QUAY DEVELOPMENTS LTD.

Décisions


QUAY DEVELOPMENTS LTD.
c.
MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-2002-012

Décision et motifs rendus
le mercredi 21 décembre 2005


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 14 juillet 2005 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, c. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national datée du 15 février 2002 aux termes du paragraphe 121(3) de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

 

QUAY DEVELOPMENTS LTD.

Appelante

ET

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est admis.

Patricia M. Close
Patricia M. Close
Membre présidant

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l'audience :

Vancouver (Colombie-Britannique)

Date de l'audience :

Le 14 juillet 2005

   

Membres du Tribunal :

Patricia M. Close, membre présidant

 

Zdenek Kvarda, membre

 

Ellen Fry, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Roger Nassrallah

   

Greffier :

Valérie Cannavino

   

Ont comparu :

Ian Worland, pour l'appelante

 

Suzanne Pereira, pour l'intimé

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : (613) 993-3595
Télécopieur : (613) 990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise 1 à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national (le ministre). La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si Quay Developments Ltd. (Quay) a droit au remboursement de la taxe de vente fédérale pour habitations neuves aux termes de l'alinéa 121(3)b) de la Loi, qui prévoit ce qui suit :

(3) Where, immediately before 1991, a builder of a specified residential complex (other than a builder of the complex to whom, because of subsection 191(5) or (6), subsections 191(1) to (4) do not apply) owned or had possession of the complex and had not transferred ownership or possession under an agreement of purchase and sale to any person who is not a builder of the complex, the Minister shall, subject to subsections (4) and (4.1), pay a rebate to the builder equal to

. . . 

(b) where the complex is a residential condominium unit in a condominium complex,

(i) 50% of the estimated federal sales tax for the unit, where the construction or substantial renovation of the condominium complex was, on January 1, 1991, more than 25 % completed and not more than 50 % completed, and

(ii) 75% of the estimated federal sales tax for the unit, where the construction or substantial renovation of the condominium complex was, on January 1, 1991, more than 50 % completed.

(3) Sous réserve des paragraphes (4) et (4.1), le ministre rembourse au constructeur d'un immeuble d'habitation déterminé (sauf le constructeur auquel les paragraphes 191(1) à (4) ne s'appliquent pas par l'effet des paragraphes 191(5) ou (6)) qui, immédiatement avant 1991, a la propriété ou la possession de l'immeuble et qui n'en a pas transféré la propriété ou la possession aux termes d'un contrat de vente à une personne qui n'est pas le constructeur de l'immeuble. Le montant remboursable est égal au suivant :

[...]

b) s'il s'agit d'un logement en copropriété situé dans un immeuble d'habitation en copropriété :

(i) 50 % de la taxe de vente fédérale estimative applicable au logement, si la construction ou les rénovations majeures de l'immeuble étaient, le 1er janvier 1991, achevées à plus de 25 % mais non à plus de 50 %,

(ii) 75 % de la taxe de vente fédérale estimative applicable au logement, si la construction ou les rénovations majeures de l'immeuble étaient, le 1er janvier 1991, achevées à plus de 50 %.

2. Quay a demandé et reçu un remboursement aux termes de l'alinéa 121(3)b) de la Loi relativement à la première phase de son projet Renaissance Development, le Lido. Le présent appel traite de la demande de remboursement portant sur la deuxième phase de ce projet, le Rialto. Quay demande un remboursement relativement au projet complet (c.-à-d. pour le Lido et le Rialto), évalué en tant qu'un seul « immeuble d'habitation en copropriété » par application du sous-alinéa 121(3)b)(ii), pour l'écart entre le remboursement accordé pour le Lido, considéré individuellement, et le remboursement auquel elle prétend avoir droit pour le Lido et le Rialto, évalués ensemble. À titre de solution de rechange, Quay demande un remboursement pour le Rialto, considéré individuellement, par application du sous-alinéa 121(3)b)(i).

3. Le Tribunal a tenu une audience à Vancouver (Colombie-Britannique), le 14 juillet 2005. Les deux parties étaient représentées par des conseillers. Quay a convoqué un témoin à comparaître, M. Andre Molnar.

PREUVE

4. M. Molnar a déclaré être le promoteur du projet Renaissance Development, qui se composait du Lido et du Rialto, et avoir une grande expérience des projets d'immeuble à plusieurs logements. Il a dit avoir commencé le projet Renaissance Development vers la fin des années 1980 et que Quay avait été constituée en société en vue de l'achat du terrain à Western Forest Products Limited.

5. M. Molnar a déclaré que le projet Renaissance Development était censé constituer la première phase du projet New Westminster Quay Development, et que d'autres phases de ce projet devaient suivre plus tard. Il a fait savoir que le terrain avait, à l'origine, dû être rezoné, depuis une affectation à « l'industrie légère », pour une affectation à « des immeubles à plusieurs logements ». Il a ajouté que, avant d'obtenir l'approbation nécessaire au rezonage, il avait dû remplir certaines conditions, y compris la construction d'un pont au-dessus des voies ferrées en place, la construction d'une promenade riveraine, située devant le projet, et le développement et la revitalisation de la « vie subaquatique » pour favoriser la survie des poissons2 . Il a ajouté que le pont et la promenade devaient être terminés pour que soit délivré un permis d'occupation visant l'une ou l'autre des phases du projet Renaissance Development.

6. M. Molnar a déclaré que, en plus des frais engagés pour la construction du pont et de la promenade et la revitalisation du milieu aquatique, le projet Renaissance Development avait entraîné d'autres frais généraux, y compris ceux de démolition et d'excavation, de compactage du terrain, de la mise en place d'un rideau de palplanches3 , de l'installation des services d'approvisionnement en eau, d'égout et de gaz, de construction des chemins et de culs-de-sac, et de l'ajout de la lagune entre le Lido et le Rialto4 . M. Molnar a souligné que Quay avait négocié un prêt distinct pour la viabilisation, de 7,51 millions de dollars5 , afin d'absorber les frais généraux susmentionnés, au-delà du budget de construction réel.

7. M. Molnar a dit que Quay avait commencé le compactage du terrain en 1988, amorcé la construction comme telle en 1989-1990, terminé le Lido (148 logements) en 1990 et entrepris la construction du Rialto (109 logements) tandis que le Lido était toujours en construction.

8. Relativement au financement du projet, M. Molnar a fait savoir que le projet Renaissance Development était initialement financé entièrement par l'intermédiaire de la Financial Trust, remplacée après sa faillite par la Central Guaranty Trust Company (Central Guaranty). Il a ajouté que, après le transfert à Central Guaranty en 1990, étant donné le caractère conservateur de sa gestion, cette dernière avait d'abord seulement accepté de financer la construction du Lido et n'avait accepté le financement du Rialto que par la suite. En contre-interrogatoire, il a déclaré qu'un autre aspect de la cession avait porté sur la division du Lido et du Rialto en deux plans de lot de copropriété distincts. Il a ajouté que la faillite de la Financial Trust avait légèrement retardé la construction du projet en entier.

9. M. Molnar a témoigné que Central Guaranty avait retenu les services de Butterfield Development Consultants Ltd. (Butterfield) qui, selon lui, était une entreprise d'avant-garde, experte en établissement de l'avant-métré, qui effectuait des vérifications au nom d'institutions financières pour déterminer si la construction pouvait soutenir les sommes d'argent prêtées chaque mois. Il a témoigné concernant la lettre de Butterfield datée du 7 décembre 1990, dans laquelle il est question du Rialto. À cet égard, il a témoigné que la lettre stipulait que, relativement à la progression de la construction pour le Rialto, les travaux suivants avaient été terminés :

Bétonnage relatif aux fondations, colonnes, murs périmétriques du sous-sol et murs intérieurs terminé. Tuyau de drainage périmétrique en place. Drain sous la dalle essentiellement terminé. Il reste à prolonger les tuyaux d'égout et d'eau jusqu'à l'intérieur de l'immeuble6 .

[Traduction]

10. M. Molnar a également précisé que les pièces jointes à la lettre de Butterfield établissaient ce qui suit :

Le budget initial du Rialto était de 17,60 millions de dollars; à ce moment-là, la valeur du « total des travaux exécutés » était de 6,19 millions de dollars; le coût du terrain était de 4,45 millions de dollars; le coût prévu au budget de démolition et d'excavation était de 212 000 $, dont 206 288 $ avait déjà été affecté à cette partie des travaux. Il a souligné que le budget qui se trouve dans la lettre de Butterfield était le budget de construction du Rialto et qu'un budget distinct avait été prévu pour les frais de viabilisation (p. ex. pont, promenade, eau, égout, gaz et électricité et chemins).

11. Relativement au calcul soumis dans le dossier de Quay aux fins de son argument subsidiaire, M. Molnar a expliqué que ce calcul représentait le pourcentage d'achèvement révisé du Rialto7 . Il a précisé que ce pourcentage révisé était de 29,6 p. 100 et ne comprenait pas le coût du terrain. Dans son témoignage, il a expliqué son calcul8 du pourcentage d'achèvement comme il suit :

Pourcentage d'achèvement révisé du Rialto

Calcul du numérateur

Calcul du montant facturé, à l'exclusion des coûts du terrain et de démolition et d'excavation

(1re étape du calcul du numérateur ajusté)

Montant total facturé pour le Rialto avant 1991

(Source : lettre du 7 décembre 1990 de Butterfield)

6 192 890 $

Moins : Coût du terrain

Coût de démolition et d'excavation

(Source : lettre du 7 décembre 1990 de Butterfield)

(4 454 000)

(206 288)

Solde du montant total facturé pour le Rialto avant l'ajout des coûts de viabilisation

1 532 602 $

Calcul du montant des coûts de viabilisation qui devraient être attribués au Rialto

(2e étape du calcul du numérateur ajusté)

Budget total de viabilisation

(Source : lettre du 20 novembre 1990)

7 510 544 $

Pourcentage du budget de viabilisation attribuable au Rialto

(109 logements [Rialto] divisé par 257 logements [Rialto + Lido])

0,42

Montant du budget de viabilisation qui devrait être attribué au Rialto

3 185 406 $

Calcul du total des coûts de construction du Rialto jusqu'au 7 décembre 1990

(Numérateur ajusté)

Solde du montant total facturé pour le Rialto avant l'ajout des coûts de viabilisation

1 532 602 $

Montant du budget de viabilisation qui devrait être attribué au Rialto

3 185 406 $

Total des coûts de construction du Rialto en date du 7 décembre 1990

4 718 008 $

Pourcentage d'achèvement révisé du Rialto

Calcul du dénominateur

Calcul du budget total, à l'exclusion des coûts du terrain et de démolition

(Dénominateur indiqué)

Budget total du Rialto

(Source : lettre du 7 décembre 1990 de Butterfield)

17 598 624 $

Moins : Coût du terrain

Coût de démolition et d'excavation

(Source : lettre du 7 décembre 1990 de Butterfield)

(4 454 000)

(206 288)

Plus : Coût de viabilisation (Rialto seulement)

3 185 406 $

Budget total ajusté du Rialto

16 123 742 $

Pourcentage d'achèvement révisé du Rialto

Calcul du pourcentage d'achèvement par application
des numérateur et dénominateur ajustés

Numérateur ajusté

Total des coûts de construction du Rialto au 7 décembre 1990

4 718 008 $

Dénominateur ajusté

Total du budget ajusté du Rialto

16 123 742 $

Pourcentage d'achèvement ajusté

 

29,26

[Traduction]

12. En se fondant sur le calcul susmentionné, M. Molnar a témoigné que le pourcentage d'achèvement du Rialto était de 29,26 p. 100.

13. En contre-interrogatoire, M. Molnar a déclaré que, au 31 décembre 1990, le Lido et le Rialto figuraient sur deux plans cadastraux de copropriété distincts. Il a expliqué que Quay avait initialement regroupé les deux immeubles sous un seul plan de lot de copropriété, mais que lorsque Central Guaranty était entrée en scène, elle avait insisté pour séparer le plan de lot de copropriété en deux.

14. En réponse à des questions du Tribunal, M. Molnar a témoigné que le Rialto et le Lido avaient en commun un même sous-sol, aux fins de stationnement, et la lagune qui les séparait de l'espace riverain commun.

PLAIDOIRIE

Quay

15. Quay a prétendu que le Lido et le Rialto devraient être considérés comme un seul projet et que, aux fins du remboursement, le calcul du pourcentage d'achèvement devait se fonder sur le projet en entier. Dans cet ordre d'idées, Quay a soutenu que le Lido et le Rialto, ensemble, devaient être considérés comme un « immeuble d'habitation en copropriété » aux fins de la Loi. À cet égard, elle a soutenu que les expressions suivantes, ainsi que leurs définitions, qui figurent au paragraphe 123(1), sont des facteurs pertinents à l'analyse de remboursement :

. . . 

"condominium complex" means a residential complex that contains more than one residential condominium unit;

. . . 

"residential complex" means

(a) that part of a building in which one or more residential units are located, together with

(i) that part of any common areas and other appurtenances to the building and the land immediately contiguous to the building that is reasonably necessary for the use and enjoyment of the building as a place of residence for individuals, and

(ii) that proportion of the land subjacent to the building that that part of the building is of the whole building,

. . . 

"residential unit" means

(a) a ... condominium unit, . . .

or that part thereof that

. . . 

(g) has never been used or occupied for any purpose, but is intended to be used as a place of residence or lodging for individuals;

. . . 

[...]

«immeuble d'habitation en copropriété» Immeuble d'habitation qui contient au moins deux logements en copropriété.

[...]

«immeuble d'habitation»

a) La partie constitutive d'un bâtiment qui comporte au moins une habitation, y compris :

(i) la fraction des parties communes et des dépendances et du fonds contigu au bâtiment qui est raisonnablement nécessaire à l'usage résidentiel du bâtiment,

(ii) la proportion du fonds sous-jacent au bâtiment correspondant au rapport entre cette partie constitutive et l'ensemble du bâtiment;

[...]

« habitation » [...] unité en copropriété, [...] ou toute partie [...] qui est, selon le cas :

[...]

d) destinée à servir à titre résidentiel ou d'hébergement sans avoir servi à une fin quelconque.

[...]

16. Quant à l'interprétation des expressions ci-dessus, Quay a demandé au Tribunal de tenir compte du paragraphe 33(2) de la Loi d'interprétation 9 , qui prévoit ce qui suit : « Le pluriel ou le singulier s'appliquent, le cas échéant, à l'unité et à la pluralité. » Elle a aussi soutenu que cette disposition s'applique à toutes les lois fédérales, ce qui inclut la Loi, par application du paragraphe 3(1) de la Loi d'interprétation 10 .

17. Étant donné cette disposition de la Loi d'interprétation, Quay a soutenu que les termes au singulier de la Loi doivent se lire au pluriel, sauf indication contraire. Plus précisément, elle a prétendu que le terme « bâtiment », qui figure dans la série de définitions afférentes à l'expression « immeuble d'habitation en copropriété », devrait être interprété comme signifiant « bâtiments ». À partir d'une telle interprétation, elle a prétendu que le projet Renaissance Development en entier, qui comprend le Lido et le Rialto, devrait être considéré comme un seul « immeuble d'habitation en copropriété ».

18. À l'appui de son argument, Quay a soutenu que rien dans la Loi n'indique que le terme « bâtiment » ne devrait pas se lire au pluriel. En outre, elle a soutenu que l'acception courante du mot « immeuble » est un « groupe de bâtiments » [traduction].

19. Quay a aussi prétendu que le Tribunal a examiné, pour l'essentiel, une « situation identique », dans l'affaire Cragg & Cragg Design Group Ltd. c. M.R.N. 11 Elle a fait observer que le Tribunal avait conclu dans Cragg & Cragg que, selon l'interprétation indiquée de la loi, le remboursement était payable relativement au projet en entier. Quay a soutenu que les faits de l'espèce étaient « presque impossibles à distinguer » [traduction] de ceux dans Cragg & Cragg. Toutefois, elle a admis qu'il existait une différence, à savoir que, dans Cragg & Cragg, un seul plan de lot de copropriété avait été enregistré tandis que, en l'espèce, les bâtiments sont établis sous deux plans cadastraux de copropriété distincts.

20. Plus précisément relativement à la question du plan de lot de copropriété, Quay a prétendu ne pas contester le fait que le Lido et le Rialto figuraient sur deux plans cadastraux de copropriété au 31 décembre 1990. Toutefois, elle a souligné que le plan d'affaires original avait été établi par application d'un seul plan de lot de copropriété et que l'intention initiale de Quay avait été de l'établir sous un seul plan de lot de copropriété.

21. Quay a prétendu que, à la lumière des observations ci-dessus, le Lido et le Rialto étaient achevés à 61,96 p. 100 le 31 décembre 1990, au moment de leur évaluation en tant que projet unique et que le Tribunal devrait conclure que Quay a droit, conformément au sous-alinéa 121(3)b)(ii) de la Loi, à un remboursement égal à 75 p. 100 de la taxe de vente fédérale pertinente au projet Renaissance Development, au-delà du remboursement accordé pour le Lido.

22. À titre de solution de rechange, Quay a prétendu que le Tribunal devrait apprécier le pourcentage d'achèvement du Rialto, considéré individuellement, et devrait décider que le projet était achevé dans une proportion de plus de 25 p. 100 le 31 décembre 1990. Dans le cadre d'un tel raisonnement, elle a admis avoir changé légèrement sa plaidoirie par rapport aux arguments présentés dans son mémoire, en ce sens que le coût de la valeur du terrain avait été déduit dans le calcul du pourcentage d'achèvement. À cet égard, elle a déduit du calcul les coûts du terrain et de démolition et d'excavation et a inclus les coûts de viabilisation attribuables au Rialto. Elle a soutenu que ces ajouts et déductions sont conformes à la politique d'interprétation intitulée « P-087 - Pourcentage d'achèvement aux fins des remboursements de TVF pour habitations neuves »12 . À ce motif, elle a soutenu que le Rialto était achevé à 29,26 p. 100 le 31 décembre 1990 et que, puisque ce pourcentage était supérieur au seuil de 25 p. 100, elle avait droit à un remboursement, aux termes du sous-alinéa 121(3)b)(ii) de la Loi, égal à 50 p. 100 de la taxe de vente fédérale relativement au Rialto.

23. En réponse à une question du Tribunal sur la question de savoir si le fait que le Rialto et le Lido avaient en commun le même sous-sol pouvait avoir une incidence sur sa plaidoirie, Quay a soutenu que, aux termes de son interprétation, le fait que le Tribunal considère le projet Renaissance Development comme un seul bâtiment ou comme plusieurs n'a pas d'importance, puisque les observations de Quay qui s'appuient sur le paragraphe 33(2) de la Loi d'interprétation permettent au Tribunal de conclure que le projet Renaissance Development comprenait deux bâtiments et répondait toujours à la définition de l'expression « immeuble d'habitation en copropriété ».

24. En réponse à l'interprétation donnée par le ministre relativement à la définition de l'expression « unité en copropriété », Quay a prétendu que le ministre tentait d'ajouter l'expression « un seul » vis-à-vis de bâtiment et de plan de lot de copropriété et de lire « un seul » bâtiment et « un seul » plan de lot de copropriété, mais que cette expression ne se figure pas dans le libellé de la Loi.

25. En réponse à l'argument du ministre selon lequel la décision13 rendue par la Cour canadienne de l'impôt (Cour de l'impôt) signifie qu'on ne doit pas recourir à la Loi d'interprétation, Quay a critiqué la position selon laquelle cette décision a force de précédent. Elle a d'abord fait observer que la Cour de l'impôt n'est pas une cour ayant une compétence inhérente et, par conséquent, qu'elle est pour l'essentiel un tribunal, semblable au Tribunal. De plus, elle a prétendu que l'affaire invoquée avait été tenue par application d'une « procédure informelle » qui, par application de l'article 18.28 de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt 14 , n'a pas valeur jurisprudentielle. Elle a aussi souligné que le « I » qui se trouve dans le numéro de dossier de la cour indiquait que l'affaire avait été tenue par application de cette procédure informelle. En se fondant sur cet argument, Quay a soutenu que le Tribunal devrait tenir compte d'une de ses propres décisions antérieures et non pas d'une décision antérieure de la Cour de l'impôt rendue dans une affaire qui ne portait pas sur un remboursement.

26. En réponse à l'argument du ministre selon lequel il n'entre pas dans les attributions du Tribunal d'accorder un remboursement spécifique, Quay a fait valoir que le paragraphe 81.27(1) de la Loi prévoit ce qui suit :

After hearing an appeal under this Part, the Tribunal may dispose of the appeal by making such finding or declaration as the nature of the matter may require and by making an order

. . . 

(b) allowing the appeal in whole or in part and vacating or varying the assessment or determination or referring it back to the Minister for reconsideration.

Après avoir entendu un appel prévu à la présente partie, le Tribunal peut statuer par décision ou déclaration, selon la nature de l'affaire, et en rendant une ordonnance :

[...]

b) soit faisant droit à l'appel en totalité ou en partie et annulant ou modifiant la décision faisant l'objet de l'appel ou renvoyant l'affaire au ministre pour réexamen.

27. À cet égard, Quay a soutenu que le Tribunal a effectivement la compétence et le pouvoir nécessaires pour rendre une ordonnance qui précise le montant du remboursement.

Ministre

28. Le ministre a soutenu que la présente affaire se résume en réalité à la question de savoir si la définition de l'expression « immeuble d'habitation » au sens de la Loi s'applique uniquement à un seul bâtiment ou si elle peut englober plus d'un bâtiment. À cet égard, il a prétendu qu'elle doit inclure un seul bâtiment. Il a ajouté que le libellé de la disposition lui-même, comme dans l'affaire jugée par la Cour de l'impôt, appuie sa position.

29. Le ministre a soutenu que la définition de l'expression « logement en copropriété » exige que le projet en entier soit enregistré sous un seul plan de lot de copropriété, et que le projet Renaissance Development ne remplit pas cette condition.

30. Le ministre a soutenu que l'interprétation juste de l'expression « logement en copropriété » au sens de l'alinéa 121(3)b) de la Loi renvoie à un bâtiment sur un plan de lot de copropriété et que les faits incontestés de l'espèce sont que le Rialto et le Lido figuraient sur des plans cadastraux de copropriété distincts à la fin décembre 1990. Il a aussi souligné que les bâtiments visés dans Cragg & Cragg étaient tous enregistrés sous un seul plan de lot de copropriété.

31. De plus, en ce qui a trait à la Loi d'interprétation et, plus précisément, à l'application du pluriel au terme « bâtiment » dans la série de définitions concernant l'expression « immeuble d'habitation en copropriété », le ministre a prétendu que la Loi d'interprétation ne doit pas s'appliquer en l'espèce puisque le libellé de la Loi indique une intention contraire à une telle interprétation. À l'appui de son argument sur cette indication contraire, il a invoqué l'affaire B.C. Ltd., qui interprétait la même disposition de la Loi et statuait que le libellé de la loi et le régime législatif comportaient une indication contraire à l'application du pluriel au terme « bâtiment ». À cet égard, il a soutenu que la décision de la Cour de l'impôt n'avait pas « nécessairement » force exécutoire sur le Tribunal, mais qu'elle devrait avoir force probante.

32. En se fondant sur ce qui précède, le ministre a soutenu que le premier raisonnement avancé dans l'argumentation de Quay doit être rejeté.

33. En ce qui a trait à l'argument subsidiaire de Quay, le ministre a fait observer que, même si Quay a mis de côté sa prétention que le coût du terrain devrait être inclus dans le calcul du pourcentage d'achèvement, il n'incombe pas au Tribunal de déterminer si un remboursement doit effectivement être accordé ou non. Plutôt, le ministre a soutenu que le Tribunal doit renvoyer l'affaire pour réexamen et vérification s'il est décidé que Quay a droit au remboursement. D'après le ministre, il n'est pas nécessaire que le Tribunal se soucie des chiffres précis soumis par Quay.

DÉCISION

34. Dans son argument principal, Quay a demandé que le projet Renaissance Development fasse l'objet d'une évaluation au titre d'un seul « immeuble d'habitation en copropriété » au sens du sous-alinéa 121(3)b)(ii) de la Loi même si le projet a comporté deux phases - le Lido et le Rialto.

35. Le Tribunal fait observer que l'alinéa 121(3)b) de la Loi prévoit le remboursement « s'il s'agit d'un logement en copropriété situé dans un immeuble d'habitation en copropriété ». À la lumière de cette disposition et des observations des parties, le Tribunal est d'avis qu'il doit décider, en se fondant sur les éléments de preuve mis à sa disposition, si le projet Renaissance Development doit être considéré comme un « immeuble d'habitation en copropriété » au sens de cette disposition. Le paragraphe 23(1) définit l'expression « immeuble d'habitation en copropriété » ainsi :

"condominium complex" means a residential complex that contains more than one residential condominium unit.

«immeuble d'habitation en copropriété» Immeuble d'habitation qui contient au moins deux logements en copropriété.

36. Le paragraphe 123(1) de la Loi définit aussi les expressions « immeuble d'habitation » et « logement en copropriété » :

. . . 

"residential complex" means

(a) that part of a building in which one or more residential units are located, together with

(i) that part of any common areas and other appurtenances to the building and the land immediately contiguous to the building that is reasonably necessary for the use and enjoyment of the building as a place of residence for individuals, and

(ii) that proportion of the land subjacent to the building that part of the building is of the whole building,

"residential condominium unit" means a residential complex that is, or is intended to be, a bounded space in a building designated or described as a separate unit on a registered condominium or strata lot plan or description, or a similar plan or description registered under the laws of a province, and includes any interest in land pertaining to ownership of the unit;

. . . 

[...]

«immeuble d'habitation»

a) La partie constitutive d'un bâtiment qui comporte au moins une habitation, y compris :

(i) la fraction des parties communes et des dépendances et du fonds contigu au bâtiment qui est raisonnablement nécessaire à l'usage résidentiel du bâtiment,

(ii) la proportion du fonds sous-jacent au bâtiment correspondant au rapport entre cette partie constitutive et l'ensemble du bâtiment;

[...]

«logement en copropriété» Immeuble d'habitation qui est, ou est censé être, un espace délimité dans un bâtiment et désigné ou décrit comme étant une unité distincte sur le plan ou la description enregistrés y afférents, ou sur un plan ou une description analogues enregistrés en conformité avec les lois d'une province, ainsi que tous droits et intérêts fonciers afférents à la propriété de l'unité.

[...]

37. Quay a prétendu que le terme « bâtiment » qui figure dans la série de définitions afférentes à l'expression « immeuble d'habitation en copropriété » doit être interprété comme signifiant également « bâtiments » en vertu de la Loi d'interprétation. Le ministre a plaidé contre une telle interprétation libérale. Compte tenu des éléments de preuve mis à sa disposition en l'espèce, le Tribunal est d'avis qu'il n'y a pas lieu de statuer sur cette question.

38. Le Tribunal conclut que le projet Renaissance Development, qui inclut le Lido et le Rialto, constitue un seul « bâtiment » aux fins de la Loi. À l'étude de la conception architecturale du projet, il est manifeste que le projet Renaissance Development est, en fait, un immeuble composé de deux tours reposant sur une même fondation et ayant en commun des services et des aménagements immobiliers. De plus, il ressort aussi des éléments de preuve que le Lido et le Rialto ont en commun des murs de sous-sol, des installations de stationnement, un espace riverain et d'autres aires d'agrément. À ce motif, le Tribunal conclut que le Lido et le Rialto, ensemble, constituent un « immeuble d'habitation en copropriété » aux fins de la Loi.

39. Le Tribunal fait observer que le ministre a soutenu que le projet Renaissance Development ne constitue pas un « immeuble d'habitation en copropriété » car, au moment de l'évaluation, le Lido et le Rialto n'étaient pas enregistrés sous un seul « plan de lot de copropriété ». Cet argument ne convainc pas le Tribunal. Selon le Tribunal, une lecture ordinaire de la série de définitions afférentes à l'expression « immeuble d'habitation en copropriété » n'amène pas à conclure que le Rialto et le Lido doivent obligatoirement être enregistrés sous un seul plan de lot de copropriété. Plutôt, la définition de l'expression « logement en copropriété » et particulièrement dans la version française, indique que c'est le logement en copropriété qui doit être décrit comme étant une unité distincte sur un plan de lot de copropriété. Par conséquent, le fait que le Lido et le Rialto n'ont pas été enregistrés sous un seul plan de lot de copropriété au 1er janvier 1991 (même s'ils l'avaient été à l'origine) ne les empêche pas d'être considérés comme un immeuble d'habitation en copropriété.

40. Ayant conclu en faveur de l'argument principal de Quay, le Tribunal n'a pas besoin d'examiner l'argument subsidiaire de cette dernière.

41. Le Tribunal renvoie donc la question au ministre pour qu'il réexamine la demande de remboursement de Quay en conformité avec la présente décision.


1 . L.R.C. 1985, c. E-15 [Loi].

2 . M. Molnar a témoigné que la construction du pont avait coûté 3,2 millions de dollars et que la promenade en avait coûté 1 million, soit un montant total de 4,2 million de dollars.

3 . M. Molnar a précisé que le rideau de palplanches avait été rendu nécessaire à cause de la proximité de l'espace riverain pour empêcher l'eau de traverser la très mince barrière entre les deux immeubles.

4 . M. Molnar a témoigné que la lagune était un élément commun du Lido et du Rialto et qu'elle avait été aménagée dans l'intérêt des deux projets.

5 . Pièce du Tribunal AP-2002-012-17A (lettre du 20 novembre 1990).

6 . Pièce du Tribunal AP-2002-012-17A.

7 . Pièce du Tribunal AP-2002-012-17A.

8 . Pièce du Tribunal AP-2002-012-17A.

9 . L.R.C. 1985, c. I-21.

10 . Le paragraphe 3(1) de la Loi d'interprétation prévoit ce qui suit :

3.(1) Sauf indication contraire, la présente loi s'applique à tous les textes, indépendamment de leur date d'édiction.

11 . (15 août 1994), AP-93-264 (TCCE) [Cragg & Cragg].

12 . Ministère du Revenu national, à compter du 1er janvier 1991.

13 . 327119 B.C. Ltd. c. Canada (3 décembre 1996), A.C.I. no 1602 (C.C.I.) [B.C. Ltd.].

14 . L.R.C. 1985, c. T-2.