WAYNE ERICKSEN

Décisions


WAYNE ERICKSEN
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2000-059

TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 3 janvier 2002

Appel no AP-2000-059

EU ÉGARD À un appel entendu le 15 octobre 2001 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 9 février 2001 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

WAYNE ERICKSEN Appelant

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.



Peter F. Thalheimer

Peter F. Thalheimer
Membre présidant


Michel P. Granger

Michel P. Granger
Secrétaire
 
 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel a été entendu par voie de vidéoconférence à Hull (Québec) et à Calgary (Alberta) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes à l'égard d'une décision rendue le 9 février 2001 par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si un couteau (le couteau en cause), qui a été retenu par l'intimé le 14 décembre 2000, est correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre d'arme prohibée.

DÉCISION : L'appel est rejeté. L'intimé a démontré à la satisfaction du Tribunal que le couteau en cause s'ouvre par force centrifuge. Le couteau en cause est donc une arme prohibée au sens de l'alinéa 84(1)a) du Code criminel. Les arguments présentés par l'appelant ne réfutent pas ce fait. Par conséquent, le couteau en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00.

Lieux de l'audience

 

par voie de vidéoconférence :

Hull (Québec) et Calgary (Alberta)

Date de l'audience :

Le 15 octobre 2001

Date de la décision :

Le 3 janvier 2002

   

Membre du Tribunal :

Peter F. Thalheimer, membre présidant

   

Conseillers pour le Tribunal :

Reagan Walker

 

Eric Wildhaber

   

Greffiers :

Margaret Fisher

 

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

Wayne Ericksen, pour l'appelant

 

Susanne Pereira, pour l'intimé

 
 

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent appel a été entendu par voie de vidéoconférence à Hull (Québec) et à Calgary (Alberta) aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l'égard d'une décision rendue le 9 février 2001 par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si un couteau (le couteau en cause), qui a été retenu par l'intimé le 14 décembre 2000, est correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l'annexe du Tarif des douanes 2 à titre d'arme prohibée.

Le numéro tarifaire 9898.00.00 se lit, notamment, ainsi :

9898.00.00 Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l'assemblage d'armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, sauf :

Pour l'application du présent numéro tarifaire :
b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s'entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel.[3]

Le paragraphe 84(1) du Code criminel 4 définit l'expression « arme prohibée » comme il suit :

« arme prohibée »
a) Couteau dont la lame s'ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche;
b) toute arme -- qui n'est pas une arme à feu -- désignée comme telle par règlement.

Le couteau en cause a été déposé comme pièce. Il s'agit d'une version John Deere d'un couteau pliant Smith & Wesson fabriqué par Taylor Cutlery. Sa longueur, en position fermée, est de 12,5 cm et la lame simple de 9 cm porte l'inscription « Cuttin' Horse » et « Smith & Wesson ». La base du manche du couteau en cause est dotée d'une cavité pour le pouce, de forme triangulaire, qui permet l'ouverture d'une seule main.

L'appelant est un collectionneur d'articles souvenirs John Deere. Pour établir ce fait, il a soumis au Tribunal des photographies de plusieurs articles de sa collection. Le couteau en cause, que l'appelant a acheté par l'intermédiaire d'un site d'encan Web situé aux États-Unis et qui lui a été expédié par la poste, devait faire partie de sa collection. En fait, le couteau n'était pas destiné à un usage pratique, mais devait plutôt être conservé comme objet de collection et peut-être revendu; il est possible de présumer que la valeur de cet objet de collection augmenterait au fil du temps si le couteau en cause était conservé dans son état original et, particulièrement, dans son emballage original non ouvert. Cependant, le couteau en cause n'a jamais été livré, puisqu'il a été saisi par l'intimé au moment de son entrée au Canada. L'appelant a prétendu qu'il n'aurait jamais commandé le couteau en cause s'il avait cru qu'il pouvait s'agir d'une arme prohibée. Il a soutenu qu'il est facile de se procurer au Canada des couteaux semblables ou identiques auprès de divers établissements de vente au détail, y compris des coopératives agricoles, des magasins d'articles de sport et des vendeurs ambulants, et que plusieurs agriculteurs portent de tels couteaux et s'en servent dans leurs activités agricoles quotidiennes. L'appelant a montré plusieurs autres couteaux qu'il possède; il a affirmé que ces couteaux sont semblables ou identiques au couteau en cause du point de vue de leur fonctionnement général. Il a de plus affirmé posséder un autre couteau John Deere identique à tous égards au couteau en cause. Il a témoigné que cet autre couteau et le couteau en cause avaient été achetés par l'intermédiaire du même site d'encan Web situé aux États-Unis, mais que l'intimé n'avait pas saisi ce premier couteau. Pour l'essentiel, l'appelant a soutenu ne pas pouvoir comprendre pourquoi l'intimé avait retenu le couteau en cause, au motif qu'il s'agissait d'une arme dangereuse, alors même qu'il est facilement possible d'obtenir d'autres articles semblables ou identiques sur le marché canadien, ou que ceux-ci ne sont pas toujours saisis à leur entrée par la poste au Canada. L'appelant a soutenu que son seul intérêt eu égard au reclassement du couteau en cause et à la mainlevée pertinente consistait à ajouter ledit couteau à sa collection d'articles souvenirs John Deere. L'appelant a de plus soutenu que la loi est soit désuète soit appliquée de façon inconsistante.

M. Jacques Saucier, agent principal de programme, Agence des douanes et du revenu du Canada, a témoigné au nom de l'intimé. M. Saucier a démontré la manière dont le couteau en cause fonctionne, et plus précisément la manière dont le couteau s'ouvre et se referme. Il a tenu le couteau en cause dans la main droite, la lame du côté de son corps et, par un brusque mouvement du poignet dirigeant la lame loin du corps, a fait s'éjecter la lame du manche du couteau, celle-ci se verrouillant en position ouverte. M. Saucier a démontré que le couteau en cause se replie lorsqu'on appuie sur une pièce de métal qui se trouve à l'intérieur du manche du couteau et ramène la lame en position fermée. M. Saucier a exécuté cette manoeuvre à plusieurs reprises, à partir de plusieurs angles, à la satisfaction des deux parties et du Tribunal.

L'intimé a soutenu que la démonstration de M. Saucier prouvait que le couteau en cause répond à la définition du terme « arme prohibée » énoncé à l'alinéa 84(1)a) du Code criminel, du fait qu'il s'agit d'un couteau dont la lame s'ouvre automatiquement par force centrifuge. L'intimé a défini « force centrifuge » comme « une force qui agit en direction opposée à un corps » [traduction] et a renvoyé à la définition du terme donné dans la dixième édition du Concise Oxford Dictionary, qui porte ce qui suit : « force d'inertie d'un corps, qui semble subie par un corps mobile en rotation et qui l'éloigne du centre autour duquel il se déplace » [traduction]. L'intimé a soutenu que le couteau en cause s'ouvrait en s'éloignant du centre du mouvement de rotation que M. Saucier avait fait durant sa démonstration. L'intimé a en outre soutenu que le Tribunal ne devait considérer que le couteau en cause, puisque les autres couteaux présentés par l'appelant, même s'ils étaient similaires ou identiques au couteau en cause, n'avaient aucun rapport en l'espèce.

Le Tribunal est convaincu que le couteau en cause est un couteau dont la lame s'ouvre automatiquement par force centrifuge. En fait, la démonstration de M. Saucier ne pouvait être plus claire à cet égard : lorsque le couteau est tenu dans la main, un simple mouvement brusque vers l'extérieur du poignet libère la lame du manche et l'éjecte complètement et l'amène en position verrouillée, rendant de ce fait le couteau en cause prêt à servir. Cette action se fait automatiquement et s'accomplit par l'application de ce que le Tribunal interprète comme la force centrifuge, le couteau en cause répondant donc à la définition du terme « arme prohibée » au sens de l'alinéa 84(1)a) du Code criminel. Par conséquent, le Tribunal conclut que le couteau en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00.

La position de l'appelant gravite autour d'arguments d'équité. Le premier argument veut que la tentative d'acquisition du couteau en cause ait pour unique fin d'ajouter à sa collection d'articles souvenirs John Deere. Malheureusement, le Code criminel ne prévoit pas la possibilité de cas d'exception qui soustrairaient des marchandises de la définition du terme « arme prohibée » lorsque leur acquisition est faite à des fins de collection. Le raisonnement global qui sous-tend un tel état des choses est sans nul doute celui que le Parlement a voulu bannir tous les couteaux du type à cran d'arrêt du Canada parce que ce sont des armes potentiellement dangereuses qui peuvent être facilement cachées et activées sans avertissement, indépendamment de la question de savoir si leur acquisition initiale s'est faite à des fins de collection ou non. Le deuxième argument n'est pas plus recevable que le premier. Selon l'appelant, le couteau en cause devrait faire l'objet d'une mainlevée du fait qu'il est prétendument facile de se procurer des couteaux semblables ou identiques au couteau en cause sur le marché canadien ou par l'intermédiaire d'importations qui ne sont pas saisies à la frontière. Dans ses observations auprès du Tribunal, l'appelant a affirmé posséder des couteaux semblables au couteau en cause. L'appelant admet même avoir réussi à importer un couteau identique à tous égards au couteau en cause. Cependant, aucune de ces observations ne peut fonder la décision du Tribunal pour ce qui a trait au classement du couteau en cause. Le Tribunal n'est pas un tribunal d'équité et doit veiller à l'application de la loi telle qu'elle est rédigée.

Pour les motifs qui précèdent, l'appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [ci-après Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Au paragraphe b) de la version anglaise, les termes « prohibited weapon » (arme prohibée) et « restricted firearm » (arme à feu à autorisation restreinte), contrairement à tous les autres termes y compris, ont délibérément été présentés sans guillemets; c'est de cette manière que ces termes sont présentés dans l'annexe du Tarif des douanes et qu'ils ont été adoptés par le Parlement.

4 . L.R.C. 1985, c. C-46.


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Publication initiale : le 7 février 2002