sa position ouverte et opérationnelle. En outre, une quatrième action sera nécessaire si au début de l'ouverture de l'un ou de l'autre des couteaux l'extrémité du manche munie du loquet de sécurité pointe vers le corps de l'utilisateur. Dans une telle situation, un mouvement en demi-cercle supplémentaire du poignet et de la main est nécessaire pour diriger la lame du couteau loin du corps.

Le Tribunal rejette la prétention de l'intimé selon laquelle les couteaux en cause s'ouvrent automatiquement par gravité. La gravité ne desserre pas le loquet de sécurité. Une fois le loquet enlevé, la gravité peut avoir un effet sur l'ouverture des couteaux, mais à elle seule la gravité ne suffit pas. Plutôt, ainsi qu'il a été décrit ci-dessus, plusieurs manipulations ou mouvements corporels coordonnés sont nécessaires pour ouvrir complètement les couteaux en cause. En outre, le Tribunal est d'avis que les couteaux ne peuvent accomplir leur fonction d'une façon satisfaisante avant d'être complètement ouverts. De plus, le Tribunal est d'avis que les couteaux en cause ne satisfont à aucune des conditions énoncées au paragraphe 84(1) du Code criminel concernant une « arme prohibée ». Plus particulièrement, le Tribunal n'est pas d'avis que l'un ou l'autre des couteaux en cause s'ouvre par force centrifuge. Lesdits couteaux ne sont pas munis de boutons, de ressorts ou d'autres dispositifs quelconques qui permettraient de transmettre une pression manuelle. En outre, les couteaux en cause n'ont pas été désignés comme armes prohibées par règlement.

La Note 1 du Chapitre 98 prévoit notamment ce qui suit : « Les marchandises qui sont décrites dans une disposition du présent Chapitre peuvent être classées dans ladite disposition si les conditions et les exigences de celle-ci et de tout autre règlement applicable sont respectées. » Puisque les couteaux en cause ne satisfont pas aux conditions et exigences énoncées au numéro tarifaire 9898.00.00, ils ne sont pas correctement classés dans ce numéro tarifaire.

Étant donné que l'appelant ne demande plus d'importer les couteaux en cause au Canada, mais demande plutôt leur retour à son lieu de résidence aux États-Unis, le Tribunal n'est pas tenu de les classer ailleurs dans l'annexe du Tarif des douanes.

Pour les motifs qui précèdent, l'appel est admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [ci-après Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Au paragraphe b) de la version anglaise, les expressions prohibited weapon (arme prohibée) et restricted firearm (arme à feu à autorisation restreinte), contrairement à toutes les autres expressions y comprises, ont délibérément été présentées sans parenthèses; c'est de cette manière que ces expressions sont présentées dans l'annexe du Tarif des douanes et qu'elles ont été adoptées par le Parlement.

4 . L.R.C. 1985, c. C-46.

5 . Supra note 2, annexe.

6 . Ibid.

7 . R. c. Vaughan, [1991] 3 R.C.S. 691.

8 . Genesport Industries c. S-MRNDA (24 février 1993), AP-91-122 (TCCE).

9 . D.O.R.S./91-499.

10 . Gaz. C. I.2001.1777.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 24 octobre 2001