SABLE OFFSHORE ENERGY INCORPORATED

Décisions


SABLE OFFSHORE ENERGY INCORPORATED
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2000-040

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 15 mars 2002

Appel no AP-2000-040

EU ÉGARD À un appel entendu le 15 février 2001 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 22 juin 2000 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

SABLE OFFSHORE ENERGY INCORPORATED Appelante

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.



Richard Lafontaine

Richard Lafontaine
Membre présidant

Pierre Gosselin

Pierre Gosselin
Membre

James A. Ogilvy

James A. Ogilvy
Membre


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans les positions nos 73.04, 73.05 et 73.06 à titre de tubes et tuyaux des types utilisés pour oléoducs ou gazoducs, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8479.89.99 à titre d'éléments d'une unité fonctionnelle, à savoir une machine de traitement du gaz, ou, subsidiairement, dans le numéro tarifaire 8430.49.00 à titre d'éléments de plates-formes fixes, comme l'a soutenu l'appelante.

L'appelante a prétendu que les plates-formes en mer aux champs de gaz Thebaud, Venture et North Triumph et les installations à terre à Goldboro et Point Tupper (Nouvelle-Écosse) constituent une unité fonctionnelle, une machine de traitement du gaz, qui a pour objet de prendre le gaz naturel brut des puits de gaz et de le transformer en gaz naturel et en sous-produits vendables. L'appelante soutient que la machine de traitement du gaz doit être classée à titre d'unité fonctionnelle dans la position no 84.79. L'appelante a prétendu que les tubes et tuyaux en cause doivent aussi être classés avec l'unité fonctionnelle, puisqu'ils sont essentiels à la fonction de traitement du gaz. Finalement, tout en reconnaissant qu'elle ne peut plus interjeter appel du classement des autres éléments de l'unité fonctionnelle étant donné que les délais sont écoulés, l'appelante a néanmoins prétendu que le fait que les marchandises entraient dans certains numéros tarifaires ne signifiait pas qu'elles étaient correctement classées et qu'elles n'auraient pas pu être classées ailleurs.

L'intimé a prétendu que chaque installation réalisait une fonction spécifique ou, comme alternative, réalisait une fonction première qui pouvait comporter des fonctions auxiliaires, entraînant de ce fait le classement de l'installation dans une position spécifique visée dans le Chapitre 84. L'intimé a prétendu que les tubes sont des accessoires de chacune des unités fonctionnelles et ne sont pas des éléments d'aucune d'entre elles. Les tubes et tuyaux sont seulement des contenants et des moyens de transport et ne concourent pas au traitement du gaz. Enfin, l'intimé a prétendu que, s'il était accepté que les installations sont une unité fonctionnelle qui doivent être classées à titre de machines dans la position no 84.79, il s'ensuivrait un résultat absurde, puisqu'un nombre important des éléments ont été importés sous des positions, sous-positions et chapitres différents. Le Tribunal n'a pas compétence pour statuer sur l'une ou l'autre de ces importations, puisqu'elles ne font pas l'objet de la présente affaire.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal est convaincu que les plates-formes en mer et les installations à terre à Goldboro et Point Tupper, considérées ensemble, constituent une machine ou une combinaison de machines qui englobent des dispositifs, des engins et des matériels. Leurs éléments sont reliés entre eux par les tubes et tuyaux en cause. Le Tribunal est convaincu que les machines ont été achetées dans le cadre d'un projet clé en main et étaient destinées, dès le début, à accomplir une fonction bien déterminée, celle de transformer le gaz naturel brut en un produit vendable. Par conséquent, le Tribunal est d'accord sur le fait que, d'un point de vue technique, le système complet pourrait être considéré comme une unité fonctionnelle. Cependant, pour classer les tubes en cause à titre d'éléments d'une unité fonctionnelle, il doit exister une unité fonctionnelle correctement classée à la fonction de laquelle lesdits tubes sont essentiels ou une unité fonctionnelle encore admissible au classement et à la dénomination à ce titre. Les marchandises ont été importées dans de nombreux chapitres, positions et sous-positions. Rien ne montre que la machine ou la combinaison de machines ont été classées dans le numéro tarifaire 8479.89.99 ni qu'un des éléments a été classé de la sorte. Selon le Tribunal, des éléments ne peuvent être classés dans une position correspondant à une unité fonctionnelle qui n'existe que d'un point de vue technique. Le Tribunal est d'avis que, à toutes fins pratiques, cela permettrait le reclassement de marchandises qui ont déjà été classées et, comme c'est le cas en l'espèce, dont le reclassement est frappé de prescription. Le Tribunal n'est pas convaincu que telle ait été l'intention du Parlement.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal estime qu'il ne lui est pas loisible de classer les tubes en cause dans le numéro tarifaire 8479.89.99. Le Tribunal conclut donc que les tubes et tuyaux en cause sont correctement classés dans les positions nos 73.04, 73.05 et 73.06.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 15 février 2001

Date de la décision :

Le 15 mars 2002

   

Membres du Tribunal :

Richard Lafontaine, membre présidant

 

Pierre Gosselin, membre

 

James A. Ogilvy, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Michèle Hurteau

   

Greffier :

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

Richard A. Wagner et Larry N. James, pour l'appelante

 

Susanne Pereira, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

INTRODUCTION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 à l'égard de décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 22 juin 2000, à l'égard de tubes et tuyaux de nuances, finis et diamètres (8 po à 26 po) divers importés au Canada en 1998 et 1999. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans les positions nos 73.04, 73.05 et 73.06 de l'annexe du Tarif des douanes 2 à titre de tubes et tuyaux des types utilisés pour oléoducs ou gazoducs, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8479.89.99 à titre d'éléments d'une unité fonctionnelle, à savoir une machine de traitement du gaz ou, subsidiairement, dans le numéro tarifaire 8430.49.00 à titre d'éléments de plates-formes fixes, comme l'a soutenu l'appelante.

La nomenclature tarifaire pertinente est la suivante :

73.04 Tubes, tuyaux et profilés creux, sans soudure, en fer ou en acier.
73.05 Autres tubes et tuyaux (soudés ou rivés, par exemple), de section circulaire, d'un diamètre extérieur excédant 406,4 mm, en fer ou en acier.
73.06 Autres tubes, tuyaux et profilés creux (soudés, rivés, agrafés ou à bords simplement rapprochés, par exemple), en fer ou en acier.
84.19 Appareils et dispositifs, même chauffés électriquement, pour le traitement de matières par des opérations impliquant un changement de température telles que le chauffage, la cuisson, la torréfaction, la distillation, la rectification, la stérilisation, la pasteurisation, l'étuvage, le séchage, l'évaporation, la vaporisation, la condensation ou le refroidissement, autres que les appareils domestiques; chauffe-eau non électriques, à chauffage instantané ou à accumulation.
84.21 Centrifugeuses, y compris les essoreuses centrifuges; appareils pour la filtration ou l'épuration des liquides ou des gaz.
84.30 Autres machines et appareils de terrassement, nivellement, décapage, excavation, compactage, extraction ou forage de la terre, des minéraux ou des minerais; sonnettes de battage et machines pour l'arrachage des pieux; chasse-neige.
8430.49.00 --Autres
8430.49.00.60 ----- Les plates-formes, fixes pour la recherche ou l'exploitation de gisements sous-marins de pétrole ou de gaz naturel
84.79 Machines et appareils mécaniques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent Chapitre.
8479.89 --Autres
8479.89.99 ----Autres
8479.89.99.94 ------Pour la production du pétrole ou du gaz

PREUVE

M. David L. North, directeur de l'exploitation chez Sable Offshore Energy Incorporated, et M. Herbert Jacklin, gestionnaire adjoint de projet du Projet énergétique extracôtier Sable, ont témoigné au nom de l'appelante.

M. North a déclaré que l'appelante est une coentreprise dont le but premier est d'exploiter les installations et de produire des produits vendables, comme du gaz naturel, du propane, du butane et du condensat. Il a décrit les diverses installations comprenant les plates-formes en mer Venture, North Triumph et Thebaud et les usines de gaz et de fractionnement à terre. Chaque installation est située à une certaine distance des autres et toutes sont reliées par des tubes. Le pipeline de 18 po de la plate-forme Venture et le pipeline de 12 po de la plate-forme North Triumph relient ces plates-formes satellites à la plate-forme de tête de puits et de traitement Thebaud. La plate-forme Thebaud est dotée d'un pipeline de 26 po qui la relie à l'installation à Goldboro. Un pipeline de 8 po relie l'installation à Goldboro à l'installation de fractionnement à Point Tupper. M. North a témoigné que ces tubes étaient les marchandises en cause.

M. North a décrit le gaz naturel qui se trouve à l'Île-de-Sable (Nouvelle-Écosse), comme étant sous très haute pression et à température très élevée. Dans cet état, son constituant premier est probablement l'eau, et il contient aussi d'autres constituants qui posent des problèmes, comme de la paraffine, des émulsions, le H2S et le CO2. M. North a témoigné que le gaz naturel, dans son état primaire, n'est pas un produit vendable en raison de sa teneur en eau et de sa teneur en hydrocarbures lourds comme le propane, le butane et le condensat. Pour obtenir un gaz naturel vendable, il faut contrôler la teneur en eau et en hydrocarbures.

M. North a témoigné que des tubes sont utilisés dans l'ensemble du système de traitement du gaz naturel. Étant donné que la matière traitée est sous pression, il faut la contenir. Les tubes sont le moyen utilisé pour le transport de la matière d'un emplacement à un autre du procédé. M. North a témoigné que le traitement est aussi effectué pendant que le gaz se déplace dans les tubes. Il a fait une distinction entre l'extraction du gaz, qui se fait jusqu'à la tête de puits, et le traitement du gaz, qui commence à la tête de puits. M. North a indiqué qu'il n'y aurait pas de traitement du gaz sans tubes.

M. North a témoigné que l'installation à Goldboro est située dans un emplacement éloigné parce que l'appelante a repéré un trajet sous-marin pour le pipeline et que ce trajet rejoint la côte à cet endroit. Le choix de Point Tupper comme emplacement de l'usine de fractionnement était fondé sur le fait qu'il y avait déjà là une installation d'entreposage de pétrole brut d'une capacité de 7 millions de barils et l'infrastructure nécessaire pour déplacer le condensat par transport ferroviaire, routier ou maritime. M. North a déclaré que le gaz naturel est expédié par camion ou par rail, puisqu'il s'agit là des modes de transport les moins coûteux. La plus grande partie du transport du propane et du butane se fait par rail.

M. North a témoigné en détail au sujet du traitement du gaz effectué aux diverses installations. Il a expliqué que le processus du traitement du gaz commence aux têtes de puits des trois emplacements en mer. C'est là que la pression du mélange est d'abord modifiée, ce qui permet d'amorcer la séparation des éléments du gaz naturel, les liquides, en solution avec le gaz, commençant à se condenser lorsque la température et la pression sont réduites. Il a expliqué que la séparation comporte trois phases : deux phases liquides - hydrocarbure liquide et eau; et la phase de séparation du gaz. M. North a témoigné que, à la plate-forme Thebaud, le triéthylène glycol sert à enlever l'eau par absorption de la vapeur d'eau des flux gazeux en provenance des installations Venture, North Triumph et Thebaud. Ce qui reste, un mélange de gaz naturel et d'hydrocarbure liquide, passe ensuite par un pipeline de 26 po à l'installation à Goldboro. Là, le piège à condensat, constitué d'une série de longs tubes de 48 po installés en pente qui laissent les liquides s'écouler à une extrémité, permet la collecte des liquides et leur séparation du gaz. Le gaz naturel sort dans les points hauts du piège à condensat et passe dans une conduite d'amenée où il est soumis à un procédé de séparation, où la pression est abaissée afin d'enlever davantage de liquide, ce liquide étant envoyé avec le flux liquide qui sort du piège à condensat. Les étapes finales du traitement de production de gaz vendable sont ensuite exécutées dans l'installation à Goldboro. Quant à eux, les liquides sont expédiés à l'usine de traitement des liquides du gaz naturel à l'installation à Point Tupper. M. North a témoigné que le traitement du gaz se termine avec la production d'un produit vendable. Les produits vendables sont le gaz, qui passe par le pipeline de transport depuis l'installation à Goldboro jusqu'au marché, et le propane, le butane et le condensat, qui sont les produits traités à Point Tupper. M. North a témoigné que, durant le traitement, le gaz est toujours dans un tube.

M. North a indiqué que le pipeline de transport ne traite pas le gaz. La distinction entre le pipeline de transport et les tubes dont il a déjà été fait mention réside en ce que le gaz qui entre dans le pipeline de transport est exactement le même que celui qui en sort, tandis que le gaz qui sort des installations est considérablement différent du gaz qui sort de la tête de puits étant donné qu'il a été traité tout au long du système.

Selon M. North, les matériels de traitement du gaz et les installations à terre et les plates-formes en mer constituent une unité fonctionnelle, et il est essentiel qu'elles réalisent leur fonction concurremment pour que l'exploitation se poursuive. Il pourrait y avoir des interruptions, mais dans les 24 heures suivant une interruption, il y aurait arrêt du système. La seule exception touche les plates-formes en mer, puisque les activités pourraient se poursuivre s'il y avait arrêt d'exploitation des plates-formes Venture ou North Triumph ou les deux. Cependant, s'il y a arrêt à l'installation Thebaud, le système au complet ne pourrait être exploité, et il faudrait mettre fin à l'exploitation tant de l'installation à Point Tupper que de celle à Goldboro, puisque ces dernières ne pourraient produire de gaz naturel de qualité vendable. En conclusion, M. North a dit être d'accord sur le fait que les installations à terre et les plates-formes en mer répondaient à la définition d'une usine de traitement du gaz.

Au cours du contre-interrogatoire, M. North a expliqué que l'installation de forage a pour objet de forer dans ou sous le plancher océanique, pour atteindre le réservoir d'hydrocarbure. L'installation de forage est assimilée au procédé d'extraction, mais non pas au traitement du gaz. Lorsque le gaz traverse la duse de la tête de puits, l'extraction est terminée et le traitement commence. Il a déclaré que l'extraction est un procédé en continu.

En réponse à la question de savoir s'il pourrait y avoir une usine de fractionnement sans usine de traitement du gaz, M. North a témoigné qu'il faut que l'usine de fractionnement soit accompagnée d'une usine de traitement du gaz pour fournir une façon quelconque de séparer les hydrocarbures liquides. M. North a indiqué que le pipeline en mer participe, à certains égards, au traitement, puisque le ralentissement de la vitesse du gaz qui se déplace dans le pipeline cause une séparation des liquides dans ce dernier. Le débit est commandé aux installations à Goldboro et à Thebaud. M. North a admis que le pipeline comme tel ne fait rien pour faire varier la vitesse de l'écoulement du gaz qui s'y déplace et a comparé la situation avec celle des colonnes de distillation, qui ne font rien elles-mêmes, mais dans lesquelles les changements thermiques entraînent l'ébullition d'une partie des liquides. M. North a convenu que les tubes sont un espace qui loge les matières et que ce sont les matières elles-mêmes qui changent. Les conditions physiques des matières changent sous l'effet du débit, de la température et de la pression.

En réponse à la question du Tribunal à savoir si le système décrit pouvait accomplir plus d'une fonction, M. North a dit que la fonction était de prendre une ressource naturelle et de la convertir en un produit vendable. Il a déclaré que l'installation à Point Tupper n'a pas, en soi, de fonction définissable. Il a aussi témoigné que les tubes qui relient les plates-formes satellites et la plate-forme Thebaud sont comme ceux qui relient les installations à Goldboro et à Point Tupper. Les diamètres des tubes diffèrent.

M. Jacklin a donné un aperçu des entreprises qui ont formé l'alliance qui a été établie pour concevoir, construire, installer, lancer et mettre à l'essai les installations de traitement du gaz, sur une base clé en main. Il a témoigné que l'alliance n'avait pas participé à la prospection de gaz ni au forage des puits pour le projet. Les services de l'alliance ont été retenus pour livrer toutes les installations de traitement du gaz que M. North a décrites. M. Jacklin a fait référence au document « Design Intent »3 qui donne une description des installations.

M. Jacklin a témoigné que le pipeline qui relie les plates-formes North Triumph et Venture à la plate-forme Thebaud et celui qui relie la plate-forme Thebaud aux installations à terre à Goldboro constitue les réseaux de collecte intergisements. En ce qui a trait au pipeline de transport, M. Jacklin a indiqué que les services de l'alliance avaient été retenus pour sa construction, mais dans le cadre d'un contrat distinct de celui visant les installations. M. Jacklin a expliqué que le traitement du gaz, y compris le temps pendant lequel le gaz est dans les tubes, était un élément critique de la conception du procédé. Il existait aussi des spécifications fonctionnelles pour chacun des éléments constitutifs des installations. M. Jacklin a expliqué que des critères particuliers du projet comme tel avaient été appliqués aux tubes; dans ce cas précis, le critère se rapportait à la pression du fluide dans les tubes. L'équipe de projet a aussi dû tenir compte de l'installation des tubes, étant donné que les exigences mécaniques de la pose de tubes en mer, sous 300 mètres d'eau, ne sont pas les mêmes que celles qui s'appliquent à la pose de tubes dans une tranchée. Par conséquent, dans le cadre de la norme, il était possible de définir plus précisément les caractéristiques métallurgiques et l'épaisseur du produit.

M. Jacklin a témoigné que les matériaux et les matériels destinés à l'usine de traitement du gaz, y compris le pipeline, ont été importés dans une proportion d'environ 83 p. 100. À son avis, les tubes et tuyaux achetés servent comme éléments intégrants de l'usine de traitement du gaz dont le contrat de conception, de construction et de livraison a été confié à l'alliance. M. Jacklin a témoigné que l'usine ne peut fonctionner sans les tubes et tuyaux en cause car, si la fonction de ces derniers ne répond pas à la conception, l'usine ne peut alors satisfaire aux exigences contractuelles.

Au cours du contre-interrogatoire, M. Jacklin a dit que l'alliance recevait des marchandises, comme des machines ou des pièces composantes qui ont servi à la construction des installations, en provenance de fournisseurs canadiens. Au total, 17 p. 100 des matières ont été acquises auprès de sources canadiennes. Il a ajouté que les installations ont été assemblées pièce par pièce et que les pièces composantes canadiennes ont été intégrées aux installations au moment de la construction. Il a reconnu qu'aucun fournisseur ne pouvait fournir à l'alliance une installation de traitement du gaz complète.

En réponse aux questions du Tribunal, M. Jacklin a indiqué qu'il n'y a pas de différence d'objet entre l'activité générale de tubes et tuyaux et celle de tubes de traitement. La différence réside dans la façon dont les spécifications sont établies pour les tubes et les codes suivant lesquels la fonction est établie. Il a ajouté que les plates-formes et les installations à Goldboro et à Point Tupper auraient pu être adjugées à trois groupes de construction différents à des moments différents. Pour l'essentiel, la question en était une de stratégie de passation de contrat et d'aversion pour le risque propres aux entrepreneurs. Pour ce qui est de l'emplacement des usines de gaz et de fractionnement, M. Jacklin a répondu qu'il arrive très souvent qu'une installation de gaz et une installation de fractionnement soient situées au même endroit.

M. Denis Blondin, agent supérieur des appels à l'Agence des douanes et du revenu du Canada, a témoigné sur la façon dont les transactions de marchandises importées par l'appelante ont été recueillies et extraites et sur la façon dont l'information contenue dans le dossier de documents4 a été structurée. Au cours du contre-interrogatoire, M. Blondin a admis que les listes des importations ne montrent que les marchandises importées par l'appelante et n'incluraient pas les importations de toute autre personne, même si une telle personne pouvait avoir fait des achats au nom de l'appelante.

PLAIDOIRIE

L'appelante a prétendu que les tubes et tuyaux sont une partie intégrante d'une machine, qui est une unité fonctionnelle, à savoir une machine de traitement du gaz, et que ces marchandises doivent être classées dans le numéro tarifaire 8479.89.99 à titre d'« [a]utres [m]achines et appareils mécaniques ayant une fonction propre, non dénommés ni compris ailleurs dans le présent Chapitre [p]our la production du pétrole ou du gaz ». L'appelante a dit avoir passé un contrat avec l'alliance pour l'achat d'une machine de traitement du gaz, qui a été importée, et dont la fonction était de traiter le gaz brut obtenu aux têtes de puits, le transformant en gaz vendable, par l'intermédiaire des plates-formes et des installations à Goldboro et à Point Tupper. À titre d'argument subsidiaire, l'appelante a prétendu que les tubes et tuyaux doivent être classés dans le numéro tarifaire 8430.49.00 à titre d'éléments de plates-formes fixes, machines et appareils d'extraction.

L'appelante a soutenu que les faits et les éléments de preuve établissent que l'objectif du projet gazier est de prendre le gaz naturel brut des puits de gaz au large du plateau Scotian près de l'Île-de-Sable et de le transformer en produits de gaz naturel vendables, comme du gaz, du butane, du propane ou du condensat. Les éléments de preuve montrent aussi que l'appelante a passé un contrat avec l'alliance pour la conception, l'édification et la construction d'une usine de traitement du gaz. Une usine de traitement du gaz est destinée à la transformation du gaz en produit vendable. Il ressort aussi des témoignages que, pour transformer la matière brute en produits vendables, il faut un procédé en continu et que ce dernier ne peut être complètement ou partiellement arrêté. Les témoins de l'appelante ont déclaré que, en cas d'arrêt d'une partie des installations, le procédé au complet doit être interrompu. Par conséquent, l'appelante a soutenu que l'usine de traitement du gaz est une seule machine.

L'appelante a soutenu que, lorsqu'une machine n'est pas dénommée dans une autre position déterminée du Chapitre 84, elle est dénommée dans la position no 84.79. La Note 4 de la Section XVI et les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 5 afférentes, qui décrivent une unité fonctionnelle, prévoient que, lorsqu'une machine ou une combinaison de machines a pour objectif d'assurer une fonction bien déterminée, l'ensemble de la machine et tous ses éléments doivent être classés dans la position pertinente du Chapitre 84. En l'espèce, le classement indiqué de la machine de traitement du gaz est dans la position no 84.79 à titre d'unité fonctionnelle, étant donné que l'installation de traitement du gaz est une machine ayant une fonction propre non dénommée ailleurs dans le Chapitre 84. De plus, les éléments, comme les tubes en cause, doivent être classés avec l'unité fonctionnelle, puisqu'ils assurent concurremment la fonction de machine de traitement du gaz.

L'appelante a aussi soutenu qu'il n'est pas nécessaire que les éléments d'une unité fonctionnelle soient tous importés au même moment. Elles peuvent faire l'objet d'une série de déclarations en douane. Il faut tenir compte de la nature véritable de la transaction, de l'objet du contrat et de la question de savoir si le contrat visait une unité fonctionnelle. En l'espèce, l'appelante a déclaré que, pour l'essentiel, la transaction était un contrat qu'elle a attribué en vue de l'achat d'une machine de traitement du gaz. L'appelante a invoqué un certain nombre de causes à l'appui de sa position selon laquelle les machines complexes constituées par des éléments distincts peuvent être admissibles à titre d'unités fonctionnelles, même lorsque lesdits éléments distincts sont importés sur une période de temps6 .

Au sujet de la question du caractère de machine de l'installation de traitement du gaz, l'appelante a fait observer les déclarations des témoins et les pièces soumises en preuve qui établissent que le traitement du gaz est un procédé en continu qui est une fonction reconnaissable particulière d'une machine. Dans ce procédé, l'intrant est du gaz naturel brut et cet intrant est transformé en produits vendables, comme du gaz, du propane, du butane et du condensat. L'appelante a soutenu que la machine est destinée au traitement du gaz et est constituée d'une combinaison de machines et d'éléments. La machine de traitement du gaz satisfait au critère des machines, puisqu'elle est constituée par une combinaison complexe de parties et, étant donné qu'elle n'est pas dénommée dans une autre position et qu'elle est reconnaissable comme étant une machine, doit être classée dans la position no 84.79, une position qui dénomme les machines et appareils non dénommés ni compris ailleurs dans le Chapitre 84.

En ce qui a trait à la question de savoir si l'usine de traitement du gaz est une unité fonctionnelle, l'appelante a indiqué que les éléments de preuve montrent clairement que l'alliance a acheté la machine clé en main. De plus, l'usine a été conçue et construite en tant qu'usine de traitement du gaz. L'usine de traitement du gaz satisfait aux trois éléments mentionnés à la Note 4 de la Section XVI, étant donné qu'elle est une machine ou une combinaison de machines constituées par des éléments distincts, y compris les tubes et tuyaux en cause, en vue d'assurer concurremment une fonction bien déterminée, en l'espèce, le traitement du gaz.

Au sujet de la question du classement des tubes et tuyaux en cause, l'appelante a prétendu que, en présence d'un procédé en continu, la jurisprudence a reconnu que tout le matériel utilisé en vue de ce procédé est inclus comme partie de ce procédé7 . La jurisprudence a aussi reconnu que les tubes et les pipelines servent directement dans la production et la fabrication du gaz naturel8 . De plus, la Note 4 de la Section XVI reconnaît que les tubes et les pipelines font partie d'une unité fonctionnelle, comme dans Grinnell, où une installation d'extinction automatique, y compris les conduites qui approvisionnaient l'installation en eau, était comprise dans la position no 84.79. De ce fait, l'appelante a soutenu que les tubes sont des éléments critiques de la fonction de traitement du gaz de la machine de traitement du gaz, qui doit être classée à titre d'unité fonctionnelle dans le numéro tarifaire 8479.89.99.

L'appelante a aussi prétendu que, lorsque les tubes et tuyaux sont une partie intégrante d'une machine, comme c'est le cas en l'espèce, ils ne peuvent être classés dans le Chapitre 73. La Note 1f) de la Section XV, qui se rapporte aux métaux communs et ouvrages en ces métaux, ne comprend pas les articles de la Section XVI (machines et appareils; matériel électrique). Par conséquent, selon l'appelante, lorsque des tubes et tuyaux peuvent être visés dans le Chapitre 73, mais qu'ils sont une partie d'articles qui sont des machines et appareils ou du matériel électrique, lesdits tubes ne peuvent être classés dans le Chapitre 73.

Enfin, quant à la question de la teneur de la transaction d'importation, l'appelante a prétendu qu'une machine, même incomplète au moment de son importation, peut être classée en tant que machine si elle présente les caractéristiques essentielles de l'article fini. L'appelante a affirmé que, selon les éléments de preuve, la teneur de la transaction d'importation des tubes et tuyaux en cause se rapportait à une série de transactions dans le cadre desquelles ils ont été importés. L'objet de la série de transactions était d'importer l'usine de traitement. Étant donné que les éléments matériels de l'ensemble de l'usine ont été importés dans une proportion de 83 p. 100, l'appelante a fait observer que toute l'usine a été importée. Conformément à la Règle 2 a) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé 9 , étant donné que la majeure partie de la machine a été importée, son caractère essentiel est celui d'une machine de traitement du gaz. Le fait qu'il y ait eu de multiples commandes réparties sur une période de deux ans n'empêche pas que la machine de traitement du gaz est une unité fonctionnelle qui a été importée10 .

À titre d'argument subsidiaire, l'appelante a prétendu que les plates-formes Thebaud, Venture et North Triumph ont été importées en tant qu'unités complètes dans le numéro de classement 8430.49.00.60 à titre d'autres machines et appareils d'extraction des minéraux. L'appelante a soutenu que, étant donné que les plates-formes ont été importées en tant qu'unités fonctionnelles et en raison des éléments de preuve selon lesquels il y a traitement du gaz depuis les plates-formes jusqu'à l'usine de gaz, les tubes et tuyaux qui relient les plates-formes font partie intégrante de leur exploitation. Si les tubes et tuyaux ne permettaient pas d'acheminer le gaz ailleurs, les plates-formes n'auraient aucune raison d'exister là où elles sont placées. Selon l'appelante, si les plates-formes ne font pas partie d'une unité fonctionnelle de traitement du gaz, alors elles ont pour objet d'exploiter le gaz naturel. L'appelante a soutenu que les tubes et tuyaux font partie tout à fait intégrante de l'exploitation, parce que sans les tubes, il n'y a pas d'exploitation gazière. Par conséquent, les tubes et tuyaux sur les plates-formes et le pipeline qui les relie les uns aux autres et à l'installation à Goldboro sont des parties intégrantes des plates-formes, et les tubes et tuyaux en cause et les plates-formes constituent une unité fonctionnelle. Par conséquent, les tubes et tuyaux sont reliés soit à la fonction de traitement, d'exploitation ou d'extraction qui entre dans la portée d'application générale du libellé du numéro de classement 8430.49.00.60.

Selon l'appelante, les éléments de preuve ont indiqué qu'il y avait traitement du gaz dans les tubes en cause et que le gaz qui sort de ces derniers était différent de celui qui y est acheminé. Les tubes en cause sont différents du pipeline de transport, en ce que les éléments de preuve ont montré clairement que le gaz qui entre dans le pipeline de transport est le même que celui qui en sort. Les éléments de preuve ont montré que les tubes et tuyaux en cause ont été conçus pour inclure le traitement du gaz.

En réplique, l'appelante a traité de la question de savoir si les autres marchandises avaient été correctement classées ou auraient pu être classées ailleurs, une question qui, a-t-elle admis, avait été soulevée dans le cadre de la préparation de la présente affaire. L'appelante a prétendu que le fait que les marchandises entraient dans certains numéros tarifaires ne signifiait pas nécessairement qu'elles étaient correctement classées et qu'elles n'auraient pas pu être classées ailleurs. L'appelante a admis qu'elle ne peut plus interjeter appel de ces classements étant donné que les délais sont écoulés et qu'elle n'est donc pas autorisée légalement à demander le reclassement de ces autres marchandises. Cependant, de l'avis de l'appelante, le Tribunal peut conclure que les marchandises, y compris les tubes et tuyaux en cause, auraient dû être classées à titre d'unité fonctionnelle.

L'intimé a prétendu que chaque installation accomplissait une fonction spécifique ou, comme alternative, une fonction première qui peut être associée à un certain nombre d'autres fonctions accessoires, qui fait que chacune des installations est dénommée dans une position spécifique du Chapitre 84. Étant donné que chacune des installations constitue en soi une unité fonctionnelle et est dénommée dans une position du Chapitre 84, l'ensemble des installations ne peut être une unité fonctionnelle dans la position n84.79. De plus, selon l'exposé de l'intimé, les éléments de preuve établissent clairement que chacune des installations présente une fonction spécifique ou, subsidiairement, une fonction première qui est suffisamment spécifique pour que chacune des installations soit comprise dans une position spécifique plutôt que dans une position générale du type fourre-tout, en l'espèce la position no 84.79.

L'intimé a prétendu que, bien que l'appelante ait tenté de regrouper les diverses plates-formes distinctes sous une définition collective à titre d'usine unique n'ayant qu'une fonction, l'information et les déclarations des témoins de l'appelante indiquent clairement que chaque installation a sa propre fonction. La fonction première de l'installation Thebaud est l'extraction du gaz naturel. Même si les témoignages indiquent qu'il se fait un certain traitement du gaz aux installations en mer, il a été établi que le traitement n'y est pas important si on le compare au traitement qui se fait à l'installation à Goldboro et au fractionnement qui se fait à l'installation à Point Tupper. L'intimé a soutenu que le témoignage de M. North a indiqué que la fonction première de l'installation à Goldboro est de séparer les différents composants du gaz naturel qui provient des installations en mer et de le transformer en gaz vendable, qui est ensuite expédié vers les marchés via le pipeline de transport. Il ressortait aussi clairement des éléments de preuve que l'installation à Point Tupper n'a qu'une seule fonction première, soit le fractionnement. Pour ce motif, l'intimé a prétendu qu'il ne pouvait être dit que, considérées collectivement, les installations constituent ensemble une unité fonctionnelle classée dans la position no 84.79. Chaque installation doit donc être classée suivant son régime propre. L'usine de fractionnement à Point Tupper doit être classée dans la position no 84.19 puisque, selon les éléments de preuve, le traitement des matières à cette usine implique un changement de température, soit un procédé par lequel les matières sont chauffées puis refroidies. Dans le cas de l'installation à Goldboro, l'intimé a prétendu que les éléments de preuve ont indiqué qu'on y applique un procédé d'épuration et, par conséquent, que l'installation doit être classée dans la position no 84.21. Dans le cas des installations d'extraction en mer, l'intimé a soutenu que ces dernières doivent être classées dans la position no 84.30.

L'intimé a fait valoir que les Notes explicatives de la position no 84.79 ont exclu les installations en mer et à terre puisque cette position est limitée aux machines et appareils mécaniques non dénommés dans une autre position, relativement à leur fonction, leur description ou leur type. Selon l'intimé, si chacune des installations a plus d'une fonction, il faut tenir compte de la Note 7 du Chapitre 84. L'intimé a soutenu que les pipelines sont accessoires à chacune des unités fonctionnelles et ne sont des éléments d'aucune d'entre elles. Les pipelines ont pour unique objet de transporter les matières brutes d'une installation à une autre. Il ressort des éléments de preuve qu'une certaine transformation s'est effectuée dans le pipeline bien que, selon l'exposé de l'intimé, il s'agisse là d'une transformation d'importance minime et qu'elle ne soit pas le fait des tubes et tuyaux eux-mêmes. Les tubes et tuyaux sont simplement des contenants, un moyen de transport. De plus, même si les tubes sont utilisés, il ne s'agit pas du seul moyen de transport disponible. Le gaz pourrait être transporté par bateau, bien qu'il puisse ne pas s'agir là d'un moyen économique.

De plus, l'intimé a soutenu que les éléments de preuve montraient que le traitement était commandé depuis l'installation à Goldboro, qui fait varier la vitesse à laquelle les matières brutes se déplacent dans les tubes et tuyaux et, par conséquent, cause la séparation des liquides du gaz brut. Les tubes et tuyaux eux-mêmes ne contribuent pas à la transformation véritable. Les matières qu'ils contiennent sont séparées au moyen d'une combinaison de la pente des tubes et tuyaux et de la vitesse à laquelle les matières brutes se déplacent. Le traitement n'est pas inhérent aux tubes eux-mêmes. En guise de conclusion sur ce point, l'intimé a soutenu que, même s'il devait être conclu que chacune des installations est une unité fonctionnelle, les tubes et tuyaux sont simplement des articles auxiliaires parce qu'il est plus rentable de se servir de tubes et tuyaux que de bateaux. Les tubes et tuyaux en cause n'assurent pas concurremment la fonction globale de façon directe.

L'intimé a prétendu que, si l'argument de l'appelante devait être accepté, à savoir que les installations sont une unité fonctionnelle qui doit être classée dans la position no 84.79, il s'ensuivrait un résultat absurde, puisqu'un nombre important des éléments ont été importés dans des chapitres, positions et sous-positions différents. De plus, si l'appelante affirme maintenant que toutes ces marchandises constituent une unité fonctionnelle, il serait absurde de dire que seuls les tubes et tuyaux en cause doivent être classés dans la position no 84.79. En outre, les tubes et tuyaux, qui ne sont pas, en soi et à eux seuls, des machines, sont passifs. Par conséquent, les classer en tant que partie d'une unité fonctionnelle ou partie d'une machine ou d'un appareil, lorsque la machine véritable ou l'installation véritable n'est pas classée dans la position n84.79 et a été importée dans d'autres positions, entraînerait un résultat absurde. Selon l'intimé, le Tribunal n'a pas compétence pour statuer sur l'une ou l'autre de ces autres importations puisqu'elles ne font pas l'objet de la présente affaire.

L'intimé n'a pas contesté le fait que certaines marchandises ont été importées en 1998 et d'autres en 1999, reconnaissant que les éléments qui font partie d'une unité fonctionnelle peuvent être importés à des moments différents. Cependant, si l'intention de l'importateur est de se servir de toutes les petites pièces constitutives distinctes et de les intégrer en une unité fonctionnelle, il est alors logique d'importer tous les éléments dans la position correspondant à l'unité fonctionnelle ou dans le numéro tarifaire correspondant à une unité fonctionnelle. Selon l'intimé, tel n'est pas le cas en l'espèce.

L'intimé a fait référence à la politique administrative de l'ADRC11 , qui énonce un critère à trois volets :

a) les divers éléments constituent une unité commerciale qui est annoncée et vendue à un prix unique;
b) les divers éléments constituent un ensemble qui a été acheté par l'entremise d'un marché ou d'un bon de commande unique;
c) l'unique fonction des divers éléments qui constituent l'unité intégrale ne peut être exécutée si l'un quelconque des éléments est manquant.

L'intimé a soutenu que l'appelante n'a pas satisfait au premier volet du critère étant donné que l'achat visait des éléments distincts qui, à leur tour, ont aidé à construire l'unité. L'intimé a soutenu que l'appelante n'a pas non plus satisfait au deuxième volet du critère. Même si Windsor Wafers peut porter à croire qu'il pourrait y avoir plus d'un bon de commande, les faits de cette affaire montrent qu'il n'y en avait qu'un seul, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il existe de nombreux bons de commande. Étant donné qu'il n'est pas satisfait à deux volets du critère, l'intimé a affirmé que les installations ne constituent pas collectivement une unité fonctionnelle et ne peuvent être classées dans la position no 84.79.

L'intimé a aussi souligné que la politique administrative renvoie au contenu canadien des éléments qui constituent les installations. Selon les éléments de preuve, il y avait un contenu canadien dans chacune des installations, ce qui incluait non seulement des éléments matériels mais aussi la main-d'oeuvre et les services. D'après les témoignages, les éléments matériels font partie intégrante du fonctionnement de chaque installation. L'intimé a soutenu que le pourcentage exact du contenu canadien n'était pas pertinent, étant donné que les marchandises en cause ont été intégrées ou combinées avec d'autres éléments de source nationale ou de fournisseurs nationaux en vue de constituer une unité fonctionnelle et que la présente affaire porte sur la question de savoir si les installations constituent une unité fonctionnelle ou si chacune des installations constitue en soi une unité fonctionnelle. Selon l'intimé, si les caractéristiques essentielles, conformément à la Règle 2 des Règles générales, servent à établir la teneur étrangère, alors les caractéristiques essentielles des installations Thebaud et Venture sont celles d'une installation d'extraction; dans le cas de l'installation à Goldboro, les caractéristiques essentielles sont celles d'une usine de filtration ou d'épuration; dans le cas de l'installation à Point Tupper, les caractéristiques essentielles sont celles d'une usine de fractionnement.

En conclusion, l'intimé a déclaré qu'il ressortait clairement des éléments de preuve que les marchandises en cause sont des articles auxiliaires pour chacune des installations différentes et que chaque installation est dénommée dans sa propre position. Par conséquent, les marchandises en cause ne doivent pas être classées dans la position no 84.79.

DÉCISION

L'article 10 du Tarif des douanes prévoit que le classement de marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué en conformité avec les Règles générales et les Règles canadiennes 12 .L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et sous-positions de l'annexe, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 13 et des Notes explicatives.

Les Règles générales sont structurées en cascade. Si le classement d'un article ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, alors il faut tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite. La Règle 1 prévoit ce qui suit :

Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n'ayant qu'une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les Règles suivantes.

En outre, la Règle 1 des Règles canadiennes réitère que le classement de marchandises dans les numéros tarifaires d'une sous-position ou d'une position est déterminé d'après les Règles générales.

Le Tribunal doit maintenant décider si les tubes font partie d'une unité fonctionnelle, font partie de diverses unités fonctionnelles ou sont simplement des tubes et tuyaux.

Le Tribunal a d'abord examiné les éléments de preuve et les témoignages pour déterminer si les tubes en cause doivent être classés à titre d'éléments d'une unité fonctionnelle unique, à savoir une machine de traitement du gaz, dans le numéro tarifaire 8479.89.99.

La Note 4 de la Section XVI prévoit ce qui suit :

Lorsqu'une machine ou une combinaison de machines sont constituées par des éléments distincts (même séparés ou reliés entre eux par des conduites, des dispositifs de transmission, des câbles électriques ou autre aménagement) en vue d'assurer concurremment une fonction bien déterminée comprise dans l'une des positions du Chapitre 84 ou du Chapitre 85, l'ensemble est à classer dans la position correspondant à la fonction qu'il assure.

L'appelante a présenté des témoignages et des arguments selon lesquels la conversion du gaz naturel brut, qui sort du sol, en des produits de gaz naturel vendables, est assimilée à un procédé unique en continu qui commence à la tête de puits et se poursuit jusqu'aux plates-formes en mer et jusqu'aux installations à terre, jusqu'au moment où il devient du gaz et des produits connexes vendables, prêts pour la vente sur les marchés. L'appelante a en outre fait observer, au cours du contre-interrogatoire, que les tubes sont nécessaires tout au long du procédé, puisque la substance qui est raffinée se dissiperait si elle n'était pas contenue. L'appelante a aussi exprimé clairement le fait que les produits ne sont pas vendables avant d'avoir terminé le cycle de traitement complet et d'émerger sous forme de gaz naturel vendable à la bride de sortie de l'installation à Goldboro, ou à titre d'autres produits vendables, comme du propane, du butane et du condensat, après le traitement à l'installation à Point Tupper. L'appelante a aussi témoigné de l'existence d'un certain nombre d'actions, comme la commande du débit du gaz dans les tubes, qui exige des dispositifs qui, ensemble, assurent concurremment le procédé de raffinage de la matière brute.

La Note 5 de la Section XVI prévoit ce qui suit :

Pour l'application des Notes qui précèdent, la dénomination machines couvre les machines, appareils, dispositifs, engins et matériel divers cités dans les positions des Chapitres 84 ou 85.

Le Tribunal est convaincu que les plates-formes en mer et les installations à Goldboro et à Point Tupper, considérées ensemble, constituent une machine ou une combinaison de machines, ce qui englobe, notamment, les dispositifs, engins et matériels. En outre, il est clair que leurs éléments particuliers sont reliés par les tubes et tuyaux en cause. Le Tribunal considère cet arrangement comme étant analogue aux machines à traire dans lesquelles les différents éléments composants sont reliés entre eux, un des exemples d'unité fonctionnelle énumérés dans les Notes explicatives de la Section XVI14 . De plus, l'appelante a fait clairement ressortir que la fonction de traitement serait identique si tous les éléments constitutifs étaient situés à un même emplacement sur un champ de gaz. Le Tribunal considère aussi le système complet comme étant analogue à un poste d'enrobage pour enrobés bitumineux, un autre exemple des unités fonctionnelles donné dans les Notes explicatives de la Section XVI. Le simple fait de la séparation géographique des éléments en l'espèce n'empêche pas, de l'avis du Tribunal, l'ensemble d'être considéré comme une unité fonctionnelle.

Dans son mémoire, l'intimé a prétendu que les fonctions des plates-formes en mer et des installations à Goldboro et à Point Tupper doivent être considérées comme distinctes et différentes et il a suivi le même raisonnement dans son argumentation orale. Cependant, le Tribunal est d'avis que ces fonctions ne doivent pas être séparées. Les éléments de preuve et les témoignages montrent, à la satisfaction du Tribunal, que les machines ont été achetées dans le cadre d'un projet clé en main et étaient destinées, dès le début, à accomplir une fonction bien déterminée, celle de traiter le gaz naturel, à partir de son état brut à la tête de puits jusqu'à sa transformation en produits vendables. Le Tribunal est aussi d'avis que, en principe, le classement des marchandises en cause, à savoir, les tubes et tuyaux, dans une position du Chapitre 84 serait indiqué. Par conséquent, le Tribunal est d'accord avec l'appelante sur le fait que, d'un point de vue technique, le réseau complet des installations, considéré dans son ensemble, qui commence à la tête de puits et se poursuit durant toutes les étapes de la production de produits vendables, pourrait être considéré comme une unité fonctionnelle unique dans le numéro tarifaire 8479.89.99.

Étant donné la conclusion qui précède, il n'est pas nécessaire que le Tribunal examine la question de savoir si les marchandises en cause sont des éléments de diverses unités fonctionnelles.

Cela dit, la Note 4 de la Section XVI prévoit que, lorsqu'une machine ou une combinaison de machines sont constituées par des éléments distincts en vue d'assurer concurremment une fonction bien déterminée comprise dans l'une des positions du Chapitre 84 ou du Chapitre 85, l'ensemble est à classer dans la position correspondant à la fonction qu'il assure.

Le Tribunal est d'avis que, pour classer les tubes en cause à titre d'éléments d'une unité fonctionnelle, il doit exister une unité fonctionnelle correctement classée à la fonction de laquelle lesdits tubes sont essentiels ou une unité fonctionnelle encore admissible au classement et à la dénomination à ce titre. Les marchandises qui ont été importées dans la présente affaire ont été importées dans de nombreux chapitres, positions et sous-positions. L'appelante a prétendu que les installations en mer et à terre sont une unité fonctionnelle qui peut être classée dans le numéro tarifaire 8479.89.99. Il n'existe aucun élément de preuve que la machine ou la combinaison de machines ont été classées dans le numéro tarifaire 8479.89.99, ni qu'un des éléments a été classé de la sorte. De même, le Tribunal n'est présentement pas saisi de la question concernant le classement d'une machine ou d'une combinaison de machines dans le numéro tarifaire susmentionné, ni du classement de tout autre élément, si ce n'est celui des marchandises en cause. En fait, sauf dans le cas des marchandises en cause, l'appelante a admis que, légalement, elle ne pouvait pas soulever la question du classement de ces articles.

Selon le Tribunal, des éléments ne peuvent être classés dans une position correspondant à une unité fonctionnelle qui n'existe que d'un point de vue technique. À cet égard, l'appelante a prétendu que, aux fins du classement de ses éléments, le Tribunal a le droit de ne s'appuyer que sur ce que « devrait être » le classement correct de la machine ou de la combinaison de machines qui constitue une unité fonctionnelle. Le Tribunal est d'avis que, à toutes fins pratiques, cela permettrait le reclassement de marchandises qui ont déjà été classées et dont la question du reclassement, comme c'est le cas en l'espèce, est frappée de prescription. Le Tribunal n'est pas convaincu que telle ait été l'intention du Parlement. À son avis, cela entraînerait des résultats absurdes et créerait de l'incertitude sur le marché, alors que tout l'objectif du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises est le contraire. Par exemple, les éléments ou les parties qui ne sont pas encore classés bénéficieraient d'un classement dont les autres parties ou éléments de la même machine qui ont déjà été classés, et dont le reclassement est frappé de prescription, ne sauraient bénéficier. Le Tribunal n'est pas convaincu que le Parlement ait envisagé un tel régime de double classement. Le Tribunal ne peut trouver d'appui à la proposition de l'appelante ni dans le Tarif des douanes ni dans la Loi. Il ne peut pas non plus trouver d'appui à la proposition susmentionnée dans les Notes pertinentes de Sections ou de Chapitres du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises. Les Notes explicatives ne sont également d'aucune aide à cet égard.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal estime qu'il ne lui est pas loisible de classer les tubes en cause dans le numéro tarifaire 8479.89.99, comme l'a soutenu l'appelante. Le Tribunal conclut donc que les tubes et tuyaux en cause sont correctement classés dans les positions nos 73.04, 73.05 et 73.06.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [ci-après Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Pièce de l'appelante A-6, pièce 10.

4 . Voir la pièce protégée de l'intimé AP-2000-040 B-1.

5 . Conseil de coopération douanière, 2e éd., Bruxelles, 1996 [ci-après Notes explicatives].

6 . Windsor Wafers, Division of Beatrice Foods c. S-MRNDA (21 novembre 1991), AP-89-281 (TCCE) [ci-après Windsor Wafers]; Grinnell Corp. of Canada c. S-MRN (14 février 1997), AP-95-254 (TCCE) [ci-après Grinnell]; Asea Brown Boveri c. S-MRN (5 novembre 1996), AP-95-189 [ci-après Asea Brown Boveri].

7 . Voir S-MRNDA c. Hydro-Québec, [1994] 172 N.R. 247.

8 . Voir Amoco Canada Petroleum c. S-MRNDA, [1983] 5 C.E.R. 442 aux pp. 445-446.

9 . Supra note 2, annexe [ci-après Règles générales].

10 . Supra note 6, Windsor Wafers et Asea Brown Boveri.

11 . ADRC, « Politique administrative - Interprétation tarifaire "unités fonctionnelles" », Mémorandum D10-13-2 (3 avril 1992) [ci-après politique administrative].

12 . Supra note 2, annexe.

13 . Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

14 . « Les machines à traire dans lesquelles les différents éléments composants (pompe à vide, pulsateur, gobelets trayeurs et pots collecteurs) sont séparés et reliés entre eux par des canalisations souples ou rigides (no 84.34). »


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Publication initiale : le 25 avril 2002