BUFFALO INC.

Décisions


BUFFALO INC.
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2002-023


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 11 mars 2004

Appel no AP-2002-023

EU ÉGARD À un appel entendu le 12 septembre 2003 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À 17 décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 16 avril 2002, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

BUFFALO INC. Appelante

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est admis.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre

Meriel V. M. Bradford
Meriel V. M. Bradford
Membre

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard de 17 décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 16 avril 2002, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si des dentelles importées peuvent bénéficier du traitement préférentiel en vertu du tarif des États-Unis.

DÉCISION : L'appel est admis. Les éléments de preuve convainquent le Tribunal que les marchandises en cause ont été fabriquées par Imperial Laces, Inc. aux États-Unis à partir de matières originaires d'un pays de l'Accord de libre-échange nord-américain et peuvent bénéficier du traitement préférentiel en vertu du tarif des États-Unis.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 12 septembre 2003

Date de la décision :

Le 11 mars 2004

   

Membres du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

 

Pierre Gosselin, membre

 

Meriel V. M. Bradford, membre

   

Conseillers pour le Tribunal :

Dominique Laporte

 

Roger Nassrallah

   

Greffier :

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

Steve Whitter, pour l'appelante

 

Jean-Robert Noiseux, pour l'intimé

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 à l'égard de 17 décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire) le 16 avril 2002, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi. Les marchandises en cause sont des dentelles de diverses couleurs et divers motifs. Les marchandises en cause ont été importées par Buffalo Inc. (Buffalo), Vêtements de Sport Looks Ltée, Request Jeans Limited et Vêtements de sport Slide Inc. (collectivement le groupe de sociétés Buffalo) d'Imperial Laces, Inc. (Imperial), une société établie à New York, entre mars 1998 et novembre 1999. Le 1er janvier 1999, Buffalo a pris le contrôle des trois autres sociétés, qui ont par la suite été dissoutes en tant que personnes morales.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les dentelles importées par le groupe de sociétés Buffalo peuvent bénéficier du traitement préférentiel en vertu du tarif des États-Unis.

PREUVE

Mme Gisèle Thibault, agent d'appel pour l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), a comparu au nom du commissaire. Mme Thibault a expliqué avoir été impliquée dans la présente affaire à titre d'agent d'appel et avoir rendu la décision. Elle a expliqué que la vérification de l'origine des marchandises s'était déroulée en deux étapes : la première était la comparaison du certificat d'origine en vertu de l'Accord de libre-échange nord-américain 2 obtenu de l'importateur avec les marchandises effectivement importées, et la deuxième était la vérification du certificat d'origine auprès de l'exportateur eu égard à l'exactitude des données. Elle a précisé que, dans la présente affaire, l'exportateur visé était Imperial, laquelle a exporté au Canada des dentelles et a délivré un certificat d'origine permettant aux importateurs de bénéficier du traitement tarifaire préférentiel.

Mme Thibault a expliqué que des lettres ont été envoyées aux importateurs, c.-à-d. le groupe de sociétés Buffalo, leur demandant de fournir des factures commerciales et des certificats d'origine. Elle a affirmé que, à sa connaissance, Buffalo n'avait pas fourni de certificat d'origine dûment rempli et valide aux fins de l'ALÉNA. En réponse à une question sur le certificat d'origine contenu dans le mémoire du commissaire3 , Mme Thibault a déclaré que le document en question avait été fourni par un importateur, qu'il avait été rempli par une représentante d'Imperial et qu'il permettait aux importateurs de réclamer les bénéfices du traitement tarifaire préférentiel en vertu de l'ALÉNA pour les styles de dentelles décrits à la case 5 du certificat d'origine. Elle a indiqué ne pas savoir quel importateur avait fourni le certificat d'origine. Elle a en outre indiqué que, compte tenu du renseignement figurant à la case 7 du certificat d'origine, il était possible de déterminer en vertu de quel critère l'exportateur avait déterminé l'origine. En ce qui concerne le critère de préférence B figurant à la case 7, Mme Thibault a précisé que, en vertu des règles d'origine de l'ALÉNA, il indiquait que les marchandises en cause étaient devenues des marchandises originaires de par leurs matières non originaires, lesquelles ont ensuite subi un changement de classement tarifaire lors de leur incorporation aux produits finis. À la case 8, l'exportateur atteste être le producteur et, à la case 10, le pays d'origine est indiqué, soit les États-Unis.

Mme Thibault a indiqué que l'agent de vérification dans le présent dossier avait fait parvenir un questionnaire pour la vérification de l'origine (formule) à Imperial afin de recueillir des renseignements relatives aux marchandises en cause4 . Elle a indiqué que, afin de vérifier les renseignements figurant dans la formule, l'ADRC pouvait demander, notamment en ce qui concerne les marchandises qui doivent subir un changement de classification tarifaire, les fiches de fabrication ainsi que les listes de fournisseurs. Elle a fait savoir qu'avant que ne soit rendue la décision en vertu de l'article 59 de la Loi, Imperial n'avait pas fourni les renseignements permettant de déterminer l'origine des marchandises en cause. Une décision provisoire a donc été envoyée à Imperial stipulant que celle-ci disposait de 30 jours pour fournir l'information, sans quoi le traitement préférentiel en vertu de l'ALÉNA serait refusé. Les importateurs ont été avisés de la décision provisoire. Comme l'information n'a pas été fournie, la décision a été mise en oeuvre et le traitement préférentiel en vertu de l'ALÉNA a été retiré pour le remplacer par le tarif de la nation la plus favorisée. De l'information a par la suite été transmise par Imperial5 , après que Buffalo eut interjeté appel. Comme la formule fournie par Imperial n'avait pas été remplie adéquatement, l'agent d'appel alors assigné au dossier a demandé des renseignements supplémentaires et, à la suite de cette demande, la formule a été remplie à nouveau.

Mme Thibault a indiqué avoir alors pris la relève du dossier et avoir constaté beaucoup d'incohérences entre les deux formules qu'Imperial avait remplies6 . Elle a affirmé ce qui suit :

Je sais pertinemment que lorsqu'on détermine l'origine d'un produit importé ce qu'il est important de savoir c'est quelles sont les matières qui composent le produit qui est exporté, qui sont les fournisseurs de ces matières-là, quelle est l'origine des matières, et est-ce que le produit exporté au Canada rencontre le changement de classement prévu par la règle d'origine puisqu'on avait établi que les marchandises étaient originaires en vertu du critère B, donc contenai[en]t des matières non originaires.

Alors il faut s'assurer de tout ça. Donc la [...] [formule] ne peut pas suffire à nous donner toutes ces informations-là. C'est important de se référer aux documents qu'un exportateur peut avoir chez lui.

C'est la raison pour laquelle j'ai cherché à avoir les fiches de fabrication. C'est vraiment à partir de ces documents-là qu'on peut établir de façon exhaustive quelles sont les matières qui composent la dentelle qui est le produit exporté au Canada7 .

En ce qui concerne la formule, qui a été remplie la première fois et envoyée le 28 février 2001 par Mme Bette Slutsky, contrôleur chez Imperial, Mme Thibault a indiqué ne pas avoir pu s'y fier puisqu'on y avait indiqué qu'elle avait été remplie « à la lumière de ses connaissances » [traduction] et qu'elle comportait de nombreuses lacunes et omissions. Une décision provisoire a ensuite été envoyée à Buffalo, confirmant la décision de refuser le traitement tarifaire préférentiel en vertu de l'ALÉNA puisque l'exportateur, n'étant plus en affaires depuis la fin de l'an 2000, n'avait pas fourni les documents justifiant l'origine. Un délai de 30 jours a été accordé à Buffalo pour lui permettre de fournir les renseignements supplémentaires. Mme Thibault a indiqué que les renseignements manquants étaient les descriptions des fils ou les fiches de fabrication. Puisque aucun renseignement supplémentaire n'avait été fourni, Mme Thibault a indiqué avoir rendu sa décision, laquelle confirmait la décision provisoire. Mme Thibault a également fait état de ses démarches auprès d'Imperial en vue d'obtenir les renseignements manquants. Elle a fait valoir que les règles d'origine spécifiques, dont celles qui visent les dentelles classées dans le chapitre 60 de l'annexe du Tarif des douanes 8 , sont parfois complexes et que, lorsque le critère de préférence B est indiqué, les dentelles contiennent des matières non originaires qui satisfont aux exigences de la règle d'origine. Cette règle d'origine prévoit, dans le cas du chapitre 60, que le changement de classification tarifaire subi provient d'un autre chapitre; c'est-à-dire, les matières sont classées dans un chapitre autre que le chapitre 60, ce qui permet aux dentelles d'être considérées comme des marchandises originaires. Elle a ensuite expliqué que d'autres règles étaient aussi applicables, par exemple lorsque les matières non originaires proviennent des chapitres 54 et 55. En réponse à une question du commissaire, elle a affirmé qu'il était possible que certaines dentelles fabriquées aux États-Unis ne répondaient pas aux critères des marchandises originaires, étant donné que les sources d'approvisionnement du fil sont très variées.

En réponse aux questions du Tribunal, Mme Thibault a fait valoir que ce qui l'avait incitée à demander les fiches de fabrication était le fait que, bien que le critère de préférence B soit indiqué sur le certificat d'origine, ce qui indiquait qu'il y avait des matières non originaires, les renseignements figurant dans la formule contredisaient les renseignements figurant dans le certificat d'origine en stipulant que les matières étaient en fait toutes des matières originaires. Mme Thibault a aussi indiqué ne pas avoir vérifié si Unifi, Inc. (Unifi) était un fabricant de fils ou un distributeur. Elle a par la suite affirmé que des certificats d'origine avaient été fournis par Unifi et United Yarn Products Co. Inc. (United), mais que, avant de procéder à la vérification des fournisseurs, elle devait établir la liste des matières qui composent les dentelles exportées au Canada9 . Elle a toutefois affirmé ne pas avoir fait de vérification sur place chez Imperial. Finalement, en réponse à une question du Tribunal, Mme Thibault ne pouvait pas identifier le document dans lequel elle avait fait la demande des fiches de fabrication à Imperial et a confirmé que cette information ne figurait pas au dossier.

PLAIDOIRIE

Buffalo a soutenu qu'elle se trouvait dans une impasse. D'après Buffalo, l'ADRC lui aurait fait savoir qu'il y avait un problème avec le certificat d'origine, sans toutefois donner davantage de précisions. Des documents ont été demandés à Buffalo, sans qu'elle sache si les renseignements fournis étaient suffisants et si le problème avait été résolu. Buffalo a indiqué que ce n'était qu'une fois la décision rendue qu'elle a appris que la formule envoyée à l'exportateur n'avait pas été correctement remplie. Buffalo a soutenu que, malgré toutes les ressources à sa disposition, l'ADRC n'avait pas été en mesure de retracer les renseignements. En ce qui a trait à la formule remplie par Imperial, elle a maintenu qu'il n'y avait aucune raison de douter de la bonne foi des répondants. Enfin, Buffalo a soutenu qu'elle faisait face à un problème qu'elle n'avait pas créé, qu'elle ne connaissait pas et qu'on lui demandait de résoudre sans avoir les renseignements nécessaires.

Renvoyant au texte de l'ALÉNA, le commissaire a soutenu que, pour bénéficier du traitement tarifaire préférentiel, il ne suffit pas que les marchandises soient uniquement produites dans un pays ALÉNA, mais plutôt qu'elles se qualifient à titre de produits originaires, tel que défini dans l'ALÉNA et tel qu'incorporé dans les lois canadiennes. Afin de faciliter la preuve de l'origine des marchandises, le certificat d'origine a été adopté, tout en réservant à l'ADRC le droit de vérifier les renseignements fournis. Le commissaire a soutenu que l'article 401 de l'ALÉNA reprend le critère de préférence B, d'où l'importance de déterminer des matières non originaires utilisés dans la production de marchandises originaires satisfont aux règles de sorte que les produits finis exportés sont des marchandises originaires. Le commissaire a de plus soutenu que, à l'encontre du paragraphe 502(1) de l'ALÉNA et des dispositions réglementaires, Buffalo n'a jamais fourni de certificat d'origine valide. Selon le commissaire, pour s'assurer que les marchandises puissent bénéficier du traitement préférentiel en vertu de l'ALÉNA, Buffalo aurait pu demander une décision anticipée quant à la détermination de l'origine des marchandises qu'elle importait.

Renvoyant à l'article 24 du Tarif des douanes, le commissaire a soutenu que l'origine des marchandises doit être établie en conformité avec la Loi. À cet égard, l'article 6 du Règlement sur la justification de l'origine des marchandises importées 10 prévoit que l'importateur, à titre de justification de l'origine, doit fournir un certificat d'origine des marchandises. Le commissaire a par ailleurs soutenu que Buffalo ne s'était pas conformée à l'alinéa 24(1)a) du Tarif des douanes afin de prouver l'origine des marchandises. L'article 24 du Tarif des douanes renvoie à l'article 16 du Tarif des douanes qui, à son tour, renvoie au Règlement de l' ALÉNA. L'alinéa 4(2)a) du Règlement de l' ALÉNA traite des cas où les matières non originaires utilisées dans la production subissent le changement de classement tarifaire applicable par suite de la production effectuée entièrement sur le territoire de l'un ou plusieurs des pays ALÉNA, lorsque la règle applicable énoncée à l'annexe I à l'égard de la disposition tarifaire dans lequel le produit est classé prévoit seulement un changement de classement tarifaire et que les marchandises satisfont à toutes les autres exigences applicables du Règlement de l' ALÉNA. Le commissaire a renvoyé au témoignage de Mme Thibault concernant les règles s'appliquant aux matières textiles et ouvrages de ces matières et aux étoffes de bonneterie, dans lesquelles sont comprises les dentelles.

Le commissaire a affirmé qu'il n'y avait aucun élément de preuve selon lequel les marchandises en cause pouvaient être classées à titre de marchandises originaires et que le fardeau de la preuve incombait à Buffalo. Enfin, le commissaire a fait valoir que c'était la responsabilité de Buffalo de faire affaire avec les compagnies qui sont en mesure de lui fournir la preuve de l'origine des marchandises.

DÉCISION

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les dentelles importées par le groupe de sociétés Buffalo peuvent bénéficier du traitement préférentiel en vertu du tarif des États-Unis.

Les règles d'origine prévues dans l'ALÉNA, telles qu'incorporées dans les lois canadiennes, prévoient des critères qui servent à déterminer si les marchandises peuvent bénéficier d'un traitement tarifaire préférentiel. Le chapitre 4 de l'ALÉNA énonce les exigences pour que des marchandises soient admissibles comme « marchandise originaire », tandis que le chapitre 5 établit les exigences afférentes aux certificats d'origine ainsi que les procédures d'administration et d'application. Les diverses dispositions des chapitres 4 et 5 sont incorporées dans les lois canadiennes en vertu des dispositions de la Loi, du Tarif des douanes et de divers règlements, comme le Règlement de l'ALÉNA, le Règlement sur la justification de l'origine des marchandises, le Règlement sur la préférence tarifaire (ALÉNA) 11 et le Règlement sur la vérification de l'origine des marchandises (ALÉNA et ALÉCC) 12 . Seules les dispositions pertinentes à l'espèce feront l'objet de discussion.

Pour que les marchandises en cause bénéficient d'un traitement tarifaire autre que le traitement prévu par le tarif général, en l'espèce le traitement préférentiel en vertu du tarif des États-Unis, le paragraphe 24(1) du Tarif des douanes exige que deux conditions soient satisfaites : 1) une justification de l'origine des marchandises doit être établie en conformité avec la Loi; 2) les marchandises doivent pouvoir bénéficier de ce traitement tarifaire en conformité avec le règlement ou le décret applicable.

Le Tribunal déterminera d'abord si, en l'espèce, une justification de l'origine a été établie en conformité avec la loi pertinente. Le paragraphe 35.1(1) de la Loi stipule ce qui suit :

35.1 (1) Sous réserve des règlements d'application du paragraphe (4), l'origine de toutes les marchandises importées est justifiée en la forme et avec les renseignements déterminés par le ministre de même qu'avec les renseignements, déclarations et justificatifs prévus par les règlements d'application du paragraphe (4).

En conformité avec le paragraphe 6(1) du Règlement sur la justification de l'origine des marchandises importées, lorsque le bénéfice du traitement préférentiel en vertu du tarif des États-Unis est demandé pour des marchandises, un certificat d'origine de ces marchandises doit être fourni à titre de justification de l'origine. Le commissaire a soutenu que Buffalo ne s'est pas conformée aux exigences de la Loi et de son règlement d'application lorsqu'elle n'a pas fourni de certificat d'origine valide pour les dentelles. Le Tribunal n'accepte pas cette conclusion. Même si plusieurs certificats émis par Imperial qui se rapportent à d'autres accords de libre-échange ont été déposés, les éléments de preuve montrent clairement que des certificats d'origine en vertu de l'ALÉNA valides ont été produits. Le dossier comprend une copie d'un certificat d'origine en vertu de l'ALÉNA pour 199913 . Mme Thibault a indiqué que ce certificat d'origine vise les mêmes numéros de style que ceux des marchandises en cause14 . De plus, les pièces de correspondance au dossier provenant de Mme Susan Easton, agent de vérification de l'observation de l'ADRC, indiquent que des certificats d'origine ont été fournis pour la totalité de la période d'importation des marchandises en cause15 . Par conséquent, le Tribunal conclut que la justification de l'origine des dentelles a été fournie conformément aux exigences prévues par la Loi.

Le Tribunal doit maintenant traiter de la deuxième question en litige dans le présent appel, celle de savoir si les marchandises en cause peuvent bénéficier du traitement préférentiel en vertu du tarif des États-Unis.

Le paragraphe 24(1) du Tarif des douanes prévoit en partie ce qui suit :

24. (1) [...] les marchandises bénéficient d'un traitement tarifaire prévu par la présente loi, à l'exception du tarif général, si les conditions suivantes sont réunies :

b) elles bénéficient du traitement tarifaire accordé en conformité avec les règlements d'application de l'article 16.

L'alinéa 3b) du Règlement sur la préférence tarifaire (ALÉNA) prévoit que les marchandises ont droit au bénéfice du tarif des États-Unis lorsque :

b) dans le cas des produits agricoles et des textiles et vêtements, elles sont à la fois :

(i) des marchandises originaires,

(ii) des marchandises admissibles au marquage en tant que marchandises des États-Unis conformément au Règlement sur la détermination, aux fins de marquage, du pays d'origine des marchandises (pays ALÉNA).

Le sous-alinéa 3(b)(ii) du Règlement sur la préférence tarifaire (ALÉNA) n'est pas objet de litige dans le présent appel.

L'article 16 du Tarif des douanes se lit en partie ainsi :

16. (1) Sous réserve des règlements pris en vertu du paragraphe (2), les marchandises sont, pour l'application de la présente loi, originaires d'un pays si la totalité de leur valeur y a été produite.

(2) Sur recommandation du ministre, le gouverneur en conseil peut, par règlement :

a) régir l'origine des marchandises, notamment en ce qui touche :

(i) l'assimilation, pour l'application de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, à des marchandises originaires d'un pays de marchandises produites en tout ou en partie à l'extérieur de celui-ci, sous réserve des conditions précisées dans le règlement,

(ii) l'assimilation, pour l'application de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, à des marchandises non originaires d'un pays et ne bénéficiant pas du traitement tarifaire préférentiel dont elles bénéficieraient autrement en vertu de la présente loi de marchandises produites en tout ou en partie dans une zone géographique de ce pays, sous réserve des conditions précisées dans le règlement,

(iii) la détermination de l'origine de marchandises pour l'application de la présente loi ou de toute autre loi fédérale.

Le Règlement de l'ALÉNA a été promulgué aux termes du paragraphe 16(2) du Tarif des douanes. L'article 4 du Règlement de l'ALÉNA énonce les conditions auxquelles des produits doivent satisfaire pour être réputés comme produits originaires du territoire d'un pays ALÉNA. Aux termes du paragraphe 2(1) du Règlement de l'ALÉNA, un « produit originaire » s'entend d'un « [p]roduit qui est admissible à titre de produit originaire aux termes du présent règlement. » Le Règlement de l'ALÉNA énonce une série complexe de règles permettant d'arrêter une telle détermination.

Le paragraphe 4(3) du Règlement de l'ALÉNA prévoit ce qui suit :

(3) Un produit est originaire du territoire d'un pays ALÉNA s'il est produit entièrement sur le territoire de l'un ou plusieurs des pays ALÉNA, uniquement à partir de matières originaires.

Dans un tel contexte, l'ADRC se préoccupait de la question de savoir si certains fils non originaires (c.-à-d. des fils qui ne sont pas originaires d'un pays ALÉNA) avaient pu être utilisés dans la fabrication des dentelles en cause. Pour régler cette question, Imperial a fourni des certificats d'origine provenant de ses fournisseurs de fils, soit Unifi et United16 . De plus, à la demande de l'ADRC, Imperial a rempli une formule détaillée fournie par l'ADRC, relativement à chaque style de dentelle. La formule remplie précisait la teneur en fils et le numéro de style, les fournisseurs de fils (Unifi ou United, ou les deux, selon le style de dentelle), l'origine du fil (c.-à-d. les États-Unis) et les processus de production et le lieu (c.-à-d. les États-Unis). La formule remplie confirmait aussi que le fabricant avait obtenu le certificat ALÉNA du fournisseur de fils.

Imperial a rempli cette formule à deux reprises : une fois en février 2001 et une autre fois en septembre 2001. Les pièces de correspondance provenant de M. Gérard Bélisle, de l'ADRC indiquent que l'ADRC était satisfaite des renseignements initialement fournis relativement au style no 1904 parce qu'ils pouvaient être mis en concordance avec le certificat ALÉNA provenant d'Unifi. Cependant, l'ADRC a demandé à Imperial de remplir la formule à nouveau pour donner des renseignements plus précis sur la teneur en fils et les numéros de produit des autres styles de dentelle, dans les cas où les fils avaient été achetés à United, afin d'établir la concordance entre les fils en cause et le certificat d'origine17 . La formule révisée de septembre 2001 aurait peut-être bien permis à l'ADRC d'établir la concordance entre les autres styles et les certificats d'origine, mais les éléments de preuve demeurent obscurs à cet égard. Dans son témoignage, Mme Thibault a indiqué ne pas avoir pu établir la concordance relativement au type de fils de l'un quelconque des styles, mais son souvenir à cet égard peut être remis en question étant donné qu'elle contredit la conclusion de M. Bélisle selon laquelle le fil a pu être mis en concordance dans le cas du style no 1904. Le Tribunal juge que la conclusion de M. Bélisle est plus fiable, étant donné qu'elle a été consignée par écrit à l'intention d'une partie de l'extérieur18 .

Le fabricant a aussi fourni à l'ADRC des échantillons de deux motifs de dentelles19 . Puisque ces échantillons ont été demandés par l'ADRC au même moment que cette dernière demandait à Imperial de remplir la formule la première fois, et que l'ADRC n'a pas communiqué d'observation sur les échantillons lorsqu'elle a demandé que la formule soit remplie une deuxième fois, il est possible de supposer que les échantillons étaient satisfaisants20 . Mme Thibault n'a pas fait mention des échantillons à titre de facteur pris en compte dans la décision du commissaire de refuser le traitement tarifaire préférentiel.

Malgré la quantité considérable de renseignements fournis à l'ADRC pour confirmer que les dentelles étaient originaires des États-Unis, le commissaire n'a pas été convaincu que tel était vraiment le cas et, par conséquent, a refusé le traitement préférentiel en vertu du tarif des États-Unis.

Mme Thibault a indiqué que le traitement préférentiel en vertu tarif des États-Unis avait été refusé à cause des contradictions perçues dans les renseignements communiqués à l'ADRC par Imperial et parce qu'elle ne pouvait pas obtenir d'autres renseignements d'Imperial, sous forme de fiches de fabrication, qui auraient pu éclairer les points de contradiction.

Le fait que le critère de préférence B est indiqué sur le certificat d'origine des dentelles semble avoir été l'une des principales incohérences relevées par Mme Thibault. La partie pertinente du critère de préférence B est définie ainsi :

Le produit est produit entièrement sur le territoire de l'un ou de plusieurs des pays ALÉNA et répond à la règle d'origine spécifique, énoncée à l'annexe 401, qui s'applique à son classement tarifaire. La règle peut comprendre un changement de classement tarifaire, l'exigence d'une teneur en valeur régionale ou une combinaison des deux. Le produit doit aussi respecter toutes les autres exigences applicables du chapitre quatre. [...] (Référence : article 401b)) 21

Mme Thibault a témoigné que le critère de préférence B indique, dans le cas des dentelles en cause, que certains fils non originaires d'un pays ALÉNA sont utilisés dans le processus de fabrication. Elle a jugé que cette information n'était pas compatible avec le fait que les formules indiquaient que tous les fils provenaient des États-Unis. Le Tribunal n'estime pas que les renseignements provenant de ces deux sources sont nécessairement contradictoires. Lorsqu'elle a rempli la formule, Imperial aurait raisonnablement indiqué l'origine des dentelles après l'application des règles d'origine. Autrement dit, même si certaines fibres composant le fil n'avaient pas été fabriquées aux États-Unis, il pouvait être considéré comme une matière originaire des États-Unis si il respectait les exigences des règles d'origine.

Toutefois, même si Mme Thibault avait à raison relevé une contradiction entre ces deux sources de renseignements (une contradiction qui, le cas échéant, aurait pu simplement découler d'une erreur humaine), le Tribunal n'estime pas qu'il y avait là motif sérieux de remettre en question l'origine du fil, soit les États-Unis, étant donné le poids des autres éléments de preuve à cet égard, comme il en a déjà été traité ci-dessus.

Il ressort aussi du témoignage que l'information fournie n'a pas convaincu Mme Thibault parce que, à son avis, le fil n'a pas été décrit de la même façon dans les deux versions de la formule remplie par Imperial. Cependant, de l'avis du Tribunal, il était à prévoir que la deuxième formule comporterait des descriptions de fils différentes de celles incluses dans la première formule, puisque l'ADRC avait demandé à Imperial de remplir la formule une deuxième fois de façon à fournir de meilleures descriptions des fils. Quoi qu'il en soit, les éléments de preuve au dossier n'indiquent pas dans quelle mesure les descriptions des fils incluses dans la deuxième formule étaient vraiment différentes des premières descriptions, par opposition à de simples descriptions plus précises. En l'absence d'éléments de preuve en ce sens, il est raisonnable de supposer que, lorsqu'elle a rempli, une deuxième fois, la formule, Imperial a simplement inclus des renseignements plus précis.

Mme Thibault a aussi déclaré avoir relevé des incohérences entre les deux formules en ce qui a trait aux noms des fournisseurs de fils. Après avoir examiné avec soin les deux formules, le Tribunal n'a pas pu relever d'incohérences relativement aux fournisseurs des fils en ce qui a trait aux styles importés par le groupe de sociétés Buffalo22 , constatant que les formules visent aussi d'autres styles de dentelles qui ne font pas l'objet de l'espèce.

Mme Thibault a aussi signalé que, dans une lettre datée du 9 janvier 200123 , M. Kenneth Berger, d'Imperial, a affirmé que les fils utilisés par Imperial provenaient d'Unifi et n'a pas fait mention d'autres fournisseurs. Selon elle, ce fait a remis en question la précision des renseignements fournis plus tard par l'intermédiaire des formules étant donné qu'un deuxième fournisseur, United, est mentionné dans les formules. Selon Mme Thibault, cette incohérence a soulevé la possibilité qu'il puisse y avoir de fait plus de deux fournisseurs de fils. Le Tribunal fait observer que les deux versions de la formule désignaient toutes deux les mêmes deux fournisseurs de fils et qu'il n'y a pas d'éléments de preuve justifiant le doute entretenu par Mme Thibault quant à l'existence possible de plus de deux fournisseurs de fils. Dans l'ensemble, le Tribunal accueille les éléments de preuve selon lesquels il y avait deux fournisseurs de fils, Unifi et United. Le Tribunal fait observer que, dans sa lettre du 9 janvier 2001, M. Berger a déclaré qu'Imperial n'était plus en affaires depuis décembre 2000. Ce fait explique peut-être en partie pourquoi les renseignements qu'il a communiqués étaient incomplets puisque d'anciens employés d'une entreprise qui s'est retirée des affaires pourraient être moins portés à consacrer du temps en vue de récupérer des documents et de rapprocher des renseignements.

D'après le témoignage de Mme Thibault, il y avait aussi incohérence dans l'information du fait que le certificat d'origine des dentelles faisait mention de certains styles de dentelles qui, selon la formule, n'avaient pas été produits par Imperial24 . Cependant, étant donné qu'aucun des styles en question ne fait l'objet de l'espèce, le Tribunal est d'avis que cette possibilité d'incohérence n'est pas pertinente.

Mme Thibault a avancé que, étant donné les incohérences relevées dans les renseignements qui avaient été soumis, elle avait besoin d'autres renseignements sous forme de fiches de fabrication, des renseignements qu'elle n'a pas reçus. Dans sa lettre à Buffalo, datée du 11 février 2002, communiquant la décision provisoire du commissaire, elle mentionne que « l'information en main ne peut être vérifiée au moyen de documents tels que la nomenclature ou fiches de fabrication ». Cependant, à l'audience, Mme Thibault n'a pas pu se souvenir de détails particuliers concernant une demande quelconque de communication de fiches de fabrication et, même si de nombreuses pièces de correspondance de l'ADRC ont été versées au dossier, il ne s'y trouve aucun document qui confirme qu'une telle demande ait jamais été effectuée25 . Cela semblerait indiquer que, selon elle, la demande ne revêtait pas une importance primordiale. Le Tribunal fait également observer que l'ADRC aurait pu décider de recueillir davantage de renseignements en visitant les lieux, mais a décidé plutôt de s'appuyer totalement sur les documents demandés.

À la lumière de ce qui précède, les éléments de preuve convainquent le Tribunal que les marchandises en cause ont été fabriquées par Imperial aux États-Unis à partir de matières originaires d'un pays ALÉNA qui répondent aux exigences du paragraphe 4(3) du Règlement de l'ALÉNA et peuvent donc bénéficier du traitement préférentiel en vertu du tarif des États-Unis. Comme il en a déjà été fait mention, la conclusion selon laquelle les dentelles sont originaires des États-Unis est corroborée par des certificats d'origine à la fois des dentelles et du fil utilisé dans la production des dentelles et par les renseignements détaillés concernant le fil, fournis dans les deux formules demandées par l'ADRC. Le Tribunal n'estime pas que les incohérences relevées dans les renseignements par l'ADRC justifient de manière significative la remise en question de ces éléments de preuve. De plus, il n'y a guère, ou pas, d'éléments de preuve qui justifieraient de conclure que les dentelles ne sont pas originaires des États-Unis.

Pour les motifs qui précèdent, l'appel est admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

3 . Mémoire du commissaire, onglet C à la p. 5.

4 . Ibid., onglet D.

5 . Ibid., onglet K.

6 . Transcription de l'audience publique, 12 septembre 2003 à la p. 40.

7 . Ibid. aux pp. 40-41.

8 . L.C. 1997, c. 36.

9 . Unifi et United sont des fournisseurs du fil utilisé par Imperial dans la fabrication des dentelles.

10 . D.O.R.S./98-52.

11 . D.O.R.S. /94-17.

12 . D.O.R.S. /97-333.

13 . Mémoire du commissaire, onglet C.

14 . Transcription de l'audience publique, 12 septembre 2003 à la p. 67.

15 . Dans ses lettres datées du 23 mars 2000, Mme Susan Easton affirme ce qui suit : « L'exportateur a fourni des certificats d'origine ALÉNA généraux » [traduction]. Les importations visées dans les lettres englobent la totalité de la période en question (mars 1998 à novembre 1999).

16 . Transcription de l'audience publique, 12 septembre 2003 aux pp. 75-76; mémoire du commissaire, onglet K.

17 . Mémoire du commissaire, onglet M.

18 . Ibid., onglet M.

19 . Ibid., onglet K.

20 . Ibid., onglet D.

21 . Certificat d'origine, critère de préférence  B.

22 . La pièce A-1 indique que le groupe de sociétés Buffalo a importé les styles suivants de dentelles : 1904, 6810, 7500, 8201 et 9030.

23 . Mémoire du commissaire, onglet H.

24 . Transcription de l'audience publique, 12 septembre 2003 à la p. 73.

25 . Ibid. aux pp. 103-104.