PIÈCES D'AUTOS USAGÉES RTA (1986) INC.

Décisions


PIÈCES D'AUTOS USAGÉES RTA (1986) INC.
c.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-2002-097

Décision et motifs rendus
le mercredi 21 avril 2004


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 29 octobre 2003 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, c. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 22 août 2002 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

 

PIÈCES D'AUTOS USAGÉES RTA (1986) INC.

Appelant

ET

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre présidant

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre

Meriel V. M. Bradford
Meriel V. M. Bradford
Membre

Susanne Grimes
Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 29 octobre 2003

   

Membres du Tribunal :

James A. Ogilvy, membre présidant

 

Zdenek Kvarda, membre

 

Meriel V. M. Bradford, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Greffier :

Margaret Fisher

   

Ont comparu :

Michael Kaylor, pour l'appelante

 

Jean-Robert Noiseux, pour l'intimé

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : (613) 993-3595
Télécopieur : (613) 990-2439
Courriel :

MOTIFS DE LA DÉCISION

CONTEXTE

1. Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise 1 à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national (le ministre).

2. Pièces d'autos usagées RTA (1986) inc. (Pièces d'autos) demande à être remboursée de la taxe payée par erreur sur les climatiseurs installés dans des véhicules importés entre le 8 mai 1995 et le 15 mai 1997. La taxe, d'un montant de 100 $ par climatiseur installé dans chaque véhicule, a été prélevée et perçue conforment à l'article 7 de l'annexe I de la Loi, qui prévoit ce qui suit :

Les climatiseurs conçus pour être installés dans les automobiles, les familiales, les fourgonnettes ou les camions, qu'ils soient :

a) ou bien distincts;

b) ou bien inclus à titre d'équipement installé en permanence dans ces véhicules au moment de la vente ou de l'importation par le fabricant ou l'importateur, selon le cas, cent dollars.

Pour l'application du présent article et de l'article 8, une unité d'évaporation destinée à entrer dans la fabrication de climatiseurs conçus pour être installés dans les automobiles est réputée être un climatiseur décrit dans le présent article sauf lorsqu'elle est utilisée pour fins de réparations ou de remplacement.

PREUVE

3. M. Raymond Burke, directeur général de Pièces d'autos, a expliqué que la compagnie achète des voitures endommagées dans des ventes à l'encan aux États-Unis et les importe au Canada où elles sont démontées pour les pièces et pour la ferraille. Les pièces, y compris les éléments des systèmes de climatisation des véhicules, sont mises en inventaire et vendues morceau par morceau. Ce qui reste des véhicules importés, les carcasses, sont vendues à la ferraille où elles sont compressées, déchiquetées, et recyclées pour en faire du nouvel acier. M. Burke a expliqué que Pièces d'autos essaye de faire coïncider ses achats aux encans avec la demande prévue de pièces de véhicules de modèles et d'années donnés.

4. M. Burke a attiré l'attention sur divers certificats au dossier qui indiquent que les compagnies d'assurance, divers états des États-Unis et la Société de l'assurance automobile du Québec2 ont déclaré les véhicules importés comme étant des pertes totales (« salvage » ou « unrebuildable » ou « irrécupérable »); en tant que tels, ils ont été déclarés inutilisables pour la route et peuvent seulement servir pour les pièces et la ferraille. Selon la soumission de M. Burke, les climatiseurs dans les véhicules importés ne peuvent pas fonctionner et ne fonctionnent pas parce que les véhicules eux-mêmes ne fonctionnent plus et qu'il est interdit de les remettre sur la route. Étant donné qu'ils sont importés pour être démantelés pour les pièces et qu'on ne peut pas s'en servir pour aller d'un endroit à un autre, M. Burke a affirmé qu'il n'est plus correct de les considérer comme des « véhicules », bien que divers documents au dossier en donnent une telle définition générique. Il a indiqué que Pièces d'autos n'importe pas vraiment un « véhicule » dans le vrai sens du terme, mais simplement un « ensemble » ou une « pile » de pièces qui sont rattachées à un véhicule inutilisable plutôt que d'être dans une boîte.

5. M. Burke a indiqué que certaines des carcasses vendues à la ferraille peuvent encore contenir des climatiseurs s'il n'y a pas de demande pour ces types de climatiseurs particuliers ou si les appareils sont trop gravement endommagés pour être réutilisés. M. Burke a expliqué comment fonctionnent le climatiseur d'automobile type ainsi que ses pièces individuelles et il a indiqué que ces appareils sont beaucoup plus complexes que les appareils domestiques que l'on place sur les fenêtres. Malgré le fait que les deux sortes de climatiseurs fonctionnent selon le même principe de base, leurs composantes et leur installation ne sont pas les mêmes. Il a indiqué que, pour diverses raisons, y compris le fait qu'un climatiseur de voiture est fait spécifiquement pour un modèle de voiture donné et souvent pour une année donnée, il n'est le plus souvent pas possible de réinstaller toutes les pièces et les composantes d'un appareil d'un certain modèle sur un autre modèle. Plutôt, dans la plupart des cas, seules certaines pièces du climatiseur d'une voiture récupérée donnée sont retirées et utilisées dans d'autres véhicules. M. Burke a indiqué qu'il ne croyait pas que les climatiseurs en cause aient été installés de façon permanente dans les véhicules importés précisément parce que chaque véhicule est acheté afin d'être démonté pour les pièces. Il a soutenu qu'il n'était pas économiquement réalisable pour Pièces d'autos d'enlever les différentes composantes d'une unité de climatisation de son véhicule hôte avant l'importation afin d'éviter de payer la taxe de 100 $.

6. M. Burke a témoigné qu'il s'objecte à payer la taxe parce que les véhicules importés sont des véhicules récupérés qui n'ont pas été importés pour être conduits au Canada. Dans sa soumission, il soulève que le fait de devoir payer la taxe ne correspond pas au fait que le Parlement l'a adoptée comme mesure visant à compenser le coût environnemental croissant que représentent les voitures équipées de climatiseurs qui consomment davantage d'essence que les voitures sans climatiseur. M. Burke a indiqué que Pièces d'autos ne s'objectait pas à payer la taxe quand elle importait un véhicule pour le réparer et le revendre sur le marché canadien. M. Burke a indiqué que la taxe de 100 $ fait partie du prix affiché des voitures neuves équipées de climatiseur.

PLAIDOIRIE

7. Pièces d'autos à soutenu que l'article 7 de l'annexe I de la Loi établit trois conditions qui entraînent le paiement de la taxe : (1) les climatiseurs doivent être conçus pour être utilisés dans les automobiles dans lesquelles ils sont importés; (2) ils doivent être installés de façon permanente au moment de l'importation; (3) la voiture hôte dans laquelle ils se trouvent doit être un véhicule au sens habituel de ce mot. Il a fait valoir que les climatiseurs en cause ne remplissent aucun de ces trois critères et que ces critères devaient être évalués au moment de l'importation des marchandises en cause3 .

8. En ce qui concerne la première condition, Pièces d'autos a soutenu que les climatiseurs en cause n'étaient pas taxables parce qu'ils étaient dans un état tel qu'ils ne pouvaient pas fonctionner dans les véhicules où ils se trouvaient au moment de l'importation.

9. Pièces d'autos a fait valoir que l'intention du Parlement en promulguant cette taxe était d'en faire une taxe sur le luxe ou un facteur visant à dissuader les consommateurs d'acheter des voitures équipées de climatiseur, selon l'hypothèse que ces voitures consomment davantage d'essence que les voitures sans climatiseur et que, par conséquent, elles contribuent à l'aggravation de la pollution atmosphérique4 . Pièces d'autos a allégué que l'intention du législateur était que la taxe ne s'applique qu'aux véhicules en état de marche équipées de climatiseurs en état de marche au moment de leur importation.

10. Pièces d'autos a soutenu que les éléments de preuve présentés par M. Burke prouvent que les climatiseurs en cause n'étaient pas installés de façon permanente dans les véhicules au moment de leur importation parce que l'intention avait toujours été que ce qui pouvait être récupéré des véhicules serait enlevé pour les pièces. À la lumière de cette intention, Pièces d'autos a fait valoir que les climatiseurs en cause ne satisfaisaient pas au critère de « longévité » nécessaire pour qu'on puisse les considérer comme étant « installés de façon permanente »5 .

11. Pièces d'autos a également fait valoir que le témoignage de M. Burke montre que les véhicules importés n'étaient pas des « véhicules » au sens ordinaire du terme. Pièces d'autos a renvoyé le Tribunal à la définition de « véhicule » donnée par la Cour fédérale dans Seaspan International Ltd. c. Canada 6 . Pour appuyer cette position, Pièces d'autos a également attiré l'attention sur le fait que les véhicules sont entrés au Canada dans un numéro tarifaire de l'annexe I du Tarif des douanes 7 portant sur les pièces (no 8708.99.99) plutôt que dans un numéro tarifaire portant sur les véhicules (no 8703.21.90).

12. Le ministre a soutenu que l'article 7 de l'annexe I de la Loi n'exige pas qu'un climatiseur soit en état de marche pour être taxé et que le témoignage de M. Burke confirme que les climatiseurs en cause avaient en effet été conçus pour être installés dans des automobiles. Le ministre a également soutenu que le fait que Pièces d'autos avait l'intention de retirer les climatiseurs en cause des véhicules importés n'est pas pertinent à la décision du Tribunal quant à savoir s'ils étaient installés de façon permanente dans les voitures hôtes. Bien au contraire, il a suggéré que le Tribunal, en décidant de cette question, tienne compte du fait que les climatiseurs sont boulonnés en place pour la vie des véhicules afin de satisfaire un besoin qui n'est certainement pas transitoire. Le ministre a également soutenu que les véhicules importés sont reconnaissables comme voitures ou véhicules quelle que soit leur condition physique ou leur classement tarifaire et que le Tribunal devrait accorder une signification large au mot « véhicule ». Le ministre a observé que Pièces d'autos elle-même utilise le mot « véhicule » pour décrire les importations. Le ministre a également soutenu que, même si le Tribunal arrivait à la conclusion que les importations n'étaient pas des véhicules, les climatiseurs en cause seraient tout de même taxables en vertu de l'alinéa 7a), et c'est à Pièces d'autos que revient le fardeau de la preuve en ce qui concerne chacun des climatiseurs importés.

DÉCISION

13. Le Tribunal est d'accord sur l'affirmation de Pièces d'autos selon laquelle l'article 7 de l'annexe I de la Loi établit les trois critères décrits ci-dessus, qui doivent être remplis pour que la taxe soit applicable; cependant, le Tribunal conclut que les arguments de Pièces d'autos sur chacun de ces trois critères ne sont pas convaincants.

14. En ce qui concerne le premier critère à savoir que les pièces doivent être « conçu[e]s pour être installé[e]s dans les automobiles, les familiales, les fourgonnettes ou les camions », Pièces d'autos a fondé son argument sur l'utilisation effective et l'état de marche des marchandises au moment de l'importation. Les éléments de preuve montrent que dans la plupart des cas, les climatiseurs ne fonctionnaient pas parce qu'ils dépendaient de l'état de marche des véhicules dans lesquels ils avaient été installés pour pouvoir fonctionner ou ils avaient été endommagés lors d'une collision ou autrement. De plus, bien que les éléments de preuve indiquent que dans certains cas, certaines composantes des climatiseurs pouvaient fonctionner8 , il n'est pas possible de déterminer à partir des éléments de preuve l'état précis de la grande majorité des climatiseurs. Cependant, de l'avis du Tribunal, ce critère ne porte pas sur la question de savoir s'ils étaient fonctionnels ou effectivement utilisés dans les automobiles, les familiales, les fourgonnettes ou les camions au moment de l'importation, mais plutôt s'ils avaient été conçus pour cette utilisation. Les éléments de preuve font la distinction entre ces climatiseurs et les autres climatiseurs, par exemple, ceux qui sont installés dans les fenêtres pour utilisation domestique. Le Tribunal est convaincu que les éléments de preuve indiquent clairement que les climatiseurs en cause ont été conçus spécifiquement pour être installés dans les automobiles, les familiales, les fourgonnettes ou les camions et qu'ils ne conviennent à aucune autre utilisation.

15. Le Tribunal est également convaincu que les éléments de preuve montrent que les climatiseurs en cause étaient « installés en permanence » dans les véhicules, satisfaisant ainsi le second critère. Pièces d'autos a témoigné de la difficulté de retirer tout le climatiseur et de l'installer dans un autre véhicule, en observant qu'un véhicule est fabriqué avec ou sans climatiseur et qu'un véhicule fabriqué avec un climatiseur comprend des pièces qu'on ne trouve pas dans un véhicule sans climatiseur. De l'avis du Tribunal, le simple fait que les climatiseurs peuvent être retirés ne les différencient pas des autres marchandises « installées en permanence ». En évaluant cette question, le Tribunal a été convaincu par le fait que les marchandises avaient été conçues et installées pour la vie des véhicules, ce qui est une indication claire de la permanence de leur installation9 .

16. Enfin, le Tribunal est d'avis que les articles hôtes dans lesquels les climatiseurs sont importés sont des véhicules. L'alinéa 7b) de l'annexe I de la Loi utilise le terme « véhicule » comme synonyme de « automobile, familiale, fourgonnette ou camion ». De l'avis du Tribunal, « les automobiles, les familiales, les fourgonnettes ou les camions » demeurent identifiables par ces termes, même s'ils ne sont plus en état de marche et ne peuvent plus fonctionner comme moyen de transport. Étant donné que ces termes sont utilisés comme synonymes du terme « véhicule », le Tribunal considère « véhicules » dans la même perspective. Dans son argument, le ministre a attiré l'attention sur des documents au dossier qui décrivent les automobiles accidentées comme des véhicules10 . Le Tribunal observe que, bien que les factures contiennent parfois des déterminants pour décrire les véhicules importés, tels que « damaged vehicle » (véhicule endommagé) ou « automobile accidentée pour pièces », les termes « véhicule » et « automobile » ont tendance à leur être communs. De l'avis du Tribunal, le langage courant et le langage utilisé dans l'industrie incluent tous les deux les automobiles endommagées dans le terme « véhicule », et un véhicule ne cesse pas d'être un véhicule dans le sens simple et ordinaire du terme quand il n'est plus en état de marche.

17. Pour les raisons ci-dessus, le Tribunal conclut que les climatiseurs en cause répondent aux trois critères établis au paragraphe 7b) de l'annexe I de la Loi et que par conséquent ils sont taxables. Par conséquent, l'appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985, c. E-15 [Loi].

2 . Dossier des sources invoquées et éléments de preuve de Pièces d'autos, onglets 17, 23.

3 . À l'appui de cette affirmation, Pièces d'autos a cité W.T. Hawkins Limited c. Sous-M.R.N.D.A., [1957] Ex. C.R. 152.

4 . À l'appui de cette position, Pièces d'autos s'est référée à des extraits des débats de la Chambre des communes. Voir le dossier des sources invoquées et les éléments de preuve de Pièces d'autos, onglet 3. À cet égard, le ministre a ajouté que l'objectif de la taxe était également de fournir une source de revenu supplémentaire. Voir Transcription de l'argumentation publique, 29 octobre 2003 à la p. 31.

5 . À l'appui de cette affirmation, Pièces d'autos a cité Teknion Furniture Systems Inc. c. M.R.N. (2 novembre 1994), AP-93-257 (TCCE) et Selenia Food Equipment Ltd. c. Sous-M.R.N.D.A. (1988), 16 C.E.R. 98.

6 . [1994] 1 C.F. 524.

7 . L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41.

8 . Par exemple, elles étaient parfois vendues comme pièces de remplacement. Voir le dossier des sources invoquées et les éléments de preuve présentés par Pièces d'autos, onglet 18, pages non numérotées 13, 20.

9 . Transcription de l'audience publique, 29 octobre 2003 aux pp. 41, 52, 58.

10 . Transcription de l'argumentation publique, 29 octobre 2003 à la p. 27; dossier des sources invoquées et éléments de preuve présentés par Pièces d'autos, onglets 16, 17.