VITO V. SERVELLO

Décisions


VITO V. SERVELLO
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2001-078

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 19 juin 2002

Appel no AP-2001-078

EU ÉGARD À un appel entendu le 23 mai 2002 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 17 octobre 2001 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 60 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

VITO V. SERVELLO Appelant

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.



Patricia M. Close

Patricia M. Close
Membre présidant


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'arme Airsoft Villa Parabellum importée par l'appelant le 14 août 2001 est correctement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00, comme l'a déterminé l'intimé. L'intimé a conclu qu'on avait voulu donner à la marchandise en cause « l'apparence exacte d'une arme à feu - ou la reproduire le plus fidèlement possible » et, plus précisément, selon la description du témoin de l'intimé, l'apparence d'une arme de poing Beretta. La marchandise en cause était donc une « réplique » et, à titre de « dispositif prohibé », a été classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00.

L'appelant a soutenu que la marchandise en cause ne reproduisait pas le plus fidèlement possible une arme à feu Beretta, comme l'a déterminé l'intimé. Il a soutenu que la marchandise en cause était plus petite que le Beretta, qu'elle était presque entièrement faite de matière plastique, par opposition à du métal, et qu'elle était un jouet, non une réplique. Il a ajouté que la marchandise en cause faisait appel à l'action de l'air comprimé, par opposition à du gaz, fonctionnait au moyen d'un ressort et, contrairement au Beretta, ne faisait aucunement appel à l'action de l'électricité. En outre, il a souligné que la marchandise en cause comportait une pièce rouge en matière plastique sur l'extérieur du sommet du canon, ce qui la distinguait du Beretta.

DÉCISION : L'appel est rejeté. La marchandise en cause est correctement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre de dispositif prohibé. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la marchandise en cause reproduit le plus fidèlement possible une arme à feu ou s'il s'agit d'un jouet. À cet égard, le Tribunal est d'avis que seules les caractéristiques visibles de la marchandise en cause sont pertinentes en l'espèce. Le Tribunal est convaincu que la marchandise en cause reproduit le plus fidèlement possible une arme à feu, qu'il ne s'agit pas d'une arme à feu et qu'elle ne reproduit pas le plus fidèlement possible une arme à feu historique.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 23 mai 2002

Date de la décision :

Le 19 juin 2002

   

Membre du Tribunal :

Patricia M. Close, membre présidant

   

Conseiller pour le Tribunal :

John Dodsworth

   

Greffier :

Margaret Fisher

   

A comparu :

Lynne Marchildon, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il s'agit d'un appel aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 , à l'égard d'une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 17 octobre 2001. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'arme Airsoft Villa Parabellum importée par l'appelant le 14 août 2001 est correctement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l'annexe du Tarif des douanes 2 , comme l'a déterminé l'intimé. L'appelant, qui n'a pas comparu à l'audience, a reçu copie de tous les documents au dossier et il connaissait la date d'audience du présent appel. Il a informé le Tribunal qu'il ne comparaîtrait pas et lui a demandé d'examiner, dans ses délibérations, les observations contenues dans son mémoire du 13 mars 2002.

M. Deryk V.R. Penk, de la Direction du service des laboratoires judiciaires de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), a témoigné au nom de l'intimé. Le Tribunal a reconnu à M. Penk le titre d'expert en identification d'armes à feu et de traces d'outil. La marchandise en cause et le Beretta 92F ont été déposés comme pièces, le Beretta 92F étant, selon l'intimé, l'arme qu'on a voulu que la marchandise en cause reproduise. Des photographies de la marchandise en cause et du Beretta 92F ont aussi été déposées comme pièces à l'appui.

M. Penk a fait référence au rapport d'analyse judiciaire qu'il avait préparé eu égard à la marchandise en cause et qui a été déposé en preuve. Il a indiqué que ses essais avaient déterminé que la marchandise en cause tirait un projectile à la vitesse de 36 mètres/seconde, de sorte que ladite marchandise ne pouvait infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne. Il a témoigné qu'un projectile devait se déplacer à une vitesse d'au moins 124 mètres/seconde pour infliger des légions corporelles graves ou la mort à une personne. Au sujet de l'apparence, il a témoigné que la marchandise en cause avait l'apparence d'un pistolet semi-automatique Beretta 92F, ou qu'on avait voulu lui donner cette apparence. Il a en outre témoigné qu'elle n'avait pas l'apparence d'une arme à feu historique, puisque toutes les armes à feu Beretta avaient été fabriquées après 1898.

M. Penk a témoigné que des marchandises, comme la marchandise en cause, étaient produites pour le tir sur cible, en papier. Il a ajouté que la pièce rouge en matière plastique ne permettait pas de distinguer la marchandise en cause d'une arme à feu véritable ou d'une réplique. Selon M. Penk, des agents de police ont été trompés par des armes véritables déguisées en jouets parce que le canon de ces armes véritables avait été peinturé en rouge ou en rose. Les législateurs canadiens ont donc évité de renvoyer à des caractéristiques similaires à la pièce rouge en matière plastique pour établir la distinction entre une arme véritable et un jouet.

M. Penk a ajouté que les laboratoires judiciaires de la GRC étaient d'avis qu'un article « reproduisait le plus fidèlement possible une arme à feu » si un membre du personnel des laboratoires pouvait déterminer à vue, à distance, la marque et le modèle de l'arme à feu dont on avait voulu donner l'apparence. En l'espèce, il a témoigné qu'il ne faisait aucun doute, selon lui, que la marchandise en cause avait l'apparence d'un Beretta 92F.

PLAIDOIRIE

Dans son mémoire, l'appelant a soutenu que l'arme qu'il a importée était un jouet et ne reproduisait pas le plus fidèlement possible l'arme à feu Beretta, comme l'a déterminé l'intimé. Il a donc soutenu que la marchandise en cause n'était pas une réplique au sens du Tarif des douanes, qu'elle n'était pas correctement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 et qu'elle devait lui être remise. Il a fait état de plusieurs caractéristiques de la marchandise en cause qui, à son avis, distinguaient cette dernière d'une réplique de Beretta. Plus précisément, il a soutenu que la marchandise en cause était plus petite qu'un Beretta et était faite presque entièrement de matière plastique, tandis qu'un Beretta était fait en métal. De plus, la marchandise en cause est un pistolet à air comprimé, tandis qu'une réplique de Beretta fait appel à l'action du gaz. Il a aussi décrit une réplique de Beretta comme faisant appel à l'action de l'électricité, tandis que la marchandise en cause utilisait l'action d'un mécanisme à ressort. De plus, il a souligné que la marchandise en cause comportait une pièce rouge en matière plastique sur l'extérieur du sommet du canon, ce qui la distinguait du Beretta véritable ou d'une réplique d'une telle arme.

L'intimé a soutenu que les agents des douanes n'avaient pas fait erreur lorsqu'ils avaient classé la marchandise en cause à titre de dispositif prohibé. Il a fait valoir qu'un « dispositif prohibé » au sens du numéro tarifaire 9898.00.00 signifie la même chose qu'un « dispositif prohibé » au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel 3 et qu'il inclut une « réplique ».

Le Code criminel prévoit qu'il doit être satisfait à trois critères pour qu'un dispositif soit classé à titre de « réplique » : premièrement, l'objet est conçu de façon à reproduire une arme à feu le plus fidèlement possible; deuxièmement, cet objet n'est pas en soi une arme à feu; troisièmement, il n'est pas conçu de façon à avoir l'apparence d'une arme à feu historique. L'intimé a soutenu qu'il ne faisait vraiment aucun doute que la marchandise en cause n'avait pas l'apparence d'une arme à feu historique, étant donné le témoignage non contesté de M. Penk selon lequel toutes les armes à feu Beretta ont été fabriquées après 1898.

L'intimé a renvoyé au témoignage de M. Penk selon lequel le dispositif, à son avis, était une réplique presque exacte d'un Beretta 92F. Il a soutenu que la matière constitutive avec lequel le dispositif était fabriqué n'était pas pertinente quant à la question de savoir si l'article avait l'apparence, ou non, d'une arme à feu et a ajouté que l'usage qui était fait d'un dispositif n'était pas non plus pertinent quant à la détermination de la question de savoir si la marchandise en cause était une « réplique ». La seule question pertinente se rapporte à l'apparence de l'objet - à savoir si la marchandise en cause a l'apparence, ou non, d'une arme à feu.

L'intimé a aussi soutenu que l'appelant ne s'était pas acquitté du fardeau qui lui incombait de prouver que l'arme en cause n'était pas correctement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00. Il a fait référence à la Note 1 du chapitre 98, qui établit les règles pertinentes du classement de marchandises dans le numéro tarifaire 9898.00.00. Il a soutenu qu'il existait, en l'espèce, des éléments de preuve non contestés selon lesquels les deux critères clés de la définition d'une « réplique » avaient été satisfaits et que l'appel devait donc être rejeté.

DÉCISION DU TRIBUNAL

Dans le présent appel, le Tribunal doit déterminer si la marchandise en cause est correctement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00, qui prévoit ce qui suit :

9898.00.00 Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l'assemblage d'armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, [...]

Pour le classement de marchandises dans le numéro tarifaire 9898.00.00, le paragraphe 136(2) du Tarif des douanes prévoit que les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé 4 ne s'appliquent pas. De plus, la Note 1 du chapitre 98 prévoit ce qui suit :« Les dispositions du présent Chapitre ne sont pas régies par la règle de spécificité de la Règle générale interprétative 3 a). Les marchandises qui sont décrites dans une disposition du présent Chapitre peuvent être classées dans ladite disposition si les conditions et exigences de celle-ci et de tout autre règlement applicable sont respectées. »

La question de savoir si la marchandise en cause est correctement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 doit donc être déterminée non pas d'après les Règles générales, mais conformément aux dispositions applicables du Tarif des douanes et du Code criminel. D'après le Tarif des douanes, un « dispositif prohibé » inclut une réplique, au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel. Le paragraphe 84(1) définit plus précisément « réplique » ainsi :

« réplique » Tout objet, qui n'est pas une arme à feu, conçu de façon à en avoir l'apparence exacte - ou à la reproduire le plus fidèlement possible - ou auquel on a voulu donner cette apparence. La présente définition exclut tout objet conçu de façon à avoir l'apparence exacte d'une arme à feu historique - ou à la reproduire le plus fidèlement possible - ou auquel on a voulu donner cette apparence.

Aux fins du présent appel, le Tribunal a déterminé si la marchandise en cause est une « réplique » au sens du Code criminel. Le Tribunal a éliminé la possibilité que la marchandise en cause soit une arme à feu. Le mot « arme à feu », au sens de ce numéro tarifaire, a la même signification que le mot « arme à feu » au sens de l'article 2 du Code criminel, à savoir :

Toute arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile, d'infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne.

À cet égard, le Tribunal accueille le témoignage non contesté de M. Penk, au nom de l'intimé, selon lequel les essais qu'il avait effectués indiquaient que la vitesse des projectiles tirés avec la marchandise en cause était de 36 mètres/seconde, ce qui ne peut infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne. Il a témoigné qu'un projectile tiré d'une arme à feu devait se déplacer à une vitesse d'au moins 124 mètres/seconde pour pouvoir infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne. Par ailleurs, le Tribunal accueille aussi le témoignage de M. Penk selon lequel la marchandise en cause n'a pas l'apparence d'une arme à feu historique, étant donné que le Beretta 92F a été fabriqué après 1898.

La dernière question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si la marchandise en cause est un objet « conçu de façon à avoir l'apparence exacte d'une arme à feu - ou à la reproduire le plus fidèlement possible - ou auquel on a voulu donner cette apparence ». L'appelant a soutenu que la marchandise en cause est, pour l'essentiel, un jouet, qui n'a pas l'apparence d'une arme à feu, tandis que l'intimé soutient le contraire. Certaines des caractéristiques de la marchandise en cause précisées par l'appelant et qui la distinguent d'une arme à feu, comme le fait qu'elle fasse appel à l'action de l'air comprimé et d'un mécanisme à ressort et qu'elle soit en matière plastique, ne sont pas immédiatement visibles. La définition du mot « ressembler » [traduction] que donne The Canadian Oxford Dictionary 5 inclut l'expression « caractéristiques communes » [traduction] et « ou de même apparence » [traduction]. En outre, l'interdiction d'importer des répliques découle logiquement de la préoccupation que ces dernières puissent être à tort perçues comme des armes à feu, en raison de leur apparence. Ce qui précède porte le Tribunal à croire que les caractéristiques de la marchandise en cause qui ne sont pas visibles ne sont pas pertinentes à son classement.

Le Tribunal est d'avis que la caractéristique physique clé de la marchandise en cause qui ne se trouve pas sur l'arme à feu Beretta, dont le modèle a inspiré la fabrication de la marchandise en cause, est la pièce rouge en matière plastique posée sur le canon de ladite marchandise. À cet égard, le Tribunal fait observer qu'une partie du témoignage de M. Penk appuie effectivement, dans une certaine mesure, la position de l'appelant selon laquelle cette pièce en matière plastique permet de distinguer la marchandise en cause d'une arme à feu Beretta. Plus précisément, M. Penk a témoigné que les agents de police ont parfois été trompés et ont cru que des armes à feu dont le canon était rouge étaient des jouets. Si une arme à feu dont le canon est rouge peut susciter la possibilité qu'un agent de police la prenne à tort pour un jouet, alors une réplique dont le canon porte une pièce rouge en matière plastique pourrait aussi être prise à tort pour un jouet. À l'inverse, puisque le canon d'une arme à feu peut être peinturé en rouge, ce qui a déjà été fait par le passé, un canon rouge n'est pas une caractéristique distinctive d'une arme à feu. M. Penk a aussi confirmé la position de l'appelant selon laquelle la marchandise en cause est un jouet, étant donné qu'il a témoigné que la marchandise en cause servait à des fins d'entraînement de tir « récréatif » sur cible. Ce n'est toutefois pas la fonction de l'arme qui est ici l'objet du litige; plutôt, le litige se rapporte à sa ressemblance à une arme à feu et c'est cette ressemblance que le Tribunal doit examiner.

Dans l'ensemble, le Tribunal est d'avis que, par rapport à la marchandise en cause, « on a voulu lui donner l'apparence exacte d'une arme à feu -- ou la reproduire le plus fidèlement possible ». Il est clair que la marchandise en cause est conçue de façon à avoir l'apparence d'une arme à feu Beretta et que les deux armes présentent bon nombre des mêmes caractéristiques apparentes. Le Tribunal prend aussi note des éléments de preuve présentés par M. Penk selon lesquels, à distance, il pouvait identifier à vue la marchandise en cause comme un Beretta 92F et qu'il s'agit là du critère qu'applique la GRC pour déterminer la morphologie d'une réplique.

À la lumière de ce qui précède, l'appel est rejeté. Le Tribunal est d'avis que la marchandise en cause reproduit le plus fidèlement possible une arme à feu, qu'il ne s'agit pas en soi d'une arme à feu et qu'elle ne reproduit pas le plus fidèlement possible une arme à feu historique. Étant donné qu'une réplique est incluse dans la définition de l'expression « dispositif prohibé » qui se trouve au paragraphe 84(1) du Code criminel, le Tribunal est d'avis que l'intimé a correctement classé la marchandise en cause dans le numéro tarifaire 9898.00.00.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1.

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . L.R.C. 1985, c. C-46.

4 . Supra note 2, annexe [ci-après Règles générales].

5 . 1998, s.v. « resemble ».


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Publication initiale : le 25 juillet 2002