IMATION CANADA INC.

Décisions


IMATION CANADA INC.
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2000-047

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 29 novembre 2001

Appel no AP-2000-047

EU ÉGARD À un appel entendu le 13 août 2001 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1, dans sa version antérieure aux modifications apportées par le Tarif des douanes, S.C. 1997, c. 36, art. 166, 169;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 23 août 2000 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 63(3) de l'ancienne Loi sur les douanes.

ENTRE

IMATION CANADA INC. Appelante

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est admis.



Patricia M. Close

Patricia M. Close
Membre présidant

Richard Lafontaine

Richard Lafontaine
Membre

Ellen Fry

Ellen Fry
Membre


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de l'ancienne Loi sur les douanes à l'égard de décisions rendues le 23 août 2000 par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada aux termes du paragraphe 63(3) de l'ancienne Loi sur les douanes. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si divers films pour appareils d'imagerie laser, importés par l'appelante entre le 7 février et le 12 juin 1997, ouvrent droit aux avantages du code 2546,comme l'a soutenu l'appelante.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal est d'avis que les films pour appareils d'imagerie laser « servent dans » des appareils d'imagerie laser, au sens que les deux sont fonctionnellement unis. Les fonctions techniques de l'appareil d'imagerie laser ont pour seul but de créer une image sur le film et, en revanche, le film sert exclusivement à l'appareil d'imagerie laser. Par conséquent, le code 2546 s'applique aux marchandises en cause.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 13 août 2001

Date de la décision :

Le 29 novembre 2001

   

Membres du Tribunal :

Patricia M. Close, membre présidant

 

Richard Lafontaine, membre

 

Ellen Fry, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Greffier :

Margaret Fisher

   

Ont comparu :

Michael Sherbo et Tony Fischetti, pour l'appelante

 

Ritu Banerjee, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de l'ancienne Loi sur les douanes 1 à l'égard de décisions rendues le 23 août 2000 par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada aux termes du paragraphe 63(3) de l'ancienne Loi. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si divers films pour appareils d'imagerie laser, importés par l'appelante entre le 7 février et le 12 juin 1997, ouvrent droit aux avantages du code 2546 de l'annexe II de l'ancien Tarif des douanes 2 , comme l'a soutenu l'appelante.

La nomenclature tarifaire pertinente est la suivante :

37.01 Plaques et films plans, photographiques, sensibilisés, non impressionnés, en autres matières que le papier, le carton ou les textiles; films photographiques plans à développement et tirage instantanés sensibilisés, non impressionnés, même en chargeurs.
3701.30 -Autres plaques et films dont la dimension d'au moins un côté excède 255 mm
3701.30.20 ---Films
90.18 Instruments et appareils pour la médecine, la chirurgie, l'art dentaire ou l'art vétérinaire, y compris les appareils de scintigraphie et autres appareils électromédicaux ainsi que les appareils pour tests visuels.
[Code] 2546 Articles devant servir dans des marchandises des positions nos 90.18 ou 90.22 ou des nos tarifaires 8419.20.10, 9019.20.00, 9021.50.00, 9402.10.10 ou 9402.90.10.

Les parties au présent appel ont présenté au Tribunal un exposé conjoint des faits qui se lit en partie comme suit3  :

1. Les appareils d'imagerie laser sont classés dans la position no 90.18 de l'annexe I du Tarif des douanes (mémoire de l'intimé, paragraphe 17).
2. Les marchandises en cause sont des films pour appareils d'imagerie laser.
3. Les films pour appareils d'imagerie laser en cause sont physiquement connectés aux appareils d'imagerie laser (mémoire de l'intimé, paragraphes 24, 25 et 26).
4. Les cartouches de films peuvent servir uniquement avec des appareils d'imagerie laser.
5. Les marchandises en cause sont classées dans le numéro tarifaire 3701.30.20.

[Traduction]

PREUVE

M. Chris A. Austin, directeur administratif, Digital Solutions and Services & Corporate Logistics, Imation Canada Inc., a témoigné au nom de l'appelante. Il a présenté un aperçu de la propriété corporative de l'appelante ainsi qu'un aperçu de ses principales activités au moment de l'importation des marchandises en cause.

M. Darrell L. Berge, directeur du Soutien technique, Imation Digital Solutions & Services, une division d'Imation Canada Inc., a aussi témoigné au nom de l'appelante. M. Berge a indiqué que ses responsabilités concernent la formation d'ingénieurs de maintenance et le soutien technique et que, de 1993 à 1997, il a fait fonction d'ingénieur de maintenance chargé de la commercialisation des appareils d'imagerie laser médicaux. La demande de l'appelante n'ayant pas été contestée, le Tribunal a accepté que M. Berge soit considéré comme expert dans le domaine des cartouches de films pour appareils d'imagerie laser en cause.

M. Berge a confirmé que les marchandises en cause se composent de trois différents types de films pour appareils d'imagerie laser, à savoir le film DryView blue (DVB), le film bleu de haute qualité (HQB) (film plat, sensibilisé et de plus de 255 mm) et le film bleu infrarouge (IRB). M. Berge a indiqué que le film HQB se présente dans une cassette identique à celle du film DVB, sauf qu'il se prête à un développement humide, tandis que le film DVB est développé à sec. Le film HQB s'utilise dans un ancien modèle, l'appareil d'imagerie laser HQB, qui fonctionne essentiellement comme un appareil d'imagerie laser DVB. Alors que l'appareil d'imagerie laser HQB comporte un système d'étalonnage automatique identique à celui de l'appareil d'imagerie laser DVB, l'appareil d'imagerie laser utilisé avec le film IRB est doté d'un système d'étalonnage manuel qui se trouve à l'extérieur de l'appareil. M. Berge a aussi confirmé que le film IRB, comme le film HQB, se prête à un développement humide. Toutefois, le film IRB n'est pas offert dans une cartouche comme les films DVB et HQB; il se présente plutôt dans une boîte étanche à la lumière qui doit être ouverte dans une chambre noire où le film est alors transféré dans un contenant en métal qui est ensuite chargé dans l'appareil d'imagerie laser.

M. Berge a décrit l'objet déposé en tant que pièce, soit le film DVB, comme une cartouche de plastique scellée hermétiquement par une enveloppe d'aluminium, dans laquelle se trouve un film photothermographique sensible à la lumière. Il a fait remarquer que l'objet déposé comme pièce auprès du Tribunal porte la marque Kodak puisque cette société a acheté de l'appelante la production de cette ligne en 1998; au moment de l'importation, les marchandises en cause auraient été fabriquées par l'appelante et auraient porté son étiquette.

M. Berge a aussi indiqué qu'un code à barres présentant divers renseignements techniques, tels que le type de film et le numéro de lot, se trouve sous la cartouche. Il a témoigné que l'appareil d'imagerie laser utilisé avec la cartouche s'ouvre sur pression d'un bouton qui donne accès à un bac dans lequel la cartouche est insérée sous des crans d'arrêt avant de fermer le bac. À ce moment-là, un mécanisme à barres agrippe les ergots de la cartouche et ouvre l'emballage protecteur en aluminium. Simultanément, l'appareil d'imagerie laser lit le code à barres sur la cartouche et garde en mémoire les renseignements qui s'y trouvent. Suit un processus d'étalonnage approprié au type de film dans la cartouche. Le film fait ensuite l'objet d'un traitement thermique sur un tambour. Avant que le film sorte de la machine, un densimètre vérifie la densité de l'image développée afin d'assurer le bon déroulement de tout le processus. M. Berge a témoigné que l'appareil d'imagerie appose un timbre de densité sur chaque film utilisé dans la machine; ce système de contrôle automatique de la qualité permet à l'appareil d'imagerie d'assurer une densité de base constante.

M. Berge a indiqué que l'appareil d'imagerie laser ne possède aucun écran de visualisation, que la seule chose qui en sort est le film à imagerie laser et qu'il ne fait que stocker des données sur le film. Pour cette raison, il a témoigné que l'appareil d'imagerie laser n'a aucune utilité pratique sans le film. Lorsque le système d'étalonnage décèle des résultats non satisfaisants, il lance un message d'avertissement que l'appareil ne fonctionne plus en boucle fermée et qu'il ne devrait pas servir à produire des images diagnostiques médicales. M. Berge a aussi témoigné que les marchandises en cause et les appareils d'imagerie laser sont « fonctionnellement unis » au moyen de divers capteurs qui détectent l'avance du film dans le processus et déclenchent certaines opérations, dont la lecture du timbre de densité du film par le densimètre.

M. Berge a témoigné que l'appareil d'imagerie laser ne pourrait fonctionner sans film, c'est-à-dire sans y insérer une cartouche de film. M. Berge a aussi précisé que le film DVB et l'appareil d'imagerie laser DVB étaient conçus l'un pour l'autre dans un système, l'un étant réglé en fonction de l'autre; l'objet déposé comme pièce auprès du Tribunal ne fonctionnera avec aucun autre système d'imagerie et aucun autre fabricant ne produit une cartouche qui convient à ce système d'imagerie. Mis à part Kodak, qui vend maintenant l'ancien système d'Imation, M. Berge a indiqué que Konica est l'autre concurrent qui fabrique la technologie de l'imagerie laser.

DÉCISION

À titre de question préliminaire, le Tribunal précise que l'appelante a déposé en preuve un seul type de cartouche de film pour appareils d'imagerie laser, alors que les importations visent trois types différents de films pour appareils d'imagerie laser, à savoir les films DVB, HQB et IRB. À la lumière des éléments de preuve, le Tribunal est d'avis que la cartouche déposée comme pièce est raisonnablement représentative des cartouches DVB et HQB effectivement importées et que le Tribunal pourrait utiliser cette pièce pour évaluer le fonctionnement du film IRB, qui ne se présente pas dans une cartouche, mais dans une boîte étanche à la lumière et qu'on transfère ensuite dans un contenant avant de le charger dans l'appareil d'imagerie laser, et qu'il nécessite un étalonnage manuel. Aux fins de sa décision, le Tribunal conclut que l'interaction entre les marchandises en cause et les appareils d'imagerie laser respectifs dans lesquels elles sont chargées est essentiellement la même.

L'unique question en suspens dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause ouvrent droit aux avantages du code 2546 de l'annexe II de l'ancien Tarif des douanes, qui énumère, entre autres des « articles devant servir dans des marchandises de la position no 90.18 » [soulignement ajouté]. Autrement dit, la question est de savoir si les films pour appareils d'imagerie laser doivent servir dans les appareils d'imagerie laser de la façon dont cette expression est définie dans l'ancien Tarif des douanes.

L'article 4 de l'ancien Tarif des douanes précise ce qui suit :

Les expressions « devant servir dans » et « devant servir à », mentionnées en regard d'un numéro tarifaire de l'annexe I ou d'un code de l'annexe II, signifient que, sauf indication contraire du contexte, les marchandises en cause entrent dans la composition d'autres marchandises par voie d'ouvraison, de fixation ou d'incorporation, selon ce qui est indiqué en regard de ce numéro ou code.

Les deux parties ont prétendu que l'expression « devant servir dans » ou « devant servir à » exige que les marchandises soient à la fois physiquement et fonctionnellement unies. Étant donné que les parties étaient d'accord que les marchandises étaient physiquement unies, leur seul point de discorde était donc de savoir si les marchandises en cause étaient fonctionnellement unies aux appareils d'imagerie laser décrits en preuve. Pour étayer leur position respective, les parties ont invoqué les décisions rendues par le Tribunal dans les appels nos AP-95-2624 , AP-97-1375 , et AP-97-124 et AP-97-1256 .

Dans le premier de ces appels, Sony, le Tribunal a déclaré que les unités de bande magnétique devaient « servir à » ou « servir dans » les unités de bande magnétique compte tenu de la « mesure dans laquelle les cartouches magnétiques deviennent physiquement connectées et sont fonctionnellement unies aux unités de bande magnétique »7 . Cette affaire reposait sur la définition qui figure dans The Oxford English Dictionary, pour conclure que les expressions « attach »(fixer) ou « attached »(entrant dans la composition par voie de fixation) signifient « connecter ou unir, ou fonctionnellement uni » [traduction].

Dans les deux autres appels, ABB (1999) et ABB (2000), le Tribunal a rendu une décision concernant la question de savoir si certaines marchandises devaient servir à des « appareils de processus industriel ». ABB (1999) portait sur certaines résistances et certains condensateurs, tandis que ABB (2000) portait sur certains transformateurs. Dans ces appels, le Tribunal a repris « l'interprétation de l'expression "entrant dans la composition par voie de fixation" qui a été appliquée dans Sony, où les marchandises ont été considérées comme entrant dans la composition d'autres marchandises "par voie de fixation" si elles sont "physiquement connectées et sont fonctionnellement unies" à ces dernières »8 . Dans les deux cas, le Tribunal a jugé que les marchandises en cause étaient physiquement connectées, mais non fonctionnellement unies à l'appareil de processus industriel. Par conséquent, les marchandises ne devaient pas « servir dans » ou « servir à » l'appareil de processus industriel.

Le Tribunal souscrit à la conclusion des affaires précédentes, à savoir que les expressions « devant servir dans » et « devant servir à » exigent que les marchandises soient à la fois physiquement et fonctionnellement unies. Le Tribunal est d'avis que la notion de fonctionnellement uni constitue un élément essentiel de l'interprétation de l'expression « fixer » dans le contexte des expressions « devant servir dans » et « devant servir à ». En perdant l'élément fonctionnellement uni, le sens des expressions « devant servir dans » et « devant servir à » risque d'être incomplet. Par exemple, un bateau amarré à un quai est fixé physiquement au quai, mais il est loin de servir dans ou à ce quai9 .

Même si le Tribunal considère comme essentiel l'élément de fonctionnalité dans l'expression « entrant dans la composition par voie de fixation », il est d'avis que la notion de « fonctionnellement uni » doit être clarifiée. Il convient avec l'intimé que ABB (1999) et ABB (2000) signifient qu'une chose qui, d'un point de vue fonctionnel, ne présente « qu'un lien très ténu à une unité de traitement de commande ne peut être considérée comme fonctionnellement unie » [traduction]10 . Le lien fonctionnel entre les marchandises en cause dans ABB (1999) et ABB (2000) et leurs marchandises hôtes, en l'occurrence l'appareil de processus industriel, était tellement ténu que la fonction d'un produit n'avait pour ainsi dire rien à faire avec l'autre.

Le Tribunal est d'avis que la notion de « fonctionnellement uni » signifie simplement que les marchandises « devant servir dans » les marchandises hôtes présentent un lien fonctionnel (qu'il soit actif ou passif) avec les marchandises hôtes. En l'espèce, le film fait partie intégrante du fonctionnement des appareils d'imagerie laser. Les fonctions techniques de l'appareil d'imagerie laser existent uniquement pour créer une image sur le film; en revanche, comme l'indiquait l'exposé conjoint des faits, le film sert exclusivement à l'appareil d'imagerie laser. En outre, le Tribunal a entendu des témoignages qui indiquent que chacun a été conçu spécifiquement pour être utilisé avec l'autre. Si elles ne sont pas unies, les marchandises n'ont pratiquement aucune utilité; d'une part, le film reste vierge et, d'autre part, l'appareil d'imagerie laser ne peut produire une image.

Pour ces raisons, le Tribunal conclut que l'appareil d'imagerie laser et le film pour appareils d'imagerie laser sont fonctionnellement unis. Les marchandises en cause doivent donc servir dans les appareils d'imagerie laser, marchandises qui sont classées dans la position no 90.18, ce qui ouvrent droit à l'exonération des droits de douane prévue par le code 2546. Par conséquent, le Tribunal admet l'appel.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1, dans sa version antérieure aux modifications apportées par le Tarif des douanes, S.C. 1997, c. 36, art. 166, 169 [ci-après Loi].

2 . L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41 [ci-après ancien Tarif des douanes].

3 . Pièce du Tribunal AP-200-047-22. L'exposé conjoint des faits a été accepté tel qu'il a été versé au dossier au moment de l'audience. Voir Transcription de l'audience publique, 13 août 2001, aux pp. 3-4.

4 . Sony du Canada c. S-MRN (12 décembre 1996) (TCCE) [ci-après Sony].

5 . Asea Brown Boveri c. S-MRN (21 décembre 1999) (TCCE) [ci-après ABB (1999)].

6 . Asea Brown Boveri c. S-MRN (21 février 2000) (TCCE) [ci-après ABB (2000)].

7 . Voir Sony aux pp. 6-7.

8 . ABB (1999) à la p. 8; ABB (2000) à la p. 5.

9 . Le Gage Canadian Dictionary, 1997, donne l'exemple suivant pour illustrer le sens limité du mot « attached » (fixé) : « she attached the boat to the pier by means of a rope » (elle a fixé le bateau au quai au moyen d'une corde), s.v. « attach » (fixer).

10 . Transcription de l'argumentation publique, 13 août 2001, à la p. 17.


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Publication initiale : le 7 décembre 2001