AAI.FOSTERGRANT OF CANADA CO.

Décisions


AAI.FOSTERGRANT OF CANADA CO.
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2001-094


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 13 juin 2003

Appel no AP-2001-094

EU ÉGARD À un appel entendu le 28 octobre 2002 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 10 décembre 2001 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

AAI.FOSTERGRANT OF CANADA CO. Appelante

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre présidant

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre

Patricia M. Close
Patricia M. Close
Membre

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté à l'égard d'une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire) le 10 décembre 2001 concernant la valeur en douane de marchandises importées par AAi.FosterGrant of Canada Co. (AAi Canada) de septembre 1998 à décembre 1999. Dans sa décision, le commissaire déclare que la valeur en douane des marchandises importées par AAi Canada doit être déterminée d'après la valeur transactionnelle ayant trait à la vente entre la société mère d'AAi Canada établie aux États-Unis et les détaillants canadiens. Le commissaire fait valoir que, durant la période visée, AAi Canada n'avait pas qualité d'« acheteur au Canada ».

AAi Canada dit avoir droit au titre d'« acheteur au Canada » aux termes du paragraphe 2(1) du Règlement sur la détermination de la valeur en douane. Par conséquent, la valeur en douane devrait être fondée sur le prix de vente intersociétés établi pour les marchandises entre elle et sa société mère établie aux États-Unis.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal est d'avis qu'AAi Canada n'exerçait pas son activité au Canada durant la période visée. Les employés d'AAi Canada n'avaient pas directement accès aux fonds nécessaires à la conduite de l'activité commerciale. Même si certaines des recettes tirées des ventes au Canada ont été déposées dans les comptes bancaires d'AAi Canada, ces fonds ont immédiatement été transférés à un compte aux États-Unis, auquel aucun des employés d'AAi Canada n'avait accès. Les arrangements bancaires susmentionnés ont manifestement eu un impact sur la capacité d'AAi Canada d'exercer son activité, puisque ses employés au Canada ne pouvaient payer les produits et services requis pour les opérations canadiennes. Les employés d'AAi Canada ont négocié des contrats avec les clients, mais travaillaient selon les paramètres déterminés par la société mère d'AAi Canada, située aux États-Unis. AAi Canada a principalement accompli des fonctions administratives au Canada, comme commander des marchandises, créer et acheter des présentoirs en vue de leur placement dans les magasins et montrer les marchandises aux clients.

Étant donné qu'AAi Canada n'exerçait pas son activité au Canada durant la période visée, elle n'était pas un résident du Canada et n'avait pas d'établissement stable au Canada, au sens donné à ces expressions dans le Règlement sur la détermination de la valeur en douane. Par conséquent, elle n'était pas un « acheteur au Canada », aux fins de la Loi sur les douanes, et le prix de cession des marchandises établi entre AAi Canada et sa société mère établie aux États-Unis ne peut être la base de l'appréciation de la valeur transactionnelle des marchandises importées par AAi Canada durant la période visée.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 28 octobre 2002

Date de la décision :

Le 13 juin 2003

   

Membres du Tribunal :

James A. Ogilvy, membre présidant

 

Pierre Gosselin, membre

 

Patricia M. Close, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

John Dodsworth

   

Greffier :

Margaret Fisher

   

Ont comparu :

Glenn A. Cranker, pour l'appelante

 

Patricia Johnston et Lynn Marchildon, pour l'intimé

MOTIFS DE LA DÉCISION

INTRODUCTION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 à l'égard d'une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire), le 10 décembre 2001. La décision porte sur la valeur en douane de lunettes de soleil, d'accessoires et de bijoux de fantaisie importés par AAi.FosterGrant of Canada Co. (AAi Canada) de septembre 1998 à décembre 1999.

AAi Canada a déclaré que la valeur en douane des marchandises devait être fondée sur le prix intersociétés auquel elle avait censément acheté les marchandises de sa société mère, AAi FosterGrant, Inc., de Smithfield (Rhode Island) (AAi É.-U.). Dans sa décision, le commissaire a déterminé que le prix de vente intersociétés n'était pas une base admissible pour l'appréciation de la valeur en douane parce qu'AAi Canada n'était pas un « acheteur au Canada » durant la période visée. Le commissaire a donc décidé que la valeur en douane des marchandises devrait être déterminée d'après le prix auquel AAi É.-U. avait censément vendu les marchandises directement aux détaillants canadiens. Depuis le 1er janvier 2000, en raison de modifications apportées aux pratiques commerciales d'AAi Canada, l'Agence des douanes et du revenu du Canada considère AAi Canada comme un « acheteur au Canada ».

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si AAi Canada était un « acheteur au Canada » durant la période visée aux fins de la Loi et du Règlement sur la détermination de la valeur en douane 2 .

Les dispositions pertinentes de la Loi prévoient ce qui suit :

47. (1) La valeur en douane des marchandises est déterminée d'après leur valeur transactionnelle dans les conditions prévues à l'article 48.

48. (1) [. . .] la valeur en douane des marchandises est leur valeur transactionnelle si elles sont vendues pour exportation au Canada à un acheteur au Canada, si le prix payé ou à payer est déterminable et si les conditions suivantes sont réunies :

[. . .]

d) l'acheteur et le vendeur ne sont pas liés au moment de la vente des marchandises pour exportation ou, s'ils le sont :

(i) ou bien le lien qui les unit n'a pas influé sur le prix payé ou à payer,

[. . .]

(4) Dans le cas d'une vente de marchandises pour exportation au Canada, la valeur transactionnelle est le prix payé ou à payer, ajusté conformément au paragraphe (5).

Le Règlement définit « acheteur au Canada » ainsi :

2.1 Pour l'application du paragraphe 45(1) de la Loi, « acheteur au Canada » s'entend :

a) d'un résident;

b) d'une personne, autre qu'un résident, qui a un établissement stable au Canada;

c) d'une personne, autre qu'un résident, qui n'a pas d'établissement stable au Canada et qui importe les marchandises faisant l'objet de la détermination de la valeur en douane :

(i) pour sa consommation ou son utilisation personnelles et qui ne les destinent pas à la vente,

(ii) pour les vendre au Canada pourvu que, avant leur achat, elle n'ait pas passé un accord visant leur vente à un résident.

L'article 2 du Règlement définit à la fois « établissement stable » et « résident » aux fins de la définition susmentionnée ainsi :

« établissement stable » Lieu d'affaires fixe d'une personne, y compris un siège de direction, une succursale, un bureau, une usine ou un atelier par l'intermédiaire duquel elle exerce son activité.

« résident »

a) Une personne physique qui réside habituellement au Canada;

b) une personne morale qui exerce son activité au Canada et dont la gestion et le contrôle s'exercent au Canada;

c) une société de personnes ou autre organisme non constitué en personne morale qui exerce son activité au Canada, si le membre ou la majorité des membres qui en exercent la gestion et le contrôle résident au Canada.

PREUVE

Mme Diane Pooles, le premier témoin d'AAi Canada, est présidente de cette société depuis 1995.

D'après le témoignage de Mme Pooles, AAi Company of Canada a été constituée en société le 1er novembre 1994, en Nouvelle-Écosse, et a modifié son nom pour devenir AAi.FosterGrant of Canada Co. en 1999. AAi Canada est une filiale à part entière d'AAi É.-U. Mme Pooles a témoigné qu'AAi Canada emploie maintenant entre 85 et 100 représentants à plein temps et à temps partiel. AAi Canada loue à bail des locaux à Toronto (Ontario), y compris des bureaux, une salle d'exposition et des locaux d'entreposage.

Mme Pooles dit avoir été chargée de la préparation des budgets et de l'approbation de tous les prix, de la facturation, des dépenses de bureau et des frais de transport pour AAi Canada. Bien que le bail original pour ses locaux de Toronto ait été signé par le vice-président d'AAi É.-U., elle a été cosignataire d'une modification de ce bail en 1997. Mme Pooles a témoigné avoir été aussi chargée de l'organisation des expositions en magasin, autrement dit, les présentoirs de mise en montre des marchandises d'AAi Canada aux clients dans chaque magasin.

Mme Pooles a dit négocier les modalités des contrats de vente avec les clients en place. Ces contrats précisent le prix et le type de marchandises que chaque détaillant achètera pendant une période donnée, ainsi que les projections des quantités dont le détaillant aura besoin. Mme Pooles a témoigné qu'AAi É.-U. établissait une marge bénéficiaire cible qu'AAi Canada devait réaliser sur chaque article, et elle s'efforçait d'atteindre ces cibles. Durant la période visée par les contrats de vente, les représentants des ventes d'AAi Canada remplissaient les présentoirs en magasin en fonction d'un plan qui précisait la quantité de chaque type de marchandise devant être disponible au présentoir. Les représentants des ventes commandaient alors les marchandises d'AAi É.-U. Mme Pooles a témoigné que les marchandises étaient transportées au Canada à partir du Rhode Island par service de messagerie, en expéditions regroupées. Le service de messagerie s'occupait du dédouanement de l'expédition regroupée, ouvrait l'emballage à son entrepôt au Canada, séparait et transportait les envois individuels aux magasins des clients. AAi Canada ne prenait pas livraison des marchandises au Canada et ne tenait pas de stock. Mme Pooles a témoigné qu'AAi Canada était chargée de payer le service de messagerie et tous les frais de douane et de transport.

Par résolution du conseil d'administration d'AAi Canada, le 25 février 1999, Mme Pooles a été élue à un poste de dirigeant d'AAi Canada, et un pouvoir de signature de 5 000 $ lui a été conféré pour le compte d'AAi Canada à la Banque Royale. Les fonds de ce compte provenaient d'AAi É.-U. Le 15 août 1999, Mme Pooles et Mme Anne Reed, vice-présidente d'AAi Canada, ont acquis le pouvoir de signature pour le compte d'AAi Canada à la Banque d'Amérique du Canada et celui de faire des virements télégraphiques sur ce compte. Par résolution du conseil d'administration, le 14 octobre 1999, Mme Pooles est devenue un des directeurs d'AAi Canada et, le 4 novembre 1999, le montant en dollars de son pouvoir de signature pour les comptes d'AAi Canada à la Banque Royale, à la Banque de Montréal et à la Banque d'Amérique du Canada a été établi à 100 000 $.

La résolution du 25 février 1999 du conseil d'administration a approuvé une convention de services et une convention d'achat cadre entre AAi Canada et AAi É.-U. Dans la convention de services, AAi É.-U. convenait de fournir à AAi Canada des services de gestion des comptes-clients et de l'encaisse, des systèmes d'information de gestion comptable, de l'aide à l'approvisionnement et des conseils en promotion, publicité et commercialisation. La convention de services établissait aussi une formule pour déterminer le prix que devait payer AAi Canada à AAi É.-U. pour les services susmentionnés.

La convention d'achat cadre établissait les modalités de l'achat, par AAi Canada, de marchandises d'AAi É.-U. Cette convention indiquait qu'AAi Canada était responsable du paiement des frais de transport des marchandises à partir de l'entrepôt d'AAi É.-U., au Rhode Island, et serait responsable de l'importation, au Canada, du produit en provenance des États-Unis.

Selon la convention d'achat cadre, les titres, le risque de perte et le risque de responsabilité pour les marchandises sont passés à AAi Canada au point franco au Rhode Island. Mme Pooles a indiqué qu'aucune assurance n'avait été obtenue sur les marchandises parce qu'elle était trop coûteuse. Elle a témoigné qu'AAi Canada était responsable des frais de transport et que les titres des marchandises étaient passés d'AAi Canada au client à l'entrepôt ou au magasin du client au Canada. D'après la convention d'achat cadre, le risque lié à l'achat à crédit par les détaillants canadiens était assumé par AAi Canada. Elle a témoigné que, à son avis, la convention de services et la convention d'achat cadre n'ont pas changé les pratiques en place, en ce que rien n'était, pour l'essentiel, différent dans la manière dont AAi Canada faisait des affaires avant et après la signature des conventions.

Mme Pooles a déclaré que la société canadienne était responsable du versement des rabais aux clients relativement aux démarques de prix ou aux ventes de fin de saison. Elle autorisait les démarques, et les montants correspondants étaient tirés sur le compte d'AAi Canada. Mme Pooles a témoigné que les marchandises endommagées étaient vendues à une société non liée qui en disposait sur des marchés à rabais.

Au cours du contre-interrogatoire, Mme Pooles a témoigné que, jusqu'à mai 1999, les clients payaient leurs marchandises en déposant un chèque dans le compte d'AAi Canada avec « boîte postale scellée » de la Nations Bank, le compte étant au nom d'AAi É.-U. et situé aux États-Unis. Subséquemment, les détaillants déposaient les chèques de paiement dans le compte d'AAi Canada avec « boîte postale scellée » de la Banque d'Amérique du Canada, au Canada. Mme Pooles a témoigné que les fonds déposés dans les comptes avec « boîtes postales scellées » étaient recueillis chaque soir, puis déposés dans un compte bancaire au Rhode Island. Elle a témoigné qu'aucun employé d'AAi Canada n'avait accès au compte avec « boîte postale scellée » de la Nations Bank. D'une façon similaire, aucun employé d'AAi Canada n'avait accès au compte à la Banque d'Amérique du Canada avant qu'elle et Mme Reed n'aient reçu le pouvoir de signature.

Selon Mme Pooles, le compte à la Banque Royale servait à payer les dépenses d'exploitation d'AAi Canada, comme le loyer, les charges pour les services publics et les accessoires. Mme Pooles a témoigné qu'elle payait parfois les produits et services au nom d'AAi Canada en se servant de ses propres chèques personnels et qu'elle était ensuite remboursée après avoir présenté une demande de remboursement à AAi É.-U., au Rhode Island. Selon Mme Pooles, elle plaçait une commande de produits ou services requis par AAi Canada et, lorsque la facture était reçue aux fins du paiement, elle la signait, pour indiquer son approbation, et l'envoyait à AAi É.-U. pour fins de paiement. Elle a témoigné qu'AAi É.-U. déposait l'argent dans le compte d'AAi Canada à la Banque Royale et que la facture était alors payée par chèque, signé par un dirigeant d'AAi É.-U. Selon Mme Pooles, elle signe des chèques depuis qu'elle a obtenu le pouvoir de signature pour les comptes bancaires d'AAi Canada, mais jusqu'au 1er janvier 2000, le directeur financier d'AAi É.-U. a continué de les cosigner. AAi Canada avait aussi un compte à la Banque de Montréal, utilisé pour la feuille de paye d'AAi Canada. AAi É.-U. déposait l'argent dans ce compte, et une entreprise distincte était engagée pour exécuter les fonctions d'administration liées à la paye des employés d'AAi Canada. Mme Pooles a témoigné que tous les relevés bancaires étaient envoyés à AAi É.-U., au Rhode Island.

Selon Mme Pooles, la déclaration de revenus de 1997 a été signée par le directeur financier d'AAi É.-U., puisque AAi Canada n'avait pas d'agent financier. En 1999, l'état des résultats d'AAi Canada montrait des bénéfices non répartis pour cette dernière, mais lesdits bénéfices avaient été retenus aux États-Unis, par AAi É.-U., à son siège social au Rhode Island. Mme Pooles a témoigné qu'aucun employé d'AAi Canada n'avait accès à ces fonds.

Mme Pooles a témoigné qu'AAi É.-U. produisait deux factures pour documenter chaque vente. Une facture maîtresse détaillait les marchandises commandées par les représentants des ventes d'AAi Canada et incluses dans l'envoi. La facture indiquait le prix de cession intersociétés entre AAi Canada et AAi É.-U., un prix établi pour correspondre au coût rendu des marchandises et augmenté de 10 p. 100 aux fins de la valeur en douane. La facture maîtresse déclenchait l'inscription d'une vente dans les livres d'AAi Canada, mais Mme Pooles a témoigné qu'aucun montant d'argent n'était véritablement transféré d'AAi Canada à AAi É.-U. en paiement desdites marchandises. La deuxième facture documentait la vente entre AAi Canada et les détaillants canadiens et incluait une majoration.

Mme Reed, vice-présidente d'AAi Canada depuis 1995, a également témoigné au nom d'AAi Canada. Mme Reed a décrit le processus de développement de « programmes » de vente auprès de clients au détail particuliers. Elle a décrit comment, chaque année, elle travaillait avec chaque client afin de déterminer le total estimatif des ventes au détail de chaque client. Elle déterminait la composition exacte des styles et types de produits qui permettraient à AAi Canada de réaliser les marges nécessaires pour atteindre ses « objectifs canadiens ».

Selon Mme Reed, dans la négociation d'une vente pour un nouveau client canadien, AAi É.-U. calculait le coût et les marges bénéficiaires de la combinaison de produits particulière dont le client avait besoin, ce montant étant redressé pour tenir compte de l'incidence de tous les facteurs de coût variables, comme les accessoires, la publicité et les marchandises endommagées. AAi É.-U. évaluait ces chiffres pour déterminer si le client allait se révéler avantageux. Lorsque AAi Canada voulait donner suite, elle soumettait la proposition au vice-président et chef de la direction d'AAi É.-U., pour approbation. Si la proposition était approuvée, AAi Canada achetait les marchandises d'AAi É.-U. Un budget comportant la marge bénéficiaire nette qu'AAi Canada devait atteindre était donné à cette dernière.

Au cours du contre-interrogatoire, Mme Reed a témoigné sur la nature de l'« approbation » d'AAi É.-U. L'approbation indiquait qu'AAi É.-U. appuierait le programme, que ce dernier s'insérait dans les limites du budget d'AAi Canada, qu'AAi Canada était autorisée à procéder et à acheter les marchandises et qu'AAi É.-U. convenait de toutes les conditions de la proposition, comme les arrangements concernant le retour de marchandises et le démarquage.

Mme Rosemary Pick, agente de la vérification de l'observation à l'Agence des douanes et du revenu du Canada, a témoigné au nom du commissaire. Elle a témoigné au sujet du rapport de vérification qu'elle avait préparé, ledit rapport ayant été à la base de la décision du commissaire selon laquelle AAi Canada « n'exerçait pas son activité » au Canada durant la période visée.

Selon Mme Pick, même si AAi Canada avait un certain pouvoir de négociation des contrats, AAi Canada devait obtenir l'approbation d'AAi É.-U. relativement à l'établissement des prix, aux rabais et à la livraison. De plus, elle a témoigné qu'AAi É.-U. organisait l'expédition des marchandises par service de messagerie et retenait les services d'une entreprise pour la disposition des marchandises endommagées dont AAi Canada était responsable. Mme Pick a témoigné qu'AAi Canada pouvait acheter des fournitures de bureau et d'autres articles nécessaires pour exercer son activité, mais qu'elle ne disposait pas du pouvoir nécessaire pour les payer.

Mme Pick a témoigné que les salaires des employés permanents d'AAi Canada faisaient l'objet de négociations avec AAi É.-U. et que les représentants à temps partiel étaient payés selon un taux horaire et étaient embauchés par AAi Canada. Mme Pick a ajouté que la plupart des clients d'AAi Canada constituaient une clientèle bien établie de sorte qu'aucune activité de démarchage de la part d'AAi Canada n'était nécessaire. Elle a ajouté que les représentants des ventes d'AAi Canada commandaient les marchandises directement des États-Unis en se fondant sur des manuels fournis par AAi É.-U. Selon Mme Pick, puisque les sommes déposées dans les comptes d'AAi Canada étaient recueillies chaque soir et conservées au Rhode Island, AAi É.-U. se chargeait nécessairement des mesures de collection pertinentes en cas de factures impayées.

Selon Mme Pick, on lui a dit en août 1998 que les détaillants canadiens avaient pris les titres des marchandises au Rhode Island. Elle a témoigné qu'on lui avait dit à l'occasion de sa visite de vérification qu'AAi É.-U. n'avait pas préparé d'étude du prix de cession concernant le prix accordé à AAi Canada en paiement des marchandises. Mme Pick a témoigné que les réunions du conseil d'administration d'AAi Canada étaient tenues aux États-Unis et que les livres et dossiers d'AAi Canada étaient aux États-Unis. De plus, elle a déclaré que, au 1er janvier 2000, AAi Canada avait déposé une déclaration de revenus seulement pour 1997 et qu'aucune telle déclaration n'avait été déposée pour 1998 et 1999.

Mme Pick a reconnu qu'AAi Canada avait un établissement au Canada. Elle a témoigné au sujet des changements apportés à AAi Canada, et par cette dernière, avant 2000, lorsqu'il avait été déterminé qu'AAi Canada était, à ce moment, un « acheteur au Canada ». Plus précisément, la décision était fondée sur le fait que ce n'est qu'en novembre 1999 que la présidente d'AAi Canada a reçu le pouvoir de signature de 100 000 $ et était, alors, capable de payer les achats et les factures depuis le bureau de Toronto. Tous ces changements se sont produits, aux dires de Mme Pick, entre mai 1999 et la fin de cette année-là. De plus, des directeurs canadiens avaient été ajoutés, et Mme Pooles pouvait dorénavant diriger l'activité quotidienne d'AAi Canada sans communiquer avec la société mère établie aux États-Unis.

PLAIDOIRIE

AAi Canada a soutenu que, pendant la période visée, elle était un « acheteur au Canada » et que le prix de cession des marchandises payé par AAi Canada à AAi É.-U. devait donc être la base de l'établissement de la valeur en douane des marchandises conformément à la Loi.

Selon AAi Canada, conformément à l'alinéa 2.1a) du Règlement, elle était un résident, puisque sa gestion et son contrôle étaient exercés au Canada et elle exerçait son activité au Canada. À l'appui de sa position selon laquelle sa gestion et son contrôle s'exerçaient au Canada, AAi Canada a fait valoir le fait que Mme Pooles exerçait le contrôle de l'embauchage et des renvois des employés, des budgets, des négociations, des prix, des crédits, des allocations pour publicité et de l'approbation des chèques. AAi Canada a dit exercer son activité, étant donné qu'elle avait un bureau et des comptes bancaires au Canada, employait des représentants qui effectuaient des transactions commerciales au Canada et était responsable des marchandises endommagées. AAi Canada a aussi souligné que la livraison des marchandises aux détaillants canadiens avait lieu au Canada, que les détaillants canadiens déposaient le paiement des marchandises dans des comptes bancaires canadiens d'AAi Canada et que les dépenses d'AAi Canada étaient payées à même ces comptes bancaires. AAi Canada a ajouté que le fait qu'elle négociait des contrats avec les détaillants canadiens et que les commandes étaient établies et remplies au Canada, avec une participation très faible d'AAi É.-U., était aussi un élément de preuve qu'elle « exerçait son activité » au Canada durant la période visée.

AAi Canada a aussi soutenu qu'elle avait droit au titre d'acheteur au Canada en vertu de l'alinéa 2.1b) du Règlement, puisqu'elle exerçait son activité au Canada et avait un établissement stable au Canada.

Selon AAi Canada, aucun élément de preuve n'appuie le fondement sur lequel repose l'appréciation voulant que les clients au détail canadiens prennent les titres et deviennent propriétaires des marchandises aux États-Unis. Au contraire, la convention d'achat cadre établit que c'est AAi Canada elle-même qui prend les titres aux États-Unis. AAi Canada a soutenu que, puisqu'elle avait les titres au moment de l'importation, elle devait être réputée l'acheteur au Canada en conformité avec une décision rendue par la Cour suprême du Canada3 . Le risque de perte était assumé par AAi Canada jusqu'à la livraison aux clients au Canada, et AAi Canada était responsable du paiement des droits de douane et des frais de transport. AAi Canada a soutenu qu'elle n'achetait pas à titre d'agent pour sa société mère établie aux États-Unis et qu'il n'y avait pas non plus d'élément de preuve portant à croire qu'AAi Canada présentait un caractère fictif. AAi Canada a soutenu qu'une relation véritable d'acheteur-vendeur existait entre AAi Canada et AAi É.-U.

AAi Canada a soutenu que la décision rendue par le Tribunal dans l'appel no AP-98-1004 corroborait sa position. Elle a renvoyé au fait que, dans Brunswick, le Tribunal a conclu que l'appelante avait un établissement stable au Canada, du fait qu'elle avait des lieux d'affaires fixes au Canada à partir desquels ses employés sollicitaient la clientèle. Dans Brunswick, comme dans la présente affaire, les employés de l'appelante avaient le pouvoir de négocier les modalités des contrats. En outre, les factures étaient délivrées au nom de l'appelante et les paiements versés par les clients canadiens étaient reçus par l'appelante dans des comptes bancaires canadiens.

Le commissaire a soutenu qu'AAi Canada « n'exerçait pas son activité » au Canada durant la période visée et n'était donc pas un « acheteur au Canada » au sens du Règlement. Par conséquent, le prix de cession entre AAi Canada et sa société mère établie aux États-Unis ne peut être considéré comme la valeur transactionnelle aux fins de la détermination de la valeur en douane des marchandises.

Le commissaire a invoqué le fait qu'AAi É.-U. exerçait le contrôle sur les comptes bancaires d'AAi Canada et que les recettes tirées des ventes et déposées dans les comptes bancaires d'AAi Canada étaient quotidiennement transférées à AAi É.-U. Par conséquent, il a soutenu qu'AAi Canada était simplement une société de canalisation par l'entremise de laquelle les détaillants canadiens payaient AAi É.-U. Le commissaire a soutenu que cela montre que cette corporation canadienne ne réalisait pas de profit, ce qui, a-t-il proposé, est un élément clé dans la conclusion qu'une entité commerciale exerce son activité au Canada.

Le commissaire a de plus soutenu qu'AAi Canada n'assumait ni risque ni responsabilité au Canada. À cet égard, il a renvoyé aux éléments de preuve qui indiquent qu'AAi Canada n'achetait pas d'assurance pour les marchandises qui étaient expédiées au Canada à partir de l'entrepôt de la société mère établie aux États-Unis. Le transporteur tenait de l'assurance, mais étant donné qu'AAi É.-U. prenait les arrangements relatifs au transporteur, le commissaire a soutenu que cela revenait à montrer qu'AAi É.-U. assurait effectivement les marchandises. De plus, le commissaire a invoqué le fait que tout achat effectué par AAi Canada était payé à partir des fonds fournis par AAi É.-U. Le rôle d'AAi Canada était simplement d'approuver les factures se rapportant aux marchandises achetées.

Le commissaire a établi la distinction entre les faits de l'espèce et ceux de Brunswick. Dans Brunswick, l'appelante tenait des marchandises en stock au Canada, avait le pouvoir de modifier des contrats et n'était pas obligée de faire rapport quotidiennement à la société mère établie aux États-Unis, comme devait le faire AAi Canada. De plus, l'appelante dans Brunswick avait le pouvoir d'acheter des fournitures, tandis qu'AAi Canada devait transmettre les factures concernant les fournitures à AAi É.-U. aux fins de paiement.

DÉCISION

Les articles 47 et 48 de la Loi prévoient que la valeur en douane des marchandises est leur valeur transactionnelle si elles sont vendues pour exportation au Canada à un acheteur au Canada, si le prix payé ou à payer est déterminable.

Ainsi qu'il a déjà été indiqué, le Règlement définit un « acheteur au Canada » aux fins de la Loi comme, notamment, un résident ou une personne, autre qu'un résident, qui a un établissement stable au Canada. En ce qui a trait aux personnes morales, un « résident » s'entend d'une « personne morale qui exerce son activité au Canada et dont la gestion et le contrôle s'exercent au Canada ». Le Règlement définit « établissement stable » comme un « [l]ieu d'affaires d'une personne, y compris un siège de direction, une succursale, un bureau, une usine ou un atelier par l'intermédiaire duquel elle exerce son activité ».

Le Tribunal est d'avis qu'AAi Canada n'était pas un « acheteur au Canada » durant la période visée, puisqu'elle n'exerçait pas son activité au Canada. Il juge important le fait que les employés d'AAi Canada n'avaient pas directement accès aux fonds nécessaires à la conduite de l'activité commerciale. Les éléments de preuve indiquent que, au début de la période visée, la coutume était que les détaillants canadiens déposaient leurs paiements pour les marchandises dans le compte d'AAi É.-U. à la Nations Bank, située aux États-Unis. Même si les détaillants canadiens délivraient des chèques de paiement à l'ordre d'AAi Canada, et même si certaines des recettes tirées des ventes au Canada étaient déposées dans les comptes bancaires d'AAi Canada, ces fonds étaient immédiatement transférés à un compte situé au Rhode Island, auquel aucun des employés d'AAi Canada n'avait accès.

De tels arrangements bancaires sapaient manifestement la capacité d'AAi Canada d'exercer son activité, puisque ses employés au Canada ne pouvaient pas payer les produits et services requis pour les opérations canadiennes. Ces derniers n'avaient pas non plus le pouvoir de payer les marchandises achetées de leur société mère aux États-Unis. Parfois, Mme Pooles payait les dépenses d'AAi Canada au moyen de ses propres chèques personnels. Même si Mme Pooles a témoigné qu'AAi Canada payait diverses charges liées à ses opérations, comme le transport des marchandises importées jusqu'aux détaillants canadiens, les éléments de preuve indiquent que, lorsque AAi Canada recevait une facture, cette dernière était envoyée à AAi É.-U. pour fins de paiement. AAi É.-U. déposait le montant précis nécessaire au paiement de l'achat dans le compte d'AAi Canada à la Banque Royale et un agent d'AAi É.-U. délivrait le chèque en vue du paiement. Les employés d'AAi Canada n'ont pas obtenu le pouvoir pertinent aux comptes d'AAi Canada, à un montant important, avant la fin de la période visée, et Mme Pooles a témoigné que le directeur financier d'AAi É.-U. avait continué de cosigner les chèques jusqu'au 1er janvier 2000.

D'une façon similaire, même si les fonds pour la liste de paye d'AAi Canada étaient prélevés de son compte à la Banque de Montréal, AAi É.-U. y déposait les fonds nécessaires, et les services d'une entreprise, distincte d'AAi Canada, ont été retenus pour assumer les fonctions administratives afférentes à la paye des employés d'AAi Canada. Tous les relevés bancaires étaient envoyés à la société mère située aux États-Unis, et non à AAi Canada. Même si AAi É.-U. délivrait une facture qui indiquait qu'un prix de cession était chargé à AAi Canada pour les marchandises importées, AAi Canada ne délivrait pas de chèques en paiement des marchandises. La transaction était documentée sous forme d'une écriture dans les états financiers d'AAi Canada que tenait AAi É.-U. et la facture était présentée aux fins des douanes. Le Tribunal fait observer l'absence d'éléments de preuve au dossier établissant qu'AAi É.-U. avait mené une étude du prix de cession concernant ladite transaction, et le manque à déposer à titre d'élément de preuve des déclarations de revenus au Canada d'AAi Canada en 1998 et en 1999.

Au début de la période visée, le lien entre AAi Canada et AAi É.-U. n'était pas assujetti à une entente écrite, de sorte que les éléments de preuve ne sont pas probants eu égard au moment et au lieu où le titre des marchandises était passé avant la convention d'achat cadre. Cette convention qui a été passée durant la période visée indique que le titre et le risque des marchandises passaient à AAi É.-U. Cependant, le degré auquel un tel risque pour AAi Canada se manifestait n'est pas clair selon le Tribunal, étant donné le contrôle qu'avait AAi É.-U. sur les revenus produits au Canada.

En ce qui concerne la position d'AAi Canada au sujet de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Mattel, le Tribunal fait observer que ladite décision ne mettait pas en cause l'interprétation de l'expression « acheteur au Canada » au sens du paragraphe 48(1) de la Loi. En fait, l'expression « acheteur au Canada » a été ajoutée à la Loi par modification législative après l'importation en cause dans Mattel. Plutôt, dans Mattel, la Cour suprême du Canada a interprété l'expression « vente pour exportation » au sens du paragraphe 48(1) de la Loi.

La convention de services passée entre AAi Canada et AAi É.-U. documentait le fait que, en contrepartie d'honoraires, AAi É.-U. exécuterait certains services pour AAi Canada, y compris des services de comptabilité. Le Tribunal est d'avis que, même si l'arrangement susmentionné pouvait être à la fois efficient et financièrement prudent en ce qui concerne les parties, le fait que les fonctions centrales de l'activité étaient exercées à l'extérieur du Canada par une société distincte, même si elle était liée, infirme, dans de telles circonstances, l'argument d'AAi Canada selon lequel cette dernière « exerçait son activité » au Canada.

Le Tribunal est aussi d'avis que les éléments de preuve indiquent qu'AAi É.-U. avait le contrôle sur la négociation des arrangements d'approvisionnement avec les détaillants canadiens. AAi Canada n'avait pas le pouvoir de négocier avec les nouveaux clients ou de négocier les modalités de la revente des marchandises vendues sur le marché canadien sans demander une confirmation à AAi É.-U. Même si les employés d'AAi Canada avaient une certaine latitude dans la décision concernant la structure de « programmes » particuliers pour les clients, ils _uvraient dans les limites de « fourchettes cibles » spécifiques de prix et de marges bénéficiaires établies par AAi É.-U.

En concluant qu'AAi Canada n'exerçait pas son activité au Canada durant la période visée, le Tribunal fait également observer que les représentants des ventes d'AAi Canada plaçaient les commandes directement auprès d'AAi É.-U. et qu'on ne tenait pas de stock au Canada. AAi É.-U. prenait les dispositions nécessaires à l'expédition des marchandises aux clients particuliers au Canada, et AAi Canada ne prenait habituellement pas livraison des marchandises importées. Les factures documentant les ventes étaient produites aux États-Unis et c'était AAi É.-U. plutôt qu'AAi Canada qui tentait d'obtenir le règlement des factures impayées auprès des détaillants canadiens. En outre, Mme Pooles n'est devenue membre du conseil d'administration d'AAi Canada que plus tard pendant la période visée et aucune réunion du conseil d'administration n'a été tenue au Canada.

Le Tribunal est d'avis que le degré de participation d'AAi É.-U. à l'exercice de l'activité au Canada distingue l'espèce de sa décision dans l'affaire Brunswick. En fait, il semblerait que, durant la période visée, l'activité canadienne ait été exercée par AAi É.-U. à partir de ses installations au Rhode Island. Mis à part le rôle limité joué par les employés d'AAi Canada dans la négociation des contrats, ainsi qu'il en a déjà été traité, les éléments de preuve indiquent qu'AAi Canada assumait principalement des fonctions administratives au Canada à partir de ce lieu, comme commander des marchandises, créer et acheter des présentoirs pour les magasins et montrer les marchandises aux clients. Selon le Tribunal, de telles fonctions limitées ne constituent pas l'« exercice de l'activité » aux fins du Règlement.

Par conséquent, AAi Canada n'avait pas d'établissement stable au Canada, étant donné qu'elle « n'exerçait pas son activité » à son emplacement de Toronto. En outre, étant donné qu'AAi Canada « n'exerçait pas son activité » au Canada durant la période visée, elle n'était pas un « résident » aux fins du Règlement. Même si les éléments de preuve corroborent clairement la conclusion selon laquelle la gestion et le contrôle ne s'exerçaient pas au Canada, il n'est pas nécessaire d'examiner la question de la gestion et du contrôle davantage.

Par conséquent, AAi Canada n'était pas un « acheteur au Canada » aux fins de la Loi, et le prix de cession des marchandises établi entre AAi Canada et AAi É.-U. ne peut être la base de l'appréciation de la valeur transactionnelle des marchandises importées par AAi Canada durant la période visée. Par conséquent, l'appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . D.O.R.S./86-792 [Règlement].

3 . Canada c. Mattel Canada Inc., [2001] 2 R.C.S. 100 [Mattel].

4 . Brunswick International (Canada) Limited c. Sous-M.R.N. (14 décembre 1999) (TCCE) [Brunswick].