SCOTT PAPER LIMITED

Décisions


SCOTT PAPER LIMITED
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-2000-034

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 11 avril 2002

Appel no AP-2000-034

EU ÉGARD À un appel entendu le 11 septembre 2001 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, c. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 30 mai 2000 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

SCOTT PAPER LIMITED Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.



James A. Ogilvy

James A. Ogilvy
Membre présidant

Peter F. Thalheimer

Peter F. Thalheimer
Membre

Ellen Fry

Ellen Fry
Membre


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté à l'égard d'une décision rendue le 30 mai 2000 par laquelle l'intimé a rejeté la demande de l'appelante visant le remboursement de la taxe de vente fédérale payée par erreur sur les ventes de papier de toilette. L'appelante a déposé une demande de remboursement, en 1992, concernant le « paiement en trop de la TVF sur des ventes exemptes de la taxe » [traduction] durant la période du 1er avril au 31 décembre 1990. Les éléments de preuve ont indiqué que le montant demandé avait été déterminé seulement relativement aux mouchoirs de papier et que, dans des communications subséquentes avec l'intimé au sujet de ladite demande, l'appelante a demandé qu'il soit tenu compte de la taxe payée par erreur sur les ventes de mouchoirs de papier seulement.

En 1998, la Section de première instance de la Cour fédérale a conclu que les mouchoirs de papier et le papier de toilette étaient exempts de la taxe. En 1999, l'appelante a demandé à l'intimé de tenir compte, dans le cadre de sa demande de remboursement, des sommes d'argent qu'elle avait versées par erreur au titre de taxes sur le papier de toilette. La demande de remboursement de l'appelante a été accueillie, relativement aux mouchoirs de papier, et un remboursement partiel au montant d'environ 1,6 million de dollars a été effectué. L'intimé n'a accordé aucun remboursement relativement au papier de toilette et a indiqué, dans sa décision, que la demande concernant le papier de toilette n'avait pas été déposée dans le délai prescrit de deux ans.

DÉCISION : L'appel est rejeté. L'appelante a soutenu que, conformément à l'article 68 de la Loi sur la taxe d'accise, un contribuable n'est pas tenu de demander le remboursement d'un montant spécifique de sommes d'argent versées par erreur. Étant donné qu'elle a demandé un remboursement des sommes d'argent versées en trop au titre de taxes, l'intimé est tenu de lui rembourser un montant égal à celui de ces sommes. Le Tribunal est d'avis que le libellé de l'article 68 prévoit que le demandeur doit indiquer la nature de l'erreur alléguée. Le Tribunal est également d'avis que d'accepter l'interprétation que donne l'appelante obligerait le Tribunal à ne pas tenir compte du libellé explicite portant sur le délai prescrit de deux ans pour le dépôt d'une demande de remboursement.

Le Tribunal conclut que la demande de remboursement de l'appelante visait les mouchoirs de papier et non le papier de toilette. L'appelante n'a pas demandé à l'intimé un remboursement de la taxe payée par erreur sur le papier de toilette avant 1999, environ six ans après la communication de l'avis de détermination de l'intimé et bien après l'expiration du délai prescrit de deux ans. Par conséquent, le remboursement des sommes versées par erreur au titre de taxes sur le papier de toilette durant la période en question ne peut être accordé.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 11 septembre 2001

Date de la décision :

Le 11 avril 2002

   

Membres du Tribunal :

James A. Ogilvy, membre présidant

 

Peter F. Thalheimer, membre

 

Ellen Fry, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

John Dodsworth

Greffier :

Susanne Grimes

   

Ont comparu :

Thomas B. Akin, pour l'appelante

 

Anne M. Turley, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

QUESTION EN LITIGE

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise 1 à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national le 30 mai 2000. Ladite décision a eu pour effet de rejeter la demande de l'appelante visant le remboursement de la taxe de vente fédérale (TVF) payée sur le papier de toilette durant la période du 1er avril au 31 décembre 1990, au motif que la demande n'avait pas été déposée dans le délai de deux ans prévu à l'article 68 de la Loi. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'appelante a droit à un remboursement de la TVF payée par erreur sur le papier de toilette.

PREUVE

Chaque partie a déposé un mémoire dans le cadre du présent appel. L'appelante a déposé des observations complémentaires à son mémoire et un dossier de documents regroupés. L'intimé a déposé un dossier de documents et un dossier supplémentaire des ouvrages et décisions invoqués. De plus, les parties ont déposé un exposé conjoint des faits.

Selon les éléments de preuve, l'appelante est un fabricant de papier de toilette et de mouchoirs de papier et payait la TVF à titre de fabricant titulaire de licence aux termes de la Loi. Le 15 mai 1992, l'appelante a déposé une demande de remboursement en se servant de la formule « N 15 ». L'appelante a d'abord envisagé de demander un remboursement en 1986, étant donné qu'elle avait découvert qu'un concurrent avait demandé un remboursement, invoquant que les mouchoirs de papier étaient des marchandises relatives à la santé et donc exemptes de la taxe. Cependant, la Commission du tarif a rejeté la demande susmentionnée, après avoir conclu que les mouchoirs de papier étaient des cosmétiques, qui, au moment de la décision, n'étaient pas exempts de la taxe2 .

Le témoin de l'appelante a déclaré que l'appelante avait découvert en 1992, avant de présenter la demande de remboursement en question, qu'un de ses concurrents, la société Kimberly-Clark Canada Inc. (Kimberly-Clark), avait déposé une demande de remboursement au motif qu'il avait été conclu dans CIP que les mouchoirs de papier étaient des cosmétiques. Les cosmétiques ont plus tard été déclarés exempts de la taxe aux termes de la Loi.

Le témoin de l'appelante a aussi déclaré que l'appelante avait appris que la demande de remboursement de Kimberly-Clark avait été présentée eu égard aux sommes versées par erreur au titre de taxes à la fois sur les mouchoirs de papier et sur le papier de toilette. Cependant, le témoin a ajouté que le président de Scott Paper Limited lui avait dit qu'il ne croyait pas que le papier de toilette pouvait être considéré comme étant des cosmétiques et, par conséquent, qu'il ne souhaitait pas présenter de demande à ce motif. Le témoin de l'appelante a de plus indiqué que le montant de la demande avait été fondé sur le calcul de la taxe payée seulement sur les mouchoirs de papier. Ce fait a été confirmé lorsque les feuilles de travail, qui avaient servi aux calculs aux fins de l'établissement de la formule « N 15 », ont été déposées par l'appelante, en 1998, pour justifier sa demande de remboursement.

La formule « N 15 » établie par l'appelante donnait très peu de renseignements. Il y était indiqué que la demande de remboursement visait un montant de 2 848 844 $ relativement au « paiement en trop de la TVF sur des ventes exemptes de la taxe » [traduction] durant la période du 1er avril au 31 décembre 1990. Le témoin de l'appelante a qualifié la demande de remboursement de « demande conservatoire » qui « arrêterait l'horloge » relativement au délai de prescription prévu par la Loi. De l'avis du témoin, une demande conservatoire est une demande de remboursement rédigée en des termes généraux pour protéger le droit du demandeur à un remboursement, si le règlement d'une demande présentée par un concurrent devait subséquemment confirmer que la taxe n'aurait pas dû être payée sur certaines marchandises.

Le 21 septembre 1993, la demande de remboursement de l'appelante a été rejetée. L'intimé a déclaré dans l'avis de détermination que « les ventes de mouchoirs de papier de Scott Paper Limited [. . .] ont été correctement faites au titre de ventes exemptes de la taxe » [traduction]. L'intimé a soutenu que les mouchoirs de papier étaient assujettis à la taxe aux termes de la Loi et que la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans CIP avait confirmé la décision de la Commission du tarif selon laquelle les mouchoirs de papier n'étaient pas des marchandises relatives à la santé, mais n'avait pas confirmé les observations de la Commission du tarif selon lesquelles les mouchoirs de papier étaient des cosmétiques. L'avis de détermination ne faisait aucune mention d'une demande visant les taxes payées par erreur sur les ventes de papier de toilette. Selon le témoin de l'appelante, cette dernière estimait que la demande visait seulement les mouchoirs de papier à ce moment.

L'avis d'opposition signifié par l'appelante eu égard à l'avis de détermination contestait, de plus, seulement la décision de l'intimé qui avait eu pour effet de rejeter sa demande de remboursement relativement aux mouchoirs de papier. Selon les éléments de preuve, l'appelante a accepté que l'intimé reporte la communication d'un avis de détermination concernant l'avis d'opposition susmentionné jusqu'à ce que la Section de première instance de la Cour fédérale statue sur la demande présentée par Kimberly-Clark3 .

Les éléments de preuve indiquent de plus que c'est en 1999 que l'appelante a d'abord demandé à l'intimé de tenir compte, dans le cadre de sa demande de remboursement, des sommes d'argent versées par erreur au titre de taxes sur le papier de toilette. L'appelante a présenté cette demande lorsque l'intimé l'a avisée que le plein montant de sa demande de remboursement qui se rapportait aux taxes payées par erreur sur les mouchoirs de papier (au montant de 2,8 millions de dollars) ne serait pas accordé. Le témoin de l'appelante avait aussi découvert, à ce moment, que la décision dans Kimberly-Clark avait confirmé que les mouchoirs de papier et le papier de toilette étaient tous deux des cosmétiques et donc exempts de la taxe aux termes de la Loi. Elle a aussi déclaré avoir été informée de la décision rendue par le Tribunal dans l'appel no AP-94-3304 , qui, à son avis, indiquait que le montant du remboursement de l'appelante n'était pas limité seulement au montant précisé dans sa demande de remboursement.

En ce qui a trait à la formule « N 15 », le témoin de l'intimé a déclaré que la formule sur laquelle la demande a été présentée est habituellement remplie par le demandeur, mais que les vérificateurs s'appuient sur les feuilles de travail au moment de procéder à la vérification. À cet égard, le témoin de l'intimé a déclaré que, jusqu'au 24 novembre 1999, tous les documents soumis par l'appelante relativement à la demande visaient les mouchoirs de papier seulement.

ARGUMENTATION

L'appelante a prétendu que la demande de remboursement est fondée sur la formule « N 15 » et que sa demande a été formulée de telle manière qu'elle devait être interprétée comme constituant une demande de remboursement relativement à la fois aux mouchoirs de papier et au papier de toilette. Elle a prétendu que le litige dans le présent appel porte sur la détermination de l'intimé sur le droit à un remboursement et que la portée de la contestation de cette détermination n'était pas limitée par ce qu'elle avait inclus dans son avis d'opposition ou ailleurs.

L'appelante a prétendu que la décision du Tribunal dans l'appel no AP-99-0625 est différente de l'espèce, étant donné que, dans l'appel susmentionné, le contribuable avait déposé une demande de remboursement d'une portée très restreinte se rapportant spécifiquement à certaines marchandises (articles de représentation). Ce n'est que plus tard, au moment de l'appel auprès du Tribunal, qu'il avait tenté d'étendre la portée de sa demande de remboursement pour y inclure d'autres marchandises, soutenant que la politique prescrivait que la Couronne ne devait pas avoir le droit de retenir des sommes d'argent qui ne lui étaient pas dues lorsqu'une demande était présentée dans les délais prescrits. Par contre, la demande de l'appelante visée dans le présent appel a été rédigée en termes généraux d'une vaste portée.

L'appelante a invoqué la décision du Tribunal dans Erin Michaels à l'appui de son argument. Selon l'appelante, la demande de remboursement présentée par le demandeur dans Erin Michaels était aussi rédigée en des termes d'une vaste portée. Dans Erin Michaels, le Tribunal a conclu que, lorsqu'il examine une demande de remboursement valide, l'intimé doit déterminer le montant payé en trop au titre de taxes. Dans de telles circonstances, le montant dû à rembourser au contribuable n'est pas limité par le montant précisé. L'appelante a aussi invoqué une décision6 de la Section de première instance de la Cour fédérale à l'appui de sa proposition selon laquelle, lorsqu'il a correctement déposé un avis d'opposition, le contribuable a le droit de contester tous les aspects d'une détermination, qu'ils soient ou non décrits dans les motifs.

L'appelante a soutenu avoir droit à un remboursement au montant de 2,8 millions de dollars, étant donné qu'elle avait payé au moins ces sommes d'argent en trop durant la période visée par la demande de remboursement. Elle a aussi soutenu que la bonne façon d'interpréter une loi fiscale est d'en interpréter les dispositions d'après le sens clair et ordinaire des termes utilisés et qu'une intention présumée du Parlement ne l'emportait pas sur le sens clair et ordinaire de ces termes.

L'appelante a prétendu que l'article 68 de la Loi, au sens clair et ordinaire des termes qui y sont utilisés, prévoit que la demande de remboursement se rapporte à des sommes d'argent versées par erreur. Étant donné que l'appelante avait déposé une demande de remboursement relativement à des sommes d'argent versées au titre de TVF sur des ventes exemptes de la taxe et qu'elle avait, de fait, payé la TVF en trop durant la période visée par la demande, ladite demande de remboursement doit être acceptée. L'appelante a prétendu que, pour qu'un tribunal limite le droit d'un contribuable à ce qui serait, autrement, son propre argent, il faudrait une prescription réglementaire claire en ce sens, ce qui n'est pas le cas en l'espèce7 .

L'intimé a prétendu que l'appelante n'avait pas présenté de demande de remboursement relativement au papier de toilette dans le délai prescrit de deux ans. Il a prétendu que la demande de remboursement de l'appelante visait un montant spécifique et que les feuilles de travail8 soumises à l'appui de la demande indiquaient clairement que le montant avait été calculé relativement aux mouchoirs de papier seulement. L'intimé a prétendu que permettre à un contribuable d'invoquer des demandes de remboursement formulées en des termes généraux dans ce genre de circonstances irait à l'encontre de l'objet visé par la prescription d'un délai.

L'intimé a aussi prétendu qu'il était clair que l'appelante tentait d'obtenir un remboursement des sommes versées par erreur au titre de taxes sur les mouchoirs de papier. L'appelante a demandé pour la première fois en 1999 que l'intimé tienne compte, dans le cadre de sa demande de remboursement, des sommes versées par erreur relativement au papier de toilette, après s'être rendu compte que le plein montant de sa demande relative aux mouchoirs de papier ne serait pas accordé. Par contre, l'intimé a souligné que Kimberly-Clark avait présenté une demande relativement à la fois aux mouchoirs de papier et au papier de toilette.

L'intimé a prétendu que le fait que l'avis d'opposition et les pièces de correspondance avec l'appelante ne faisaient mention que des mouchoirs de papier corroborait le point de vue selon lequel la demande de remboursement, telle qu'elle était formulée sur la formule « N 15 » soumise par l'appelante, visait seulement les mouchoirs de papier et non le papier de toilette. L'intimé a renvoyé au libellé de l'article 68 de la Loi qui indique qu'un remboursement doit être versé si le contribuable « en fait la demande », une exigence à laquelle l'appelante n'a pas satisfait, relativement au papier de toilette, dans le délai prescrit de deux ans.

L'intimé a prétendu que la décision du Tribunal dans Erin Michaels est différente de l'espèce. Dans Erin Michaels, selon l'intimé, le Tribunal a déclaré qu'un contribuable a droit au plein montant de la taxe payée en trop relativement à une demande de remboursement concernant un produit spécifique et que le remboursement n'est pas limité par le montant indiqué dans la demande de remboursement. Dans cette affaire, la question de savoir si des produits qui n'avaient pas été désignés dans la demande de remboursement initiale pouvaient être ajoutés après l'expiration du délai prescrit de deux ans n'était pas en litige. L'intimé a invoqué Barney Printing qui, à son avis, suppose que l'appelante doit faire état de la nature de l'erreur qui justifie la demande de remboursement présentée dans le délai prescrit de deux ans; agir autrement ferait échec à l'objet du délai prescrit.

DÉCISION

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si, en l'espèce, l'appelante a droit, aux termes de l'article 68 de la Loi, à un remboursement des sommes versées par erreur au titre de taxes sur le papier de toilette. Le fait que le papier de toilette est exempt de la taxe aux termes de la Loi, à savoir l'effet de la décision rendue dans Kimberly-Clark, n'est pas en litige dans le présent appel. L'appelante a prétendu qu'elle avait droit à un remboursement des sommes versées par erreur au titre de taxes sur les ventes de papier de toilette. Il convient de faire observer que les parties s'entendent sur le fait que, si l'appel est admis, l'intimé devra procéder à une vérification pour déterminer le montant de ces taxes à rembourser.

L'article 68 de la Loi se lit ainsi :

68. Lorsqu'une personne, sauf à la suite d'une cotisation, a versé des sommes d'argent par erreur de fait ou de droit ou autrement, et qu'il a été tenu compte des sommes d'argent à titre de taxes, de pénalités, d'intérêts ou d'autres sommes en vertu de la présente loi, un montant égal à celui de ces sommes doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être payé à cette personne, si elle en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes.

L'appelante a prétendu que l'article 68 de la Loi, interprété d'après le sens clair et ordinaire des termes qui y sont utilisés, signifie qu'une demande de remboursement se rapporte à des sommes d'argent versées par erreur. Selon l'appelante, le contribuable ne demande pas, de fait, le remboursement de sommes d'argent spécifiques, mais plutôt le remboursement de la somme d'argent, en général, versée à l'intimé par erreur et relativement à toute erreur qui aurait pu être commise.

Le Tribunal n'est pas d'accord sur l'interprétation de l'article 68 de la Loi que donne l'appelante. L'article 68 de la Loi indique que le montant des sommes d'argent versées par erreur par une personne sera payé à cette personne « si elle en fait la demande » dans le délai prescrit. Selon le Tribunal, une personne n'a pas satisfait à l'exigence selon laquelle elle doit « en [faire] la demande » si elle n'a pas donné une indication raisonnable de l'objet visé dans sa demande. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que l'article 68 prescrit qu'une personne qui demande un remboursement doit indiquer la nature de l'erreur alléguée.

Accepter l'interprétation donnée par l'appelante obligerait le Tribunal à ne pas tenir compte du libellé explicite de la partie de l'article qui se rapporte au délai de prescription de deux ans. Le délai de prescription n'aurait plus d'objet si un demandeur pouvait simplement présenter une demande générale, dans le délai prescrit de deux ans, puis invoquer ensuite cette demande pour appuyer un nombre illimité de demandes spécifiques, présentées sur un nombre illimité d'années, au fur et à mesure que de nouvelles erreurs possibles sont décelées9 . Le Tribunal fait aussi observer que, aux termes de la Loi, la formule « N 15 » doit être établie en la forme prescrite par l'intimé10 . À cet égard, le Tribunal fait également observer que la formule « N 15 » et ses annexes exigent clairement que le demandeur donne des renseignements détaillés sur la nature de la demande de remboursement.

Le Tribunal a récemment tiré une conclusion semblable au sujet des exigences prescrites par l'article 68 de la Loi. Dans la décision qu'il a rendue dans Barney Printing, le Tribunal a déclaré ce qui suit :

accepter que la nature de l'erreur ne soit pas précisée dans la demande de remboursement semblerait enlever toute sa valeur contraignante à l'expression « si elle en fait la demande » qui se trouve à l'article 68 de la Loi. Étant donné l'obligation qui lui incombe de déterminer le montant payable au demandeur [ . . .], cela imposerait à l'intimé un fardeau déraisonnable. Ainsi qu'il a déjà été indiqué, il s'agirait là aussi d'un moyen de contourner le délai de deux ans prescrit. Le Tribunal est d'avis que tel n'a pu être l'intention du Parlement.11

Selon le Tribunal, la décision qu'il a rendue dans Erin Michaels n'est d'aucune utilité pour l'appelante. La question dans Erin Michaels était de savoir si le montant du remboursement en raison d'une erreur alléguée pouvait être supérieur au montant demandé. Le Tribunal n'a pas examiné la question de savoir si l'appelante pouvait obtenir le remboursement de sommes payées au titre de taxes eu égard à une erreur précisée par l'appelante après l'expiration du délai prescrit et n'a pas non plus traité de la possibilité d'étendre la nature ou la description des marchandises visées dans la demande.

En outre, le Tribunal conclut que les faits dans Midwest Oil ne sont pas analogues aux faits de l'espèce. Dans Midwest Oil, l'appelante a été autorisée à soulever un nouvel argument, qui n'avait pas été formulé dans son avis d'opposition, concernant une contestation de la cotisation établie pour l'impôt sur le revenu. Il n'a pas alors été tenté d'étendre la portée d'application du litige, mais simplement d'ajouter un autre argument à l'appui de la position de l'appelante. La décision dans Midwest Oil n'a pas traité d'une situation semblable à celle qui prévaut en l'espèce, où l'appelante tente d'étendre la portée d'application du litige.

Dans le présent appel, l'appelante prétend qu'il convient de lui accorder un remboursement relativement aux sommes qu'elle a versées par erreur au titre de TVF sur le papier de toilette. Cependant, la formule « N 15 » soumise par l'appelante indique que le motif de sa demande de remboursement est le « paiement en trop de la TVF sur des ventes exemptes de la taxe » [traduction], mais n'indique pas la nature de cette erreur alléguée. Bien qu'il soit demandé, sur la formule « N 15 », d'inclure ou d'annexer des renseignements descriptifs sur la nature de la demande, aucun renseignement de ce genre n'accompagnait la demande de l'appelante.

En fait, les documents produits par l'appelante à l'appui de sa demande, avant la détermination de l'intimé, et les pièces de correspondance de l'appelante à l'intimé durant la période en cause indiquent clairement qu'il était prévu que la demande de remboursement de l'appelante ne se rapportait qu'aux sommes versées par erreur au titre de taxes sur les ventes de mouchoirs de papier et non sur les ventes de papier de toilette. Les éléments de preuve indiquent aussi clairement que l'appelante a calculé le montant de sa demande eu égard seulement aux sommes versées par erreur relativement aux mouchoirs de papier. L'appelante a pour la première fois soulevé la question du papier de toilette en 1999, environ six ans après la communication de l'avis de détermination de l'intimé et bien après l'expiration du délai prescrit de deux ans. L'appelante n'a donc pas déposé sa demande de remboursement concernant le papier de toilette dans le délai prescrit.

Pour les motifs susmentionnés, l'appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985, c. E. 15 [ci-après Loi].

2 . En 1988, la Cour d'appel fédérale a confirmé la décision rendue par la Commission du tarif dans CIP c. S-MRN, Douanes et Accise (7 juin 1988), A-673-86(CAF) [ci-après CIP].

3 . Kimberly-Clark Canada c. Canada (1998), 145 F.T.R. 265 (C.F. 1re inst.) [ci-après Kimberly-Clark].

4 . Erin Michaels Mfg. c. MRN (10 janvier 1997) (TCCE) [ci-après Erin Michaels].

5 . Barney Printing c. MRN (15 mai 2001) (TCCE) [ci-après Barney Printing].

6 . Midwest Oil Production c. La Reine, [1982] 2 C.F. 357 (C.F. 1re inst.) [ci-après Midwest Oil].

7 . Amoco Canada Petroleum c. Ministre du Revenu national (1985), 57 N.R. 274 (CAF).

8 . Dossier de documents regroupés de l'appelante, onglet 11.

9 . Une démarche similaire pour l'interprétation d'une loi fiscale, y compris une analyse fondée sur l'objet visé de l'article à la lumière des délais prescrits applicables, a été retenue par la Section de première instance de la Cour fédérale dans Michelin Tires (Canada) c. Canada (1998), 158 F.T.R. 101.

10 . Paragraphe 72(2) et article 2 de la Loi.

11 . Supra note 5 à la p. 4.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 26 avril 2002