AMERSHAM HEALTH INC. (ANCIENNEMENT NYCOMED AMERSHAM CANADA INC.)

Décisions


AMERSHAM HEALTH INC. (ANCIENNEMENT NYCOMED AMERSHAM CANADA INC.)
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2001-093


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le lundi 10 mars 2003

Appel no AP-2001-093

EU ÉGARD À un appel entendu le 19 septembre 2002 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1, et de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation, L.R.C. 1985, c. S-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par la gouverneure générale en conseil le 2 mai 2001 et à des décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada les 3 et 25 octobre et le 2 décembre 2001 concernant une demande de réexamen aux termes des articles 60 ou 61 de la Loi sur les douanes et de l'article 59 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

ENTRE

AMERSHAM HEALTH INC. (ANCIENNEMENT NYCOMED AMERSHAM CANADA INC.) Appelante

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre présidant

Richard Lafontaine
Richard Lafontaine
Membre

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Il y a deux questions en litige dans le présent appel. Le Tribunal doit d'abord déterminer s'il a compétence aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes ou aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation pour entendre le présent appel. Le cas échéant, il doit déterminer si le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire) est tenu de payer les intérêts sur les droits antidumping qui ont été remboursés à Amersham Health Inc.

DÉCISION : L'appel est rejeté. La compétence du Tribunal pour entendre un appel lui serait conférée en vertu du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes ou de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation. Le paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes prévoit que toute personne qui s'estime lésée par une décision du commissaire concernant la révision ou le réexamen de l'origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane rendue conformément aux articles 60 ou 61 peut en interjeter appel devant le Tribunal. Le Tribunal conclut que la remise des droits antidumping n'a pas été faite en vertu d'une décision du commissaire rendue conformément au paragraphe 60(1) ou à l'article 61 de la Loi sur les douanes, mais plutôt en vertu d'un décret de remise pris par la gouverneure générale en conseil en vertu de l'article 115 du Tarif des douanes. Le Tribunal conclut aussi que l'article 61 de la Loi sur les douanes ne s'applique pas à l'espèce étant donné que, pour que ledit article s'applique, une révision du commissaire doit « donner effet » à une décision du Tribunal. Le Tribunal a transmis une opinion, assortie de recommandations, au ministre des Finances aux termes de l'article 45 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation. Le ministre des Finances n'était pas lié par les recommandations du Tribunal. De toute façon, la décision à laquelle il « devait être donné effet » était celle de la gouverneure générale en conseil. Par conséquent, le Tribunal conclut qu'il n'y a pas eu de décision du commissaire rendue conformément à l'article 61 de la Loi sur les douanes qui pourrait faire l'objet d'un appel aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes.

En outre, la question en litige est celle de savoir si les intérêts doivent être payés sur les droits remis, à savoir une question qui n'est pas prévue au paragraphe 60(1) ou à l'article 61 de la Loi sur les douanes ou à l'article 59 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation.

Ayant déterminé qu'il n'a pas compétence pour entendre le présent appel, le Tribunal n'a pas statué sur le bien-fondé de la demande.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 19 septembre 2002

Date de la décision :

Le 10 mars 2003

   

Membres du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

 

Richard Lafontaine, membre

 

Ellen Fry, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Michèle Hurteau

   

Greffier :

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

Lawrence L. Herman, pour l'appelante

 

Elizabeth Richards, pour l'intimé

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 et aux termes de l'article 61 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation 2 concernant le paiement des intérêts sur les droits antidumping qui ont été remboursés à Amersham Health Inc. (Amersham) en vertu du Décret de remise des droits antidumping sur les opacifiants iodés 3 .

Il y a deux questions en litige dans le présent appel. Le Tribunal doit d'abord déterminer s'il a compétence aux termes de l'article 67 de la Loi ou aux termes de l'article 61 de la LMSI pour entendre le présent appel. Le cas échéant, il doit déterminer si le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire) est tenu de payer les intérêts sur les droits antidumping qui ont été remboursés à Amersham.

CONTEXTE

Le 1er mai 2000, le Tribunal a conclu que le dumping au Canada de certains opacifiants iodés (les marchandises en question) originaires ou exportés des États-Unis d'Amérique (y compris le Commonwealth de Puerto Rico) avait causé un dommage sensible à la branche de production nationale. Il a ouvert une enquête d'intérêt public aux termes de l'article 45 de la LMSI, après avoir reçu des observations de plusieurs personnes4 . Le 29 août 2000, le Tribunal a transmis son rapport au ministre des Finances (le ministre), énonçant l'opinion qu'il n'était pas dans l'intérêt public d'imposer des droits antidumping au plein montant sur les marchandises en question. Sur recommandation du ministre et en vertu de l'article 115 du Tarif des douanes 5 , la gouverneure générale en conseil a pris un décret de remise des droits antidumping payés ou à payer le ou après le 31 décembre 1999, en vertu de la LMSI, le montant étant calculé conformément à la méthode applicable énoncée à l'annexe dudit décret.

Le 7 septembre 20016 , l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) a donné avis à Amersham que, aux termes de l'article 59 de la Loi, cette dernière recevrait un remboursement partiel des droits antidumping, le montant étant calculé conformément à la méthode applicable énoncée dans le décret de remise pour la période du 6 mars au 28 avril 2000. Amersham a reçu le remboursement, y compris les intérêts courus. Le 3 octobre 2001, l'ADRC a avisé Amersham que le décret de remise prévoyait la remise des droits antidumping en vertu de l'article 115 du Tarif des douanes et que ledit article ne prévoyait pas le paiement des intérêts7 . L'ADRC a indiqué qu'elle avait établi une correction pour redresser une partie du remboursement qui avait été versé par erreur à l'occasion de la correction précédente8 . Le 25 octobre 2001, l'ADRC a remis un remboursement partiel des droits antidumping payés en vertu de l'article 115 du Tarif des douanes pour la période de mars à septembre 2000. Le montant du remboursement ne comprenait pas les intérêts courus. Dans une lettre du 20 novembre 2001, Amersham a demandé une révision aux termes des articles 66 et 80.1 de la Loi, concernant les intérêts sur les droits remboursés9 . Le 5 décembre 2001, l'ADRC a déclaré que les droits antidumping avaient été remis en vertu du décret de remise et que l'article 115 du Tarif des douanes ne prévoyait pas le paiement des intérêts sur ces droits. Par conséquent, l'ADRC n'a pas pris en compte ladite demande de révision10 . Le 17 décembre 2001, Amersham a déposé auprès du Tribunal son avis d'appel des décisions rendues les 3 et 25 octobre et le 5 décembre 2001.

PLAIDOIRIE

Question de compétence

Amersham a soutenu que le Tribunal avait compétence pour entendre le présent appel aux termes de l'article 67 de la Loi ou, subsidiairement, aux termes de l'article 61 de la LMSI.

Amersham a d'abord soutenu que le décret de remise découlait d'une décision du Tribunal rendue aux termes de l'article 45 de la LMSI, décision qui recommandait qu'il était dans l'intérêt public d'accorder une réduction des droits antidumping sur les marchandises en question. Selon Amersham, tout l'esprit de la LMSI et de la Loi amène à conclure que, lorsque tout excédent de droits versés est retourné ou fait l'objet d'un remboursement, les intérêts doivent être payés. Amersham a soutenu que le calcul établi dans le décret de remise est une autre façon de régler la valeur normale et le prix à l'exportation et, par conséquent, de déterminer la valeur en douane des marchandises en question, qui donne le montant des droits antidumping à payer.

Amersham a fait valoir que l'article 67 de la Loi prévoit que toute personne qui s'estime lésée par une décision du commissaire rendue conformément aux articles 60 ou 61 peut interjeter appel de cette décision devant le Tribunal. Le paragraphe 61(1) prévoit que le commissaire peut procéder « à la révision ou au réexamen de l'origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane des marchandises importées » à tout moment, dans le cas où « la révision ou le réexamen donnerait effet à une décision du Tribunal ». Selon l'exposé d'Amersham, une méthode complexe de révision des droits antidumping imposés sur les marchandises en question en vertu de la LMSI était énoncée à l'annexe du décret de remise, conformément à son article 2. La méthode comportait une augmentation du prix à l'exportation des marchandises en question, ce qui, en réalité, avait pour effet de réviser la valeur en douane desdites marchandises. Selon Amersham, la décision du commissaire concernant le remboursement des droits était fondée sur une révision de la valeur en douane des marchandises en question et entrait donc nettement dans la portée d'application du paragraphe 61(1). En outre, le décret de remise et la révision du commissaire avaient « donné effet » à la décision du Tribunal dans l'enquête d'intérêt public, ouvrant droit à un appel devant le Tribunal conformément au sous-alinéa 61(1)a)(iii).

À titre d'argument subsidiaire, Amersham a soutenu que le Tribunal avait compétence pour entendre le présent appel aux termes de l'article 61 de la LMSI. Le paragraphe 61(1) prévoit que quiconque s'estime lésé par un réexamen du commissaire concernant des marchandises, lequel a été effectué en application de l'article 59, peut en appeler au Tribunal. Elle a soutenu avoir été avisée dans la lettre du 7 septembre 2001 que l'ADRC avait procédé à une révision en application de l'alinéa 59(1)e). Selon Amersham, la demande de révision visait les valeurs normales en vue d'exécuter une décision du Tribunal en vertu de l'alinéa 59(1)d). Ladite lettre indiquait aussi qu'un appel de la décision relevait du Tribunal aux termes du paragraphe 61(1). De ce fait, Amersham a soutenu que le Tribunal avait compétence pour entendre l'appel.

Le Tribunal a demandé si ses recommandations au ministre pouvaient être considérées comme une décision, étant donné que, normalement, les recommandations ne peuvent pas faire l'objet d'un appel. Amersham a répondu que, même s'il ne s'agissait pas d'une décision définitive, au sens des articles 42 ou 43, une décision avait été rendue aux termes de l'article 45 de la LMSI à l'égard d'une question d'intérêt public, décision qui avait donné lieu à la transmission de recommandations. Amersham a soutenu que rien ne limite la définition de « décision » à une détermination du Tribunal en vertu de l'article 45. En l'espèce, le Tribunal a transmis une « opinion », assortie de recommandations, selon laquelle il ne serait pas dans l'intérêt public d'imposer des droits antidumping au plein montant. Amersham a soutenu que la distinction entre une « décision » et une « opinion » du Tribunal était très mince. Selon Amersham, le décret de remise a donné effet aux recommandations et le commissaire a révisé la valeur en douane des marchandises en question pour exécuter à la fois le décret de remise et la décision du Tribunal. Amersham a concédé que la valeur en douane établie dans le décret de remise ne se fondait pas sur une méthode particulière, comme la valeur de référence ou la valeur reconstituée, prévue dans la Loi.

En ce qui a trait à la manière dont l'article 61 de la LMSI pourrait conférer sa compétence au Tribunal, Amersham a soutenu que l'ADRC avait erré dans son application de l'article 115 du Tarif des douanes. Amersham a demandé un réexamen aux termes de la LMSI, et le commissaire a exprimé son désaccord après avoir initialement concédé que le réexamen avait été effectué en application de l'article 59 de la LMSI. Elle a soutenu que la compétence du Tribunal pouvait être fondée sur la lettre du 7 septembre 2001 de l'ADRC, même si le commissaire avait par la suite indiqué qu'il avait eu tort.

Le commissaire a soutenu que le Tribunal n'avait pas compétence pour entendre l'appel. Selon l'exposé du commissaire, les éléments de preuve montrent clairement qu'il n'y a pas eu de révision conformément aux articles 60 ou 61 de la Loi concernant ladite décision, à savoir, le refus de payer les intérêts sur les droits antidumping remis à Amersham. Le commissaire a soutenu que la compétence du Tribunal aux termes de l'article 67 découlait d'une décision du Tribunal conformément au sous-alinéa 61(1)a)(iii) de la Loi. En l'espèce, le commissaire a soutenu que le sous-alinéa 61(1)a)(iii) de la Loi ne s'appliquait pas, puisqu'une recommandation aux termes de l'article 45 de la LMSI ne constituait pas une décision du Tribunal. De plus, dans l'exécution de la remise des droits, le commissaire ne procédait pas en vertu d'une décision du Tribunal, mais plutôt en vertu du décret de remise pris par la gouverneure générale en conseil. Par conséquent, la remise des droits n'avait pas pour objet de donner effet à une décision du Tribunal, mais avait plutôt pour objet de donner effet à un décret pris en vertu de l'article 115 du Tarif des douanes. Au sujet des articles 60 et 61 de la Loi, le commissaire a ajouté que lesdits articles renvoyaient à des décisions du commissaire et ne s'appliquaient pas à l'espèce, étant donné que la décision de remettre les droits antidumping imposés sur les marchandises en question n'avait pas été prise par le commissaire.

En l'espèce, la gouverneure générale en conseil a pris un décret qui accordait une remise de droits antidumping et a confié à l'ADRC la responsabilité de donner effet au décret. Le décret de remise n'a pas conféré au commissaire le pouvoir de décider d'accorder, ou pas, la remise des droits. Le commissaire n'est pas celui à qui la décision incombait; toutefois, l'article 6 du décret de remise prévoyait que toute demande de remise devait être faite à l'ADRC. Le commissaire a soutenu que l'annexe au décret de remise énonçait la méthode de calcul applicable, par l'ADRC, en vue de la remise des droits. Le Tribunal ne peut donc pas entendre l'appel en vertu de l'article 67 de la Loi.

En ce qui a trait à la question de compétence pour entendre un appel aux termes de l'article 61 de la LMSI, ledit article prévoit la possibilité d'interjeter appel auprès du Tribunal d'un réexamen effectué en application de l'article 59 de la LMSI. Le commissaire a soutenu qu'il n'avait pas procédé à une révision, mais avait plutôt été chargé par la gouverneure générale en conseil d'effectuer la remise des droits selon la méthode énoncée dans le décret. L'autorité législative pour la remise des droits antidumping découle du décret en conseil. Le commissaire a soutenu avoir, dans une lettre datée du 7 septembre 2001, avisé par erreur Amersham qu'il avait procédé à une révision des droits à payer aux termes de l'alinéa 59(1)e) de la LMSI. Subséquemment, Amersham a été avisée que le remboursement avait été versé par erreur et que toute remise des droits antidumping devait être faite en application de l'article 115 du Tarif des douanes. Contrairement aux affirmations de Amersham, le commissaire n'a pas procédé à une révision des droits à payer aux termes de l'article 59 de la LMSI. Par conséquent, le Tribunal n'a pas compétence pour entendre le présent appel.

En réponse aux questions du Tribunal sur l'application de l'article 60 de la Loi, le commissaire a soutenu que ledit article s'appliquait dans les cas de révision par le commissaire, aux termes du paragraphe 59(2), de l'origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane. Le commissaire a dit être d'avis que tel n'avait pas été le cas en l'espèce et que l'article 60 ne s'appliquait donc pas.

Bien-fondé

Amersham a soutenu qu'elle avait droit aux intérêts sur les droits remboursés aux termes du paragraphe 66(3) et de l'article 80.1 de la Loi ou, subsidiairement, aux termes du paragraphe 62.1(2) de la LMSI.

En ce qui a trait aux intérêts à payer aux termes du paragraphe 66(3) de la Loi, Amersham a soutenu que l'ADRC avait procédé à une révision de la valeur en douane des marchandises en question aux termes du sous-alinéa 59(1)a)(ii), ladite révision ayant donné effet à la décision rendue par le Tribunal à l'issue de l'enquête d'intérêt public. Compte tenu de la révision susmentionnée, l'ADRC a conclu qu'Amersham avait droit à un remboursement des droits en vertu de l'alinéa 59(3)b). Aux termes du paragraphe 66(3), quiconque reçoit le remboursement d'excédents en application de l'alinéa 59(3)b) a droit, en plus du remboursement, aux intérêts calculés sur les excédents. Par conséquent, Amersham a soutenu qu'elle avait droit aux intérêts sur les montants remboursés.

En ce qui a trait à son deuxième argument, Amersham a soutenu qu'elle avait payé des droits en trop ou qu'elle les avait payés par erreur en vertu du décret de remise. Un remboursement lui a été accordé conformément à l'alinéa 74(1)g) de la Loi. Aux termes de l'article 80.1, étant donné qu'un remboursement a été accordé à Amersham conformément au paragraphe 74(1)g) en vertu d'un décret ayant effet rétroactif, s'appliquant à tous les droits qui avaient été payés jusqu'au moment de la prise du décret, Amersham avait droit aux intérêts calculés sur lesdits montants.

À titre d'argument de rechange, Amersham a soutenu qu'elle avait droit au paiement des intérêts sur les droits remboursés aux termes du paragraphe 62.1(2) de la LMSI parce que l'ADRC avait procédé à une révision du prix à l'exportation en application de l'article 59. De plus, conformément à l'alinéa 60(1)b), une partie des droits a été retournée à l'importateur et tout remboursement effectué en application dudit alinéa donne lieu aux intérêts en vertu du paragraphe 62.1(2).

Le commissaire a soutenu que le décret de remise avait été pris en vertu de l'article 115 du Tarif des douanes. Il a ajouté que ni ledit décret ni l'article 115 du Tarif des douanes ne prévoyaient le paiement des intérêts sur le montant remis. Même si Amersham a invoqué diverses dispositions prévoyant le paiement des intérêts, le commissaire a soutenu qu'aucune de ces dispositions ne prévoyait le remboursement des droits. Amersham n'avait donc pas droit aux intérêts sur les droits remis.

Le commissaire a soutenu que les droits n'avaient pas été payés par erreur. Les droits avaient été dûment payés et le gouvernement a exercé les pouvoirs spéciaux qui lui étaient conférés en vertu des dispositions de la LMSI en matière d'intérêt public, en vue de dégager les importateurs de l'obligation de payer ces droits afin de donner effet à l'intérêt public. De plus, le décret n'est pas un décret avec effet rétroactif dans la mesure où il remonte le temps afin de prévoir la remise des droits payés à tort.

DÉCISION

Le Tribunal traitera d'abord de la question de savoir s'il a compétence pour entendre la présente affaire aux termes de l'article 67 de la Loi ou, subsidiairement, de l'article 61 de la LMSI.

Les extraits pertinents des paragraphes 60(1), 61(1) et 67(1) de la Loi prévoient notamment ce qui suit :

60. (1) Toute personne avisée en application du paragraphe 59(2) peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l'avis et après avoir versé tous droits et intérêts dus sur des marchandises ou avoir donné la garantie, jugée satisfaisante par le ministre, du versement du montant de ces droits et intérêts, demander la révision ou le réexamen de l'origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane, ou d'une décision sur la conformité des marques.

61. (1) Le commissaire peut procéder :

a) à la révision ou au réexamen de l'origine, du classement tarifaire ou de la valeur en douane des marchandises importées :

(iii) à tout moment, dans le cas où la révision ou le réexamen donnerait effet à une décision du Tribunal [. . .], de la Cour d'appel fédérale ou de la Cour suprême du Canada rendue au sujet des marchandises.

67. (1) Toute personne qui s'estime lésée par une décision du commissaire rendue conformément aux articles 60 ou 61 peut en interjeter appel devant le Tribunal [. . .] en déposant par écrit un avis d'appel auprès du commissaire et du secrétaire de ce Tribunal dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l'avis de décision.

Dans la présente affaire, Amersham a soutenu avoir présenté une demande de révision de la valeur en douane des marchandises en question par le commissaire conformément au paragraphe 60(1) de la Loi, une demande que le commissaire a rejetée. La procédure de détermination de la valeur en douane est énoncée à l'article 46 qui prévoit que « [l]a valeur en douane des marchandises importées est déterminée conformément aux articles 47 à 55 ». La base principale de l'appréciation de la valeur en douane est la valeur transactionnelle des marchandises importées dans les conditions prévues à l'article 4811 . Lorsque la valeur en douane n'est pas déterminée par application des conditions prévues à l'article 48, elle peut l'être d'après une base secondaire, comme la valeur de référence ou la valeur reconstituée12 . L'article 46 prévoit que le commissaire, aux fins de la révision de la valeur en douane de marchandises importées, doit recourir aux méthodes énoncées aux articles 47 à 55.

À la lumière des éléments de preuve soumis, le Tribunal conclut que la remise des droits n'a pas été effectuée pour donner effet à une décision du commissaire rendue conformément au paragraphe 60(1) de la Loi, contrairement à ce qu'a soutenu Amersham, mais a plutôt été effectuée pour donner effet au redressement discrétionnaire accordé par la gouverneure générale en conseil en vertu de l'article 115 du Tarif des douanes. Le Tribunal fait observer que le décret accordant la remise des droits antidumping précise que ledit décret est pris en vertu de l'article 115 du Tarif des douanes. De plus, la méthode applicable au calcul du montant de la remise des droits a été énoncée à l'annexe du décret de remise et ledit calcul ne s'est pas fait d'après les méthodes énoncées aux articles 47 à 55 de la Loi. Par conséquent, le Tribunal conclut qu'il n'y a pas eu de révision ou de réexamen par le commissaire de la valeur en douane conformément au paragraphe 60(1) de la Loi. De plus, la question en litige en l'espèce ne porte pas sur le montant de la valeur en douane, mais est plutôt celle de savoir si les intérêts doivent être payés sur les droits remis, une question qui n'est pas prévue au paragraphe 60(1) de la Loi. Par conséquent, il n'y a pas eu de décision du commissaire rendue conformément à l'article 60 qui pourrait faire l'objet d'un appel devant le Tribunal aux termes de l'article 67 de la Loi.

Le paragraphe 67(1) de la Loi prévoit aussi un droit d'appel devant le Tribunal pour toute personne qui s'estime lésée par une décision du commissaire rendue conformément au paragraphe 61(1). Amersham a soutenu que la décision du commissaire au sujet du remboursement des droits était fondée sur une révision de la valeur en douane des marchandises en question conformément au paragraphe 61(1).

Le Tribunal conclut qu'il n'y a pas eu de révision ou de réexamen par le commissaire de la valeur en douane conformément à l'article 61 de la Loi. Pour tirer cette conclusion, le Tribunal a appliqué le même raisonnement que celui qu'il a appliqué ci-dessus au sujet de la même question relativement à l'article 60. Ainsi qu'il a déjà été indiqué relativement à l'article 60, la question en litige en l'espèce ne porte pas non plus sur le montant de la valeur en douane, mais est plutôt celle de savoir si les intérêts doivent être payés sur les droits remis. Il s'agit là d'une question qui n'est pas prévue à l'article 61. Par conséquent, le Tribunal conclut qu'il n'y a pas eu de décision du commissaire rendue conformément à l'article 61 qui pourrait faire l'objet d'un appel devant le Tribunal aux termes de l'article 67.

Amersham a aussi avancé que le décret de remise découlait d'une décision du Tribunal rendue conformément à l'article 45 de la LMSI, laquelle recommandait une réduction des droits pour des raisons d'intérêt public. Elle a soutenu que le décret de remise a « donné effet » aux recommandations du Tribunal et que le commissaire a procédé à une révision de la valeur en douane des marchandises en question par application de la méthode énoncée dans le décret de remise.

L'article 45 de la LMSI précise notamment ce qui suit :

45.(1) Dans les cas où, à l'issue d'une enquête menée en vertu de l'article 42, il rend l'ordonnance ou les conclusions visées aux articles 3 à 6, le Tribunal, de sa propre initiative ou sur demande présentée par toute personne intéressée selon les modalités - de temps et autres - réglementaires, ouvre une enquête d'intérêt public s'il est d'avis, en se fondant sur des motifs raisonnables, que l'assujettissement des marchandises en cause à des droits antidumping ou compensateurs ou au plein montant des droits prévus à ces articles serait ou pourrait être contraire à l'intérêt public.

(4) Si, à l'issue de l'enquête, il est d'avis que l'assujettissement des marchandises en cause à des droits antidumping ou compensateurs ou au plein montant des droits prévus aux articles 3 à 6 serait ou pourrait être contraire à l'intérêt public, le Tribunal doit sans délai :

a) transmettre au ministre des Finances un rapport énonçant que tel est son avis, ainsi que les faits et motifs à l'appui;

b) faire publier un avis du rapport dans la Gazette du Canada.

Les termes « decision » (décision), « opinion » (opinion) et « recommendation » (recommandation) ne sont définis ni dans la Loi ni dans la LMSI. Le dictionnaire The Canadian Law Dictionary définit « decision » (décision) comme « [a] judgment or decree or order pronounced by a court in settlement of a controversy submitted to it »13 (un jugement ou décret ou ordonnance que prononce un Tribunal pour décider d'un litige dont il a été saisi) et « opinion » (opinion) comme « [a] conclusion or belief held with confidence, after analysis of the facts and the law relating to a matter. Frequently the term is synonymous with judgment »14 (une conclusion ou une croyance à laquelle on accorde sa confiance, après analyse des faits et du droit afférents à une question. Le terme est souvent synonyme de jugement).

Le dictionnaire The Oxford English Dictionary définit « recommendation » (recommandation) comme « [t]he action of recommending a person or thing as worthy or desirable. Also, that which is recommended; a proposal or suggestion »15 (action de recommander une personne ou une chose comme ayant du mérite ou étant souhaitable. Aussi, ce qui est recommandé; une proposition ou une suggestion).

En l'espèce, le Tribunal, conformément à une demande présentée aux termes de l'article 45 de la LMSI, a ouvert une enquête d'intérêt public pour déterminer s'il était dans l'intérêt public d'imposer des droits antidumping au plein montant. À l'issue de l'enquête d'intérêt public, le Tribunal a énoncé l'opinion qu'il n'était pas dans l'intérêt public d'imposer des droits antidumping au plein montant. Le Tribunal a transmis au ministre un rapport énonçant que tel était son opinion, ainsi que les faits et motifs à l'appui de son opinion. Les recommandations au ministre ont découlé de l'opinion du Tribunal. Le ministre n'était pas lié par les recommandations du Tribunal, qui donnait simplement une opinion sur la ligne de conduite que le ministre pourrait vouloir tenir. En fin de compte, le ministre a effectivement décidé de présenter une recommandation à la gouverneure générale en conseil, cette recommandation menant au décret de remise. Toutefois, le ministre aurait pu ne pas présenter une telle recommandation à la gouverneure générale en conseil, et celle-ci aurait pu s'abstenir de prendre un décret. De plus, il n'était pas obligatoire que la recommandation du ministre ou que le décret reprenne les mêmes termes que ceux des recommandations du Tribunal. De toute façon, le Tribunal est d'avis que la décision à laquelle il devait être donné effet était celle de la gouverneure générale en conseil.

En outre, même si le Tribunal avait rendu une décision, la question en litige en l'espèce, comme il a déjà été indiqué, ne porte pas sur le montant de la valeur en douane, mais plutôt sur la question de savoir si les intérêts doivent être payés sur les droits remis. Il s'agit là d'une question qui n'est pas prévue à l'article 61 de la Loi. Par conséquent, le Tribunal conclut qu'il n'y a pas eu de décision du commissaire rendue conformément à l'article 61 de la Loi qui pourrait faire l'objet d'un appel devant le Tribunal aux termes de l'article 67.

Enfin, dans le cadre d'une position subsidiaire, Amersham a soutenu que le paragraphe 61(1) de la LMSI s'appliquait, puisqu'il y est énoncé que quiconque s'estime lésé par un réexamen du commissaire effectué en application de l'article 59 au sujet de marchandises importées peut en appeler au Tribunal.

Les extraits pertinents des articles 59 et 61 de la LMSI prévoient notamment ce qui suit :

59. (1) Sous réserve du paragraphe (3), le commissaire peut réexaminer les décisions ou les révisions visées aux articles 55, 56 ou 57 ou au présent article, concernant des marchandises importées :

d) en vue d'exécuter une décision du Tribunal, de la Cour fédérale ou de la Cour suprême du Canada portant sur ces marchandises.

61. (1) Sous réserve des articles 77.012 et 77.12, quiconque s'estime lésé par un réexamen effectué en application de l'article 59 peut en appeler au Tribunal en déposant, auprès du commissaire et du secrétaire du Tribunal, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date du réexamen, un avis d'appel.

Les extraits pertinents de l'article 115 du Tarif des douanes précisent notamment ce qui suit :

115. (1) Sur recommandation du ministre ou du ministre du Revenu national, le gouverneur en conseil peut, par décret, remettre des droits.

(2) Les remises peuvent être conditionnelles ou absolues, s'appliquer à la totalité ou à une fraction des droits et être accordées peu importe que les droits soient devenus exigibles ou non.

(3) Dans le cas où les droits ont déjà été payés, la remise est effectuée par remboursement des droits à remettre.

La compétence du Tribunal aux termes du paragraphe 61(1) est celle d'entendre un appel d'un réexamen de la valeur normale ou du prix à l'exportation de marchandises importées, mené par le commissaire conformément aux articles 55 à 57 de la LMSI. Tout en prenant note que l'ADRC a renvoyé à l'article 59 à l'occasion de sa remise initiale des droits antidumping, le Tribunal conclut, à la lumière des éléments de preuve soumis, que le commissaire n'a pas rendu de décision en application de l'article 59, comme il aurait fallu pour donner naissance à la compétence du Tribunal en vertu de l'article 61 de la LMSI. Plutôt, les droits antidumping ont été remis à cause de l'obligation imposée par le décret de remise pris en vertu de l'article 115 du Tarif des douanes. De plus, en l'espèce, il n'y a pas eu de révision, par le commissaire, de la valeur normale ou du prix à l'exportation des marchandises en question conformément aux articles 55 à 57 de la LMSI. Le commissaire a plutôt déterminé le montant des droits antidumping à remettre par application de la méthode énoncée à l'annexe du décret de remise.

En outre, la question en litige en l'espèce ne porte pas sur le montant de la valeur normale ou du prix à l'exportation, mais est plutôt celle de savoir si les intérêts doivent être payés sur les droits remis. Il s'agit là d'une question qui n'est pas prévue aux articles 55 à 57 de la LMSI.

Par conséquent, le Tribunal conclut qu'il n'a pas compétence pour entendre le présent appel en vertu de l'article 61 de la LMSI.

Étant donné sa conclusion qu'il n'a pas compétence pour entendre le présent appel en vertu soit de l'article 67 de la Loi soit de l'article 61 de la LMSI, l'appel est rejeté. Le Tribunal ne statuera donc pas sur le bien-fondé de la demande.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [ci-après Loi].

2 . L.R.C. 1985, c. S-15 [ci-après LMSI].

3 . Décret C.P. 2001-799, Gaz. C. 2001.II.880 [ci-après décret de remise].

4 . Certains opacifiants iodés (29 août 2000), PB-2000-001 (TCCE) [ci-après enquête d'intérêt public].

5 . L.C. 1997, c. 36.

6 . Mémoire du commissaire, onglet 4.

7 . Ibid. onglet 5.

8 . Ibid.

9 . Ibid. onglet 7.

10 . Ibid. onglet 8.

11 . Paragraphe 47(1) de la Loi.

12 . Paragraphe 47(2) de la Loi.

13 . 1980, s.v. « decision » (décision).

14 . 1980, s.v. « opinion » (opinion).

15 . Deuxième éd., s.v. « recommendation » (recommandation).