MILARM CO. LTD.

Décisions


MILARM CO. LTD.
c.
COMMISSAIRE DE L’AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2002-114

Décision et motifs rendus
le mercredi 12 juillet 2006


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 5 juin 2006 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada 13 décembre 2002 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

MILARM CO. LTD.

Appelante

ET

 

LE COMMISSAIRE DE L’AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 5 juin 2006

   

Membre du Tribunal :

Zdenek Kvarda, membre présidant

   

Gestionnaire de la recherche :

Paul R. Berlinguette

   

Conseiller pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Agent du greffe :

Stéphanie Doré

   

Parties :

R. Gordon McGowan, pour l’appelante

 

Lynn Marchildon, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue par le commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) (maintenant le président de l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC]) le 13 décembre 2002 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’ADRC a correctement classé les couteaux en cause dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre d’armes prohibées. Les couteaux en cause sont deux couteaux de poche tactiques Timberline Worden.

3. Le Tribunal a décidé de tenir une audience sur pièces en vertu des articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 . Un avis à cet effet a été publié dans la Gazette du Canada du 20 mai 20064 .

4. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

5. Le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit ce qui suit :

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, [...]

[...]

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel [...]

6. Le paragraphe 84(1) du Code criminel 5 définit « arme prohibée » ainsi :

“prohibited weapon” means

(a) a knife that has a blade that opens automatically by gravity or centrifugal force or by hand pressure applied to a button, spring or other device in or attached to the handle of the knife, or

(b) any weapon, other than a firearm, that is prescribed to be a prohibited weapon.

« arme prohibée »

a) Couteau dont la lame s’ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche;

b) toute arme — qui n’est pas une arme à feu — désignée comme telle par règlement.

PREUVE

7. MilArm Co. Ltd. (MilArm) a tenté d’importer les couteaux en cause par la poste. Leur longueur est d’environ 14 cm en position fermée et ils sont dotés d’une lame d’acier inoxydable à un seul tranchant d’une longueur d’environ 10 cm. Un couteau est doté d’un manche en bois et l’autre, d’un manche Zytel noir. Tous deux sont accompagnés d’un étui ceinture ou pochette de ceinture servant à les porter. La lame de chaque couteau porte un ergot pour le pouce, dont on se sert habituellement pour l’ouvrir.

8. L’ASFC a déposé les couteaux en cause à titre de pièces, et le Tribunal les a examinés.

9. L’ASFC a déposé un rapport d’expert préparé par M. Kenneth Doyle du Service de police d’Ottawa. Les titres et qualités de M. Doyle en tant qu’expert en matière d’armes n’ont pas été contestés par MilArm. Le Tribunal a reconnu à M. Doyle le titre d’expert en matière d’armes prohibées. M. Doyle a conclu dans son rapport que, selon son opinion d’expert, les couteaux en cause satisfont aux critères d’armes prohibées.

PLAIDOIRIE

10. MilArm a soutenu que les couteaux en cause sont d’une conception qui ne contrevient pas à l’article 84 du Code criminel. Elle a prétendu que le Code criminel ne définit pas l’expression « force centrifuge » et que le sens de cette expression est donc vague et imprécis et ne devrait pas être utilisé pour définir un objet prohibé, comme l’a fait Douanes Canada. À l’appui de son argument, MilArm a déposé un document préparé par un analyste des laboratoires judiciaires de la Gendarmerie royale du Canada et selon lequel la force centrifuge n’existe pas et ne peut servir à libérer la lame d’un couteau. Elle a soutenu que le Tribunal devrait décider que la force centrifuge ne peut être utilisée pour déterminer la question de savoir si un couteau peut, ou non, être légalement importé. De plus, MilArm a soutenu que les deux couteaux en cause peuvent « être ouverts à deux mains, l’une tenant le couteau et l’autre tirant la lame vers l’extérieur à partir de sa position fermée, ou d’une seule main, en tenant le couteau dans la paume de la main, en exerçant une pression vers le haut sur un des ergots pour le pouce et en appliquant un mouvement de rotation jusqu’au verrouillage de la lame » [traduction].

11. L’ASFC a soutenu que le facteur déterminant dans le classement des couteaux en cause est le fait que leur lame s’ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge. À cet égard, elle a soutenu que les couteaux en cause s’ouvrent lorsqu’on les tient par le manche et exécute un mouvement brusque en direction opposée de l’utilisateur jusqu’à ce que la lame bascule en position ouverte. D’après elle, ce phénomène répond à la définition de « force centrifuge » que donnent divers dictionnaires. Même si ces définitions peuvent porter à croire que la « force centrifuge » n’a pas de fondement scientifique précis, l’ASFC a soutenu que cela n’enlève rien à l’objet prévu de la disposition pertinente du Code criminel, à savoir interdire les couteaux dont la lame s’ouvre automatiquement6 . De plus, l’ASFC a prétendu que les cours de justice et le Tribunal ont généralement appliqué la définition de l’expression « force centrifuge » que donnent les non-spécialistes. L’ASFC a ajouté que, lorsque les cours de justice examinaient la question de savoir si un couteau est, ou non, une arme prohibée, elles recherchaient les éléments de preuve que leur lame pouvait s’ouvrir d’un « mouvement brusque du poignet »7 . À la lumière des éléments de preuve, elle a soutenu que les couteaux en cause s’ouvrent automatiquement sous l’impulsion d’un « mouvement brusque du poignet » et sont donc des armes prohibées.

12. L’ASFC a aussi prétendu que, même si leur lame est dotée d’un ergot pour en faciliter l’ouverture, cela n’empêche pas les couteaux en cause de satisfaire à la définition de l’expression « arme prohibée » au sens du Code criminel. Tout au plus, l’ergot peut aider à ouvrir la lame du couteau au moyen d’un mouvement brusque du poignet (par application de la force centrifuge), comme c’est le cas d’un couteau papillon, et rend donc les marchandises en cause dans le présent appel plus faciles à ouvrir que le couteau en cause dans l’affaire R. c. Vaughn 8 .

DÉCISION

13. Le Tribunal rejette l’argument de MilArm selon lequel la force centrifuge est une notion vague et imprécise qui ne peut être utilisée pour définir un dispositif prohibé. Dans des décisions antérieures, le Tribunal a reconnu que la force centrifuge agissait dans des couteaux dont la lame s’ouvrait automatiquement sous l’impulsion d’« [...] un simple mouvement brusque vers l’extérieur du poignet [...] ». Le fait n’a pas été contesté avec succès devant les cours de justice. Dans le présent appel, le Tribunal est convaincu que la lame des couteaux en cause s’ouvre automatiquement par force centrifuge. En réalité, M. Doyle a confirmé que, lorsque le couteau est tenu dans la main, un mouvement brusque du poignet libère la lame du manche et l’éjecte complètement et l’amène en position verrouillée. M. Doyle a affirmé qu’il était possible de ce faire sans utiliser l’ergot prévu pour l’ouverture avec le pouce.

14. À l’examen des marchandises en cause, le Tribunal a également déterminé que la lame de chaque couteau en cause pouvait être libérée d’un mouvement brusque du poignet, sans utiliser l’ergot d’ouverture avec le pouce. Cette action est automatique et s’accomplit au moyen de l’application de ce qui est couramment appelé la force centrifuge, ce qui satisfait à la définition de l’expression « arme prohibée » au sens du Code criminel. Le Tribunal fait également observer que les caractéristiques ergonomiques de la conception des couteaux en cause facilitent l’exécution d’une telle action.

15. Par conséquent, le Tribunal conclut que les couteaux en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre d’armes prohibées et, à ce titre, leur importation au Canada est interdite aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel et du paragraphe 136(1) du Tarif des douanes.

16. Pour les raisons qui précèdent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Gaz. C. 2006.I.1231.

5 . L.R.C. 1985, c. C-46.

6 . À l’appui de cette affirmation, l’ASFC a invoqué R. c. Vaughan, [1991] 3 R.C.S. 691.

7 . À l’appui de cet argument, l’ASFC a invoqué Wayne Ericksen c. ADRC (3 janvier 2002), AP-2000-059 (TCCE).

8 .[1991] 3 R.C.S. 691.