TOM PAK

Décisions


TOM PAK
c.
COMMISSAIRE DE L’AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2003-018

Décision et motifs rendus
le mercredi 12 juillet 2006


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 7 juin 2006 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada le 4 avril 2003 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

TOM PAK

Appelant

ET

 

LE COMMISSAIRE DE L’AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 7 juin 2006

   

Membre du Tribunal :

Zdenek Kvarda, membre présidant

   

Gestionnaire de la recherche :

Paul R. Berlinguette

   

Conseiller pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Agent du greffe :

Stéphanie Doré

   

Parties :

Tom Pak, pour l’appelant

 

Tatiana Sandler, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue par le commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) (maintenant le président de l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC]) le 4 avril 2003 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’ADRC a correctement classé les pistolets en cause dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre de dispositifs prohibés. Les pistolets en cause sont un pistolet militaire M92F, un pistolet Glock 19 et un pistolet G19 au standard MILSPEC.

3. Le Tribunal a décidé de tenir une audience sur pièces en vertu des articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 . Un avis à cet effet a été publié dans la Gazette du Canada du 20 mai 20064 .

4. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

5. Le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit ce qui suit :

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, [...]

[...]

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel [...]

6. Le paragraphe 84(1) du Code criminel 5 prévoit qu’un « dispositif prohibé » comprend, entre autres, une réplique, laquelle est définie ainsi :

“replica firearm” means any device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, a firearm, and that itself is not a firearm, but does not include any such device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, an antique firearm.

« réplique » Tout objet, qui n’est pas une arme à feu, conçu de façon à en avoir l’apparence exacte — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence. La présente définition exclut tout objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence.

7. L’article 2 du Code criminel définit « arme à feu » ainsi :

“firearm” means a barrelled weapon from which any shot, bullet or other projectile can be discharged and that is capable of causing serious bodily injury or death to a person, and includes any frame or receiver of such a barrelled weapon and anything that can be adapted for use as a firearm.

« arme à feu » Toute arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile, d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne, y compris une carcasse ou une boîte de culasse d’une telle arme ainsi que toute chose pouvant être modifiée pour être utilisée comme telle.

8. Le paragraphe 84(1) du Code criminel définit « arme à feu historique » ainsi :

“antique firearm” means

(a) any firearm manufactured before 1898 that was not designed to discharge rim-fire or centre-fire ammunition and that has not been redesigned to discharge such ammunition, or

(b) any firearm that is prescribed to be an antique firearm.

« arme à feu historique » Toute arme à feu fabriquée avant 1898 qui n’a pas été conçue ni modifiée pour l’utilisation de munitions à percussion annulaire ou centrale ou toute arme à feu désignée comme telle par règlement.

PREUVE

9. M. Tom Pak a tenté d’importer les pistolets en cause par la poste. Le pistolet militaire M92F est un pistolet à gaz en plastique noir et son canon est orange-rouge. Le pistolet Glock 19 est un pistolet à ressort en plastique argent-gris. Le pistolet G19 au standard MILSPEC est un pistolet à gaz en métal noir.

10. L’ASFC a déposé les pistolets en cause à titre de pièces, et le Tribunal les a examinés. Le Tribunal a aussi examiné les armes à feu réelles dont les pistolets en cause sont censés avoir l’apparence, que l’ASFC a fournies à titre de pièces.

11. L’ASFC a déposé un rapport d’expert préparé par Mme Kara Lyn Kotylak du Service des laboratoires judiciaires de la Gendarmerie royale du Canada. Les titres et qualités de Mme Kotylak en tant qu’expert en matière d’armes n’ont pas été contestés par M. Pak. Le Tribunal a reconnu à Mme Kotylak le titre d’expert en matière d’armes prohibées.

PLAIDOIRIE

12. M. Pak a soutenu que les pistolets en cause ne reproduisent pas le plus fidèlement possible des armes à feu. À l’appui de son affirmation, il a fait valoir que le canon du pistolet militaire M92F est orange et que le pistolet Glock 19 est argent. De plus, ce dernier est un pistolet qui tire au coup par coup et est alimenté par un mécanisme à ressort, tandis que l’arme à feu Glock réelle originale est semi-automatique, sa glissière se déplaçant automatiquement lorsqu’on appuie sur la détente. M. Pak a aussi renvoyé au rapport de Mme Kotylak à titre de preuve que le pistolet militaire M92F orange et le pistolet Glock 19 argent n’ont pas l’apparence exacte d’armes à feu, ou ne la reproduisent pas le plus fidèlement possible. Il a prétendu que les pistolets en cause devraient être réputés des armes à feu car ils peuvent infliger des lésions corporelles graves aux parties molles du corps, p. ex. le visage ou les yeux. Il a ajouté que la couleur est pour les fabricants une caractéristique importante pour distinguer un jouet sécuritaire et une arme à feu dangereuse. D’après M. Pak, le pistolet G19 au standard MILSPEC satisfait de plus près à la définition de réplique et serait correctement classé de cette façon.

13. L’ASFC a soutenu que les pistolets en cause satisfont à toutes les conditions énoncées dans la définition de « réplique » au sens du Code criminel et sont donc correctement classés à titre de « dispositifs prohibés ». Elle a aussi soutenu que la couleur ne peut être un facteur déterminant puisqu’on peut facilement la modifier avec de la peinture. Quant à l’argument de M. Pak selon lequel les pistolets en cause peuvent causer une « lésion corporelle grave »6 , l’ASFC a prétendu que la vitesse initiale des projectiles qu’ils lancent est inférieure au seuil requis pour être réputés des armes à feu.

DÉCISION

14. Pour décider si les pistolets en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9898.00.00, le Tribunal doit déterminer s’ils satisfont à la définition de « réplique » aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel. Pour satisfaire à cette définition, chacun des pistolets en cause doit remplir trois conditions : 1) il doit être un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence; 2) il ne doit pas être une arme à feu; 3) il ne doit pas être un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

15. L’ASFC a soutenu ce qui suit : 1) le pistolet militaire M92F, fabriqué par Tokyo Marui, du Japon, reproduit le plus fidèlement possible l’apparence des pistolets automatiques réels originaux de la série de pistolets Beretta M9; 2) le pistolet Glock 19, fabriqué par KSG, du Japon, reproduit le plus fidèlement possible l’apparence du pistolet semi-automatique réel original Glock 19; 3) le pistolet G19 au standard MILSPEC, fabriqué par KSG, du Japon, est conçu de façon à reproduire le plus fidèlement possible l’apparence du pistolet réel original Glock 19. L’ASFC a ajouté que la couleur orange du canon du pistolet militaire M92F et le fini argent du pistolet Glock 19 n’empêchent pas le Tribunal de conclure qu’on a voulu que ces pistolets reproduisent le plus fidèlement possible l’apparence d’une arme à feu.

16. Selon l’examen des pistolets en cause et des armes à feu réelles originales dont leur apparence est inspirée, effectué par le Tribunal, ces pistolets sont des reproductions fidèles des points de vue de la taille, de la forme et de l’apparence générale. Le Tribunal a aussi observé que plusieurs, sinon la totalité, des logos ou marques que portent les pistolets en cause étaient identiques ou semblables aux logos et marques que portent les armes à feu originales. Comme dans Vito V. Servello c. ADRC 7 et Don L. Smith c. ADRC 8 , le Tribunal est d’avis que la couleur ne peut être un facteur déterminant car il est facile de la modifier avec de la peinture.

17. Le Tribunal fait observer que, dans son rapport daté du 14 octobre 2004, Mme Kotylak a déterminé que l’apparence du pistolet militaire M92F « s’inspirait du pistolet semi-automatique Beretta 92F » [traduction] et que l’apparence du pistolet Glock 19 « s’inspirait du pistolet semi-automatique Glock 19 » [traduction]. Malgré ces ressemblances, il semble qu’elle a conclu que ces objets «  n’ont pas l’apparence exacte d’une arme à feu, ou ne la reproduisent pas le plus fidèlement possible » [traduction], en se fondant uniquement sur leur couleur9 . Le Tribunal fait cependant observer que l’ASFC a déposé une note de service datée du 26 janvier 2006 provenant de Mme Kotylak qui prévoit ce qui suit :

Les membres des sections de l’identification des armes à feu et des traces d’outil du Service des laboratoires judiciaires de la GRC se sont réunis, en janvier 2005, pour discuter des critères pertinents dans l’évaluation des objets pouvant être des répliques.

Il a été décidé que la couleur n’était plus un facteur probant dans la détermination des répliques et, par conséquent, dans la plupart des cas, qu’elle ne servirait pas à cette fin. Cette décision tient compte du fait que divers recouvrements couleur pour armes à feu après leur fabrication sont maintenant offerts sur le marché. En outre, certains fabricants offrent maintenant des armes à feu de diverses couleurs.

[Traduction]

18. Le Tribunal comprend que, selon l’ASFC, Mme Kotylak aurait déterminé que les pistolets en cause sont des « répliques », indépendamment de la question de leur couleur, si elle avait rédigé son rapport après janvier 2005.

19. Le Tribunal s’entend également avec l’ASFC pour dire que les pistolets réels originaux Beretta M9 et Glock 19 sont des armes à feu au sens du Code criminel car ce sont des armes qui peuvent tirer des balles et infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne. À la lumière de la définition de l’expression « arme à feu » qui se trouve à l’article 2 du Code criminel, le Tribunal est convaincu que les pistolets en cause satisfont à la première condition de la définition de « réplique », à savoir qu’il s’agit d’objets conçus de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auxquels on a voulu donner cette apparence.

20. L’ASFC a soutenu que les pistolets en cause ne sont pas des armes à feu puisque les projectiles qu’ils tirent ne peuvent pas infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne. Elle a soutenu que, pour être réputé une arme à feu et non pas une réplique, un fusil à vent, à ressort ou à gaz comprimé (couramment appelé « arme à air comprimé ») doit tirer un projectile à une vitesse initiale de plus de 124 mètres (407 pieds) par seconde. À l’appui de sa position, l’ASFC a renvoyé à une copie d’un message télécopié du 22 octobre 1999 provenant du laboratoire judiciaire central de la Gendarmerie royale du Canada. Parce que les pistolets en cause tirent des projectiles à une vitesse initiale inférieure au seuil susmentionné, le Tribunal s’entend avec l’ASFC pour dire qu’ils ne sont pas des armes à feu. À la lumière de la définition de l’expression « arme à feu » qui se trouve à l’article 2 du Code criminel, le Tribunal est convaincu que chacun des pistolets en cause satisfait à la deuxième condition de la définition de « réplique », à savoir qu’il n’est pas une arme à feu.

21. L’ASFC a soutenu que, parce qu’ils ont l’apparence de marchandises fabriquées après 1898, les pistolets en cause ne sont pas réputés être des objets conçus de façon à avoir l’apparence d’une arme à feu historique, ou auxquels on a voulu donner cette apparence. M. Pak n’a pas contesté cet argument. Le Tribunal est donc convaincu qu’il est satisfait à la troisième condition de la définition de « réplique », à savoir que chacun des pistolets en cause est un objet qui n’a pas été conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

22. Par conséquent, étant donné que les pistolets en cause satisfont aux trois conditions qui en font des « réplique[s] » aux termes du Code criminel, le Tribunal conclut qu’ils sont des dispositifs prohibés. Le Tribunal conclut donc que les pistolets en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9898.00.00 et, à ce titre, leur importation au Canada est interdite aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel et du paragraphe 136(1) du Tarif des douanes.

23. Pour les raisons qui précèdent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Gaz. C. 2006.I.1231.

5 . L.R.C. 1985, c. C-46.

6 . Pièce AP-2003-018-9A à la p. 3.

7 . (19 juin 2002), AP-2001-078 (TCCE).

8 . (26 septembre 2003), AP-2002-009 (TCCE).

9 . Le rapport d’expert de l’intimé, onglet 1 à la p. 2, prévoit ce qui suit : « Toutefois, le canon du pistolet airsoft, pièce 1, le pistolet militaire M92F, est orange plutôt que noir. Toutefois, le pistolet airsoft, pièce 2, le pistolet Glock 19, est de couleur argent et non pas noir » [traduction].