LES PRODUITS BARIATRIX INTERNATIONAL INC.

Décisions


LES PRODUITS BARIATRIX INTERNATIONAL INC.
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2000-052

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 21 février 2002

Appel no AP-2000-052

EU ÉGARD À un appel entendu le 28 juin 2001, aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. 1985, c. S-15;

ET EU ÉGARD À un réexamen par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 26 septembre 2000 aux termes de l'article 59 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

ENTRE

LES PRODUITS BARIATRIX INTERNATIONAL INC. Appelante

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté. Le Tribunal conclut que les marchandises importées par l'appelante sont de même description que celles auxquelles s'appliquent les conclusions rendues dans le cadre de l'enquête no NQ-95-002 et sont donc assujetties à des droits antidumping.



James A. Ogilvy

James A. Ogilvy
Membre présidant

Richard Lafontaine

Richard Lafontaine
Membre

Ellen Fry

Ellen Fry
Membre


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

L'intimé a rendu une décision concernant des marchandises importées par l'appelante, qui a eu pour effet d'exiger le paiement de droits antidumping conformément aux conclusions rendues par le Tribunal dans le cadre de l'enquête no NQ-95-002. La décision était fondée sur sa conclusion que le produit en cause, importé des États-Unis par l'appelante, était du sucre raffiné et de même description que les marchandises auxquelles s'appliquent les conclusions du Tribunal. Pour déterminer que le produit en cause était du sucre raffiné, l'intimé s'est fondé sur des résultats d'essais polarimétriques d'échantillons du produit en cause, effectués au laboratoire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Aux termes de la note de sous-positions du Chapitre 17, une lecture au polarimètre inférieure à 99,5 degrés correspond à du sucre brut.

L'appelante a soutenu que les critères de description du sucre, à l'exception de sa lecture au polarimètre, indiquent que le produit en cause n'est pas du sucre raffiné. De plus, l'appelante a mis en doute l'exactitude des essais polarimétriques effectués par l'Agence des douanes et du revenu du Canada.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Dans le cadre de l'enquête no NQ-95-002, des droits antidumping ont été imposés sur le « sucre raffiné tiré de la canne à sucre ou de la betterave sucrière sous forme de granules, de liquide et de poudre, originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique ». La seule question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le produit en cause est du « sucre raffiné ».

L'exposé des motifs donnés dans le cadre de l'enquête no NQ-95-002 renvoie clairement au classement, dans le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, des marchandises auxquelles les conclusions s'appliquent. Comme point pertinent, la note de sous-positions du Chapitre 17 indique la lecture au polarimètre comme moyen de détermination de la question de savoir si le sucre est du « sucre brut ». De plus, les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises de la position no 17.01 prévoient, notamment, que les « sucres de canne [. . .] raffinés sont obtenus par traitement complémentaire du sucre brut. »

Le Tribunal est d'avis que, puisque la teneur, en poids, en saccharose du produit en cause, à l'état sec, correspond à une lecture au polarimètre de 99,7 degrés, le produit en cause n'est pas du « sucre brut ». Le Tribunal est également d'avis qu'un certain traitement complémentaire du « sucre de canne brut » a eu lieu. À la lumière de ce qui précède, il est satisfait aux termes des Notes explicatives de la position no 17.01, qui prévoient, notamment, que les « sucres [. . .] raffinés sont obtenus par traitement complémentaire du sucre brut. » De plus, à la lumière de la définition étoffée des marchandises donnée dans le cadre de l'enquête no NQ-95-002, et plus particulièrement étant donné le renvoi qui y a été fait aux « autres » sucres de spécialité, le Tribunal est d'avis que le produit en cause peut aussi être décrit comme étant un sucre de spécialité sous forme de granules.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 28 juin 2001

Date de la décision :

Le 21 février 2002

   

Membres du Tribunal :

James A. Ogilvy, membre présidant

 

Richard Lafontaine, membre

 

Ellen Fry, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

John Dodsworth

   

Greffier :

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

Aaron Rodgers, pour l'appelante

 

Louis Sébastien, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation 1 à l'égard d'une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), qui a eu pour effet de confirmer que les marchandises importées des États-Unis par l'appelante étaient assujetties à des droits antidumping. Le produit en cause, importé dans le cadre de cinq livraisons en 1999, a été décrit comme étant des « cristaux de jus de canne évaporés » [traduction]. Aux termes de l'article 59 de la LMSI, l'intimé a appliqué des droits antidumping au produit en cause, étant donné qu'il était d'avis qu'il s'agissait du sucre raffiné importé des États-Unis et, donc, de même description que les marchandises auxquelles s'appliquent les conclusions que le Tribunal a rendues dans le cadre de l'enquête no NQ-95-0022 .

La question en litige devant le Tribunal consiste à déterminer si le produit en cause est de même description que les marchandises auxquelles s'appliquent les conclusions du Tribunal.

PREUVE

Le témoin de l'appelante a été M. Stephen Massad, coordonnateur des matières premières chez Les Produits Bariatrix International Inc. L'appelante est une société détenue par des intérêts privés, de Montréal (Québec), qui produit des barres, des boissons et des boissons frappées nutritionnelles pour le compte d'autres sociétés qui les vendent principalement sur le marché des États-Unis. Le produit en cause a été importé du fabricant aux États-Unis et a été utilisé à titre d'ingrédient dans la production de barres nutritionnelles.

M. Massad a témoigné que la société pour laquelle l'appelante produit les barres nutritionnelles a commandé le produit en cause directement du fabricant des États-Unis; il n'a donc jamais vu de certificat d'analyse du sucre. Les fiches signalétiques communiquées par le fabricant indiquaient que le produit en cause avait une teneur en saccharose de 99,0 à 99,5 p. 100. L'appelante n'a pas effectué d'essai de contrôle de la qualité du sucre; par conséquent, M. Massad a dit ne pas savoir si la teneur en saccharose du produit en cause s'était déjà écartée de celle indiquée sur les fiches signalétiques.

M. Massad a témoigné avoir envoyé un échantillon du produit en cause à l'ADRC en novembre ou décembre 2000 pour fins d'essai. Il a déclaré que l'ADRC ne lui a pas demandé d'inscrire ou de préciser le lot duquel l'échantillon avait été tiré. L'échantillon a été placé dans un contenant qui n'était étanche ni à l'air ni à l'eau.

M. Massad a aussi répondu à des questions sur la lettre du 19 septembre 2000 d'un cabinet juridique des États-Unis au fabricant du produit en cause, que l'appelante a déposée en preuve. La lettre compare le procédé de fabrication du produit en cause et celui d'un sucre davantage raffiné. Il a déclaré que, à son avis, la lettre indique que le produit en cause est moins raffiné que les autres types de sucres appelés sucres « raffinés ».

Le témoin de l'intimé était M. Wendell Ward, chimiste au laboratoire de l'ADRC. À l'audience, M. Ward a été qualifié d'expert en analyse chimique des aliments, cette reconnaissance étant assortie de la mise en garde que ce dernier n'était pas reconnu à titre d'expert quant à l'industrie sucrière elle-même. Il a témoigné au sujet du procédé d'essai et d'analyse polarimétriques. M. Ward a témoigné que l'essai effectué sur le produit en cause importé par l'appelante a donné une lecture moyenne au polarimètre de 99,7 degrés et que la lecture au polarimètre était plus ou moins équivalente au pourcentage de saccharose dans un échantillon. Il a aussi témoigné avoir appliqué une technique de chromatographie liquide à haute performance afin de vérifier que l'échantillon était du saccharose.

M. Ward a témoigné que l'information sur la teneur en saccharose communiquée sur la fiche signalétique du fabricant était une spécification de production, qu'il n'était pas rare qu'il y ait des écarts dans la production et que la spécification n'était pas nécessairement en contradiction avec les résultats de la mesure effectuée par l'ADRC. Il a aussi déclaré que la fiche signalétique n'indiquait pas les méthodes d'essai appliquées pour obtenir ces résultats. De plus, il a expliqué que toute teneur en eau ou toute oxydation auraient pour seul effet d'abaisser, et non de rehausser, la lecture au polarimètre et que l'oxydation ne se ferait que sur une période mesurée en années.

M. Ward a décrit le produit en cause comme étant du sucre granulé. M. Ward a témoigné que la lecture au polarimètre du sucre blanc raffiné traditionnel est de 99,99. Il a reconnu que la lettre du cabinet juridique des États-Unis au fabricant du produit en cause indiquait que le sucre ne subit pas un raffinage aussi poussé que d'autres produits. M. Ward a aussi témoigné qu'une erreur de la mesure au polarimètre pouvait atteindre 0,2 degré. Il a aussi confirmé que le Mémorandum D10-2-3 3 indique que l'ADRC et l'industrie ont accepté, comme marge d'erreur acceptable, un écart de 0,25 degré des résultats dans l'« établissement de la polarisation »4 .

M. Ward a témoigné que l'échantillon du produit en cause remis par l'appelante a été soumis à trois essais. La méthode d'essai appliquée par le technologue est celle qui a été établie par la Commission internationale pour l'unification des méthodes d'analyse du sucre. La mesure aurait été corrigée pour tenir compte de la teneur en eau, puisque les lectures au polarimètre qui servent aux fins du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 5 sont pour des produits correspondants à l'état sec.

PLAIDOIRIE

L'appelante a soutenu que le produit en cause est du sucre brut et, donc, qu'il n'est pas de même description que les marchandises auxquelles s'appliquent les conclusions du Tribunal. L'appelante a renvoyé à la lettre du cabinet juridique des États-Unis, dans laquelle il était indiqué que le procédé de fabrication du produit en cause comporte une cristallisation simple effectuée à l'usine, l'usine devant être située près des champs où la canne à sucre est cultivée. Il a comparé ce procédé avec la pratique des sucreries canadiennes qui appliquent un procédé de cristallisation double pour la production de sucre raffiné. L'appelante a soutenu que, étant donné que les raffineurs canadiens ne peuvent produire de sucre raffiné identique au produit en cause, le Tribunal n'a pas pu vouloir que ses conclusions s'appliquent à eux.

À cet égard, l'appelante a invoqué les termes des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 6 de la position no 17.01, qui prévoient, notamment, que « [t]outefois, les sucres bruts peuvent être d'un degré de pureté susceptible de les faire utiliser, en l'état, pour l'alimentation humaine, sans avoir à subir de raffinages. » Il ressort de ces termes qu'il existe du sucre brut d'un degré de pureté suffisant pour qu'il soit susceptible de le faire utiliser pour l'alimentation humaine. L'appelante a soutenu que le produit en cause est du sucre brut de cette nature.

L'appelante a invoqué le fait que la décision de l'intimé que le produit en cause était du sucre raffiné était entièrement fondée sur les lectures au polarimètre du produit en cause, telles que mesurées au laboratoire de l'ADRC. L'appelante a soutenu que la description des marchandises contenue dans les conclusions du Tribunal ne renvoie pas nécessairement à la lecture au polarimètre comme constituant le critère de définition à appliquer aux fins de la description des marchandises. Tout en reconnaissant que, dans le cas du sucre, la lecture au polarimètre est un facteur pertinent à prendre en compte pour déterminer s'il s'agit de sucre brut ou de sucre raffiné, l'appelante a soutenu que l'essai n'est pas déterminant.

L'appelante a soutenu que d'autres critères peuvent aussi s'appliquer à la détermination de la question de savoir si le produit en cause doit être considéré comme étant du sucre brut ou du sucre raffiné et que de tels critères appuient sa position selon laquelle le produit en cause n'est pas du sucre raffiné.

L'appelante a aussi invoqué l'analyse des marchandises similaires dans les conclusions du Tribunal, qui prend en compte les études de marché dans la détermination de ce qui constitue des « marchandises similaires ». L'appelante a soutenu que la commercialisation du produit en cause est très différente de celle du sucre raffiné produit par les usines nationales, puisqu'il est moins raffiné et attire un consommateur qui se soucie davantage des questions de santé.

L'appelante a aussi mis en doute l'intégrité de l'échantillonnage et de l'essai du produit en cause. L'appelante a invoqué des éléments de preuve qui indiquaient que la procédure d'essai donne lieu à une marge d'erreur de 0,2 degré. L'appelante a aussi mis en doute les résultats de l'essai, étant donné les éléments de preuve qui indiquaient que la teneur en saccharose du produit en cause mesurée par le fabricant était plus faible que les résultats communiqués par l'ADRC.

L'intimé a soutenu que, dans l'exposé des motifs des conclusions du Tribunal, il a renvoyé explicitement au Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, qui renvoie à une lecture au polarimètre inférieure à 99,5 degrés comme correspondant à du sucre brut par opposition à du sucre raffiné. À cet égard, les essais effectués par l'ADRC ont donné une lecture au polarimètre de 99,7 degrés.

L'intimé a soutenu que l'appelante n'a pas soumis d'éléments de preuve convaincants sur la teneur en saccharose du produit en cause qui réfuterait les éléments de preuve produits par l'intimé. L'appelante n'a pas non plus produit d'éléments de preuve qui établiraient la lecture au polarimètre du produit en cause ou qui montrent que le produit en cause est du sucre « brut ». À cet égard, l'intimé a souligné que l'appelante n'a pas déposé de rapport d'expert, ni réfuté le rapport d'expert de l'intimé. L'intimé a soutenu que les fiches signalétiques et la lettre en provenance d'un cabinet juridique des États-Unis, que l'appelante a déposées en preuve pour montrer que le produit en cause était du sucre brut, relèvent du ouï-dire. Même si les fiches signalétiques communiquées par l'appelante indiquaient une teneur en saccharose de 99,0 à 99,5 p. 100, les méthodes d'essai qui ont été appliquées pour obtenir un tel résultat n'étaient pas précisées. De plus, l'intimé a soutenu que l'analyse des marchandises similaires du Tribunal n'est pas pertinente à l'espèce.

DÉCISION

L'appelante interjette appel de la décision de l'intimé selon laquelle le produit en cause était de même description que les marchandises auxquelles s'appliquent les conclusions du Tribunal et est donc assujetti aux droits antidumping. Les conclusions du Tribunal décrivent les marchandises comme étant du « sucre raffiné tiré de la canne à sucre ou de la betterave sucrière sous forme de granules, de liquide ou de poudre, originaire ou exporté des États-Unis d'Amérique ».

Il n'est pas contesté que le produit en cause a été importé des États-Unis et qu'il a été produit à partir de la canne à sucre. De plus, le témoin de l'intimé a produit des éléments de preuve non contestés que le produit en cause était du saccharose et peut être qualifié de sucre granulé. Le produit en cause a été importé de mai à juillet 1999, au moment où les conclusions du Tribunal étaient en vigueur. Par conséquent, la seule question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le produit en cause est du « sucre raffiné » aux fins des conclusions du Tribunal. L'appelante soutient que le produit en cause est du « sucre brut », tandis que l'intimé est d'avis qu'il est de même description que le « sucre raffiné » visé dans les conclusions du Tribunal.

Dans ses exposés, l'appelante a soutenu que le produit en cause ne pouvait être réputé comme étant des « marchandises similaires » au « sucre raffiné ». Le Tribunal fait observer que le terme « marchandises similaires » est défini dans la LMSI, mais qu'il n'est pas employé relativement aux appels interjetés aux termes de la LMSI aux fins de la détermination de la question de savoir si des marchandises importées sont des « marchandises de même description » que les marchandises auxquelles s'appliquent une ordonnance ou des conclusions du Tribunal. Par conséquent, le Tribunal est d'avis qu'une analyse des « marchandises similaires » n'est pas indiquée dans le cadre du présent appel.

Il est clair, d'après les éléments de preuve, qu'il est possible de recourir à plusieurs méthodes pour définir l'expression « sucre raffiné ». Il peut en découler des résultats différents. Sans autres précisions, l'expression est ambiguë. Dans J.V. Marketing c. Canada (Tribunal canadien du commerce extérieur) 7 , la Cour d'appel fédérale a conclu que, lorsque la description de marchandises visées dans des conclusions est ambiguë, il est possible de se référer à toute « définition étoffée » des marchandises qui peut se trouver dans l'exposé des motifs afin de lever l'ambiguïté. La « définition étoffée » contenue dans l'exposé des motifs des conclusions du Tribunal est la suivante :

Les produits qui font l'objet de la présente enquête sont décrits par le Sous-ministre dans la décision définitive comme étant du sucre raffiné tiré de la canne à sucre ou de la betterave sucrière sous forme de granules, de liquide et de poudre. Dans le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises [...], le sucre en question est classé dans les sous-positions nos 1701.91 et 1701.99 et dans la plupart des numéros tarifaires de la sous-position no 1702.90 [...].
Le sucre raffiné est vendu sous forme de sucre blanc en granules, de sucre liquide et de sucres de spécialité. Le sucre en granules est offert dans une gamme de fractions de granules (c.-à-d. moyenne, fine et extrafine). Le sucre liquide comprend le sucre inverti. Les sucres de spécialité comprennent la cassonade dorée, le sucre brun, le sucre à glacer, le sucre à la démérara et d'autres sucres. Les sucres de spécialité peuvent être sous forme de granules, de liquide ou de poudre. Le sucre raffiné est fourni aux clients dans une large gamme de formats d'expédition et de conditionnement, notamment des sacs de 2, 4, 10, 20 et 40 kg, et en vrac par wagon, camion ou conteneur semi-vrac d'une tonne métrique (sacs à transporter). Le sucre liquide est vendu au wagon, au camion, au baril et au seau8 .

La « définition étoffée » indique que le sucre visé dans les conclusions du Tribunal est classé dans les sous-positions nos 1701.91 et 1701.99 et dans la plupart des numéros tarifaires de la sous-position no 1702.90. Les sous-positions nos 1701.91 et 1701.99 renvoient aux sucres « [a]utres » que les « [s]ucres bruts sans addition d'aromatisants ou de colorants » classés dans la sous-position no 1701.11.

L'article 10 du Tarif des douanes 9 prévoit que le classement est effectué en conformité avec les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé 10 et les Règles canadiennes 11 . La Règle 1 des Règles générales et la Règle 1 des Règles canadiennes indiquent que les notes de sous-positions déterminent aussi le classement au niveau de la sous-position. L'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions et des sous-positions, il est tenu compte des Notes explicatives.

À cet égard, les Notes explicatives de la position no 17.01 établissent une distinction claire entre le sucre raffiné et le sucre brut, indiquant que les « sucres de canne [...] raffinés sont obtenus par traitement complémentaire du sucre brut ». La note de sous-positions du Chapitre 17 mentionne un essai spécifique qui doit être utilisé afin de déterminer si le sucre est du sucre brut (et donc non pas du sucre raffiné) :

1. Au sens des nos 1701.11 et 1701.12, on entend par sucre brut le sucre contenant en poids, à l'état sec, un pourcentage de saccharose correspondant à une lecture au polarimètre inférieure à 99,5°.

Comme il a déjà été indiqué, l'appelante et l'intimé ont introduit des éléments de preuve contradictoires au sujet de la teneur en saccharose du produit en cause. L'appelante a soutenu que la teneur en saccharose correcte se situait entre 99,0 et 99,5 p. 100, tandis que l'intimé a soutenu que la lecture au polarimètre du produit en cause était de 99,7 degrés. Les éléments de preuve produits par l'appelante consistaient principalement en des fiches signalétiques communiquées par le fabricant à l'égard du produit en cause, non corroborées par des éléments de preuve quant à la méthode d'essai appliquée pour déterminer la teneur en saccharose ou par des certificats d'analyse. L'appelante n'a pas procédé à ses propres essais polarimétriques. Bien que le Tribunal accepte que, comme l'a déclaré le témoin de l'intimé, une lecture au polarimètre correspond plus ou moins au pourcentage de saccharose dans un échantillon, l'exactitude de la corrélation n'est cependant pas claire. Étant donné le degré d'exactitude requis pour distinguer le sucre brut du sucre raffiné conformément au Chapitre 17, le Tribunal est d'avis que l'appelante n'a pas été suffisamment claire sur ce point.

Quant à la lettre du cabinet juridique des États-Unis au fabricant du produit en cause, que l'appelante a invoquée, il n'a pas été établi que l'auteur avait une connaissance experte particulière relativement à la question qui fait l'objet du présent appel. L'objet principal de la lettre semble avoir surtout été de traiter de l'étiquetage et de la terminologie, aux termes de la loi des États-Unis. De plus, la lettre ne traite que d'une façon accessoire de l'analyse du produit en cause. Même si le graphique qui y est joint porte à croire que certains sucres subissent un traitement de raffinage plus poussé que le produit en cause, une telle information n'infirme pas les éléments de preuve produits par l'intimé concernant la lecture au polarimètre et ne réfute pas la preuve que le produit en cause est du « sucre raffiné ».

L'appelante a aussi mis en doute l'intégrité des essais effectués par l'intimé. Elle a avancé que la durée qu'il a fallu pour commander et traiter les échantillons et le risque de contamination étant donné l'utilisation d'un contenant qui n'était pas à l'épreuve de l'humidité et de l'air étaient suffisants pour invalider les résultats de l'essai.

Le Tribunal accueille toutefois les résultats des essais en laboratoire de l'intimé. Le témoin de l'intimé a déclaré que tous les essais sont corrigés pour tenir compte de la teneur en eau des échantillons. De plus, il a expliqué que l'oxydation à la suite de l'exposition à l'air ne se fait que sur une période mesurée en années. De toute façon, le type de menace qui pourrait peser sur l'exactitude de l'essai en l'espèce (pénétration excessive d'eau et d'air) aurait, dans tous les cas, tendance à donner une lecture plus basse plutôt que plus haute.

Les éléments de preuve indiquaient qu'un certain temps s'était écoulé entre l'importation du produit en cause et l'essai. Le Tribunal accueille le témoignage du témoin de l'intimé selon lequel le sucre est un agent relativement inerte sur une période beaucoup plus longue que le délai de un an écoulé avant que l'ADRC procède à l'essai du produit en cause. De l'avis du Tribunal, par conséquent, l'incidence du facteur temps en l'espèce a été minime, ou nul, eu égard aux résultats de l'essai.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est donc d'avis que le produit en cause n'est pas du « sucre brut ». De fait, le Tribunal est d'avis que, étant donné que la teneur, en poids, du produit en cause, à l'état sec, correspond à une lecture au polarimètre de 99,7 degrés, un certain traitement complémentaire du « sucre de canne brut » a eu lieu. Les éléments de preuve montrent que le sucre de canne destiné à la consommation humaine est soumis à une série d'étapes qui constituent un processus continu de traitement, ou de raffinage, à partir du pressage initial de la canne jusqu'à la production du sucre sous forme comestible. Bien que son passage à travers les étapes de traitement ait pour effet d'en augmenter les degrés de pureté, le produit demeure susceptible d'être classé à titre de sucre brut tant que la lecture au polarimètre du sucre n'atteint pas 99,5 degrés. Par conséquent, la poursuite du traitement au-delà de ce stade est légitimement réputée un « traitement complémentaire » du sucre brut donnant du sucre raffiné. Cela satisfait les termes des Notes explicatives de la position no 17.01 qui prévoient, notamment, que les « sucres de canne [...] raffinés sont obtenus par traitement complémentaire du sucre brut. » Pour ces motifs, le Tribunal conclut que le produit en cause est du sucre raffiné. De plus, à la lumière de la description étoffée des marchandises donnée dans les conclusions du Tribunal, et plus particulièrement étant donné le renvoi qui y a été fait aux « autres » sucres de spécialité, le Tribunal est d'avis que le produit en cause peut aussi être décrit comme étant un sucre de spécialité sous forme de granules.

Le Tribunal est donc convaincu que le produit en cause est de même description que les marchandises auxquelles s'appliquent les conclusions du Tribunal. Par conséquent, l'appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985, c. S-15 [ci-après LMSI].

2 . Sucre raffiné (6 novembre 1995) (TCCE) [ci-après les conclusions du Tribunal].

3 . ADRC, « Classement tarifaire, échantillonnage et analyse du sucre brut » (24 mai 2000).

4 . Selon le Mémorandum D10-2-3, l'« établissement de la polarisation » est la « méthode d'établissement du prix adoptée par l'industrie pour toutes les transactions de sucre brut. Lorsque les résultats des deux parties divergent de 0,25 o, une mesure indépendante (par un tiers) est prise et la moyenne des deux mesures les plus proches est acceptée. Cette méthode est reconnue à l'échelle internationale. »

5 . Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

6 . Conseil de coopération douanière, 2éd., Bruxelles, 1996 [ci-après Notes explicatives].

7 . (1994), 178 N.R. 24 (CAF).

8 . Supra note 2 aux pp. 3-4.

9 . L.C. 1997, c. 36.

10 . Ibid., annexe [ci-après Règles générales].

11 . Ibid.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 6 mai 2002