LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE

Décisions


LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL POUR LES DOUANES ET L'ACCISE
v.
UNICARE MEDICAL PRODUCTS INC.
Appels nos 2437, 2438, 2485, 2591 et 2592

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, lundi, le 30 avril 1990

Appels nos 2437, 2438, 2485,

2591 et 2592

EU ÉGARD À des requêtes entendues le 14 septembre 1989 à l'égard des appels présentés en conformité avec l'article 47 de la Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, chap. C-40;

ET EU ÉGARD À des décisions du sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise en date du 22 novembre 1985, du 29 novembre 1985, du 29 janvier 1986 et du 20 mai 1986 concernant des demandes de nouvelle détermination présentées en conformité avec l'article 46 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

LE SOUS-MINISTRE DU REVENU NATIONAL

POUR LES DOUANES ET L'ACCISEDemandeur-intimé

ET

UNICARE MEDICAL PRODUCTS INC.Appelante-intimée

Les requêtes de rejet des appels nos 2437, 2438, 2485, 2591 et 2592 pour cause d'abandon des appels sont refusées. Cependant, le Tribunal ordonne que l'audience de ces appels soit prévue à Ottawa (Ontario) le 9 mai 1990 à 10 h.


Robert J. Bertrand, c.r. ______ Robert J. Bertrand, c.r. Membre présidant

Sidney A. Fraleigh ______ Sidney A. Fraleigh Membre

W. Roy Hines ______ W. Roy Hines Membre

Robert J. Martin ______ Robert J. Martin Secrétaire





Tarif des douanes - requêtes de rejet pour cause d'abandon - Est-ce que le Tribunal canadien du commerce extérieur a la compétence pour rejeter un appel pour cause d'abandon lorsque l'appelant, ayant présenté des avis d'appel en vertu de l'article47 de la Loi sur les douanes, S.R.C., chap. C-40, et dans les délais prescrits, n'a pas présenté les mémoires à l'appui de l'appel.

DÉCISION : Les requêtes sont refusées. Le Tribunal n'est pas explicitement autorisé à accueillir les requêtes du Sous-ministre. Lorsqu'on lit ensemble les articles 31 et 32 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] et l'article 47 de la Loi sur les douanes, il est clair que le Parlement exige du Tribunal, qu'il permette à l'appelant qui a présenté un avis d'appel dans les délais prescrits, d'exposer ses vues oralement. Le Tribunal n'est pas non plus autorisé implicitement à accueillir de telles requêtes parce que rien n'indique qu'un tel pouvoir soit une nécessité pratique pour le Tribunal dans l'exercice de son mandat légal, qui prévoit, pour l'appelant, l'occasion d'être entendu. Finalement, le Tribunal n'est pas autorisé à accorder les requêtes sous prétexte qu'il est maître de ses procédures. Fonctionner ainsi, et alléguer une question de procédure, serait une tentative, par le Tribunal, de restreindre le droit important, accordé par le Parlement, de présenter ses vues oralement.

Vu qu'Unicare a interjeté les appels conformément à la Loi sur les douanes, vu que la Commission du Tarif a accepté de reporter l'audience de ces appels et vu que le Tribunal n'a pas encore fixé la date d'audience desdits appels, le Tribunal considère qu'il n'est pas autorisé à accueillir les requêtes de l'intimé en vue de rejeter les appels d'Unicare pour cause d'abandon des appels parce qu'Unicare n'a pas remis les mémoires concernant ces appels.

Le Tribunal est cependant autorisé à fixer la date d'audience des appels interjetés par Unicare et ordonne qu'elle ait lieu à Ottawa (Ontario) le 9mai1990 à 10h.

Lieu de l'audience : Ottawa (Ontario) Date de l'audience : Le 14 septembre 1989 Date de la décision : Le 30 avril 1990
Membres du Tribunal : Robert J. Bertrand, c.r., membre présidant Sidney A. Fraleigh, membre W. Roy Hines, membre
Greffier du Tribunal : Janet Rumball
Ont comparu : René Leblanc et Dominique Gagné, pour l'intimé
Jurisprudence : Okanagan Helicopters Ltd. c. Canadien Pacifique Ltée (1974) 1 C.F. 465; Ex parte Quevillon (1974) 20 C.C.C. 2d) 555; La Reine c. Livingston (1977) 1 C.F. 368; Interprovincial Pipe Line Ltd. c. l'Office national de l'énergie (1978) 1 C.F. 601; Référence : Loi sur l'Office national de l'énergie (1986) 3 C.F. 275.
Lois et règlements cités : Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, S.C. 1988, chap. 56, articles 31, 32, et 60, paragraphes 17(2) et 54(2), alinéa 16c; Code de procédure civile, Québec, art. 265; Loi sur les douanes, S.R.C. 1970, chap. C-40, par. 47(1) et 47(2); Loi sur les douanes, S.R.C. 1985 (2 e suppl.), chap. 1, par. 169(2); Règles de la Cour fédérale C.R.C. 1978, chap. 663, R. 440 dans sa forme modifiée.





RÉSUMÉ

Unicare Medical Products Inc. (Unicare) a présenté cinq appels différents à la Commission du tarif il y a plus de trois ans. Les appels ont été formés en vertu de l'article 47 de la Loi sur les douanes [2] et ont été interjetés dans les délais prévus par la Loi sur les douanes. Unicare en a appelé parce qu'elle n'était pas d'accord avec le classement tarifaire déterminé par le sous-ministre du Revenu national pour les douanes et l'accise (le Sous-ministre) pour les marchandises qu'elle importait.

Le 14 septembre 1989, à une audience devant le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal), le Sous-ministre, intimé dans l'appel, a demandé le rejet des cinq appels pour cause d'abandon. Unicare, même après avoir été avisée que les requêtes seraient présentées à la date indiquée, n'y a pas répondu et ne s'est pas présentée à l'audience. L'intimé soutenait qu'Unicare avait omis ou refusé, sans motif, de prendre les mesures nécessaires pour donner suite à ces appels parce qu'elle n'avait pas présenté de mémoires à l'appui desdits appels.

Le Tribunal doit déterminer s'il y a lieu d'accueillir les requêtes du Sous-ministre et de rejeter les cinq appels d'Unicare pour cause d'abandon des appels, même si cette dernière a présenté les avis d'appel en conformité avec l'article 47 de la Loi sur les douanes et dans les délais prescrits, parce que l'appelante a omis de présenter des mémoires à l'appui des appels.

Les requêtes sont refusées. Le Tribunal n'est pas explicitement autorisé à accueillir les requêtes du Sous-ministre. Lorsqu'on lit ensemble les articles 31 et 32 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [3] et l'article 47 de la Loi sur les douanes, il est clair que le Parlement exige du Tribunal, qu'il permette à l'appelant qui a présenté un avis d'appel dans les délais prescrits d'exposer ses vues oralement. Le Tribunal n'est pas non plus autorisé implicitement à accueillir de telles requêtes parce que rien n'indique qu'un tel pouvoir soit une nécessité pratique pour le Tribunal dans l'exercice de son mandat légal, qui prévoit, pour l'appelant, l'occasion d'être entendu. Finalement, le Tribunal n'est pas autorisé à accueillir les requêtes sous prétexte qu'il est maître de ses procédures. Fonctionner ainsi, et alléguer une question de procédure, serait une tentative, par le Tribunal, de restreindre le droit important, accordé par le Parlement, de présenter ses vues oralement.

Vu qu'Unicare a interjeté les appels conformément à la Loi sur les douanes, vu que la Commission du Tarif a accepté de reporter l'audience de ces appels et vu que le Tribunal n'a pas encore fixé la nouvelle date d'audience pour lesdits appels, le Tribunal considère qu'il n'est pas autorisé à accueillir les requêtes de l'intimé en vue de rejeter les appels d'Unicare pour cause d'abandon des appels parce qu'Unicare n'a pas remis les mémoires concernant ces appels.

Le Tribunal est cependant autorisé à fixer la date d'audience des appels interjetés par Unicare et ordonne qu'elle ait lieu à Ottawa (Ontario) le 9 mai 1990 à 10 h.

LES FAITS

Unicare a présenté cinq appels différents auprès de la Commission du tarif il y a plus de trois ans. Les appels ont été interjetés en vertu de l'article 47 de la Loi sur les douanes et ont été soumis dans les délais prescrits par cette loi. Unicare en a appelé parce qu'elle n'était pas d'accord avec les décisions du Sous-ministre quant au classement des marchandises importées, soit un coussin pour lit fluidisé; des protège-talons et des semelles complètes; des oreillers cervicaux; des accessoires hygiéniques pour bains et douches et une chaise pliante Convaid pour invalides.

Les appels ont initialement été interjetés auprès de la Commission du tarif, mais ceux-ci ont été confiés au Tribunal en vertu du paragraphe 54(2) et de l'article 60 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur. Par conséquent, le Tribunal est la juridiction compétente pour régler les questions se rapportant aux appels.

Le 14 septembre 1989, lors d'une audience du Tribunal, le Sous-ministre, c'est-à-dire l'intimé dans l'appel, a demandé le rejet des cinq appels, pour cause d'abandon. Même si Unicare a été avisée de la tenue de l'audience, comme l'indiquent les faits, elle ne s'est pas présentée.

Les faits pertinents qui ont mené aux requêtes du Sous-ministre demandeur sont les suivants.

Appels nos 2437 et 2438

L'appel no 2438 a été déposé le 26 décembre 1985. L'appel no 2437 a été déposé le 27 décembre 1985. Ils devaient être entendus le 6 mai 1986. Mais, le 1er avril 1986, Unicare a demandé une prorogation et, le 8 octobre 1986, elle a demandé à la Commission du tarif de placer les appels en attente. Elle n'était pas certaine de vouloir poursuivre les démarches. Le 19 janvier 1987, Unicare a précisé à la Commission du tarif qu'elle désirait que les appels soient entendus, et la date d'audience de l'appel a été fixée au 12 janvier 1988.

Le 24 novembre 1987, Unicare a demandé un autre ajournement. La Commission du tarif a indiqué qu'elle ne fixerait la nouvelle date de l'audience que lorsque la société soumettrait ses mémoires. Unicare a convenu d'aviser la Commission du tarif lorsqu'elle soumettrait ses mémoires, mais elle ne l'a pas fait. Elle a plutôt avisé l'intimé, le 1er novembre 1988, qu'elle n'était pas certaine de vouloir poursuivre la procédure d'appel.

Unicare a communiqué de nouveau avec le Tribunal, les 10 et 27 avril 1989, lui indiquant qu'elle lui ferait savoir si elle avait l'intention de poursuivre ou non, ce qu'elle n'a pas encore fait.

Le 12 juin 1989, les avocats du Sous-ministre faisaient parvenir, par courrier recommandé, une lettre à Unicare, l'avisant que, si elle ne soumettait pas ses mémoires à l'appui des deux appels au plus tard le 26 juin 1989, ils demanderaient au Tribunal de rejeter les appels pour cause d'abandon des appels.

Dans une lettre datée du 7 juillet 1989, les avocats du Sous-ministre, n'ayant reçu ni mémoires ni autres documents à l'appui des appels d'Unicare, ont demandé au Tribunal de fixer une date pour entendre la requête de rejet des appels pour cause d'abandon.

Dans une lettre datée du 9 août 1989, le secrétaire du Tribunal avisait Unicare que le président du Tribunal avait ordonné que la requête de rejet soit entendue le 14 septembre 1989. Unicare a aussi été avisée de l'endroit et de l'heure de l'audience.

Pour terminer, les avocats du Sous-ministre remettaient à Unicare, par courrier recommandé, le 24 août 1989, des copies de la requête de rejet pour cause d'abandon des appels.

Appel no 2485

L'appel no 2485 a été présenté le 5 février 1986. Avant que la date de l'audience n'ait été fixée, Unicare a demandé à la Commission du tarif, le 8 octobre 1986, de placer l'appel en attente, car elle n'était pas certaine de vouloir poursuivre les démarches. Le 19 janvier 1987, Unicare a fait savoir à la Commission du tarif qu'elle voulait que les appels soient entendus, et la date d'audience de l'appel a été fixée au 12 janvier 1988.

Le 24 novembre 1987, Unicare a demandé un autre ajournement. La Commission du tarif a indiqué qu'elle ne fixerait la nouvelle date de l'audience que lorsque la société soumettrait ses mémoires. Unicare a convenu d'aviser la Commission du tarif lorsqu'elle soumettrait ses mémoires, mais elle ne l'a pas fait. Elle a plutôt avisé l'intimé, le 1er novembre 1988, qu'elle n'était pas certaine de vouloir poursuivre la procédure d'appel.

Unicare a communiqué de nouveau avec le Tribunal, les 10 et 27 avril 1989, lui indiquant qu'elle lui ferait savoir si elle avait l'intention de poursuivre ou non, ce qu'elle n'a pas encore fait.

Le 12 juin 1989, les avocats du Sous-ministre faisaient parvenir, par courrier recommandé, une lettre à Unicare, l'avisant que, si elle ne soumettait pas ses mémoires à l'appui de l'appel au plus tard le 26 juin 1989, ils demanderaient au Tribunal de rejeter les appels pour cause d'abandon des appels.

Dans une lettre datée du 7 juillet 1989, les avocats du Sous-ministre, n'ayant reçu ni mémoires ni autres documents à l'appui des appels d'Unicare, ont demandé au Tribunal de fixer une date pour entendre la requête de rejet des appels pour cause d'abandon.

Dans une lettre datée du 9 août 1989, le secrétaire du Tribunal avisait Unicare que le président du Tribunal avait ordonné que la requête de rejet soit entendue le 14 septembre 1989. Unicare a aussi été avisée de l'endroit et de l'heure de l'audience.

Pour terminer, les avocats du Sous-ministre remettaient à Unicare, par courrier recommandé, le 24 août 1989, des copies de la requête de rejet pour cause d'abandon.

Appels nos 2591 et 2592

Les appels nos 2591 et 2592 ont été déposés le 13 juin 1986. Avant que la date de l'audience n'ait été fixée, Unicare a demandé à la Commission du tarif, le 8 octobre 1986, de placer les appels en attente, car elle n'était pas certaine de vouloir poursuivre les démarches. De toute évidence, elle a décidé de poursuivre parce que, le 26 juillet 1988, elle a fait savoir à la Commission du tarif qu'elle communiquerait avec elle dans un délai d'une semaine pour préciser à quel moment elle avait l'intention de présenter les mémoires. Elle n'a jamais communiqué avec la Commission. Elle a plutôt avisé l'intimé, le 1er novembre 1988, qu'elle n'était pas certaine de vouloir poursuivre la procédure d'appel.

Unicare a communiqué de nouveau avec le Tribunal les 10 et 27 avril 1989, lui indiquant qu'elle lui ferait savoir si elle avait l'intention de poursuivre ou non, ce qu'elle n'a pas encore fait.

Le 26 juin 1989, les avocats du Sous-ministre faisaient parvenir, par courrier recommandé, une lettre à Unicare, l'avisant que, si elle ne soumettait pas ses mémoires à l'appui des deux appels au plus tard le 11 août 1989, ils demanderaient au Tribunal de rejeter les appels pour cause d'abandon.

Dans une lettre datée du 15 août 1989, les avocats du Sous-ministre, n'ayant reçu ni mémoires ni autres documents à l'appui des appels d'Unicare, ont demandé au Tribunal de fixer une date pour entendre la requête de rejet des appels pour cause d'abandon.

Dans une lettre datée du 23 août 1989, le secrétaire du Tribunal avisait Unicare que le président du Tribunal avait ordonné que la requête de rejet soit entendue le 14 septembre 1989. Unicare a aussi été avisée de l'endroit et de l'heure de l'audience.

Pour terminer, les avocats du Sous-ministre remettaient à Unicare, par courrier recommandé, le 24 août 1989, des copies de la requête de rejet pour cause d'abandon.

LE LITIGE

Le Tribunal doit déterminer s'il doit accueillir les requêtes du Sous-ministre et rejeter les cinq appels présentés par Unicare, parce que l'appelante a omis de présenter les mémoires appuyant les appels, même si cette dernière a présenté un avis d'appel en vertu de l'article 47 de la Loi sur les douanes et dans les délais prescrits. Si le Tribunal accepte les requêtes, avec possibilité que la décision puisse être rejetée en appel, Unicare perdra son droit statutaire d'appel des décisions du Sous-ministre concernant les marchandises qu'elle a importées.

Le Sous-ministre était d'avis que les requêtes devaient être acceptées. L'argument des avocats de ce dernier comportait deux volets. Tout d'abord, étant une cour supérieure d'archives, en vertu de l'article 17 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal dispose de la compétence inhérente pour accueillir les requêtes de rejet pour cause d'abandon. À l'appui de ce point, les avocats ont cité la règle 440 des Règles de la Cour fédérale [4] , qui permet à la Cour fédérale, Section de première instance, de rejeter une poursuite pour cause d'abandon, et l'article 265 du Code de procédure civile, Québec.

Ensuite, et concernant le bien-fondé des requêtes, les avocats du Sous-ministre ont soutenu que plus de trois ans s'étaient écoulés depuis qu'Unicare avait soumis ses appels. Selon les avocats, les faits qui ont mené aux requêtes indiquent clairement qu'Unicare a omis ou refusé, sans raison, de prendre les mesures nécessaires pour poursuivre la procédure d'appel. De fait, selon les avocats, l'absence de la société à l'audience de la requête constitue une preuve concluante qu'elle ne désire pas poursuivre la procédure.

Les avocats ont déclaré que, si le Tribunal ne rejetait pas les appels pour cause d'abandon, il devrait ordonner à Unicare de présenter les mémoires concernant les cinq appels dans un délai que le Tribunal jugerait raisonnable, et que, si la société n'obtempérait pas, le Tribunal devrait rejeter les appels.

DÉCISION

Avant d'étudier le bien-fondé des requêtes, le Tribunal doit régler la question de la compétence et déterminer s'il a le pouvoir d'accueillir de telles requêtes de rejet des appels pour cause d'abandon.

Le Tribunal canadien du commerce extérieur est un organisme créé par la loi comme une cour d'archives. Selon le paragraphe 17(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, il détient les attributions d'une cour supérieure d'archives, mais seulement :

... pour la comparution, la prestation de serment et l'interrogatoire des témoins, la production et l'examen des pièces, l'exécution de ses ordonnances, ainsi que pour toutes autres questions liées à l'exercice de sa compétence...

À titre d'organisme créé par une loi, sa compétence lui vient exclusivement du Parlement. Son pouvoir lui est explicitement ou implicitement conféré par la loi habilitante ou par d'autres lois fédérales qui lui donnent sa compétence [5] .

La compétence expresse du Tribunal concernant les appels est, selon l'alinéa 16c) de la Loi,

... de connaître de tout appel pouvant y être interjeté en vertu de toute autre loi fédérale ou de ses règlements et des questions connexes...

Par conséquent, la compétence du Tribunal se trouve dans la loi pertinente régissant les présents appels.

Comme les appels d'Unicare ont été interjetés, avant l'entrée en vigueur de la Loi sur les douanes adoptée le 10 novembre 1986, les procédures, en conformité avec le paragraphe 169(2) de la nouvelle Loi sur les douanes [6]

... sont menées à terme comme si cette dernière et ses règlements d'application n'avaient pas été édictés.

Il s'ensuit que les dispositions législatives pertinentes régissant les présents appels se trouvent dans la Loi sur les douanes telle qu'elle existait avant les modifications de 1986 (l'ancienne Loi sur les douanes).

Le paragraphe 47(1) de l'ancienne Loi sur les douanes stipule que :

Une personne qui se croit lésée par une décision du Sous-ministre,

a) sur la classification tarifaire ou la valeur imposable,

b) établie selon l'article 45, ou

c) sur la question de savoir si quelque drawback de droits douaniers est payable ou sur le taux d'un tel drawback,

peut appeler de la décision à la Commission du tarif en déposant par écrit un avis d'appel entre les mains du secrétaire de la Commission du tarif dans les soixante jours qui suivent la date à laquelle la décision a été rendue.

Le Parlement a donc expressément et effectivement prévu, non seulement un droit d'appel, mais aussi la procédure sur la façon d'interjeter un appel : par la présentation d'un avis écrit dans le délai prévu. Le Parlement n'a pas imposé d'autres exigences pour qu'un appel soit valable et, lorsque cette seule exigence est respectée, la Commission du tarif, maintenant le Tribunal, est saisie de l'appel. L'ancienne Loi sur les douanes indique, à l'article 47(2) ce qui suit :

Avis d'audition d'un appel en vertu du paragraphe (1) doit être publié dans la Gazette du Canada au moins vingt et un jours avant la date de l'audition, et toute personne qui, à cette date ou avant cette date, signifie au secrétaire de la Commission du tarif [le Tribunal] qu'elle comparaîtra, peut être entendue sur l'appel.

Cette exigence statutaire qui, prévoit la tenue d'une audience, équivaut au droit d'être entendue qu'a toute personne ayant des intérêts monétaires pouvant être touchés par une décision d'un tribunal administratif.

Le Tribunal doit donc offrir à l'appelant et aux intervenants, s'il y a lieu, l'occasion d'être entendus sur le sujet de l'appel. Par ailleurs, on peut conclure, d'après le libellé des articles 31 et 32 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, que le Tribunal doit prévoir une audience; voici d'ailleurs le libellé des articles en question :

31. Toute partie à une instance devant le Tribunal peut comparaître en personne ou être représentée par un avocat ou un mandataire.

32. Le Tribunal peut tenir ses séances [audiences], à huis clos sur demande de l'une des parties, à condition que celle-ci lui en démontre la nécessité en l'espèce.

Le recours aux expressions comparution, représentation par un avocat ou un mandataire et séance [audience] à huis clos signifie que le Parlement avait envisagé la possibilité que les vues soient exposées oralement.

D'après le Tribunal, en raison de ces articles et du paragraphe 47(2) de l'ancienne Loi sur les douanes, il est contraint de permettre ou de prévoir la tenue d'une audience qui peut avoir lieu à huis clos et au cours de laquelle les vues sont exposées oralement. Si elles décident de ne pas se prévaloir de ce droit à exposer oralement leurs vues, les parties peuvent cependant présenter leur cause par écrit et, dans pareil cas, le Tribunal devrait statuer sur l'appel en fonction des documents dont il dispose.

Étant donné le cadre législatif régissant les présents appels et selon lequel le Parlement a explicitement énoncé les obligations de Tribunal sans mentionner d'obligations pour l'appelant, sinon celle de présenter l'avis d'appel selon les délais prescrits, le Tribunal considère que le Parlement a traité à fond la question de la façon d'interjeter un appel. Par conséquent, le Tribunal n'a pas la compétence pour statuer sur l'appel concernant les requêtes de rejet pour cause d'abandon des appels sous prétexte que l'appelant n'a pas remis un mémoire écrit. Selon le Tribunal, le fait d'accueillir de telles requêtes reviendrait à affirmer, contrairement aux buts expressément visés, que le Tribunal peut, en statuant sur une requête, statuer sur un appel, sans prévoir une audience sur le sujet de l'appel.

En raison du cadre législatif défini précédemment, le Tribunal considère aussi qu'il n'a pas la compétence implicite pour rejeter les appels pour cause de juridiction parce que l'appelant a omis de présenter un mémoire.

La notion de compétence implicite, en ce qui concerne les organismes créés par une loi, par exemple, le Tribunal, a fait l'objet des décisions de la Cour fédérale d'appel dans la cause Interprovincial Pipe Line Ltd. c. l'Office national de l'énergie [7] et dans Référence : la Loi sur l'Office national de l'énergie [8] . Comme l'a mentionné le juge Le Dain (page 608) dans la cause concernant Interprovincial Pipe Line Ltd. (supra), même en l'absence d'une autorisation explicite dans une loi constitutive concernant l'exercice d'un pouvoir en particulier, ledit pouvoir peut quand même exister implicitement en raison de la nature de l'autorité réglementaire qui a été confiée à l'organisme en question.

La question qu'il faut se poser, telle qu'elle a été présentée dans le Renvoi concernant l'Office national de l'énergie (supra), lorsqu'il s'agit de savoir s'il peut être affirmé qu'un pouvoir relève implicitement de la compétence d'un organisme créé par une loi est la suivante : est-ce que «... il avait été prouvé qu'il était pratiquement indispensable que l'organisme de réglementation puisse exercer ce pouvoir afin d'atteindre les buts visés expressément par le Parlement» [9] ? (soulignement ajouté)

De toute évidence, dans un appel interjeté sous le régime de l'ancienne Loi sur les douanes, un des buts visés expressément par le Parlement est d'imposer au Tribunal l'obligation d'offrir à l'appelant la possibilité d'exposer ses vues oralement à condition que l'avis d'appel soit présenté à temps. Prétendre, comme l'affirme le Sous-ministre, que le Tribunal a le pouvoir implicite de refuser ce droit parce que les mémoires n'ont pas été soumis, même si l'avis d'appel a été présenté dans les délais prescrits, ne conduirait pas le Tribunal, du moins selon ce dernier, à exécuter le mandat que lui impose la loi d'offrir à l'appelant l'occasion d'être entendue. Au contraire, selon le Tribunal, supposer que le Parlement a accordé le pouvoir implicite de refuser un appel pour cause d'abandon parce que les mémoires n'ont pas 9‚té soumis, permettrait au Tribunal de contourner l'obligation, visée expressément par le Parlement, d'accorder à l'appelant l'occasion d'exposer ses vues oralement.

Finalement, tout en sachant qu'il est maître de ses propres procédures, le Tribunal ne considère pas que ce pouvoir lui permet de refuser l'appel pour cause d'abandon parce que l'appelant n'a pas soumis de mémoires. Le pouvoir du Tribunal sur ses propres procédures relève, évidemment, de la loi constitutive (c'est-à-dire la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur), des autres lois fédérales qui lui donnent compétence (c'est-à-dire la Loi sur les douanes dans la présente cause), et de l'obligation de respecter les règles de la justice naturelle.

Étant donné ce contexte légal, dans lequel sont évalués les appels visés par l'ancienne Loi sur les douanes, le Tribunal considère qu'obliger l'appelant, qui a remis l'avis d'appel en temps opportun, à présenter un mémoire sous menace de voir l'appel rejeté pour cause d'abandon si elle ne le fait pas, ne relève plus de la procédure. Cela constituerait plutôt un abus de pouvoir puisqu'il s'agirait, sous prétexte d'une question de procédure, d'une tentative par le Tribunal, de restreindre le droit formel, accordé à l'appelant par le Parlement, d'exposer ses vues oralement.

En résumé, puisqu'Unicare a interjeté les appels en conformité avec l'ancienne Loi sur les douanes, puisque la Commission du tarif a convenu de reporter l'audience des appels et puisque le Tribunal n'a pas encore prévu la date de l'audience des appels d'Unicare, le Tribunal considère qu'il n'est pas autorisé à accueillir les requêtes de l'intimé et à rejeter les appels d'Unicare pour cause d'abandon, sous prétexte que cette dernière n'a pas soumis les mémoires visant les appels.

Cependant, comme il est maître de ses procédures, le Tribunal est autorisé à fixer la date de l'audience pour les appels d'Unicare, à demander au secrétaire du Tribunal d'aviser l'appelante qu'elle est tenue de se présenter devant le Tribunal à la date indiquée, à défaut de quoi le Tribunal procédera ex parte. Si l'appelante ne se présente pas, le Tribunal pourra alors statuer sur les appels en se fondant sur les éléments de preuve au dossier.

CONCLUSION

Par conséquent, les requêtes de rejet pour cause d'abandon des appels sous prétexte qu'Unicare n'a pas soumis ses mémoires sont refusées. Par contre, le Tribunal ordonne que les appels soient entendus à Ottawa (Ontario) le 9 mai 1990, à 10 h.


[ Table des matières]

1. S.C. 1988, chap. 56.

2. S.R.C. 1970, chap. C-40.

3. S.C. 1988, chap. 56.

4. C.R.C. 1978, chap. 663 (dans sa forme modifiée).

5. La Cour fédérale du Canada, en tant que cour créée par une loi, se trouve dans une situation similaire : Okanagan Helicopters Ltd. c. Canadien Pacifique Ltée (1974) 1 C.F. 465; Ex parte Quevillon (1974) 20 C.C.C. 2d) 555; La Reine c. Livingston (1977) 1 C.F. 368.

6. S.R.C. 1985 (2e Suppl.) chap. 1.

7. (1978) 1 C.F. 601.

8. (1986) 3 C.F. 275.

9. Opinion du juge Heald, page 286.


Publication initiale : le 21 août 1997