BRECKNELL, WILLIS & CO. LTD.

Décisions


BRECKNELL, WILLIS & CO. LTD.
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2001-071


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 22 novembre 2002

Appel no AP-2001-071

EU ÉGARD À un appel entendu le 9 mai 2002 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD à plusieurs décisions rendues le 1er octobre 2001 par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

BRECKNELL, WILLIS & CO. LTD. Appelante

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est admis.



James A. Ogilvy

James A. Ogilvy
Membre présidant



Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire

 

 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de plusieurs décisions rendues le 1er octobre 2001 par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes. Les marchandises en cause sont des rails conducteurs et ont été importées à diverses dates en 2000.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 7616.99.90 à titre d'autres ouvrages en aluminium, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8544.51.90 à titre d'autres conducteurs isolés pour l'électricité, comme l'a soutenu l'appelante.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal doit classer les marchandises en cause d'après la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé et doit déterminer leur classement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres. Étant donné qu'aucune des substances isolantes et aucun des dispositifs isolants dont l'appelante a fait état ne qualifierait les marchandises en cause de marchandises isolées, le Tribunal ne les considère pas comme des conducteurs isolés pour l'électricité et ne peut donc les classer dans la position no 85.44. Eu égard à la position no 76.16, étant donné son caractère résiduel, avant de déterminer si les marchandises en cause peuvent être classées dans cette position, le Tribunal doit vérifier qu'elles ne peuvent être classées ailleurs dans la nomenclature. Après avoir examiné d'autres positions de rechange, le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 76.04, qui dénomme les barres et profilés en aluminium. Le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 7604.29.20 à titre d'autres barres et profilés en aluminium, en alliage d'aluminium, ouvrés.

Lieu de l'audience :

Vancouver (Colombie-Britannique)

Date de l'audience :

Le 9 mai 2002

Date de la décision :

Le 22 novembre 2002

   

Membre du Tribunal :

James A. Ogilvy, membre présidant

   

Conseiller pour le Tribunal :

Dominique Laporte

   

Greffier :

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

Gary K. Eng , pour l'appelante

 

Patricia Johnston, pour l'intimé

 

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

INTRODUCTION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 à l'égard de plusieurs décisions rendues le 1er octobre 2001 par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi. Les marchandises en cause, des rails conducteurs, ont été importées à diverses dates en 2000.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 7616.99.90 de l'annexe du Tarif des douanes 2 à titre d'autres ouvrages en aluminium, comme l'a déterminé l'intimé, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 8544.51.90 à titre d'autres conducteurs isolés pour l'électricité, comme l'a soutenu l'appelante.

La nomenclature tarifaire dont les parties ont fait état est la suivante :

76.16 Autres ouvrages en aluminium.

76.16.99 --Autres

76.16.99.90 ---Autres

85.44 Fils, câbles (y compris les câbles coaxiaux) et autres conducteurs isolés pour l'électricité (même laqués ou oxydés anodiquement), munis ou non de pièces de connexion; câbles de fibres optiques, constitués de fibres gainées individuellement, même comportant des conducteurs électriques ou munis de pièces de connexion.

-Autres conducteurs électriques, pour tensions excédant 80 V mais n'excédant pas 1.000 V :

8544.51 --Munis de pièces de connexion

8544.51.90 ---Autres

PREUVE

M. David Julian Hartland, un ingénieur électricien breveté en Grande-Bretagne, a témoigné au nom de l'appelante. Le Tribunal lui a reconnu la qualité d'expert relativement à la manière dont le système de rails conducteurs fonctionne et est importé et assemblé au Canada. M. Hartland a expliqué que les rails conducteurs servaient à alimenter en électricité les véhicules SkyTrain de Vancouver (Colombie-Britannique) à partir des sous-stations situées le long de la ligne. Il a affirmé que, pour transporter l'électricité des sous-stations jusqu'au train lui-même, on monte des rails conducteurs le long de la voie, le train prenant le courant des rails conducteurs au moyen d'une série de frotteurs disposés tout au long du train. Il a témoigné que, étant donné la haute tension à l'alimentation, les rails conducteurs doivent être isolés pour empêcher les pertes de courant et garder tout passager à distance. Il a expliqué que le système est isolé de deux façons. Premièrement, un isolateur soutient le rail conducteur et empêche la perte de courant vers la terre. Deuxièmement, un capot monté sur le dessus du rail et couvrant la face arrière empêche les personnes et les animaux de toucher au rail. Même si M. Hartland a reconnu que les rails conducteurs n'étaient pas complètement recouverts, il a témoigné que le système de rails conducteurs est isolé une fois monté sur la ligne.

En réponse à des questions de l'intimé, M. Hartland a soutenu que les rails étaient de structure composite, faite d'acier et d'aluminium. Il a de plus précisé que, tandis que le composant en acier servait à prévenir l'usure causée par les frotteurs du train, le composant en aluminium était principalement utilisé à cause de ses propriétés de conductibilité électrique. De plus, M. Hartland a témoigné que l'air est une troisième matière qui isole le rail conducteur. Interrogé à savoir s'il pouvait citer une source indépendante faisant autorité en la matière à l'appui de son affirmation selon laquelle le mot « isolé » peut s'entendre non seulement de recouvert, mais aussi de partiellement recouvert, il a répondu en disant non, mais a affirmé que le Code canadien de l'électricité 3 envisage la possibilité qu'un conducteur soit isolé partiellement par de l'air et partiellement par une matière du type composite. Quant aux protecteurs en matière plastique couvrant les rails, M. Hartland a souligné qu'ils sont installés surtout aux gares de voyageurs et qu'ils ne sont pas en contact avec les rails conducteurs et ne les enveloppent pas complètement. En ce qui a trait aux supports de montage isolés, M. Hartland a dit que la distance entre eux est de deux mètres et qu'ils ne recouvrent pas complètement les rails de guidage.

En réponse à des questions du Tribunal, M. Hartland a affirmé que la masse du composant en aluminium du rail est environ le double de celle du recouvrement en acier, à savoir 13 kg/m et 6 kg/m respectivement. Interrogé à savoir si l'air pouvait répondre à la définition de « gaine » au sens des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 4 de la position no 85.44, M. Hartland a répondu en disant oui.

M. Ted Watanabe, un ingénieur électrique principal au service de Buzan Consultants Ltd., a comparu au nom de l'intimé. Le Tribunal a reconnu à M. Watanabe la qualité d'expert en systèmes électriques, plus précisément en détermination des conducteurs isolés par rapport aux conducteurs non isolés pour l'électricité. M. Watanabe a affirmé que, à son avis, un conducteur isolé est un conducteur qui ne permet pas au courant électrique de sortir du conducteur d'une manière non prévue. M. Watanabe a aussi renvoyé au Code canadien de l'électricité, qui prévoit que le mot « isolé » signifie séparé d'autres surfaces conductrices par un matériau diélectrique ou un espace d'air dont le degré de résistance au passage du courant ainsi qu'à la décharge involontaire est suffisamment élevé pour les conditions d'utilisation. Il a témoigné que, en langage d'ingénierie courant, un conducteur isolé est un conducteur entouré d'un matériau isolant et non un conducteur entouré d'air. De plus, invité à commenter la définition de « conducteur isolé » [traduction] que donne l'Institute of Electrical and Electronics Engineers (IEEE), laquelle définition stipule notamment qu'il s'agit d'un conducteur entouré d'un diélectrique autre que l'air, M. Watanabe a affirmé qu'il fallait entendre en cela que le conducteur est entouré d'une matière solide, comme du caoutchouc ou une matière plastique. Quant à l'affirmation de l'appelante selon laquelle les protecteurs en matière plastique isolent les rails, il a dit qu'il n'était pas de l'avis que là était leur rôle, puisqu'ils ne sont pas une gaine qui entoure les rails. Au sujet des supports de montage, même s'ils isolent effectivement des étriers d'acier sous-jacents qui tiennent les rails en place, M. Watanabe a indiqué qu'ils n'entourent pas le conducteur et n'empêchent pas les contacts accidentels. Enfin, quant à l'air, il a affirmé que, bien que l'air puisse servir à isoler les rails entre eux, dans le contexte de l'expression « conducteur isolé », l'air n'isole pas, puisqu'il n'empêche pas les contacts accidentels par une personne ou un autre objet.

PLAIDOIRIE

L'appelante a soutenu que le rail conducteur en cause est un article complet ou fini et doit être classé à titre de conducteur isolé pour l'électricité dans le numéro tarifaire 8544.51.90. Elle a aussi soutenu que rien dans les Notes explicatives de la position no 85.44 ne prescrit qu'un conducteur pour l'électricité doit être complètement entouré pour être isolé.

L'intimé a soutenu que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 7616.99.90 à titre d'autres ouvrages en aluminium. Il a soutenu que les marchandises en cause sont des marchandises composées, puisqu'elles comprennent plus d'une matière, c'est-à-dire l'aluminium et l'acier. Il a de plus été soutenu que, conformément à la Règle 3 b) des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé 5 , qui régit le classement des ouvrages composés, les marchandises en cause doivent être considérées comme des ouvrages en aluminium, étant donné que le composant principal, et la matière qui confère à ces marchandises leur caractère essentiel, celui de transporter l'électricité, est l'aluminium. De ce fait, selon l'intimé, les marchandises en cause sont décrites avec précision dans la position no 76.16, et plus précisément dans la sous-position no 7616.99 et dans le numéro tarifaire 7616.99.90.

Selon l'intimé, les marchandises en cause ne peuvent être classées dans la position no 85.44. Conformément aux Notes explicatives de la position no 85.44, la condition préalable au classement dans cette position est que les marchandises sont isolées, ce qui signifie, à la lumière des déclarations du témoin expert de l'intimé, qu'elles doivent être séparées d'une autre surface conductrice. De plus, les Notes explicatives de la position no 85.44 prévoient que la gaine isolante a pour rôle d'empêcher les pertes de courant et de protéger l'élément conducteur contre les dégradations éventuelles. Traitant des trois types d'isolation possibles, l'intimé a soutenu que les protecteurs en matière plastique tout comme les isolateurs n'enveloppent pas ou ne gainent pas complètement les rails. Quant à l'air, l'intimé a fait valoir que, selon la définition que donne l'IEEE du mot « isolation » [traduction], il n'est pas un isolateur et que, en outre, selon le témoignage expert de M. Watanabe, l'air n'est pas un isolateur au sens technique du mot « isolation ».

DÉCISION

L'article 10 du Tarif des douanes prévoit que le classement de marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué en conformité avec les Règles générales et les Règles canadiennes 6 . L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions de l'annexe, il doit être tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 7 et des Notes explicatives.

Les Règles générales sont structurées en cascade. Si le classement d'un article ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite. La Règle 1 prévoit ce qui suit :

Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n'ayant qu'une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les Règles suivantes.

L'appelante a soutenu que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 85.44 à titre de conducteurs isolés pour l'électricité, tandis que l'intimé a soutenu qu'elles étaient correctement classées dans la position no 76.16 à titre d'autres ouvrages en aluminium. À l'audience, le Tribunal a aussi examiné d'autres positions possibles eu égard au classement des marchandises en cause. Parmi ceux-ci était la position no 76.04 qui dénomme les barres et profilés en aluminium. Par conséquent, les positions concurrentes en l'espèce sont les suivantes :

76.04 Barres et profilés en aluminium.

76.16 Autres ouvrages en aluminium.

85.44 Fils, câbles (y compris les câbles coaxiaux) et autres conducteurs isolés pour l'électricité (même laqués ou oxydés anodiquement), munis ou non de pièces de connexion; câbles de fibres optiques, constitués de fibres gainées individuellement, même comportant des conducteurs électriques ou munis de pièces de connexion.

L'appelante a exhorté le Tribunal à conclure que les marchandises en cause pouvaient être classées dans la position no 85.44 à titre de conducteurs isolés pour l'électricité. Conformément à la Règle 1 des Règles générales, le Tribunal déterminera d'abord si les termes de cette position ainsi que les Notes de Sections et de Chapitres décrivent correctement les marchandises en cause.

Selon l'appelante, les marchandises en cause sont isolées et, donc, visées dans la position no 85.44 à titre de conducteurs isolés pour l'électricité. Tout en reconnaissant que les rails ne sont pas eux-mêmes isolés, l'appelante a soutenu qu'ils présentent les caractéristiques essentielles d'un conducteur isolé en tant qu'article complet ou fini. Selon l'appelante, trois types d'isolation qualifient les marchandises en cause comme de conducteurs isolés : les protecteurs en matière plastique, les supports de montage diélectriques et l'air.

Il faut d'abord tenir compte des Notes explicatives de la position no 85.44, qui prévoient notamment ce qui suit :

Cette position couvre, dès lors qu'ils sont isolés pour l'électricité, les fils, câbles et autres conducteurs (tresses, bandes, barres, par exemple) de tous types, utilisés comme conducteurs électriques, qu'ils soient destinés à l'appareillage des machines ou installations ou au montage.

Ces articles comportent les éléments suivants :

A) Une âme conductrice enveloppée dans une ou plusieurs gaines isolantes. Suivant le cas, l'âme est massive ou faite de brins toronnés et en un seul métal ou en plusieurs.

B) La gaine isolante, dont le rôle est d'empêcher les pertes de courant et parfois, accessoirement, de protéger l'élément conducteur contre les dégradations éventuelles, peut consister en diverses matières, telles que caoutchouc, papier, matières plastiques, amiante, mica, micanite, fils de verre, textiles (parfois enduits de cire ou imprégnés), vernis, émail, brai.

[Soulignement ajouté]

Pour être conforme à la note précédente, les marchandises en cause doivent premièrement être « isolées ». Il a beaucoup été discuté à l'audience du sens qu'il convient de donner à ce mot. Selon les définitions avancées par M. Watanabe, le mot « isolé », considéré isolément, signifie « [s]éparé d'autres surfaces conductrices par un matériau diélectrique ou un espace d'air dont le degré de résistance au passage du courant ainsi qu'à la décharge involontaire est suffisamment élevé pour les conditions d'utilisation »8 . À première vue, ceci semblerait corroborer l'affirmation de l'appelante selon laquelle les marchandises en cause peuvent être isolées uniquement par l'air. Toutefois, l'IEEE définit l'expression « conducteur isolé » [traduction] ainsi :

(1) Un conducteur gainé d'une matière d'une composition et d'une épaisseur que ce Code reconnaît comme diélectrique.

(2) Un conducteur recouvert d'un diélectrique (autre que l'air) d'une rigidité nominale diélectrique égale ou supérieure à la tension du circuit où il est utilisé9 .

[Traduction]

Par conséquent, lorsqu'il qualifie le mot « conducteur », le mot « isolé » a une acception plus étroite et sa portée ne s'étend plus à l'isolation par l'air. Étant donné que les Notes explicatives de la position no 85.44 prescrivent clairement que les conducteurs dénommés « sont isolés », le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause, pour y être dénommées, doivent répondre à la définition de « conducteur isolé ».

De plus, les Notes explicatives prévoient que, pour être dénommées dans la position no 85.44, les marchandises en cause doivent comporter une « gaine isolante, dont le rôle est d'empêcher les pertes de courant et parfois, accessoirement, de protéger l'élément conducteur contre les dégradations éventuelles ». À l'audience, des avis contraires ont été avancés quant à savoir si la gaine doit être continue ou si elle peut n'être que partielle. Le Tribunal est d'accord avec M. Watanabe que l'interprétation qu'il convient de donner au mot « gaine » au sens des Notes explicatives et à l'expression « recouvert d'un diélectrique » au sens de la définition que donne l'IEEE de l'expression « conducteur isolé » est que le conducteur doit être complètement entouré de matière isolante et qu'aucune face non isolée ne doit être laissée exposée.

Selon le Tribunal, aucune des substances isolantes et aucun des dispositifs isolants dont l'appelante a fait état ne qualifierait les marchandises en cause de marchandises isolées. En premier lieu, eu égard aux protecteurs en matière plastique, il a été établi au cours du contre-interrogatoire que les protecteurs en matière plastique sont installés uniquement aux stations et aux autres points stratégiques le long de la ligne ferroviaire et qu'ils ne sont pas, en leur état normal, en contact avec le rail. Ainsi qu'il a déjà été indiqué, le Tribunal est d'accord avec l'intimé sur le fait que la gaine doit être continue; même si les écrans en matière plastique étaient considérés comme une « gaine » aux stations et aux autres points critiques le long de la voie, il est clair que d'importantes parties du rail conducteur entre les stations ne seraient pas « recouvertes » de ce diélectrique.

En ce qui a trait aux supports de montage, le Tribunal reconnaît qu'ils isolent effectivement les marchandises en cause, plus précisément des étriers en acier qui tiennent les rails en place. Toutefois, en ce qui concerne les protecteurs en matière plastique, il ne peut être dit qu'ils font des marchandises en cause des conducteurs isolés, étant donné que la majeure partie de la surface demeure non recouverte.

Enfin, eu égard à l'air, le Tribunal fait observer que la définition de « conducteur isolé » exclut spécifiquement l'air aux fins de recouvrement diélectrique. De plus, le Tribunal conclut que l'air ne fait pas partie des marchandises en cause et qu'il n'est pas non plus appliqué dans le cadre du procédé de fabrication ou d'installation. Il semble relever du lieu commun que de dire que, si l'air devait être considéré comme un isolateur aux fins du classement, pratiquement toutes les marchandises seraient admissibles au titre de marchandises isolées. Ceci soulève, par exemple, la question de savoir comment il pourrait être possible que des marchandises conviennent à la position no 73.12, qui dénomme notamment les torons, câbles, tresses non isolés pour l'électricité. Le Tribunal ne considère donc pas les marchandises en cause comme des conducteurs isolés pour l'électricité et ne peut donc les classer dans la position no 85.44.

L'intimé a soutenu que les marchandises en cause étaient correctement classées dans la position no 76.16, qui dénomme d'autres ouvrages en aluminium. Le Tribunal déterminera premièrement, conformément à la Règle 1 des Règles générales, si cette position comprend les marchandises en cause. Les Notes explicatives de cette position prévoient notamment ce qui suit :

Cette position englobe tous les ouvrages en aluminium autres que ceux repris, soit dans les positions précédentes du présent Chapitre, soit dans la Note 1 de la Section XV, soit dans les Chapitres 82 ou 83, soit enfin dans les autres parties de la Nomenclature.

Étant donné le caractère résiduel de la position no 76.16, avant de déterminer la question de savoir si les marchandises en cause peuvent y être classées, le Tribunal doit vérifier qu'elles ne peuvent être classées ailleurs dans la nomenclature. Après avoir examiné d'autres positions de rechange, le Tribunal est d'avis que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 76.04, qui dénomme les barres et profilés en aluminium. Les Notes explicatives de cette dernière position prévoient notamment ce qui suit :

Les produits visés à la présente position et définis aux Notes 1 a) et 1 b) du présent Chapitre, sont analogues aux articles en cuivre décrits à la Note explicative du no 74.07 et les dispositions de celle-ci leur sont applicables mutatis mutandis.

Selon le Tribunal, les marchandises en cause, conformément aux Notes explicatives de la position no 76.04, répondent à la définition de « profilés » énoncée à la Note 1 b) des Notes du Chapitre 7610 . Ce sont des marchandises fabriquées au moyen d'un procédé d'extrusion; elles présentent une section transversale constante; elles ne répondent pas à l'une ou l'autre des définitions des barres, profilés, fils, tôles, bandes et feuilles, tubes et tuyaux énoncées dans les Notes du Chapitre 76.

Il ressort des éléments de preuve que les marchandises en cause sont des composites constitués de deux composants, une âme ou une base en aluminium et un capuchon en acier. Le composant en aluminium est fait d'un alliage contenant environ 2,5 p. 100 d'autres éléments d'alliage. Étant donné que les Considérations générales des Notes explicatives du Chapitre 76 renvoient aux Considérations générales des Notes explicatives de la Section XV pour le classement des articles composés, le Tribunal est d'avis que la Règle 3 b) des Règles générales ne s'applique pas. En vérité, étant donné que les Considérations générales des Notes explicatives de la Section XV établissent leur propre ensemble de règles pour le classement d'articles composés, ce sont elles qui prévalent. Les Notes de la Section XV et les Notes explicatives de la Section XV prévoient notamment ce qui suit :

7.- Règle des articles composites :

Sauf dispositions contraires résultant du libellé des positions, les ouvrages en métaux communs ou considérés comme tels, qui comprennent deux ou plusieurs métaux communs, sont classés avec l'ouvrage correspondant du métal prédominant en poids sur chacun des autres métaux.

La Note B des Notes explicatives de la Section XV stipule notamment ce qui suit :

B.- OUVRAGES COMPOSITES EN MÉTAUX COMMUNS

Aux termes de la Note 7 de la présente Section, les ouvrages en métaux communs composés de deux ou plusieurs métaux sont classés, sauf dispositions contraires résultant du libellé des positions (c'est le cas, par exemple, des clous avec tige en fer ou en acier et tête en cuivre, qui sont repris avec les clous en cuivre sans égard aux proportions des constituants), avec l'ouvrage correspondant du métal prédominant en poids sur chacun des autres métaux. La même règle s'applique aux ouvrages comportant des parties non métalliques pour autant que par application des Règles générales interprétatives, ce soit le métal commun qui confère à l'ouvrage son caractère essentiel.

Pour l'application de cette règle, on considère :

1) La fonte, le fer et l'acier comme constituant un seul métal.

2) Les alliages comme constitués, pour la totalité de leur poids, par le métal dont ils suivent le régime; c'est ainsi que la laiton (alliage cuivre-zinc) serait traité comme cuivre.

Il ressort des éléments de preuve que, dans une section transversale, le poids de l'aluminium sur toute longueur est supérieur à celui de l'acier inoxydable dans une proportion de 2:111 . Le Tribunal est donc d'avis que les marchandises en cause, compte tenu de leur caractère composite, doivent être classées à titre d'ouvrages en aluminium, étant donné que l'aluminium prédomine en poids sur l'acier. À la lumière de ce qui précède, et étant donné que les marchandises en cause sont des profilés, le Tribunal conclut que les marchandises en cause doivent être classées à titre de barres et profilés en aluminium dans la position no 76.04.

Ayant classé les marchandises en cause au niveau de la position, le Tribunal les classera maintenant au niveau de la sous-position. À cette fin, la Règle 6 des Règles générales se lit ainsi :

Le classement des marchandises dans les sous-positions d'une même position est déterminé légalement d'après les termes de ces sous-positions et des Notes de sous-positions ainsi que, mutatis mutandis, d'après les Règles ci-dessus, étant entendu que ne peuvent être comparées que les sous-positions de même niveau. Aux fins de cette Règle, les Notes de Sections et de Chapitres sont également applicables sauf dispositions contraires.

Les sous-positions concurrentes sont les suivantes :

[Barres et profilés en aluminium.]

7604.10 -En aluminium non allié

[-En alliages d'aluminium :]

7604.21 --Profilés creux

7604.29 --Autres

Conformément à la Note 1 des Notes de sous-positions du Chapitre 7612 , les marchandises en cause sont définies comme étant des alliages d'aluminium étant donné que la teneur en poids des autres éléments d'alliage de l'alliage d'aluminium excède 1 p. 100. Puisque les marchandises en cause ne peuvent être dénommées à titre de profilés creux, le Tribunal conclut qu'elles peuvent être classées uniquement dans la sous-position no 7604.29 à titre d'autres barres et profilés en aluminium, en alliages d'aluminium.

Le Tribunal doit maintenant classer les marchandises en cause au niveau du numéro tarifaire. À cet égard, la Règle 1 des Règles canadiennes se lit ainsi :

Le classement des marchandises dans les numéros tarifaires d'une sous-position ou d'une position est déterminé légalement d'après les termes de ces numéros tarifaires et des Notes supplémentaires ainsi que, mutatis mutandis, d'après les [Règles générales], étant entendu que ne peuvent être comparés que les numéros tarifaires de même niveau. Aux fins de cette Règle, les Notes de Sections, de Chapitres et de sous-positions sont également applicables sauf dispositions contraires.

Les numéros tarifaires de la sous-position no 7604.29 sont les suivants :

[---Non ouvrés]

7604.29.11 ----Barres dont la plus grande dimension de la section transversale excède 12,7 mm

7604.29.12 ----Barres dont la plus grande dimension de la section n'excède pas 12,7 mm;

7604.29.20 ---Ouvrés

La Note 1 a) des Notes supplémentaires du Chapitre 76 définit l'expression « non ouvrés » comme signifiant, lorsqu'elle se rapporte aux barres et profilés, « les produits n'ayant pas reçu une ouvraison ultérieure à leur obtention (non usinés, ni perforés, ni percés, ni tordus, ni gaufrés par exemple) ». La fiche technique des rails conducteurs indique que deux trous sont perforés au préalable dans le rail à chaque extrémité pour faciliter l'assemblage. Elle indique aussi que la partie frottante en acier inoxydable est constituée de profilés en « J », rétractés sur le profilé en aluminium au moyen d'un joint longitudinal soudé13 . Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne répondent pas à la définition de l'expression « non ouvrés » et doivent donc être classées dans le numéro tarifaire 7604.29.20 à titre d'autres barres et profilés en aluminium, en alliages d'aluminium, ouvrés.

Pour les motifs qui précèdent, l'appel est admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [ci-après Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Partie I, 18e éd. (1998).

4 . Conseil de coopération douanière, 2éd., Bruxelles, 1996 [ci-après Notes explicatives].

5 . Supra note 2, annexe [ci-après Règles générales].

6 . Supra note 2, annexe.

7 . Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

8 . Supra note 3, s.v. « Isolé ».

9 . The IEEE Standard Dictionary of Electrical and Electronics Terms, 6e éd., 1996, s.v. « insulated conductor » (conducteur isolé).

10 . b) Profilés

les produits laminés, filés, étirés, forgés ou obtenus par formage ou pliage, enroulés ou non, d'une section transversale constante sur toute leur longueur, qui ne correspondent pas à l'une quelconque des définitions des barres, fils, tôles, bandes, feuilles, tubes ou tuyaux. On considère également comme tels les produits de même forme, obtenus par moulage, coulage ou frittage, lorsqu'ils ont reçu postérieurement à leur obtention une ouvraison supérieure à un ébarbage grossier, pourvu que cette ouvraison n'ait pas pour effet de conférer à ces produits le caractère d'articles ou d'ouvrages repris ailleurs.

11 . Selon les éléments de preuve, la masse de l'aluminium est de 13 kg/m, tandis que la masse du capuchon en acier est de 6 kg/m.

12 . La Note 1 b) des Notes de sous-positions en cause décrit les « [a]lliages d'aluminium » comme des «  matières métalliques dans lesquelles l'aluminium prédomine en poids sur chacun des autres éléments, pour autant que :

1) la teneur en poids d'au moins un des autres éléments, ou du total fer silicium, excède les limites indiquées dans le tableau ci-dessus; ou

2) la teneur totale en poids de ces autres éléments excède 1 %. »

13 . Mémoire de l'appelante, fiche technique à la p. 8 de 8.