MILARM CO. LTD.

Décisions


MILARM CO. LTD.
c.
COMMISSAIRE DE L’AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2001-075

Décision et motifs rendus
le mercredi 12 juillet 2006


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 6 juin 2006 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada le 27 septembre 2001 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

MILARM CO. LTD.

Appelante

ET

 

LE COMMISSAIRE DE L’AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 6 juin 2006

   

Membre du Tribunal :

Zdenek Kvarda, membre présidant

   

Gestionnaire de la recherche :

Paul R. Berlinguette

   

Conseiller pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Agent du greffe :

Stéphanie Doré

   

Parties :

Hugh Allan Kerr, pour l’appelante

 

Lynn Marchildon, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision du commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) (maintenant le président de l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC]) le 27 septembre 2001 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’ADRC a correctement classé les carabines en cause dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre d’armes prohibées. Les carabines en cause sont deux carabines à levier pour le tir à blanc fabriquées par Bruni S.R.L.

3. Le Tribunal a décidé de tenir une audience sur pièces en vertu des articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 . Un avis à cet effet a été publié dans la Gazette du Canada du 20 mai 20064 .

4. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

5. Le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit ce qui suit :

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, [...]

[...]

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel [...]

6. Le paragraphe 84(1) du Code criminel 5 prévoit qu’un « dispositif prohibé » comprend, entre autres, une réplique, laquelle est définie ainsi :

“replica firearm” means any device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, a firearm, and that itself is not a firearm, but does not include any such device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, an antique firearm.

« réplique » Tout objet, qui n’est pas une arme à feu, conçu de façon à en avoir l’apparence exacte — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence. La présente définition exclut tout objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence.

7. L’article 2 du Code criminel définit « arme à feu » ainsi :

“firearm” means a barrelled weapon from which any shot, bullet or other projectile can be discharged and that is capable of causing serious bodily injury or death to a person, and includes any frame or receiver of such a barrelled weapon and anything that can be adapted for use as a firearm.

« arme à feu » Toute arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile, d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne, y compris une carcasse ou une boîte de culasse d’une telle arme ainsi que toute chose pouvant être modifiée pour être utilisée comme telle.

8. Le paragraphe 84(1) du Code criminel définit « arme à feu historique » ainsi :

“antique firearm” means

(a) any firearm manufactured before 1898 that was not designed to discharge rim-fire or centre-fire ammunition and that has not been redesigned to discharge such ammunition, or

(b) any firearm that is prescribed to be an antique firearm.

« arme à feu historique » Toute arme à feu fabriquée avant 1898 qui n’a pas été conçue ni modifiée pour l’utilisation de munitions à percussion annulaire ou centrale ou toute arme à feu désignée comme telle par règlement.

PREUVE

9. MilArm Co. Ltd. (MilArm) a tenté d’importer les carabines en cause par la poste. Leur longueur est d’environ 36 pouces et elles sont dotées d’un canon bleui de 17 pouces et d’une monture en bois dur d’un poids de 2,75 lb. Les carabines en cause tirent des cartouches 8 mm à blanc contenues dans un chargeur et les douilles sont éjectées sous l’action du levier.

10. L’ASFC a déposé les deux carabines en cause à titre de pièces, et le Tribunal les a examinées. Le Tribunal a aussi examiné les armes à feu réelles dont les carabines en cause sont censées avoir l’apparence, que l’ASFC a fournies à titre de pièces.

11. L’ASFC a déposé un rapport d’expert préparé par M. J.A. Yves Quevillon du Service des laboratoires judiciaires de la Gendarmerie royale du Canada. Les titres et qualités de M. Quevillon en tant qu’expert en matière d’armes n’ont pas été contestés par MilArm. Le Tribunal a reconnu à M. Quevillon le titre d’expert en matière d’armes prohibées. M. Quevillon a conclu dans son rapport que, selon son opinion d’expert, les carabines en cause sont des répliques.

PLAIDOIRIE

12. MilArm a soutenu ce qui suit : 1) les carabines en cause satisfont à la définition de l’expression « arme à feu » au sens du Code criminel parce qu’elles peuvent être modifiées pour être utilisées comme telles, c.-à-d. en réusinant le canon pour lui permettre de tirer des cartouches de faible puissance; 2) elles ne satisfont pas à la définition de « réplique » parce que les cartouches à blanc qu’elles utilisent peuvent infliger des lésions aux yeux ou à la capacité auditive; 3) la définition de « réplique » doit être interprétée strictement afin d’inclure seulement les articles uniquement conçus pour avoir l’apparence d’une arme à feu et rien de plus. Étant donné qu’elles peuvent tirer des cartouches à blanc, MilArm a prétendu que les carabines en cause ne satisfont pas à la définition étroite de « réplique ».

13. L’ASFC n’était pas d’accord; elle a soutenu que les carabines en cause sont des répliques et qu’il est donc interdit de les importer au Canada. À son avis, les carabines en cause ne satisfont pas à la définition de l’expression « arme à feu » au sens du Code criminel car elles ne sont pas des armes dotées d’un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile. Elle a soutenu que les carabines en cause ne peuvent être réputées être des répliques d’une « arme à feu historique » au sens du Code criminel car la carabine Winchester, du modèle 1894, dont elles ont l’apparence, a été conçue pour tirer des munitions à percussion centrale et est dotée d’un mécanisme de répétition alimenté par un chargeur.

DÉCISION

14. Pour décider si les carabines en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9898.00.00, le Tribunal doit déterminer si elles satisfont à la définition de « réplique » aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel. Pour être réputé être une « réplique », un objet doit remplir trois conditions : 1) il doit être un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence; 2) il ne doit pas être une arme à feu; 3) il ne doit pas être un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

15. Dans son rapport, M. Quevillon indiquait que les carabines en cause sont « des dispositifs qui reproduisent le plus fidèlement possible la carabine à levier WINCHESTER, modèle 1894, qui est une arme susceptible, grâce à un canon, de tirer des balles, pouvant infliger des lésions corporelles graves ou la mort » [traduction]. Selon l’examen des carabines en cause et de l’arme à feu réelle originale dont leur apparence est inspirée, effectué par le Tribunal, ces carabines sont une reproduction fidèle, voire exacte, des points de vue de la taille, de la forme et de l’apparence générale. Le Tribunal est donc convaincu que les carabines en cause satisfont à la première condition de la définition de « réplique », à savoir qu’il s’agit d’un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

16. Dans son rapport, M. Quevillon déclarait aussi que les carabines en cause sont « conçues exclusivement pour utiliser des cartouches à blanc » [traduction] et qu’elles « ne sont pas des armes susceptibles, grâce à un canon, de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile » [traduction]. À la lumière de l’expression « arme à feu » qui se trouve à l’article 2 du Code criminel, le Tribunal est convaincu que les carabines en cause satisfont à la deuxième condition de la définition de « réplique », à savoir qu’elles ne sont pas des armes à feu susceptibles d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne. Le Tribunal est d’avis que les lésions aux yeux ou à la capacité auditive infligées par le tir de cartouches à blanc ne sont pas assimilables aux « lésions corporelles graves ou la mort » prévues dans la définition d’« arme à feu » au sens du Code criminel. De plus, le Tribunal s’entend avec l’ASFC pour dire que toute modification possible des carabines en cause visant à leur permettre d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort ne constitue pas un facteur pertinent, puisque le Tribunal doit examiner les marchandises en cause en leur état à leur saisie au moment de leur importation, et non pas d’après ce qu’elles pourraient censément un jour devenir.

17. Bien que la carabine Winchester, modèle 1894, ait commencé à être fabriquée avant 1898, il ressort des éléments de preuve qu’elle a été conçue pour tirer des munitions à percussion centrale. Étant donné cette caractéristique, la carabine Winchester, modèle 1894, ne satisfait pas à la définition d’« arme historique » au sens du Code criminel. Le Tribunal fait observer que MilArm n’a pas contesté ce fait. Le Tribunal est donc convaincu qu’il est satisfait à la troisième condition de la définition de « réplique », à savoir que les carabines en cause ne sont pas des objets qui ont été conçus de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auxquels on a voulu donner cette apparence.

18. Par conséquent, étant donné que les carabines en cause satisfont aux trois conditions qui en font des répliques aux termes du Code criminel, le Tribunal conclut qu’elles sont des dispositifs prohibés. Le Tribunal conclut donc que les carabines en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9898.00.00 et, à ce titre, leur importation au Canada est interdite aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel et du paragraphe 136(1) du Tarif des douanes.

19. Pour les raisons qui précèdent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Gaz. C. 2006.I.1231.

5 . L.R.C. 1985, c. C-46.