CLARIANT (CANADA) INC.

Décisions


CLARIANT (CANADA) INC.
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2000-022

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 25 janvier 2002

Appel no AP-2000-022

EU ÉGARD À un appel entendu le 27 novembre 2000 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 8 mai 2000, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

CLARIANT (CANADA) INC. Appelante

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est admis.



James A. Ogilvy

James A. Ogilvy
Membre présidant

Richard Lafontaine

Richard Lafontaine
Membre

Zdenek Kvarda

Zdenek Kvarda
Membre


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard d'une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 8 mai 2000, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes. Le produit en cause est SandostabMD P-EPQ (Sandostab), un stabilisateur antioxydant phosphonite pour le traitement des matières plastiques. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le produit en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 3812.30.90, à titre d'autres préparations antioxydantes et d'autres stabilisateurs composites pour le caoutchouc ou les matières plastiques, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'il doit être classé dans le numéro tarifaire 2931.00.91, à titre d'autres composés organo-inorganiques, comme l'a soutenu l'appelante.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal doit classer le produit en cause conformément à la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé et doit déterminer sa classification d'après la terminologie des positions ou de toute Note de Section ou de Chapitre s'y rapportant. Selon les Notes du Chapitre 38, ce n'est que si Sandostab n'est pas un composé de constitution chimique définie présenté isolément qu'il peut être classé dans la position no 38.12, puisque la Note 1a) exclut ces composés de ce chapitre. La Note 1a) du Chapitre 29 prévoit que les positions de ce chapitre ne s'appliquent qu'aux composés organiques de constitution chimique définie présentés isolément. Le Tribunal conclut que Sandostab est un composé de constitution chimique définie présenté isolément, qui contient des impuretés autorisées au titre de la Note 1a) du Chapitre 29 et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises se rapportant à ce chapitre. Sandostab est défini plus précisément par la Note 1b) du Chapitre 29 comme un mélange de deux isomères du même composé organique (contenant ou non des impuretés).

En conséquence, le produit en cause doit être classé dans le numéro tarifaire 2931.00.91, à titre d'autres composés organo-inorganiques, devant servir de catalyseur lors du raffinage du pétrole ou devant servir à la fabrication de denrées alimentaires pour les animaux ou les volailles, de colles ou d'adhésifs, de fibres optiques ou de faisceaux ou câbles de fibres optiques, de rubans encreurs pour machines à écrire ou de rubans encreurs similaires, de polymères en formes primaires, ou de profilés ou de feuilles en matières plastiques.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 27 novembre 2000

Date de la décision :

Le 25 janvier 2002

   

Membres du Tribunal :

James A. Ogilvy, membre présidant

 

Richard Lafontaine, membre

 

Zdenek Kvarda, membre

   

Conseillers pour le Tribunal :

Marie-France Dagenais

 

Dominique Laporte

   

Greffier :

Margaret Fisher

   

Ont comparu :

Sydney Martin, pour l'appelante

 

Jean-Robert Noiseux et Louis Sébastien, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

INTRODUCTION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 à l'égard d'une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 8 mai 2000, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi. Le produit en cause, SandostabMD P-EPQ (Sandostab), un stabilisateur antioxydant phosphonite pour le traitement des matières plastiques, a été importé au Canada le 4 juin 1999.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le produit en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 3812.30.90 de l'annexe du Tarif des douanes 2 , à titre d'autres préparations antioxydantes et autres stabilisateurs composites pour le caoutchouc ou les matières plastiques, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'il doit être classé dans le numéro tarifaire 2931.00.91, à titre d'autres composés organo-inorganiques, comme l'a soutenu l'appelante.

La nomenclature tarifaire pertinente dans le présent appel est la suivante :

2931.00 Autres composés organo-inorganiques.
2931.00.91 ----Solutions aqueuses du sel tétrasodique de l'acide 1-hydroxyéthylidène-1, 1-diphosphonique;

Autres composés organo-inorganiques, devant servir de catalyseur lors du raffinage du pétrole ou devant servir à la fabrication de denrées alimentaires pour les animaux ou les volailles, de colles ou d'adhésifs, de fibres optiques ou de faisceaux ou câbles de fibres optiques, de rubans encreurs pour machines à écrire ou de rubans encreurs similaires, de polymères en formes primaires, ou de profilés ou de feuilles en matières plastiques

38.12 Préparations dites « accélérateurs de vulcanisation »; plastifiants composites pour caoutchouc ou matières plastiques, non dénommés ni compris ailleurs; préparations antioxydantes et autres stabilisateurs composites pour caoutchouc ou matières plastiques.
3812.30 -Préparations antioxydantes et autres stabilisateurs composites pour caoutchouc ou matières plastiques
3812.30.90 ---Autres

TÉMOIGNAGES

M. Klaus H. Stoll, Ph.D., chef de la recherche sur les additifs polymériques de Clariant S.A., en France, a témoigné au nom de l'appelante. Le Tribunal a reconnu à M. Stoll la qualité d'expert en chimie, plus précisément quant au processus industriel relatif à la fabrication de Sandostab. M. Stoll a décrit le produit en cause comme un stabilisateur de traitement pour les matières plastiques, désigné aussi comme un antioxydant secondaire. M. Stoll a mentionné que la première étape du processus de fabrication de Sandostab comportait une réaction de Friedel-Crafts. Au cours de la deuxième étape, des produits intermédiaires sont transformés en un produit final par réaction avec un composé phénolique. M. Stoll a expliqué de plus que, lorsque les solvants sont enlevés, le produit est réduit en boulettes ou moulu et qu'il est vendu sous cette forme.

M. Stoll a ajouté que Sandostab est un additif dont se sert le secteur de la polyoléfine pour stabiliser les polymères pendant le processus de fonte et empêcher leur dégradation. Il a expliqué que Sandostab était un phosphonite, conçu il y a 25 ans. Il a mentionné que Sandostab était un composé organique contenant du phosphore, du carbone et de l'oxygène. Le mémoire de l'appelante et les documents à l'appui décrivaient Sandostab comme un produit formé de sept composantes, que les parties ont numéroté de I à VII, pour faciliter les renvois. M. Stoll a indiqué que les composantes I, II et III étaient des di-phosphonites isométriques ayant la même formule empirique. Selon son témoignage, les composantes IV à VI sont des sous-produits résultant directement du processus de fabrication, tandis que la composante VII est une matière première non transformée. M. Stoll a expliqué que, bien que la plus grande partie de l'activité du stabilisateur de traitement soit concentrée sur les composantes I à III, les composantes IV, V et VI contribuent à l'effet stabilisateur et ne sont pas que des impuretés inertes. Il a également affirmé que les composantes IV, V et VI n'étaient pas nécessaires pour que Sandostab joue son rôle de stabilisateur antioxydant secondaire de traitement. Lorsqu'on lui a demandé s'il était possible d'enlever les composantes IV, V et VI, M. Stoll a affirmé que, même s'il existait certaines techniques de laboratoire extrêmement perfectionnées, des raisons d'ordre économique limitent les méthodes pouvant être appliquées à la production à grande échelle. Il n'existe pas d'autres raisons, a-t-il affirmé, de laisser les composantes IV, V et VI dans Sandostab. Il a en outre témoigné que le produit en cause n'est pas un meilleur stabilisateur du fait qu'il contient la composante V, bien qu'il s'agisse d'un composé chimique qui se trouve sur le marché, comme stabilisateur, sous plusieurs noms commerciaux.

M. Phil G. St. Amour, chimiste principal de la section des produits organiques et inorganiques de la Direction des travaux scientifiques et de laboratoire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, a témoigné au nom de l'intimé. Le Tribunal a reconnu à M. St. Amour la qualité d'expert en chimie, spécialisé en analyse des produits organiques. M. St. Amour souscrivait aux conclusions de M. Stoll quant à l'utilisation et à la composition de Sandostab. Il a témoigné que, si une technique de fractionnement connue sous le nom de chromatographie sur gel était utilisée, il serait possible d'enlever les composantes IV, V et VII, en se fondant sur leur poids moléculaire. M. St. Amour a indiqué que cette technique pourrait être appliquée à l'échelle industrielle. Il a par la suite mentionné qu'il est plus vraisemblable d'imaginer son utilisation dans le secteur pharmaceutique que dans l'industrie des polymères. Il a également mentionné que le poids moléculaire de la composante VI se rapproche du poids des composantes I, II et III et qu'il serait donc très difficile de séparer cette composante par une technique reposant sur le poids moléculaire.

Selon le témoignage de M. St. Amour, les composantes I, II et III sont des isomères du même composé. Ils ont le même poids moléculaire et la même formule moléculaire. Les autres composantes sont des composés différents et non des isomères des trois premières. Il a ajouté que les trois premières composantes semblent être les composantes principales, mais que les autres composantes sont présentes en fortes proportions. M. St. Amour a également mentionné que la composante V était le même composé chimique que celui connu sous le nom de Irgafos 168, un autre stabilisateur de traitement pour les matières plastiques. D'après M. St. Amour, la composante V a des propriétés antioxydantes ou stabilisantes et contribue, de ce fait, à l'efficacité de Sandostab. Lorsqu'on lui a demandé si Sandostab était un composé de constitution chimique définie présenté isolément (CCCDPI), M. St. Amour a témoigné que le produit, en son entier, n'était pas un CCCDPI. Cependant, si les composantes I à III étaient seules présentes, a-t-il ajouté, les trois isomères seraient considérés comme un CCCDPI, c.-à-d. un composé pur sans rien d'autre qui y soit mélangé.

ARGUMENTATION

L'appelante a fait valoir que Sandostab devrait être classé dans le numéro de classement 2931.00.91.90, qui s'applique aux autres composés organo-inorganiques utilisés dans la fabrication de polymères en formes primaires, ou de profilés ou de feuilles en matières plastiques. Selon l'appelante, Sandostab est décrit plus précisément dans le numéro de classement 2931.00.91.90 que dans le numéro de classement 3812.30.90.21, étant donné qu'il satisfait à toutes les conditions relatives au classement dans ce numéro. Plus précisément, l'appelante a fait valoir que Sandostab est un composé organo-inorganique et un mélange d'au moins deux isomères du même composé organique, qui contient des impuretés.

L'appelante a soutenu que, si les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé 3 étaient convenablement appliquées, Sandostab devrait être classé dans la position no 29.31 et non dans la position no 38.12, comme l'a prétendu l'intimé. En ce qui concerne le numéro de classement 3812.30.90.21, l'appelante est d'avis que celui-ci vise un large éventail d'autres stabilisateurs composites pour les matières plastiques et qu'il est de toute évidence moins descriptif que le numéro de classement 2931.00.91.90. L'appelante a prétendu que la seule interprétation possible du mot « autres » de la position no 38.12, c'est que cette position vise les stabilisateurs qui ne sont pas classés ailleurs dans le Tarif des douanes. L'appelante a de plus prétendu que le fait que Sandostab soit un stabilisateur de traitement pour les matières plastiques et que l'appelante fasse la publicité de ce produit et le commercialise en tant que tel ne peut pas servir de seul critère de classement.

L'appelante a renvoyé à la Note 1b) du Chapitre 29, qui prévoit, notamment, ce qui suit :

1. Sauf dispositions contraires, les positions du présent Chapitre comprennent seulement :

b) des mélanges d'isomères d'un même composé organique (que ces mélanges contiennent ou non des impuretés), à l'exclusion des mélanges d'isomères (autres que les stéréoisomères) des hydrocarbures acycliques, saturés ou non (Chapitre 27).

L'appelante a prétendu que la terminologie de la position no 29.31 et de la Note 1b) du Chapitre 29 est bien plus descriptive que celle de la position no 38.12, et que cela indique, à première vue, que Sandostab devrait être classé dans la position no 29.31. L'appelante a fait remarquer que l'intimé a convenu, dans sa décision, que Sandostab était un mélange d'au moins deux isomères du même composé organique, comme l'exige la Note 1b) du Chapitre 29, mais qu'il n'admettait pas que les quatre autres composantes étaient des impuretés.

L'appelante a également fait mention de la Note 6 du Chapitre 29, qui décrit les composés de la position no 29.31, et a prétendu que Sandostab satisfait à l'exigence de la Note 6 du Chapitre 29, puisqu'il s'agit d'un composé organique contenant de l'oxygène et des atomes d'autres éléments non métalliques (phosphore) liés directement à des atomes de carbone.

L'appelante a également fait mention des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 4 du Chapitre 29, en particulier de la partie (A) des Notes générales, qui orientent l'interprétation du mot « impuretés ». Elles prévoient, notamment, ce qui suit :

Le terme impuretés s'applique exclusivement aux substances dont la présence dans le composé chimique distinct résulte exclusivement et directement du procédé de fabrication (y compris la purification). Ces substances peuvent résulter de l'un quelconque des éléments intervenant au cours de la fabrication, et qui sont essentiellement les suivants :
a) matières de départ non converties,
b) impuretés se trouvant dans les matières de départ,
c) réactifs utilisés dans le procédé de fabrication (y compris la purification),
d) sous-produits.
Il convient toutefois de noter que ces substances ne sont pas toujours considérées comme des impuretés autorisées au titre de la Note 1 a). Lorsque ces substances sont délibérément laissées dans le produit en vue de le rendre apte à des emplois particuliers plutôt qu'à son emploi général, elles ne sont pas considérées comme des impuretés dont la présence est admissible. Ainsi, un produit constitué par un mélange d'acétate de méthyle avec du méthanol délibérément laissé en vue de le rendre apte à être utilisé comme solvant est exclu (no 38.14).

L'appelante a soutenu que, selon le témoignage de M. Stoll, trois des autres composantes de Sandostab étaient des sous-produits et résultaient uniquement et directement du processus de fabrication. L'appelante a prétendu que ces composantes n'étaient pas laissées délibérément dans Sandostab, puisque, comme l'a indiqué M. Stoll, il n'était ni techniquement ni économiquement praticable de les enlever. En ce qui a trait à la dernière composante, soit la composante VII, l'appelante a déclaré que la qualifier de matière de départ non transformée constituerait une meilleure description.

En réponse à l'argument de l'intimé selon lequel la position no 38.12 était plus précise que la position no 29.31, l'appelante a fait valoir que les Notes explicatives de la position no 38.17 prévoient que « [l]a présente position exclut les mélanges d'isomères du no 29.02 ». L'appelante a également invoqué une décision du Tribunal5 dans laquelle il a été dit que la terminologie utilisée pour expliquer quelles marchandises sont visées dans le Chapitre 37 semble démontrer qu'il s'agit d'un chapitre résiduel qui traite des mélanges chimiques qui ne peuvent être classés ailleurs.

L'intimé a fait valoir que, à en juger par les témoignages entendus à l'audience, la nature du produit selon la publicité et les documents portant sur Sandostab, Sandostab était décrit précisément par la terminologie de la position no 38.12 et est correctement classé dans cette position selon la Règle 1 des Règles générales.

L'intimé a renvoyé aux Notes explicatives de la position no 38.12, qui prévoient, notamment, ce qui suit :

Pour l'application de cette position, les termes « composites » et « préparations » incluent :

1º) des mixtures et mélanges délibérés, et
2º) des mélanges de réaction incluant les produits fabriqués à partir de séries homologues comme, par exemple, à partir des acides gras et des alcools gras du no 38.23.
(C) Préparations antioxydantes et autres stabilisateurs composites pour caoutchouc ou matières plastiques
Cette catégorie couvre les préparations antioxydantes pour caoutchouc ou matières plastiques (utilisées notamment dans la fabrication du caoutchouc et destinées à prévenir le durcissement ou le vieillissement), telles que les mélanges de diaphénylamines alkylées et les préparations à base de N-naphtylaniline.
La présente catégorie couvre également d'autres stabilisateurs composites pour caoutchouc ou matières plastiques. Comme exemples de ce type de produits, on peut citer les mélanges délibérés de deux ou plusieurs stabilisants, de même que les mélanges de réaction tels que les mélanges de composés organiques de l'étain obtenus à partir de mélanges d'alcools gras du no 38.23. Dans les matières plastiques, les stabilisants sont utilisés principalement pour empêcher le départ d'acide chlorhydrique dans certains polymères comme le polychlorure de vinyle. Ils peuvent être utilisés également comme stabilisants thermiques pour les polyamides.

Selon l'intimé, les extraits ci-dessus des Notes explicatives décrivent précisément le produit en cause. L'intimé a également renvoyé aux propres documents de l'appelante qui décrivent Sandostab comme étant un produit qui « contient plusieurs composantes actives, contribuant à son efficacité particulière » [traduction]. En outre, l'intimé a prétendu que Sandostab était, comme en a témoigné M. St. Amour, un mélange à réaction chimique.

L'intimé a prétendu que la position no 29.31 était une position générale visant plusieurs autres composés inorganiques qu'il est impossible de classer ailleurs. Il a également souligné que la Note 1a) du Chapitre 29 précise que les positions de ce chapitre ne s'appliquent qu'aux « composés organiques de constitution chimique définie présentés isolément, que ces composés contiennent ou non des impuretés ».L'intimé a soutenu que le témoignage de M. St. Amour indiquait que Sandostab n'était pas un CCCDPI et ne satisfaisait pas aux exigences de la Note 1b) du Chapitre 29, étant donné que les composantes IV à VII n'étaient pas des isomères des composantes I à III.

En ce qui a trait aux composantes IV à VII, l'intimé a prétendu que ce ne sont ni des sous-produits ni des impuretés, comme les décrivent les Notes explicatives du Chapitre 29. L'intimé a soutenu qu'en fait ces composantes sont laissées délibérément dans le produit afin de l'adapter à un usage particulier, c'est-à-dire pour qu'il serve de stabilisateur antioxydant pour les matières plastiques. Ce point de vue est appuyé, a maintenu l'intimé, par les propres documents de l'appelante et par le fait que l'une des quatre autres composantes est elle-même vendue comme stabilisateur antioxydant.

DÉCISION

L'article 10 du Tarif des douanes prévoit que le classement de marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué en conformité avec les Règles générales et les Règles canadiennes 6 . L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions de l'annexe, il doit être tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 7 et des Notes explicatives.

Les Règles générales sont structurées en cascade. Si le classement d'un article ne peut pas être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors tenir compte de la Règle 2, et ainsi de suite.

La Règle 1 des Règles générales prévoit que la classification doit être déterminée d'après la terminologie des positions et les Notes de Sections ou de Chapitres. Par conséquent, pour classer le produit en cause, le Tribunal doit d'abord tenir compte de la terminologie des positions nos 29.31 et 38.12, ainsi que des Notes de Chapitre et des Notes explicatives se rapportant à ces positions qui peuvent aider à interpréter correctement la terminologie de ces positions.

La position no 29.31 vise les autres composés organo-inorganiques, tandis que la position no 38.12 vise les préparations antioxydantes et les autres stabilisateurs composites pour les matières plastiques. Les Notes des Chapitres 29 et 38 prévoient, notamment, ce qui suit :

[Chapitre 29 - Produits chimiques organiques]
1. Sauf dispositions contraires, les positions du présent Chapitre comprennent seulement :

a) des composés organiques de constitution chimique définie présentés isolément, que ces composés contiennent ou non des impuretés;
b) des mélanges d'isomères d'un même composé organique (que ces mélanges contiennent ou non des impuretés).

6. Les composés des nos 29.30 et 29.31 sont des composés organiques dont la molécule comporte, outre des atomes d'hydrogène, d'oxygène ou d'azote, des atomes d'autres éléments non métalliques ou de métaux, tels que soufre, arsenic, mercure, plomb, directement liés au carbone.

Les nos 29.30 (thiocomposés organiques) et 29.31 (autres composés organo-inorganiques) ne comprennent pas les dérivés sulfonés ou halogénés (y compris les dérivés mixtes) qui, exception faite de l'hydrogène, de l'oxygène et de l'azote, ne comportent, en liaison directe avec le carbone, que les atomes de soufre ou d'halogène qui leur confèrent le caractère de dérivés sulfonés ou halogénés (ou de dérivés mixtes).

[Chapitre 38 - Produits divers des industries chimiques]
1. Le présent Chapitre ne comprend pas :

a) les produits de constitution chimique définie présentés isolément, autres que ceux ci-après.

Selon l'appelante, Sandostab satisfait à toutes les conditions préalables au classement dans le numéro de classement 2931.00.91.90, puisque Sandostab est (i) un composé organo-inorganique et (ii) un mélange d'au moins deux isomères du même composé organique qui contient des impuretés. L'appelante a soutenu que Sandostab ne pouvait être classé dans la position no 38.12, étant donné que la Note 1a) du Chapitre 38 et la Note (C) des Notes explicatives de la position no 38.12 excluent nommément les « produits de constitution chimique définie présentés isolément »8 . L'intimé a prétendu que, par contre, Sandostab ne satisfait pas aux exigences des Notes 1a) et 1b) du Chapitre 29, étant donné qu'il ne s'agit ni d'un CCCDPI, ni d'un mélange d'isomères du même composé9 .

Avant d'aller plus loin, le Tribunal doit déterminer si Sandostab est un CCCDPI. Pour répondre à la définition que la Note (A) des Notes explicatives du Chapitre 29 donne du « produit de constitution chimique définie présenté isolément », une substance doit d'abord consister en une espèce moléculaire dont la composition est définie par un rapport constant entre ses éléments et qui peut être représentée par un diagramme structural unique. M. St. Amour a témoigné que les structures (les molécules) des composantes I, II et III de Sandostab sont les mêmes, puisqu'il s'agit d'un mélange d'au moins deux isomères du même composé organique et que chacun a la même structure moléculaire10 . M. St. Amour a également expliqué que, si les composantes I à III étaient seules présentes, les trois isomères seraient considérés comme un CCCDPI11 .

Les parties ne s'entendent pas sur la nature des autres composantes qui font partie de Sandostab, plus précisément les composantes IV, V, VI et VII, ni pour dire que ce sont, ou non, des impuretés admissibles selon la définition des « produits de constitution chimique définie présentés isolément ». Les Notes explicatives du Chapitre 29, citées ci-dessus, décrivent les « impuretés ».

La question clé en l'espèce, c'est de savoir si les composantes IV à VII constituent des « impuretés » à la lumière de cette description. Pour répondre à cette question par l'affirmative, le Tribunal doit être convaincu que (1) leur présence dans le composé chimique résulte uniquement et directement du processus de fabrication et (2) qu'elles ne sont pas laissées délibérément dans le produit pour le rendre particulièrement adapté à un usage particulier plutôt qu'à un usage général.

Le Tribunal est convaincu par les éléments de preuve que les composantes IV à VII résultent uniquement et directement du processus de fabrication12 . Ce n'était pas en litige à l'audience. Le Tribunal doit ensuite trancher la question de savoir si les composantes IV à VII sont laissées délibérément dans Sandostab pour qu'il soit particulièrement adapté à un usage particulier plutôt qu'à un usage général.

En ce qui a trait à la composante VII, les éléments de preuve montrent clairement qu'il s'agit d'une matière première non convertie qui ne contient pas de phosphore et ne contribue pas à l'effet stabilisateur de Sandostab13 . L'appelante a prié le Tribunal de conclure que les composantes IV à VI étaient des sous-produits entrant dans la définition des « impuretés admissibles ». L'appelante a prétendu, entre autres choses, que ces composantes n'étaient pas laissées délibérément dans Sandostab, étant donné qu'il n'était ni techniquement ni économiquement praticable de les enlever. En s'appuyant sur le témoignage de l'expert, elle a prétendu que ces composantes n'étaient pas nécessaires pour que Sandostab soit un antioxydant secondaire, étant donné que les composantes I, II et III effectuent 90 p. 100 de l'activité. Le témoin de l'appelante a de plus déclaré que la composante V, vendue séparément sur le marché comme stabilisateur antioxydant, diminuait en fait l'efficacité des composantes I, II et III14 .

L'intimé a soutenu que les composantes IV à VII étaient laissées délibérément dans Sandostab afin qu'il soit adapté à un usage particulier, plus précisément qu'il serve de stabilisateur antioxydant pour les matières plastiques. L'intimé a ajouté que le témoignage de M. St. Amour montrait que les composantes IV à VII pouvaient être enlevées au moyen d'une technique reposant sur le poids moléculaire. D'après l'intimé, le fait qu'il ne soit pas économiquement praticable de les enlever n'est pas pertinent pour le classement tarifaire. L'intimé a fait valoir de plus que les documents de l'appelante, dont la publicité relative à Sandostab précise que le produit contient plusieurs composantes actives contribuant à son efficacité particulière, appuient sa position selon laquelle d'autres composantes actives font partie de Sandostab. L'intimé a prétendu aussi que la composante V est « nécessairement » laissée dans Sandostab afin qu'il soit plus adapté à un usage particulier, puisque la composante V est vendue séparément comme antioxydant.

Le Tribunal accepte qu'il peut être possible d'enlever les composantes IV à VI de Sandostab dans des conditions de laboratoire. Toutefois, rien n'indique que cela ait été réalisé au cours d'une production à grande échelle de ce produit. Le Tribunal n'est pas convaincu que le processus de chromatographie sur gel, que propose le témoin de l'intimé, et qui est censément utilisé dans le secteur pharmaceutique, pourrait être efficacement appliqué dans l'industrie des polymères avec un produit semblable à Sandostab15 . Il est permis de penser que les composantes IV à VI sont laissées délibérément dans Sandostab parce qu'il n'est pas économiquement praticable de les enlever. Cependant, le Tribunal n'est pas convaincu que l'objectif est d'adapter particulièrement le produit à un usage particulier, plutôt que de le rendre propre à un usage général. L'exemple donné dans la définition des « impuretés » nous renseigne sur les cas où une substance est délibérément laissée dans un produit, de manière à le rendre particulièrement propre à un usage particulier. Cette définition prévoit, notamment, qu'« un produit constitué par un mélange d'acétate de méthyle avec du méthanol délibérément laissé en vue de le rendre apte à être utilisé comme solvant est exclu ». Le Tribunal est d'avis que, pour qu'une substance rende un produit propre à un usage particulier, plutôt qu'à un usage général, sa présence doit améliorer l'adaptation de ce produit à l'utilisation particulière pour laquelle il est prévu - dans la présente affaire, ses qualités de stabilisateur antioxydant pour les matières plastiques. Formulée différemment, la question à laquelle le Tribunal doit répondre est celle de savoir si l'enlèvement de la substance augmenterait ou diminuerait la performance du produit.

Les éléments de preuve n'indiquent pas que la présence des composantes IV à VI augmente l'efficacité ou l'efficience de Sandostab pour son usage prévu. M. Stoll a témoigné que, bien que les composantes IV à VI ne soient pas des impuretés inertes, l'enlèvement de ces composantes pour obtenir un produit ne renfermant que les composantes I, II et III n'améliorerait à peu près pas l'efficacité du produit16 . D'après lui, les composantes IV à VI ne sont pas nécessaires pour que Sandostab joue son rôle de stabilisateur de traitement17 . M. Stoll a témoigné que ces composantes sont sans importance pour l'utilisation finale ciblée du produit18 . Pour sa part, M. St. Amour a déclaré que les autres composés augmentaient l'efficacité de Sandostab et ont été laissés dans le produit afin de lui donner des propriétés supplémentaires. Le Tribunal ne trouve toutefois pas convaincants les éléments de preuve de l'intimé sur ce point, étant donné qu'ils étaient en général de nature spéculative et n'étaient pas étayés par des exemples précis19 . Pour ce qui est de la publicité de Sandostab, selon laquelle le produit « contient plusieurs composantes actives, contribuant à son efficacité particulière » [traduction], le Tribunal ne peut conclure à partir de cet énoncé que les composantes IV à VI, en elles-mêmes, donnent à Sandostab une utilisation particulière qu'il n'aurait pas s'il n'était fait que des composantes I, II et III, ni qu'elles augmenteraient l'efficacité du produit. Selon le Tribunal, les documents portant sur le produit essaient tout simplement d'éviter l'association négative que pourrait transmettre le terme « impuretés ».

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que les composantes IV à VI ne sont pas délibérément laissées dans Sandostab pour le rendre particulièrement propre à un usage particulier plutôt qu'à un usage général. Les composantes IV à VI et la composante VII satisfont donc à la description des impuretés, puisque ce sont, respectivement, des sous-produits et des matières de départ non converties. Le Tribunal conclut que Sandostab est un composé de constitution chimique définie présenté isolément, qui contient des impuretés admissibles conformément à la Note 1a) du Chapitre 29 et des Notes explicatives du Chapitre 29. Sandostab est défini plus précisément, aux termes de la Note 1b) du Chapitre 29, comme un mélange d'au moins deux isomères d'un même composé organique (qu'il contienne ou non des impuretés). Selon le Tribunal, la description de ce qui constitue des « impuretés » dans la définition du « composé organique de constitution chimique définie » s'applique aussi à la Note 1b) du Chapitre 29, surtout que celle-ci traite, au dernier paragraphe, des mélanges d'isomères d'un même composé organique.

Comme il a déjà été dit, ce n'est que si Sandostab n'est pas un CCCDPI que son classement dans la position no 38.12 est permise, étant donné que la Note 1a) exclut ces composés de ce chapitre. Étant arrivé à la conclusion que Sandostab est un CCCDPI, et plus précisément un mélange d'au moins deux isomères du même composé organique, le Tribunal n'a pas d'autre choix que d'examiner la position no 29.31 pour vérifier que Sandostab satisfait aux autres exigences de cette position.

Les éléments de preuve indiquent que Sandostab est un composé organique contenant un métalloïde, le phosphore, ainsi que de l'oxygène. Le phosphore est également directement lié à un atome de carbone. Le Tribunal conclut que les exigences de la Note 6 du Chapitre 29 sont respectées. En outre, Sandostab ne fait pas partie de la catégorie des marchandises exclues du Chapitre 29, conformément à la Note 2.

En conséquence, le produit en cause, connu sous le nom commercial de Sandostab, devrait être classé dans le numéro tarifaire 2931.00.91, à titre d'autres composés organo-inorganiques, devant servir de catalyseur lors du raffinage du pétrole ou devant servir à la fabrication de denrées alimentaires pour les animaux ou les volailles, de colles ou d'adhésifs, de fibres optiques ou de faisceaux ou câbles de fibres optiques, de rubans encreurs pour machines à écrire ou de rubans encreurs similaires, de polymères en formes primaires, ou de profilés ou de feuilles en matières plastiques.

Pour les motifs qui précèdent, l'appel est admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [ci-après Loi].

2 . L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41.

3 . Supra note 2, annexe [ci-après Règles générales].

4 . Conseil de coopération douanière, 2éd., Bruxelles, 1996 [ci-après Notes explicatives].

5 . Phosyn LPC (13 avril 2000), AP-99-010 (TCCE).

6 . Supra note 2, annexe.

7 . Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

8 . Transcription de l'argumentation publique, 27 novembre 2000, à la p. 8.

9 . Ibid. à la p. 26.

10 . Transcription de l'audience publique,27 novembre 2000, à la p. 91.

11 . Ibid. à la p. 85.

12 . Ibid. à la p. 23.

13 . Ibid. aux pp. 26, 35, 119, 120.

14 . Ibid. à la p. 42.

15 . Ibid. aux pp. 94-96, 101-102.

16 . Ibid. à la p. 33.

17 . Ibid. aux pp. 34, 42.

18 . Ibid. à la p. 49.

19 . Ibid. aux pp. 120-22.


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Publication initiale : le 11 février 2002