WALTER SEATON

Décisions


WALTER SEATON
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2002-020


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 30 janvier 2003

Appel no AP-2002-020

EU ÉGARD À un appel entendu le 5 décembre 2002 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 7 mai 2002 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 60 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

WALTER SEATON Appelant

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est admis.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

 

 

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes à l'égard d'une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si une sarbacane en bois est correctement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre d'arme prohibée.

DÉCISION : L'appel est admis. L'article 12 de la partie 3 de l'annexe du Règlement désignant des armes à feu, armes, éléments ou pièces d'armes, accessoires, chargeurs, munitions et projectiles comme étant prohibés ou à autorisation restreinte prévoit que « [l]'instrument communément appelé « Yaqua Blowgun », soit un tube ou tuyau conçu pour lancer des flèches ou fléchettes par la force du souffle, et tout instrument semblable » sont des armes prohibées.

Le Tribunal est d'avis que l'article 12 a pour objet de viser uniquement les dispositifs qui sont des « armes » au sens du Code criminel. Selon le Tribunal, il ressort clairement des éléments de preuve que le produit en cause n'est pas une chose conçue, utilisée ou qu'une personne entend utiliser pour soit tuer ou blesser quelqu'un, soit le menacer ou l'intimider. Par conséquent, le produit en cause n'est pas une arme et n'entre donc pas dans la portée d'application de l'article 12.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 5 décembre 2002

Date de la décision :

Le 30 janvier 2003

   

Membre du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

   

Conseiller pour le Tribunal :

Philippe Cellard

   

Greffier :

Margaret Fisher

   

Ont comparu :

Walter Seaton, pour l'appelant

 

John Unrau, pour l'intimé

 

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l'égard d'une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, le 7 mai 2002, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si une sarbacane en bois, qui a été retenue par l'intimé le 1er mars 2002, est correctement classée dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l'annexe du Tarif des douanes 2 à titre d'arme prohibée.

Le numéro tarifaire 9898.00.00 se lit notamment comme il suit :

9898.00.00 Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l'assemblage d'armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire.

Pour l'application du présent numéro tarifaire :

a) « arme » et « arme à feu » s'entendent au sens de l'article 2 du Code criminel;

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s'entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel.

L'article 2 du Code criminel 3 définit « arme » ainsi :

« arme » Toute chose conçue, utilisée ou qu'une personne entend utiliser pour soit tuer ou blesser quelqu'un, soit le menacer ou l'intimider. Sont notamment visées par la présente définition les armes à feu.

Le paragraphe 84(1) du Code criminel définit « arme prohibée » ainsi :

« arme prohibée »

b) toute arme - qui n'est pas une arme à feu - désignée comme telle par règlement.

Aux termes de l'article 117.15 du Code criminel, le gouverneur en conseil peut prendre toute mesure d'ordre réglementaire qui établit quelles armes seront des armes prohibées4 . Ce pouvoir a été exercé pour l'adoption de l'article 4 du Règlement désignant des armes à feu, armes, éléments ou pièces d'armes, accessoires, chargeurs, munitions et projectiles comme étant prohibés ou à autorisation restreinte 5 , qui se lit ainsi :

4. Les armes énumérées à la partie 3 de l'annexe sont désignées des armes prohibées pour l'application de l'alinéa b) de la définition de « arme prohibée » au paragraphe 84(1) du Code criminel.

La partie 3 de l'annexe du Règlement comprend l'article 12, qui se lit ainsi :

12. L'instrument communément appelé « Yaqua Blowgun », soit un tube ou tuyau conçu pour lancer des flèches ou fléchettes par la force du souffle, et tout instrument semblable.

Le produit en cause est une sarbacane en bois, qui est un tube creux, d'une longueur d'environ 95 centimètres ouvert aux deux extrémités. Une embouchure sculptée en bois d'une longueur d'environ 7 centimètres encercle une de ses extrémités. Il y a également un bouchon en bois d'une longueur d'environ 4 centimètres. Le produit en cause a été déposé auprès du Tribunal à l'audience à titre de pièce B-1. La pièce ne comprenait pas de dard.

L'appelant a témoigné en son propre nom. Il a affirmé avoir acheté le produit en cause en janvier 2001 au cours d'un de ses voyages, relativement fréquents, au bassin de l'Amazone. Il a acheté le produit en cause d'un vendeur local dans un marché en plein-air près du village de Balen sur l'Amazone. Le produit en cause est une sarbacane jouet destinée aux garçons du pays que l'appelant a achetée pour en faire cadeau à son petit-fils de 12 ans. Il a témoigné que, au moment de l'achat du produit en cause, il avait dit au vendeur qu'il doutait du fonctionnement de la sarbacane. En réponse, le vendeur avait pris un des dards destinés au produit en cause, l'avait inséré dans la sarbacane et avait soufflé dans cette dernière pour lancer le dard. Ce dernier avait été projeté à une distance d'environ un mètre. L'appelant a témoigné que les dards utilisés dans le produit en cause étaient de la taille d'un cure-dents et ne pouvaient transpercer la peau humaine même à faible distance. Il a indiqué ne pas avoir personnellement fait l'essai de la sarbacane et a dit que l'essai susmentionné par le vendeur avait été la seule fois où il avait vu la sarbacane utilisée.

En réponse à une question de l'intimé, l'appelant a reconnu que le produit en cause était un tube ou un tuyau conçu pour lancer des flèches ou fléchettes. En réponse à une question du Tribunal, l'appelant a dit qu'une sarbacane Yaqua était un objet usiné capable d'infliger une blessure très grave soit à des animaux soit à des personnes. Toutefois, à son avis, la sarbacane d'un chasseur aborigène, dont le produit en cause est un modèle-jouet, n'était pas comme une sarbacane Yaqua et pouvait seulement infliger une blessure à un très petit oiseau ou, tout au plus, tuer un singe si le dard était empoisonné. L'appelant a déposé une photographie montrant que la longueur d'une sarbacane de chasseur était de 1,75 mètre6 , tandis que la longueur mesurée du produit en cause n'était que d'environ 95 centimètres7 .

L'appelant a soutenu que le produit en cause ne répondait pas à la définition d'« arme » au sens du Code criminel et ne pouvait donc pas être classé à titre d'arme prohibée. Il a soutenu plutôt que le produit en cause était un jouet. À titre d'argument de rechange, l'appelant a soutenu que le produit en cause n'était pas semblable à une sarbacane Yaqua.

L'intimé n'a pas déposé d'élément de preuve concernant la performance du produit en cause. Il a soutenu que l'expression « tout instrument semblable » à l'article 12 de l'annexe du Règlement devait être interprétée dans son sens large et que, puisqu'il était un tube ou tuyau conçu pour lancer des flèches ou fléchettes par la force du souffle, le produit en cause devait être classé à titre d'arme prohibée. Pour étayer son argument, l'intimé a invoqué la décision rendue par le Tribunal dans Rebecca Wigod c. Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada 8 , et selon laquelle une sarbacane en bois était classée à titre d'arme prohibée.

Le Tribunal doit déterminer si le produit en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre d'arme prohibée. Comme dans Rebecca Wigod, une telle détermination dépend de l'évaluation, par le Tribunal, des caractéristiques pertinentes du produit particulier en cause.

Ainsi qu'il a déjà été indiqué, l'article 12 de la partie 3 de l'annexe du Règlement stipule que l'instrument communément appelé « Yaqua Blowgun », soit un tube ou tuyau conçu pour lancer des flèches ou fléchettes par la force du souffle, et tout instrument semblable sont des armes prohibées. Ainsi qu'il a déjà aussi été indiqué, le pouvoir en vertu duquel la disposition susmentionnée a été prise est le pouvoir conféré en vertu de l'article 117.15 du Code criminel de prendre un règlement qui établit quelles armes seront des armes prohibées. Cela se reflète dans le libellé de l'article 4 du Règlement, qui stipule que « [l]es armes énumérées à la partie 3 de l'annexe sont désignées des armes prohibées » [soulignement ajouté]. Le Tribunal est donc d'avis que la disposition susmentionnée du Règlement doit être interprétée comme visant seulement les articles qui entrent dans la portée de la définition du mot « arme » au sens du Code criminel.

Le Tribunal accueille le témoignage de l'appelant selon lequel les dards utilisés avec le produit en cause ont seulement la taille d'un cure-dents ou d'une tige d'allumette, peuvent être projetés à une distance d'un mètre seulement et ne peuvent pas percer la peau. Le Tribunal prend aussi note du témoignage de l'appelant selon lequel, d'après son expérience, le produit en cause n'est pas comme le produit communément appelé « Yaqua Blowgun » et la longueur du produit en cause est à peine supérieure à la moitié de celle de la sarbacane qui a servi de modèle, à savoir la sarbacane d'un chasseur aborigène.

À la lumière de ces éléments de preuve non contestés, il est clair que le produit en cause n'est pas une chose conçue, utilisée ou qu'une personne entend utiliser pour soit tuer ou blesser quelqu'un, soit le menacer ou l'intimider. Le produit en cause ne répond donc pas à la définition d'« arme » au sens du Code criminel et n'est pas une « arme prohibée ». Selon le Tribunal, le produit en cause est essentiellement un jouet.

Le Tribunal détermine donc que le produit en cause n'est pas correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre d'arme prohibée.

Pour les motifs qui précèdent, l'appel est admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [ci-après Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . L.R.C. 1985, c. C-46.

4 . L'article 117.15 prévoit notamment ce qui suit :

117.15 (1) Sous réserve du paragraphe (2), le gouverneur en conseil peut, par règlement, prendre toute mesure d'ordre réglementaire prévue ou pouvant être prévue par la présente partie [partie III du Code criminel].

5 . D.O.R.S. 98-462 [ci-après Règlement].

6 . Mémoire de l'appelant, onglet 3.

7 . Transcription de l'argumentation publique, 5 décembre 2002, aux pp. 8-9.

8 . (10 janvier 2002), AP-2000-013 (TCCE) [ci-après Rebecca Wigod].