ALLIANCE RO-NA HOME INC.

Décisions


ALLIANCE RO-NA HOME INC.
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2000-028

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 17 septembre 2001

Appel no AP-2000-028

EU ÉGARD À un appel entendu le 21 mars 2001 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 13 avril 2000 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

ALLIANCE RO-NA HOME INC. Appelante

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.



Peter F. Thalheimer

Peter F. Thalheimer
Membre présidant


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard d'une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les dévidoirs de ruban importés par l'appelante, emballés seuls ou accompagnés de un ou de deux rouleaux de ruban de cellophane, sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8205.59.90 à titre d'autres outils et outillage à main non dénommés ni compris ailleurs, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8422.30.99, à titre d'autres machines et appareils à fermer les boîtes, comme l'a soutenu l'appelante.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le classement de ces marchandises consistant en un dévidoir de ruban emballé pour la vente au détail avec un ou deux rouleaux de ruban de cellophane sera déterminé par le numéro tarifaire dans lequel les dévidoirs de ruban sont classés, puisque ce sont ces composantes qui donnent à l'ensemble son caractère essentiel. À la lumière de diverses définitions de dictionnaire et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, et après avoir examiné le dévidoir de ruban, le Tribunal est convaincu qu'il s'agit d'un outil et que c'est un instrument tenu dans la main qui aide à accomplir une tâche, plus précisément celle qui consiste à poser du ruban. Le dévidoir ne fait rien de plus que de tenir le ruban et de guider son application en la facilitant; il s'agit d'un simple outil qui imite ou remplace les gestes de la main et du bras, dont on peut aussi se servir pour appliquer le ruban. Le fait que le dévidoir de ruban ait des composantes qui pourraient être qualifiées de machines simples ne suffit pas pour qu'il soit considéré comme une machine et classé dans la position no 84.22. Plutôt, un outil à main peut comprendre divers mécanismes simples sans nécessairement être exclus des outils à main. Dans la présente affaire, les mécanismes simples en jeu ne suffisent pas à faire du dévidoir une machine, que celui-ci contienne ou non un rouleau de ruban. Une machine doit pouvoir effectuer une certaine forme de transmission de la force d'une composante à une autre. En l'espèce, aucune des composantes du dévidoir de ruban n'a d'interaction mécanique dynamique avec une autre; chacune des parties mobiles du dévidoir tourne sur elle-même ou agit indépendamment des autres.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 21 mars 2001

Date de la décision :

Le 17 septembre 2001

   

Membre du Tribunal :

Peter F. Thalheimer, membre présidant

   

Conseiller pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Greffier :

Margaret Fisher

   

Ont comparu :

Peter E. Kirby et David T. Reilly, pour l'appelante

 

Jean-Robert Noiseux, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 à l'égard d'une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), le 13 avril 2000, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les dévidoirs de ruban importés par l'appelante, emballés seuls ou accompagnés de un ou de deux rouleaux de ruban de cellophane, sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8205.59.90 de l'annexe au Tarif des douanes 2 ,à titre d'autres outils et outillage à main non dénommés ni compris ailleurs, comme l'a déterminé l'intimé, ou s'ils doivent être classés dans le numéro tarifaire 8422.30.99, à titre d'autres machines et appareils pour fermer des boîtes, comme l'a soutenu l'appelante. Les marchandises en cause ont été importées entre le 5 juin et le 1er septembre 1998.

Le dévidoir de ruban est formé de plusieurs composantes en métal et en plastique fixées sur une structure en métal. Une poignée en plastique permet à l'utilisateur de tenir le dévidoir de ruban et de sceller en exerçant une pression et en déroulant le ruban. Un cylindre en plastique tourne et permet d'appliquer le ruban à un objet; ce cylindre est le point de contact lorsque le ruban est collé à une autre surface. Un guide à levier en métal aide à améliorer la régularité de l'application du ruban à la surface. Le support du ruban a un tambour rotatif, une barre de pression et un dispositif de réglage de la tension à ressort; on ajuste le réglage à ressort soit dans le sens horaire ou dans le sens antihoraire pour accroître ou diminuer la résistance du dévidage du ruban, ce qui contrôle et uniformise le déroulement du ruban pendant l'utilisation. Une lame tranchante en métal permet de couper le ruban du rouleau.

La nomenclature tarifaire pertinente prévoit ce qui suit :

82.05 Outils et outillage à main (y compris les diamants de vitriers) non dénommés ni compris ailleurs; lampes à souder et similaires; étaux, serre-joints et similaires, autres que ceux constituant des accessoires ou des parties de machines-outils; enclumes; forges portatives; meules avec bâtis, à main ou à pédale.

-Autres outils et outillage à main (y compris les diamants de vitriers) :

8205.59 --Autres
8205.59.90 ---Autres
84.22 Machines à laver la vaisselle; machines et appareils servant à nettoyer ou à sécher les bouteilles ou autres récipients; machines et appareils à remplir, fermer, boucher ou étiqueter les bouteilles, boîtes, sacs ou autres contenants; machines à capsuler les bouteilles, pots, tubes et contenants analogues; autres machines et appareils à empaqueter ou emballer les marchandises (y compris les machines et appareils à emballer sous film thermorétractable); machines et appareils à gazéifier les boissons.
8422.30 -Machines et appareils à remplir, fermer, boucher ou étiqueter les bouteilles, boîtes, sacs ou autres contenants; machines et appareils à capsuler les bouteilles, pots, tubes et contenants analogues; machines et appareils à gazéifier les boissons
8422.30.91 ----Systèmes d'ensachage automatique;

Machines à capsuler;
Machines à sceller;
Machines à insérer de la laine de coton;
Machines à remplir, à l'exclusion des machines à vide à tambour;
Pour étiqueter, d'une capacité d'au plus 1 200 contenants/minute;
Appareils de nettoyage des comprimés

8422.30.99 ----Autres

PREUVE

Des exemplaires des marchandises en cause ont été déposées comme pièces auprès du Tribunal.

L'appelante n'a pas convoqué de témoins.

M. Jan Wojcik, agent principal des appels, Division de règlement des différends de l'administration des politiques commerciales de l'ADRC, a témoigné au nom de l'intimé. M. Wojcik a affirmé qu'on trouve fréquemment les dévidoirs de ruban dans les bureaux, les salles de courrier, les entrepôts, les quais d'expédition et les maisons. Il a ajouté qu'ils servent surtout à l'application d'un ruban qui scelle des caisses en carton et des boîtes. M. Wojcik a donné des dévidoirs de ruban la description suivante : un cadre en métal courbé à angle droit, sur lequel sont fixés par des vis une poignée pistolet en plastique, une bobine en plastique sur laquelle le ruban est placé et un bouton en plastique rainuré muni d'un ressort. M. Wojcik a expliqué que la bobine en plastique bouge moins librement lorsque le bouton est tourné dans le sens horaire, alors qu'elle bouge plus librement lorsque le bouton est tourné dans le sens antihoraire. M. Wojcik a de plus mentionné qu'un petit guide en métal fixé lâchement dans une rainure dans la partie inférieure du cadre en métal sert à maintenir le ruban à plat et en place. Il a également dit que ce ruban repose contre un cylindre en plastique qui tourne librement et qui est fixé à la partie supérieure du cadre en métal lorsque l'utilisateur tire le ruban en l'appliquant sur l'objet. M. Wojcik a ajouté que les dévidoirs de ruban comportent aussi une lame tranchante dentelée en métal et une pièce de protection en plastique qui servent à couper le ruban qui est appliqué et à le séparer de celui qui se trouve sur la bobine.

M. Wojcik a montré comment le dévidoir de ruban fonctionne lorsque le bouton en plastique qui règle la tension est tourné complètement dans le sens horaire (tension maximale) et ensuite, complètement dans le sens antihoraire (tension minimale). M. Wojcik a essayé de montrer que la bobine bouge tout à fait librement lorsque le bouton en plastique est tourné complètement dans le sens antihoraire, alors qu'elle ne bouge pas du tout lorsque le bouton est tourné complètement dans le sens horaire. Dans son témoignage, M. Wojcik s'est dit d'avis que ni le fait de tourner la bobine en plastique ni celui de tourner le cylindre en plastique n'a d'effet sur une autre partie du dévidoir de ruban. M. Wojcik a montré comment placer un rouleau de ruban dans le dévidoir de ruban, ce qui se fait en glissant le ruban sur la bobine en plastique, le ruban se dévidant depuis le dessus du rouleau. M. Wojcik a montré aussi que, lorsque le rouleau de ruban se trouve dans le dévidoir de ruban, l'utilisateur a autre chose à faire avant que le dévidoir de ruban ne soit prêt à l'emploi, à savoir tirer sur le ruban et le glisser entre le cylindre en plastique et le guide en métal. M. Wojcik s'est dit aussi d'avis que, outre qu'ils servent à sceller des boîtes, les dévidoirs de ruban peuvent être utilisés à plusieurs autres fins de scellage, par exemple pour enrouler de ruban des objets qu'on désire attacher ensemble. Enfin, M. Wojcik a montré comment appliquer le ruban en se servant du dévidoir. Au cours de sa démonstration, il a pressé le cylindre en plastique maintenant le ruban contre l'objet, puis a tiré le dévidoir de ruban le long de la surface de l'objet et l'a fait avancer de façon à tordre le ruban contre l'extrémité en métal dentelée afin de couper le ruban à l'endroit voulu.

Pendant le contre-interrogatoire effectué par l'appelante, M. Wojcik a montré comment fonctionne le dévidoir lorsque le bouton en plastique qui règle la tension est tourné complètement dans le sens antihoraire (tension minimale) et ensuite, complètement dans le sens horaire (tension maximale). L'appelante a demandé à M. Wojcik si resserrer ou desserrer la vis de tension du bouton en plastique modifiait la force qu'il exerçait sur le dévidoir. En réponse à cette question, M. Wojcik a indiqué que cela ne modifiait pas la force qu'il avait exercée, mais influençait l'efficacité de l'utilisation du dévidoir. L'appelante a ensuite suggérer à M. Wojcik que celui-ci exerçait la même force, mais que l'effet de cette force était différent. M. Wojcik a répliqué qu'il utilisait probablement moins de force lorsqu'il montrait le fonctionnement du dévidoir en position de tension maximale et a fait remarquer que, dans ce cas, le ruban se soulevait tout simplement de la zone sur laquelle il essayait de l'appliquer; en fait, M. Wojcik a affirmé qu'il ne pouvait alors pas tirer trop fort parce que, aussitôt qu'il exerçait une certaine force, le ruban levait de l'objet sur lequel il essayait de l'appliquer. L'appelante a demandé à M. Wojcik de confirmer son affirmation précédente que la principale utilisation du dévidoir est d'appliquer le ruban pour sceller des caisses en carton et des boîtes. M. Wojcik a confirmé que c'est ce qu'il avait dit. L'appelante a demandé à M. Wojcik s'il avait déjà participé à la prise de décisions relative au classement des marchandises en cause. M. Wojcik a répondu qu'il n'avait pas pris part à une telle activité.

POSITION DES PARTIES

Appelante

L'appelante a soutenu que les dévidoirs de ruban devraient être classés dans la position no 84.22 conformément à la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé 3 . Il a été soutenu que les dévidoirs de ruban sont des appareils mécaniques conformément à la Note supplémentaire de la Section XVI du Tarif des douanes, selon laquelle « l'expression "à commande mécanique" se rapporte aux produits comprenant une combinaison plus ou moins complexe de parties mobiles et stationnaires et contribuant à la production, la modification ou la transmission de la force et du mouvement. » À ce titre, l'appelante a prétendu que les dévidoirs de ruban sont un assemblage moins complexe de parties mobiles qui fonctionnent par la transmission de la force et du mouvement, le mouvement du cylindre entraînant le mouvement du dispositif de réglage de la tension qui, à son tour, contrôle le dévidage du ruban par le cylindre. L'appelante a également soutenu que cette façon de considérer les dévidoirs de ruban est conforme à la jurisprudence établie par le Tribunal dans les appels nos AP-98-0784 et AP-94-1575 . Pour appuyer sa position, et tout en reconnaissant qu'elles ne sont pas contraignantes, l'appelante a cité certaines décisions des douanes aux États-Unis selon lesquelles des marchandises censément similaires aux marchandises en cause sont des appareils mécaniques pouvant être classés dans le Chapitre 84.

L'appelante a par conséquent soutenu que, les dévidoirs de ruban étant des appareils mécaniques, ils sont donc exclus du classement dans la Section XV en vertu de la Note 1f) des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 6 de cette section, qui exclut « les articles de la Section XVI (machines et appareils; matériel électrique) ». Pour appuyer cette affirmation, l'appelante a mentionné que les Notes explicatives du Chapitre 82 précisent que ce chapitre vise des marchandises qui ne sont pas des machines ou des appareils de la Section XVI. Il a donc été soutenu que les dévidoirs de ruban ne peuvent être considérés comme d'autres outils à main du Chapitre 82, parce que ce sont des appareils mécaniques mentionnés spécifiquement au Chapitre 84.

Enfin, l'appelante a fait valoir que les seuls numéros tarifaires pertinents de la sous-position no 8422.30 sont les numéros tarifaires 8422.30.91 et 8422.30.99, mais que les marchandises en cause doivent être classées dans ce dernier.

Intimé

L'intimé a fait valoir que les dévidoirs de ruban sont correctement classés, conformément à la Règle 1 des Règles générales, dans le numéro tarifaire 8205.59.90, à titre d'autres outils à main. Pour appuyer cette affirmation, l'intimé a souligné qu'un des éléments des dévidoirs de ruban est une lame tranchante dentelée en métal qui répond à la définition des « métaux communs » donnée à la Note 3 de la Section XV. Conformément à la Note 1a) des Notes explicatives du Chapitre 82, qui prévoit que ce chapitre « couvre seulement les articles pourvus d'une lame [...] en métal commun », il est par conséquent permis de classer ces marchandises dans ce chapitre. L'intimé a également soutenu que les dévidoirs de ruban sont décrits de manière générique à la position no 82.05 en tant qu' « outils et outillage à main [...] non dénommés ni compris ailleurs ». Citant plusieurs définitions de dictionnaire, l'intimé a fait valoir que les dévidoirs de ruban satisfont à la définition d'un outil et sont conçus pour l'utilisation manuelle; en d'autres mots, ce sont des instruments tenus dans la main qui aident à accomplir une tâche simple, c'est-à-dire à mettre du ruban sur un objet. L'intimé a soutenu que, puisque les dévidoirs de ruban peuvent être classés dans le Chapitre 82, ils sont donc exclus du classement dans le Chapitre 84 en vertu de la Note 1k) de la Section XVI.

L'intimé a également fait valoir que, bien que les positions nos 82.05 et 39.26 décrivent toutes deux de manière générique les dévidoirs de ruban, ceux-ci comportent des lames et des parties mobiles en métal commun et, par conséquent, la Note 1a) des Notes explicatives du Chapitre 82 appuie le classement dans ce chapitre. En ce qui concerne le fait que les dévidoirs de ruban sont emballés avec un ou deux rouleaux de ruban, l'intimé a fait valoir que la Règle 3 b) des Règles générales favorise le classement de l'ensemble dans la position no 82.05 plutôt que dans la position no 39.19, parce que le dévidoir de ruban donne au tout son caractère essentiel.

L'intimé a expliqué pourquoi il s'oppose au classement des dévidoirs de ruban dans la position no 84.22. S'appuyant sur une série de définitions trouvées dans des dictionnaires largement répandus, l'intimé a soutenu que les dévidoirs de ruban ne sont pas des machines et qu'il est impossible de considérer qu'ils sont à commande mécanique, comme l'exige le classement dans la position no 84.22. L'intimé a fait remarquer que la Cour d'appel fédérale avait adopté des définitions semblables7 . L'intimé a également mentionné la décision du Tribunal dans Classic Chef, selon laquelle, pour qu'il s'agisse d'une machine, le mouvement d'une des parties doit avoir un effet sur une autre; l'intimé a soutenu qu'aucun effet de ce genre ne se produit dans le fonctionnement des dévidoirs de ruban. En fait, selon l'intimé, la production, la modification ou la transmission de la force ou du mouvement par une machine et l'interaction d'une de ses parties avec une autre sont des facteurs importants qui distinguent une machine d'un outil à main. L'intimé a prétendu que les dévidoirs de ruban ne produisent, ne modifient, ni ne transmettent de force ou de mouvement, puisque rien de ce que fait le dévidoir de ruban ne fait dérouler le ruban. L'intimé a soutenu que ce sont plutôt les gestes de l'utilisateur qui permettent au ruban de se dévider, les parties des dévidoirs de ruban n'étant que des éléments passifs qui permettent le déroulement uniforme et la coupure franche du ruban. Ces gestes, selon l'intimé, ressemblent à ce qui se produit lorsque quelqu'un tient un rouleau de ruban dans une main, prend l'extrémité dégagée du ruban et tire dessus avec l'autre main. Le dévidoir de ruban n'effectue aucune action mécanique, en tant que telle, et toute affirmation, comme celle que fait l'appelante, selon laquelle le ressort de tension du dévidoir de ruban suffit pour que l'ensemble soit considérée comme une machine n'est pas suffisamment étayée. L'intimé a de même soutenu, lors de l'utilisation du dévidoir de ruban, que toutes les parties du dévidoir de ruban sont des éléments passifs qui ne contrôlent pas son fonctionnement.

L'intimé a indiqué que, lorsque le Tribunal fait la comparaison des dévidoirs de ruban aux marchandises énumérées au Chapitre 82, il devrait conclure que les dévidoirs de ruban ressemblent à divers outils à main ayant des mécanismes simples qui sont prévus à la position no 82.05. L'intimé a ajouté que diverses définitions de dictionnaire appuient son affirmation, c'est-à-dire qu'il faut considérer que les dévidoirs de ruban ne contiennent rien de plus que des mécanismes simples. En outre, l'intimé a soutenu que la vis de tension, le seul mécanisme simple du dévidoir de ruban, ne suffit pas pour que le dévidoir soit classé comme une machine de la position no 84.22, qui concerne plutôt des machines complexes à usages industriel et ménager. L'intimé a fait valoir que cette interprétation est conforme à la décision du Tribunal dans Classic Chef qui, selon lui, veut qu'il ne s'agisse d'une machine en tant que telle que lorsqu'une de ses parties a un effet sur une autre. En l'espèce, lorsque la vis de tension est desserrée, le ruban d'emballage se déroule toujours et l'action qui consiste à appliquer le ruban n'est pas touchée. L'intimé a aussi soutenu que la présence de la vis de tension ne suffisait pas à empêcher le classement des dévidoirs de ruban dans le Chapitre 82, étant donné que ce chapitre et la position no 82.05 prévoient spécifiquement, tous deux, le classement de divers outils à main ayant des mécanismes simples. Pour appuyer le classement des dévidoirs de ruban dans le Chapitre 82, l'intimé a également fait remarquer que la position no 82.10 prévoit le classement, entre autres, de moulins à poivre ou à café non électriques, de batteurs à main, d'ouvre-boîtes mécaniques et d'extracteurs de jus. S'opposant au classement des dévidoirs de ruban dans le numéro tarifaire 8422.30.91, l'intimé a souligné qu'il est possible de les utiliser pour faire autre chose que sceller des boîtes, et que l'industrie et le commerce les considèrent généralement comme des outils à main. Finalement, l'intimé a souligné que le Tribunal, dans la décision qu'il a rendue dans l'appel no AP-97-1228 , a conclu qu'un pistolet à calfeutrer qui comporte un mécanisme simple plus complexe que celui des dévidoirs de ruban était néanmoins un outil à main.

DÉCISION

En ce qui concerne le classement de marchandises, le Tribunal se fonde sur l'article 10 du Tarif des douanes, qui prévoit que le classement de marchandises importées dans un numéro tarifaire doit, sauf disposition contraire, être déterminé conformément aux Règles générales et aux Règles canadiennes 9 . L'article 11 du Tarif des douanes dispose, entre autres, qu'en interprétant les positions et les sous-positions de l'annexe, il faut tenir compte des Notes explicatives. La Règle 1 des Règles générales prévoit que le classement sera déterminé d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres.

Comme cela a été mentionné ci-dessus, certaines des marchandises que l'appelante a importées consistent en un dévidoir de ruban emballé seul; le classement de telles marchandises est traité ci-dessous. Toutefois, l'appelante a aussi importé d'autres marchandises dont des dévidoirs de ruban emballés avec un ou deux rouleaux de ruban de cellophane. Le Tribunal s'est d'abord demandé comment, selon les Règles générales, il doit classer des marchandises consistant en un dévidoir de ruban emballé avec un ou deux rouleaux de ruban de cellophane. Les Règles 1 et 2 des Règles générales ne déterminent pas le classement dans ce cas. Plutôt, le Tribunal est d'avis que, conformément à la Règle 3 a), il doit considérer qu'au moins deux positions concernent ces marchandises aussi précisément l'une que l'autre parce que deux positions au moins renvoient chacune à une partie seulement de ces articles dans un ensemble offert à la vente au détail, c'est-à-dire la position no 39.19 pour le ruban de cellophane (ruban auto-adhésif, de plastique, même en rouleaux) et la position appropriée (soit 82.05 ou 84.22) déterminée ci-dessous pour les dévidoirs de ruban. Le Tribunal doit donc se tourner vers la Règle 3 b), qui prévoit, notamment, que les « marchandises présentées en assortiments emballés pour la vente au détail, dont le classement ne peut être effectué en application de la Règle 3 a) [comme c'est le cas ici], sont classé[e]s d'après la matière ou l'article qui leur confère leur caractère essentiel lorsqu'il est possible d'opérer cette détermination. » En vertu de cette règle, le Tribunal est d'avis que les dévidoirs de ruban donnent à ces marchandises, qui consistent en un dévidoir de ruban et en un ou deux rouleaux de ruban de cellophane emballés ensemble pour la vente au détail, leur caractère essentiel. En fait, le rouleau de cellophane n'est qu'un approvisionnement accessoire pour le dévidoir de ruban. Le classement de ces marchandises sera donc déterminé en fonction du numéro tarifaire dans lequel les dévidoirs de ruban sont classés.

Le Tribunal passe maintenant au classement des dévidoirs de ruban. Il s'agit de savoir si ce sont des outils à main ou des machines.

The Oxford English Dictionary 10 définit le mot « machinery » (machines) de la façon suivante : « machines ou parties constituantes d'une machine, considérées dans leur ensemble; le mécanisme ou les "rouages" d'une machine ou de machines » [traduction]11 . Il définit « machine » (machine) comme étant « tout instrument qui sert à transmettre la force ou à modifier son application » [traduction]12 . Il fait une distinction entre les machines « simples » et les machines « complexes » et l'une des citations que donnent les éditeurs explique davantage la nature de ces deux grandes catégories de machines. En fait, « on admet en général que les machine simples sont au nombre de six, c'est-à-dire la balance, le levier, la poulie, la roue, le coin et la vis. Il existe d'innombrables machines complexes, ou engins » [traduction].

Par contre, le mot « tool » (outil) est défini comme suit : « tout instrument fonctionnant à la main; outil mécanique pour travailler sur quelque chose, soit en coupant, en frappant, en frottant ou par un autre procédé, dans tout art manuel ou industriel; en général, tenu et actionné directement à la main (ou dans une position fixe, comme le tour), mais incluant aussi certaines machines simples, comme le tour; se dit aussi quelquefois d'autres types d'instruments simples » [traduction]. Les définitions fournies par l'intimé sont semblables à celles que contient The Oxford English Dictionary 13 .

Le Tribunal fait remarquer que les Notes explicatives du Chapitre 82 précisent que « [l]es outils du présent Chapitre répondent, en principe, au critère de pouvoir être manipulés à bras franc au cours de leur utilisation, même s'ils comportent des dispositifs mécaniques simples, tels que manivelles, engrenages, pistons, arbres à vis (vis d'Archimède), leviers ou similaires. »

À la lumière de ces définitions et des Notes explicatives, et après avoir examiné les dévidoirs de ruban et avoir porté une attention particulière à leur poignée intégrée laquelle indique de toute évidence qu'ils ont été conçus pour l'utilisation manuelle, le Tribunal est convaincu que ce sont des outils. De fait, ce sont des dispositifs tenus à la main qui aident à accomplir une tâche, soit celle d'appliquer du ruban.

Le Tribunal est d'avis qu'un dévidoir de ruban ne fait rien d'autre que tenir le ruban qui a été placé dedans et en guider l'application pour la faciliter; évidemment, la lame tranchante dentelée permet aussi de séparer le ruban du rouleau. Il faut noter aussi que ce sont les propriétés adhésives du ruban qui offrent la résistance nécessaire pour que le dévidoir soit correctement utilisé, non une partie du dévidoir lui-même ni ce qu'il fait. En ce sens, bien que certaines forces mécaniques puissent être transmises par les propriétés adhésives du ruban appliqué à une surface, combinées au geste de tirer sur le dévidoir, le dévidoir en lui-même n'est rien de plus qu'un simple outil qui imite ou remplace les mouvements de la main et du bras et qu'il est possible d'utiliser au lieu de la main et du bras pour poser le ruban : 1) en tenant le rouleau de ruban d'une main; 2) en le plaçant sur une surface avec l'autre main; 3) en tirant avec le bras de la main qui tient le rouleau sur le rouleau de ruban jusqu'à longueur désirée; 4) en faisant pression au besoin avec l'autre main sur la longueur du ruban déroulé afin de bien le fixer à la surface; 5) en coupant le ruban avec des ciseaux ou un autre instrument.

Le fait, comme cela est décrit ci-dessus, que le dévidoir de ruban est fait de composantes qui peuvent être considérées comme des machines simples - en fait, il comporte deux roues (le cylindre en plastique et le tambour) et une vis (le tendeur) - ne suffit pas pour que le dévidoir de ruban soit classé dans la position no 84.22 à titre de machine. Le Tribunal fait remarquer que, comme l'indiquent les Notes explicatives, un outil à main peut comporter divers mécanismes simples sans cesser nécessairement d'être un outil à main. À ce sujet, le Tribunal renvoie aussi à la Note (E) 7) des Notes explicatives de la position no 82.05, qui mentionne plusieurs outils à main divers; le Tribunal est d'avis que les dévidoirs de ruban sont des outils de ce genre. Le Tribunal considère qu'aucun des mécanismes simples en jeu, que le dévidoir contienne ou non un rouleau de ruban, ne suffit à en faire une machine.

Le Tribunal est plutôt d'avis que, pour considérer le dévidoir de ruban comme une machine, et conformément à des décisions antérieures sur ce sujet, le dévidoir de ruban en cause doit pouvoir effectuer une certaine transmission de la force d'une composante à une autre14 . Ce n'est pas le cas en l'espèce. Plutôt, aucune des composantes du dévidoir de ruban n'a d'interaction mécanique dynamique avec une autre; chacune des parties mobiles du dévidoir tourne sur elle-même ou agit indépendamment des autres.

En outre, le dévidoir de ruban ayant une lame en métal commun, la condition de la Note 1 des Notes explicatives du Chapitre 82 est respectée.

En conséquence, conformément à la Règle 1 des Règles générales, le classement à l'échelle de la position est celui de la position no 82.05. À l'échelle de la sous-position, la sous-position no 8205.59 est indiquée parce que celle-ci est plus descriptive que toute autre. Enfin, puisque le Tribunal a établi que les dévidoirs de ruban sont d'autres outils à main non dénommés ailleurs, le numéro tarifaire approprié, comme l'a déterminé l'intimé, est le numéro tarifaire 8205.59.90.

Par conséquent, les divers dévidoirs de ruban, qu'ils soient emballés seuls ou avec des rouleaux de ruban, sont correctement classés dans le numéro tarifaire 8205.59.90.

Pour les motifs qui précèdent, l'appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [ci-après Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Ibid., annexe [ci-après Règles générales].

4 . Classic Chef c. S-MRN (17 décembre 1999) [ci-après Classic Chef].

5 . Société Canadian Tire c. S-MRN (12 octobre 1995).

6 . Conseil de coopération douanière, 2éd., Bruxelles, 1996 [ci-après Notes explicatives].

7 . Ingersoll-Rand Door Hardware Canada c. S-MRNDA (1987), 80 N.R. 397.

8 . Société Canadian Tire c. S-MRN (29 septembre 1998).

9 . Supra note 2, annexe.

10 . Deuxième éd.

11 . Ibid., s.v. « machinery ».

12 . Ibid., s.v. « machine ».

13 . Le Tribunal note en particulier les définitions suivantes citées par l'intimé : Encyclopædia Britannica, en ligne : <http://www.britannica.com>, « machine » (machine) : « appareil n'ayant qu'une seule utilisation, qui augmente ou remplace l'effort de l'être humain ou de l'animal pour l'accomplissement de tâches physiques. Cette grande catégorie renferme des appareils simples comme le levier , le coin , la roue et l'essieu , la poulie et la vis (les cinq soi-disant machines simples) ainsi que des systèmes mécaniques complexes comme l'automobile moderne) » [traduction]; Merriam-Webster's Collegiate Dictionary, en ligne : <http://www.britannica.com>, « tool » (outil) : « appareil tenu à la main qui aide à accomplir une tâche » [traduction].

14 . Classic Chef, supra, note 4 à la p. 8; Les Produits Maison Jascor c. S-MRN (3 décembre 1996), AP-95-277 à la p. 3.


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Publication initiale : le 25 septembre 2001