RICHARD RUSYN

Décisions


RICHARD RUSYN
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2002-092


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 5 août 2003

Appel no AP-2002-092

EU ÉGARD À un appel entendu le 20 février 2003 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 3 juillet 2002 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

RICHARD RUSYN Appelant

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre présidant

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes à l'égard d'une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire) le 3 juillet 2002, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si une réplique d'un revolver Colt « Peacemaker » de calibre .45 de 1873 est correctement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre de dispositif prohibé, comme l'a déterminé le commissaire.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le dispositif en cause est « conçu de façon à avoir l'apparence » d'une arme à feu ou « on a voulu lui donner cette apparence » et ce n'est pas une arme à feu. Il est conçu pour avoir l'apparence d'un modèle d'arme à feu original qui a été fabriqué jusque dans les années 1940 et est de nouveau fabriqué aujourd'hui. De l'avis du Tribunal, le dispositif en cause reproduit le plus fidèlement possible un modèle d'arme à feu qui n'est pas une arme à feu historique. Par conséquent, c'est une « réplique » et c'est un « dispositif prohibé », qui est correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 20 février 2003

Date de la décision :

Le 5 août 2003

   

Membre du Tribunal :

James A. Ogilvy, membre présidant

   

Conseiller pour le Tribunal :

John Dodsworth

   

Greffier :

Margaret Fisher

   

A comparu :

Catherine A. Lawrence, pour l'intimé

MOTIFS DE LA DÉCISION

INTRODUCTION

Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l'égard d'une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire) le 3 juillet 2002, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si une réplique d'un revolver Colt « Peacemaker » de calibre .45 de 1873 est correctement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l'annexe du Tarif des douanes 2 à titre de dispositif prohibé, comme l'a déterminé le commissaire.

Le numéro tarifaire 9898.00.00 se lit en partie ainsi :

9898.00.00 Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l'assemblage d'armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, [...]

Pour l'application du présent numéro tarifaire,

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s'entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel.

Le paragraphe 84(1) du Code criminel 3 prévoit que l'expression « dispositif prohibé » comprend, notamment, une réplique, et il en donne la définition suivante :

« réplique » Tout objet, qui n'est pas une arme à feu, conçu de façon à en avoir l'apparence exacte-ou à la reproduire le plus fidèlement possible-ou auquel on a voulu donner cette apparence. La présente définition exclut tout objet conçu de façon à avoir l'apparence exacte d'une arme à feu historique-ou à la reproduire le plus fidèlement possible-ou auquel on a voulu donner cette apparence.

Le Code criminel donne la définition suivante des termes « arme à feu » et « arme à feu historique » :

« arme à feu » Toute arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile, d'infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne, y compris une carcasse ou une boîte de culasse d'une telle arme ainsi que toute chose pouvant être modifiée pour être utilisée comme telle;

« arme à feu historique » Toute arme à feu fabriquée avant 1898 qui n'a pas été conçue ni modifiée pour l'utilisation de munitions à percussion annulaire ou centrale ou toute arme à feu désignée comme telle par règlement.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

À titre de question préliminaire, le commissaire a renvoyé au fait que M. Richard Rusyn n'avait pas comparu lors de l'audience de l'appel, et a soutenu que c'est à M. Rusyn qu'il incombe de prouver que le dispositif en cause n'a pas été classé correctement. Par conséquent, il a demandé si le Tribunal avait l'intention de procéder à l'audience en se fondant sur les documents au dossier.

Le Tribunal a décidé de procéder à l'audience. De l'avis du Tribunal, bien que le mémoire de M. Rusyn présentait plusieurs arguments non pertinents à la question en litige dans le présent appel, il mettait en doute les conclusions du commissaire selon lesquelles le dispositif en cause reproduit le plus fidèlement possible une arme à feu. Étant donné que le témoin du commissaire a été en mesure de présenter oralement son rapport sur le dispositif en cause, le Tribunal était d'avis qu'il y avait un fondement suffisant pour traiter la question de fond dans le présent appel.

PREUVE

Dans son mémoire, M. Rusyn a fait plusieurs distinctions entre le dispositif en cause et le modèle d'arme à feu originale. Celles-ci comprennent le fait que le dispositif en cause est fabriqué en métal au creuset et non pas en fonte et que son chien est coupé afin qu'il ne puisse pas tirer de projectile. M. Rusyn a également souligné que le dispositif en cause pèse moins que l'original et ne peut pas faire le bruit d'une « détonation ».

Le témoin du commissaire était M. Dean Barclay Dahlstrom, qui est expert en traces d'outils et en armes à feu à la section de l'identification des armes à feu du Service des laboratoires judiciaires de la Gendarmerie royale du Canada à Regina, en Saskatchewan. À l'audience, M. Dahlstrom a été reconnu comme expert dans le domaine de l'identification en traces d'outils et en armes à feu.

Le témoignage de M. Dahlstrom a porté sur son examen du dispositif en cause et sur le rapport soumis par le commissaire. M. Dahlstrom a témoigné que le dispositif en cause ne peut pas tirer de projectile, puisqu'il est fait de métal au creuset et non pas d'acier au carbone, et il a un joint, puisqu'il n'est pas fait d'une seule pièce. De plus, le dispositif en cause n'a pas de percuteur, il n'y a rien sur le chien pour activer le détonateur d'une cartouche et le calibre contient un culot, ce qui fait qu'une balle ne pourrait pas passer.

M. Dahlstrom a témoigné que, à son avis, le dispositif en cause est conçu pour reproduire le plus fidèlement possible un revolver de l'armée Colt à simple action. Il a témoigné que le prototype avait été fabriqué entre 1873 et 1941 et que son aspect général était demeuré relativement constant pendant cette période. M. Dahlstrom a témoigné que le prototype peut être considéré soit comme étant une arme à feu historique, soit comme n'étant pas une arme à feu historique, dépendant du calibre. Il a témoigné également que le prototype utilisait des munitions à percussion annulaire ou centrale.

PLAIDOIRIE

Le commissaire a renvoyé aux trois critères qui servent à déterminer si un objet est une « réplique » pour l'application du numéro tarifaire 9898.00.00 : tout d'abord, il doit s'agir d'un objet conçu pour avoir l'apparence exacte d'une arme à feu, ou la reproduire le plus fidèlement possible ou auquel on a voulu donner cette apparence; deuxièmement, l'objet n'est pas une arme à feu; et troisièmement, l'objet n'a pas l'apparence exacte d'une arme à feu historique4 .

Le commissaire a renvoyé à la preuve de M. Dahlstrom, selon laquelle le dispositif en cause est conçu pour avoir l'apparence d'une arme à feu, et plus précisément d'un Colt à simple action de modèle « Peacemaker » de 1873. Le commissaire a soutenu qu'il n'est pas nécessaire que le dispositif en cause soit identique à une arme à feu, mais qu'il suffit que ce dispositif reproduise « le plus fidèlement possible » une arme à feu. Il a soutenu que ce qui est pertinent est l'apparence du dispositif et que les différences entre le dispositif en cause et le modèle d'arme à feu véritable originale, différences qui ont été notées par M. Rusyn, n'ont pas d'incidence sur l'apparence physique du dispositif en cause. Il a également soutenu que le dispositif en cause lui-même n'est pas une arme à feu.

Le commissaire a soutenu que le dispositif en cause n'est pas une arme à feu historique. Bien que le dispositif en cause puisse être considéré comme ayant l'apparence à la fois d'une arme à feu historique et d'une arme à feu non historique, il a renvoyé à la décision rendue par le Tribunal dans l'appel no AP-2001-0645 qui indique que les dispositifs ne sont pas exclus de la définition de « réplique » dans de telles circonstances.

DÉCISION

De l'avis du Tribunal, déterminer si le dispositif en cause est « conçu de façon à avoir l'apparence exacte » d'une arme à feu ou de « la reproduire le plus fidèlement possible », ou si « on a voulu lui donner cette apparence » est essentiellement un exercice visuel, ainsi qu'il a été indiqué précédemment dans Servello. De l'avis du Tribunal, une comparaison visuelle du dispositif en cause et du modèle de l'arme à feu originale révèle une reproduction fidèle quant à la taille, la forme et l'apparence générale. Étant donné que le dispositif en cause est désigné comme étant une réplique d'un modèle particulier, il est évident que ce dispositif a été « conçu de façon à avoir l'apparence » de l'original ou qu'on a « voulu lui donner cette apparence ».

De l'avis du Tribunal, il est clair que le dispositif en cause n'est pas une arme à feu. Le dispositif en cause n'est pas conçu pour tirer un projectile, et un témoignage d'expert confirme qu'il ne peut pas être utilisé comme arme à feu dans sa condition actuelle. Selon le témoin expert, le canon est obstrué, le dispositif en cause n'a pas de percuteur et le chien n'est pas équipé pour activer le détonateur d'une cartouche.

Selon les éléments de preuve, le dispositif en cause est conçu pour avoir l'apparence d'un modèle d'arme à feu originale qui, dans certains cas, est une arme à feu historique, sa fabrication ayant commencé avant 1898, et le Règlement désignant des armes à feu historiques 6 prescrivent certains calibres de ce modèle produit avant cette date à titre d'armes à feu historiques. Cependant, le dispositif en cause est conçu pour avoir l'apparence, et il est reproduit le plus fidèlement possible, d'un modèle d'arme à feu qui, selon le témoin expert, a été fabriqué jusque dans les années 1940 et est de nouveau fabriqué aujourd'hui. Le témoin expert a déclaré que la désignation « 1873 », bien qu'elle s'applique à la première année de la conception ou de la vente du modèle, est aussi une désignation de modèle qui ne permet pas de présumer de son année de fabrication. De plus, le témoin expert a soutenu que l'arme à feu originale était conçue pour tirer des munitions à percussion annulaire ou centrale.

Pour ces raisons, de l'avis du Tribunal, le dispositif en cause reproduit le plus fidèlement possible un modèle d'arme à feu qui n'est pas une arme à feu historique aux fins de ce test. Le troisième critère de ce test est donc satisfait.

Par conséquent, le dispositif en cause satisfait aux trois critères de définition de ce qu'est une « réplique », qui, selon le Code criminel, est un dispositif prohibé et est classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00. Les éléments de preuve et les arguments de M. Rusyn n'ont pas suffi à convaincre le Tribunal que le dispositif en cause n'était pas correctement classé. Le Tribunal conclut donc que le dispositif en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre de dispositif prohibé.

Par conséquent, l'appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . L.R.C. 1985, c. C-46.

4 . Voir Vito Servello c. Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (19 juin 2002), AP-2001-078 (TCCE) [Servello].

5 . Terry Thompson c. Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (14 janvier 2003) (TCCE).

6 . D.O.R.S./98-464.