CONSBEC INC.

Décisions


CONSBEC INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-2002-094


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 24 février 2004

Appel no AP-2002-094

EU ÉGARD À un appel entendu le 2 juin 2003 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, c. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 4 octobre 2002 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

CONSBEC INC. Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est admis.

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre présidant

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national au sujet de la taxe d'accise imposée sur du combustible diesel utilisé dans un procédé industriel pour la production de roche abattue. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'huile combustible destinée à être utilisée et utilisée de fait par Consbec Inc. dans un procédé industriel pour la production de roche abattue est une « huile à chauffage » au sens de la définition de « combustible diesel » qui se trouve au paragraphe 2(1) de la Loi sur la taxe d'accise et, par conséquent, si l'huile combustible utilisée de la sorte est exempte de la taxe d'accise à laquelle elle serait autrement assujettie en vertu du paragraphe 23(9.1) de la Loi sur la taxe d'accise.

DÉCISION : L'appel est admis. Le Tribunal est d'avis que l'expression « huile à chauffage » doit être interprétée en tenant compte de sa jurisprudence relativement à une question semblable. D'après le Tribunal, l'interprétation de l'expression « huile à chauffage » doit s'harmoniser avec l'objet de la Loi sur la taxe d'accise, l'intention du Parlement et le sens donné par l'industrie ou les utilisateurs touchés par les dispositions législatives. Le Tribunal conclut donc que l'expression « huile à chauffage » doit s'entendre comme signifiant de l'huile combustible utilisée pour soit chauffer un espace soit chauffer des appareils destinés à diverses fins, y compris des fins industrielles. Par conséquent, le Tribunal conclut que l'huile combustible utilisée par Consbec Inc. dans un procédé industriel pour la production de roche abattue est de l'« huile à chauffage » et est exempte de la taxe d'accise en vertu de la Loi sur la taxe d'accise.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 2 juin 2003

Date de la décision :

Le 24 février 2004

   

Membres du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

 

Zdenek Kvarda, membre

 

Ellen Fry, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Marie-France Dagenais

   

Greffier :

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

Owen J. Thompson, pour l'appelante

 

Richard Casanova, pour l'intimé

MOTIFS DE LA DÉCISION

INTRODUCTION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise 1 à l'égard d'une détermination du ministre du Revenu national (le ministre) au sujet de la taxe d'accise imposée sur du combustible diesel utilisé dans un procédé industriel pour la production de roche abattue. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'huile combustible destinée à être utilisée et utilisée de fait par Consbec Inc. (Consbec) dans un procédé industriel pour la production de roche abattue est de l'« huile à chauffage » au sens donné à cette expression dans la définition de « combustible diesel » qui se trouve au paragraphe 2(1) de la Loi et, par conséquent, si l'huile combustible utilisée de la sorte est exempte de la taxe d'accise à laquelle elle serait autrement assujettie en vertu du paragraphe 23(9.1) de la Loi.

Aux fins du présent appel, les dispositions pertinentes de la Loi prévoient ce qui suit :

2. (1) [. . .]

« combustible diesel » S'entend notamment de toute huile combustible qui peut être utilisée dans les moteurs à combustion interne de type allumage par compression, à l'exception de toute huile combustible destinée à être utilisée et utilisée de fait comme huile à chauffage.

23. (1) Sous réserve des paragraphes (6) à (8.3) et 23.2(6), lorsque les marchandises énumérées aux annexes I et II sont importées au Canada, ou y sont fabriquées ou produites, puis livrées à leur acheteur, il est imposé, prélevé et perçu, outre les autres droits et taxes exigibles en vertu de la présente loi ou de toute autre loi, une taxe d'accise sur ces marchandises, suivant le taux applicable figurant à l'article concerné de l'annexe pertinente, calculée, lorsqu'il est précisé qu'il s'agit d'un pourcentage, d'après la valeur à l'acquitté ou le prix de vente, selon le cas.

[23](9.1) Lorsque du combustible autre que de l'essence d'aviation a été acheté ou importé à une fin pour laquelle la taxe imposée par la présente partie sur le combustible diesel ou le carburant aviation n'est pas payable et que l'acheteur ou l'importateur vend ou affecte le combustible à une fin pour laquelle il n'aurait pas pu alors l'acheter ou l'importer sans le paiement de la taxe au moment de l'achat ou de l'importation, la taxe imposée en vertu de la présente partie sur le combustible diesel ou le carburant aviation le devient au moment où il vend ou affecte le combustible :

a) lorsque le combustible est vendu, au moment de la livraison à l'acheteur;

b) lorsque le combustible est affecté, au moment de cette affectation.

L'annexe I de la Loi, qui vise les marchandises assujetties à la taxe en vertu de la partie III, prévoit ce qui suit à l'article 9.1 :

Combustible diesel et carburant d'aviation, autre que l'essence d'aviation, 0,04 $ le litre.

PREUVE

M. Richard Bertrand, coordonnateur des Affaires réglementaires chez Consbec Inc., a témoigné au nom de Consbec. Il a expliqué que cette dernière s'occupe de forage et d'abattage à l'explosif pour des travaux miniers, de pipeline et de construction de route. Il a précisé que Consbec utilise le combustible diesel dans un procédé industriel pour la production de roche abattue. Il a décrit les étapes de la production de roche abattue. Premièrement, des trous de mine sont forés selon une géométrie conçue par des ingénieurs et visant à obtenir la taille de roche voulue pour le client. Deuxièmement, un agent de sautage composé d'huile combustible et de nitrate d'ammonium est préparé dans un camion à tarière qui mesure le mélange, et mélange complètement les deux éléments ensemble, juste avant leur emploi. Ce mélange est généralement appelé le mélange ANFO (nitrate d'ammonium et huile combustible). Le mélange est ensuite amené à une pression d'environ 100 lb/po2 dans un camion conteneur. Enfin, le camion conteneur sert à transporter le mélange ANFO et à l'injecter dans les trous de mine.

M. Bertrand a témoigné que le mélange ANFO est utilisé pour remplir l'espace restant après le dépôt d'un détonateur non électrique près du fond du trou de mine. Le détonateur sert à déclencher la réaction chimique, c'est-à-dire à allumer le mélange ANFO. M. Bertrand a déclaré que l'huile combustible représente 6 p. 100 de la composition du mélange ANFO. Il a ajouté que la teneur en huile combustible a une grande incidence sur l'effet d'une explosion; trop peu d'huile combustible et la roche ne serait que fragmentée, sans être déplacée. Il a expliqué que c'est la forte pression des gaz en expansion qui véritablement déplace et soulève la roche.

En contre-interrogatoire, M. Bertrand a admis que Consbec n'utilise pas d'appareil chauffé à l'huile dans le procédé.

En réponse à des questions du Tribunal, M. Bertrand a précisé que l'huile combustible colorée utilisée dans le mélange ANFO revêt le nitrate d'ammonium et qu'une faible quantité est effectivement absorbée dans ce dernier. Il a expliqué qu'on se sert sur place d'une machine pour déclencher l'explosion, cette machine produisant un courant électrique qui fait exploser le détonateur qui amorce une série d'événements. Lorsque le détonateur explose, le mélange ANFO brûle. M. Bertrand a ajouté que la combustion de l'huile combustible avec le nitrate d'ammonium produit des gaz et que ce sont ces gaz chauffés qui, en augmentant de volume dans un espace confiné, fragmentent réellement la roche.

M. Brad Sheeller, assistant à l'enseignement à l'Université McMaster, a témoigné au nom de Consbec. Il a rédigé un document intitulé « The Chemistry of ANFO » fondé sur son étude de différents manuels de chimie. Les équations chimiques que renferme ce document montrent que l'oxygène est nécessaire à la combustion de l'huile combustible. Le détonateur allume l'huile combustible, ce qui produit de la chaleur et entraîne la décomposition de l'ANFO. Cette réaction chimique libère de l'oxygène et d'autres gaz. L'oxygène issu de la décomposition du nitrate d'ammonium est nécessaire à la combustion de l'huile combustible dans le trou de mine. La chaleur qui se dégage de cette combustion entraîne une expansion rapide des gaz dans le trou de mine, produisant de fortes pressions qui détruisent la paroi qui les retient. M. Sheeller a déclaré que, dans la production de roche abattue, l'huile combustible produit effectivement les deux tiers de l'énergie calorifique du mélange de l'ANFO. Il a ajouté que cette réaction est définie comme une réaction de combustion, l'huile combustible, pour l'essentiel, étant l'agent combustible avec l'oxygène produit par la décomposition du nitrate d'ammonium.

PLAIDOIRIE

Consbec a soutenu que les éléments de preuve montrent que l'huile combustible contenue dans le mélange ANFO sert expressément à chauffer les gaz contenus dans le trou de mine et que la pression qui en résulte est nécessaire à la production de la roche abattue. D'après Consbec, une fragmentation incomplète ou l'absence de déplacement de la roche peut résulter d'un mauvais mélange d'huile combustible ou de l'absence d'huile combustible; le produit fini ne serait alors pas propre à la vente. De ce fait, Consbec a soutenu que l'huile combustible utilisée dans le mélange ANFO est de l'huile utilisée pour le chauffage dans un procédé industriel.

À l'appui de sa position, Consbec a renvoyé à Western Construction Company Limited c. M.R.N. 2 , où le Tribunal a accueilli des éléments de preuve selon lesquels l'expression « huile à chauffage », telle qu'elle est habituellement interprétée dans l'industrie canadienne du pétrole, désignait un combustible destiné soit à chauffer un espace soit à chauffer des appareils. Consbec a soutenu que le Tribunal, dans Western Construction, a aussi affirmé, à la lumière de l'étude de discours parlementaires, que la taxe ne s'appliquerait pas à l'huile à chauffage à usage domestique ou autre. Dans cette décision, le Tribunal a ajouté qu'il semblait donc que le Parlement n'avait pas l'intention de limiter l'exemption de la taxe à l'huile à chauffage destinée à des usages domestiques, mais a plutôt permis que l'exemption s'applique à d'autres utilisations, comme à des fins de chauffage commercial ou à des fins industrielles. Consbec a soutenu que le même raisonnement doit s'appliquer au combustible diesel qui fait l'objet de l'espèce, un combustible utilisé à une fin industrielle.

Consbec a renvoyé à la décision 7120/313 , où il a été déterminé que des briquettes et du charbon de bois ensachés étaient admissibles à l'exemption de la taxe de vente aux termes de l'article 5 de la partie VI de l'annexe III de la Loi à titre de « combustible pour l'éclairage ou le chauffage ». Consbec a soutenu qu'il existait une similarité entre les briquettes et le mélange ANFO, en ce sens que l'huile utilisée est combinée avec d'autres produits pour former un produit unique qui, en soi, brûle d'une manière semblable.

Consbec a soutenu que le critère qui se trouve dans la définition de l'expression « huile à chauffage » dans l'Énoncé de politique sur les TA/PS, EP-0014 diffusé par l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), qui prévoit notamment que l'huile à chauffage doit être utilisée dans des appareils chauffés à l'huile, n'est pas un critère prescrit par la Loi. Cependant, si le Tribunal devait déterminer que ce critère doit être satisfait, Consbec a soutenu que les trous de mine sont effectivement les appareils où la réaction de combustion a lieu. À l'appui de sa position, Consbec a invoqué Horton CBI Limited c. Sous-M.R.N.D.A. 5 , où la Commission du tarif a déterminé que des réservoirs de stockage de mazout étaient des parties d'appareils chauffés à l'huile et, par conséquent, exempts de la taxe.

Le ministre a soutenu que le combustible en cause n'était pas utilisé dans des appareils chauffés à l'huile pour la production de chaleur, mais plutôt en tant qu'élément dans la composition de l'ANFO. Il a soutenu que, une fois le nitrate d'ammonium et l'huile combustible mélangés ensemble, le combustible n'a plus la même identité et est utilisé pour fabriquer un produit explosif, qui n'est pas destiné à chauffer un lieu et, par conséquent, n'est pas admissible à l'exemption.

Dans l'application de la règle moderne pour l'interprétation des textes de loi, selon laquelle « il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur »6 [traduction], le ministre a soutenu que l'expression « huile à chauffage » signifie l'huile qui est utilisée pour chauffer un lieu et non un trou. Il a ajouté que, à la lumière du libellé de la définition de l'expression « combustible diesel », le Parlement n'a certainement pas institué une exemption pour le combustible utilisé dans la production d'explosifs.

Le ministre a soutenu qu'une distinction doit être faite entre la décision rendue par le Tribunal dans Western Construction et l'espèce. Dans Western Construction, la production de l'asphalte mettait en cause des appareils, comme un gros séchoir cylindrique doté d'un brûleur, qui utilisaient l'huile combustible pour appliquer une chaleur intense aux roches broyées, ce qui est totalement différent de la fabrication des explosifs dans le présent appel.

Le ministre a soutenu que, d'après l'exposé budgétaire de 1979, l'intention du ministre des Finances à l'époque était d'aider les familles financièrement, car le coût de l'huile à chauffage à usage domestique était très élevé pendant la crise de l'énergie. En outre, le mot « autre » ne peut s'interpréter comme signifiant un trou destiné à produire une explosion.

Le ministre a soutenu que l'énoncé de politique de l'ADRC, rédigé après la décision que le Tribunal a rendue dans Western Construction, sert de guide à l'établissement de la bonne définition de l'expression « huile à chauffage ». La définition prévoit que l'expression « huile à chauffage » signifie « tout combustible destiné à être utilisé dans des appareils chauffés à l'huile et servant à la production de chaleur à des fins domestiques ou industrielles ». L'énoncé de politique poursuit en définissant l'expression « appareil chauffé à l'huile » comme s'entendant de « tout appareil qui brûle un combustible liquide et qui contient un brûleur produisant une flamme nue, à l'exception des moteurs à combustion interne »7 . Le ministre a soutenu qu'un trou de mine ne peut être réputé un dispositif qui brûle un combustible liquide, puisqu'il n'existe aucun élément de preuve qu'il produit une flamme nue.

Enfin, le ministre a soutenu que la décision susmentionnée concernant les briquettes et la décision rendue par le Tribunal dans Western Construction, auxquelles Consbec a renvoyé dans ses observations, ne sont pas pertinentes, puisqu'elles traitaient de produits différents et de questions différentes.

En réplique, Consbec a soutenu que les éléments de preuve indiquent que la combustion de l'ANFO dans le trou de mine produirait une flamme nue, mais qu'elle ne peut être vue.

DÉCISION

Le paragraphe 2(1) de la Loi définit l'expression « combustible diesel » comme comprenant « toute huile combustible qui peut être utilisée dans les moteurs à combustion interne de type allumage par compression, à l'exception de toute huile combustible destinée à être utilisée et utilisée de fait comme huile à chauffage ».

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l'huile combustible qui est destinée à être utilisée et utilisée de fait par Consbec dans un procédé industriel pour la production de « roche abattue » est de l'« huile à chauffage » et est, de ce fait, exclue de la définition de « combustible diesel » qui se trouve au paragraphe 2(1) de la Loi. La Loi ne définit pas l'expression « huile à chauffage ».

Consbec a exhorté le Tribunal à reprendre la décision qu'il a rendue dans Western Construction, où il avait tenu compte de l'exposé budgétaire de décembre 1979 et conclu que l'exposé indiquait clairement que la taxe était destinée à favoriser la conservation des combustibles dans le domaine du transport et « ne s'appliquera[it] pas à l'huile à chauffage à usage domestique ou autre »8 . Consbec a aussi fait valoir que, dans Western Construction, le Tribunal avait aussi conclu qu'en retenant le mot « autre », il semblait que le Parlement n'avait pas l'intention de limiter l'exemption de la taxe à l'huile à chauffage destinée à des usages domestiques uniquement, mais avait plutôt permis que l'exemption s'applique à d'autres utilisations, comme à des fins de chauffage commercial ou à des fins industrielles.

Il ressort de la jurisprudence9 qu'il peut être tenu compte des débats et discours du Parlement aux fins de l'évaluation de l'objet d'une loi et de l'intention du Parlement. Selon le Tribunal, les conclusions retenues dans Western Construction à cet égard doivent être retenues en l'espèce et, par conséquent, la taxe ne doit pas s'appliquer au combustible diesel destiné à être utilisé et utilisé comme « huile à chauffage » dans un autre domaine que celui du transport.

Consbec a aussi soutenu que le Tribunal doit interpréter l'expression « huile à chauffage » en tenant compte de l'industrie ou des utilisateurs touchés par les dispositions législatives, comme il l'a fait dans Western Construction. Dans cette décision, le Tribunal était convaincu que l'expression « huile à chauffage », telle qu'elle est habituellement interprétée dans l'industrie canadienne du pétrole, désigne un combustible destiné soit à chauffer un espace soit à chauffer des appareils destinés à diverses fins industrielles10 .

Le Tribunal est d'avis que, comme dans Western Construction, la définition de l'industrie du pétrole doit être retenue aux fins du présent appel.

La façon correcte d'interpréter les lois, y compris les lois sur les impôts et sur la fiscalité, est la méthode contextuelle moderne, qui prévoit qu'il « faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur »11 .

Étant donné que la disposition à l'étude traite de l'interprétation de l'expression « combustible diesel » et de la question de savoir si le combustible peut être utilisé dans des moteurs à combustion interne ou s'il est destiné à être utilisé et utilisé de fait comme huile à chauffage, le Tribunal est d'avis qu'il convient de tenir compte de la définition que donne l'industrie du pétrole à l'expression « huile à chauffage ». Il s'agit là d'une démarche cohérente avec la position affirmée par la Cour d'appel fédérale, dans la décision de savoir s'il convenait de s'appuyer sur une définition courante ou « populaire » d'un mot ou sur l'interprétation donnée à ce mot par l'industrie touchée. Dans Nova, An Alberta Corp. c. M.R.N. 12 , où la définition du mot « pipeline » qui se trouve dans la Loi de l'impôt sur le revenu était objet du litige, la Cour d'appel fédérale a déclaré ce qui suit :

À mon avis, le problème d'interprétation, en l'espèce n'exige pas uniquement que l'on décide si un mot employé dans une loi est utilisé selon son sens ordinaire ou suivant son sens strictement technique [. . .] La question est plus fondamentale. [Le mot « pipeline » est] un mot assez courant [. . .] Selon moi, pour donner son sens ordinaire à ce terme, il aurait fallu lui reconnaître le « sens que [lui] attribueraient les personnes versées dans la question [en l'espèce, celles qui utilisent le pipeline pour le transport du gaz, du pétrole, de l'eau, de la vapeur ou de solides] dont traite la loi » plutôt que le sens habituel perçu par l'homme de la rue qui ne connaît bien ni les industries utilisatrices ni les pipelines.13

Dans Western Construction, le Tribunal a conclu que l'expression « combustible diesel », telle qu'elle était habituellement interprétée dans l'industrie canadienne du pétrole, désignait un combustible destiné soit à chauffer un espace soit à chauffer des appareils destinés à diverses fins industrielles et a dit être convaincu que l'expression pouvait désigner des choses qui n'étaient pas principalement destinées à être utilisées ou utilisées pour réchauffer des personnes.

Le Tribunal est d'avis que la même définition de l'expression « huile à chauffage », qui n'a pas été réfutée dans les éléments de preuve en l'espèce, doit s'appliquer dans le présent appel.

Le Tribunal remarque que les éléments de preuve montrent que l'huile combustible demeure un composant distinct lorsqu'elle est mélangée avec le nitrate d'ammonium, car ces composants ne réagissent pas chimiquement l'un à l'autre avant l'allumage. Le Tribunal remarque également que les éléments de preuve montrent que l'allumage de ladite huile à chauffage produit de la chaleur dans le trou de mine, ce qui amorce l'oxydation du nitrate d'ammonium, un phénomène qui, à son tour, produit des gaz et que, lorsque ces gaz sont eux-mêmes chauffés par la combustion de l'huile à chauffage, dans un espace confiné, ils augmentent de volume, créant ainsi une forte pression qui fragmente la roche. Le Tribunal conclut donc que l'huile combustible utilisée par Consbec ne devient pas un explosif, mais est effectivement utilisée comme « huile à chauffage » dans le cadre du procédé de production de la roche abattue.

Par conséquent, le Tribunal conclut que l'huile combustible utilisée par Consbec répond à la définition qu'il convient de donner à l'expression « huile à chauffage » et est donc exempte de la taxe d'accise en vertu de la Loi.

Par conséquent, l'appel est admis.


1 . L.R.C. 1985, c. E-15 [Loi].

2 . (20 novembre 2000), AP-99-093 à AP-99-102 et AP-2000-010 à AP-2000-012 (TCCE) [Western Construction].

3 . Ministère du Revenu national, le 21 juillet 1987.

4 . « Sens de l'expression "huile à chauffage" aux fins de la définition du terme "combustible diesel" apparaissant au paragraphe 2(1) de la Loi sur la taxe d'accise (LTA) », le 29 avril 2002.

5 . (1977), 6 R.C.T. 415 (C.T.).

6 . E.A. Driedger, Construction of Statutes, 2e éd., Toronto, Butterworths, 1983, à la p. 87.

7 . Supra note 3.

8 . Supra note 2 à la p. 7.

9 . Bande d'Eastmain c. Canada (Administrateur fédéral) [Convention de la Baie James et du Nord québécois] (1992), 98 D.L.R. (4e) 206 (C.A.F.).

10 . Supra note 2 à la p. 6.

11 . Supra note 6.

12 . 88 D.T.C. 6386 (C.A.F.).

13 . Ibid. à la p. 6390.