ALLIANCE RO-NA HOME INC.

Décisions


ALLIANCE RO-NA HOME INC.
c.
COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2003-020

Décision et motifs rendus
le mardi 25 mai 2004


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 23 février 2004 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada les 6 mai et 6 juin 2003 concernant des demandes de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

ALLIANCE RO-NA HOME INC.

Appelante

ET

 

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est admis.

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre présidant

Susanne Grimes
Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 23 février 2004

   

Membre du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

   

Conseiller pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Greffier :

Margaret Fisher

   

Ont comparu :

Michael A. Sherbo, pour l'appelante

 

Yannick Landry, pour l'intimé

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : (613) 993-4717
Télécopieur : (613) 990-2439
Courriel :

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 à l'égard de décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), les 6 mai et 6 juin 2003, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si diverses chaises portables2 sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9401.79.10 de l'annexe du Tarif des douanes 3 à titre d'autres sièges, avec bâti en métal, autres que rembourrés, pour usages domestiques, comme l'a déterminé l'ADRC, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 9401.79.90 à titre d'autres sièges, avec bâti en métal, autres que rembourrés, autres que pour usages domestique, comme l'a soutenu Alliance Ro-Na Home Inc. (Ro-Na).

2. La seule question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont « [p]our usages domestiques ».

3. La nomenclature pertinente du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

-Autres sièges, avec bâti en métal :

9401.79 --Autres

9401.79.10 ---Pour usages domestiques

9401.79.90 ---Autres

4. Des objets représentatifs des marchandises en cause ont été déposés comme pièces auprès du Tribunal. Il s'agit de chaises repliables ou pliantes faites de tissu de polyester et de métal tubulaire vendues avec un sac de transport à fermeture à cordonnet. Les chaises se replient, depuis leur position ouverte, et peuvent ensuite être mises dans le sac de transport. Cette fonctionnalité est assimilable à celle d'un parapluie que l'on referme et insère dans son étui.

PREUVE

5. M. Jean-Pierre Choquette, gérant de catégorie, Produits saisonniers, chez Ro-Na, a témoigné au nom de Ro-Na. Il achète les produits saisonniers, y compris les marchandises en cause, et est chargé de leur commercialisation. À son avis, les marchandises en cause servent surtout de sièges temporaires dans le cadre de divers événements de plein air, comme les feux d'artifice, les événements sportifs (parties de soccer ou de baseball, etc.) ou en camping. Ces chaises sont très populaires car une fois pliées et mises dans le sac de transport avec lequel elles sont vendues, elles sont peu encombrantes et se transportent facilement. Une étiquette apposée sur les chaises avertit de certaines contraintes de poids et d'utilisation; l'étiquette dit également ce qui suit : « LE PRÉSENT ARTICLE NE SATISFAIT PAS AUX EXIGENCES EN MATIÈRE D'INFLAMMABILITÉ PUBLIÉES DANS LE BULLETIN TECHNIQUE NO 117 DU BUREAU OF HOME FURNISHINGS DE LA CALIFORNIE. IL FAUT FAIRE PREUVE DE PRUDENCE PRÈS DE TOUTE FLAMME NUE OU DE CIGARETTES ALLUMÉES » [traduction]. D'après M. Choquette, les marchandises en cause ne conviennent pas pour un usage intérieur prolongé, que ce soit dans une maison ou dans un cadre institutionnel (p. ex. bureau, école, édifice commercial).

6. Mme Jill Biesenthal, chef d'équipe, Services techniques, Division des produits d'ameublement, Direction des produits commerciaux et de consommation, au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, a témoigné au nom de l'ADRC. Ses fonctions comprennent notamment l'achat de meubles pour le gouvernement du Canada. Elle a témoigné que les marchandises en cause ne conviennent pas pour un usage dans un cadre institutionnel.

PLAIDOIRIE

7. Ro-Na a soutenu que, pour que les marchandises en cause puissent être classées dans le numéro tarifaire 9401.79.10 (« [p]our usages domestiques »), elles doivent surtout servir pour des usages domestiques. À cet égard, le Tribunal devrait s'appuyer sur les décisions qu'il a rendues dans Alliance Ro-Na Home Inc. c. Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu Canada 4 et Costco Canada Inc. c. Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu Canada 5 . Ro-Na a soutenu que les éléments de preuve au dossier de l'espèce n'établissent pas que les marchandises en cause sont destinées à servir surtout pour un usage particulier quelconque, et encore moins pour un usage que l'on pourrait définir de façon probante comme étant visé par l'expression « pour usages domestiques ». Ro-Na a soutenu que les marchandises en cause peuvent donc être classés dans le numéro tarifaire 9401.79.90.

8. L'ADRC a soutenu que les marchandises en cause sont effectivement « [p]our usages domestiques » parce qu'elles « servent à des membres d'un ménage » ou à « monsieur et madame Tout-le-monde » autour de la maison ou en camping (un « second chez soi » selon les arguments) ou lors d'événements à l'extérieur où des membres d'un ménage sont présents.

9. À l'appui de leurs positions respectives, les parties ont renvoyé aux termes des positions nos 05.07, 63.06, 73.21, 85.09, 85.16 et 94.01, aux notes respectives de ces positions, de chapitre ou de section, ou aux Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 6 pertinentes.

DÉCISION

10. Le Tribunal reprend la position qu'il a adoptée dans Costco 7 et Ro-Na 8 selon laquelle il ne faut pas donner à l'expression « usages domestiques » une portée étroite. Cependant, le critère demeure que, pour être dénommées à ce titre, les marchandises doivent surtout servir pour des usages domestiques ou en tant qu'articles de ménage.

11. Ro-Na s'est acquittée du fardeau qui lui incombait d'établir que les marchandises en cause sont pour d'autres usages que pour usages domestiques. Les éléments de preuve au dossier ont convaincu le Tribunal qu'elles servent de sièges temporaires presque partout, mais principalement à l'extérieur, qu'il s'agisse d'un patio ou d'une terrasse, à l'occasion d'un événement sportif ou d'un feu d'artifice, ou dans le cadre d'activités telles que le camping. Le Tribunal fait observer que les marchandises en cause ne conviennent pas à un cadre institutionnel.

12. Le Tribunal observe que l'ADRC et ses témoins n'ont pas tenté de produire d'éléments de preuve, si ce n'est des définitions du mot « camping » que donnent les dictionnaires, pour établir que les marchandises en cause sont « pour usages domestiques », une question qui est, pour l'essentiel, une question de fait. Par conséquent, les éléments de preuve produits par Ro-Na n'ont pas été contrés par une déposition contraire convaincante, le cas échéant.

13. Le Tribunal conclut que, à la différence des sièges qui sont véritablement destinés à servir pour des usages domestiques, les marchandises en cause semblent devoir être pour des usages de toutes sortes sauf les usages domestiques. À cet égard, le Tribunal admet que l'avertissement qui précise que ces marchandises ne satisfont pas à la norme technique en matière d'inflammabilité constitue un des nombreux indices qu'elles ne sont pas recommandées, à tout le moins, pour des usages prolongés dans la maison, particulièrement si l'usager est un fumeur. Plus précisément, toutefois, le Tribunal est d'avis que les éléments de preuve établissent que la conception et les caractéristiques fondamentales des marchandises en cause (portables, compactes, légères, durables) permet à la personne qui s'en sert de les trimballer presque partout, comme moyen facile et commode de s'asseoir plutôt que de rester debout. Pour l'essentiel, le Tribunal ne peut s'empêcher d'observer que, d'après les éléments de preuve au dossier et ce qui est généralement connu, la liste des occasions où ces chaises seraient utiles semble presque sans fin (les endroits dont il a déjà été question, dans une file d'attente pour se procurer des billets de concert, sur une plage pour regarder l'océan, etc.).

14. Ce qui semble clair, toutefois, c'est que les chaises en cause ne sont pas conçues pour qu'une personne s'y assoie pendant de longues périodes, où que ce soit, et particulièrement pas dans la maison, l'endroit même qui, sans l'ombre d'un doute et par définition, constitue un cadre domestique. Rien n'indique que les marchandises en cause présentent les mêmes caractéristiques, des points de vue de leur aspect, confort, stabilité, ergonomie, sécurité-incendie, etc., que celles que l'on s'attend à trouver dans un siège servant dans un cadre domestique. De plus, parmi la multitude possible de lieux et de cadres où les marchandises en cause pourraient servir, la plupart se trouvent à l'extérieur des limites rigoureuses de la maison et de ses environs immédiats. À cet égard, le dossier ne renferme pas d'élément de preuve que les marchandises en cause pourraient même être considérées comme des meubles typiques de patio ou de jardin, ces lieux situés à l'extérieur des « quatre murs d'une maison » qui ont précédemment été qualifiés de « domestiques »9 .

15. En outre, les divers extraits de la nomenclature tarifaire (à l'exclusion des deux numéros tarifaires concurrents en question), des notes de position et de chapitre, ainsi que des Notes explicatives invoquées par les parties, n'ont guère été utiles au Tribunal. D'abord, aucun ne se rapportait directement à la position en litige. Un fait plus important, toutefois, est que les parties, l'ADRC la première, se sont appuyées sur ces extraits pour débattre de la question de savoir si le camping était une activité domestique. Le Tribunal n'est pas convaincu que le camping est une activité domestique, et même si elle l'était, étant donné les divers autres cadres qui ne sont pas domestiques et où les marchandises en cause sont utilisées, le Tribunal est d'avis qu'il serait impossible de les dénommer comme étant pour usages domestiques simplement du fait qu'un de leurs nombreux usages pourrait être de s'asseoir à l'occasion dans la maison, autour de la maison ou en camping.

16. Aux fins de la sous-position no 9401.79, les sièges sont soit pour usage domestique soit pour d'autres usages. Le critère demeure donc le suivant : leur principal usage est-il domestique? Le Tribunal ne concluant pas que les marchandises en cause servent principalement dans la maison ou autour de la maison ni même, par extension, en camping, la question de savoir si cette activité est une activité domestique n'a guère d'incidence sur le classement des marchandises en cause. Le Tribunal reconnaît que la nomenclature tarifaire, à plusieurs reprises, établit une distinction entre les marchandises domestiques et les articles de camping, mais la sous-position en litige comprend simplement deux numéros tarifaires concurrents, un pour les sièges qui sont « [p]our usages domestiques », l'autre pour les « [a]utres ». Où les « sièges de camping » seraient-ils dénommés, si de telles choses existaient? La question déborde la portée du présent appel, puisqu'il n'a pas été établi que les marchandises en cause sont des « sièges de camping ». En réalité, les deux parties conviennent que les marchandises en cause peuvent servir dans des cadres divers, y compris, sans s'y limiter, en camping.

17. Enfin, le Tribunal ne voit pas comment la présence des membres d'un ménage à une activité quelconque transforme cette activité en une activité domestique. Sans avoir produit d'éléments de preuve convaincants en ce sens, si elle en a produit, l'ADRC a affirmé que, parce qu'elles servent à des « membres d'un ménage » dans le cadre d'une activité censément familiale, comme une partie de soccer, les marchandises en cause deviennent des marchandises domestiques. Le Tribunal conclut qu'un tel point de vue est dénué de fondement, dans les faits et en droit, et le rejette.

18. Dans l'ensemble, le Tribunal n'accepte pas la ligne de pensée très élastique que l'ADRC voudrait qu'il donne à l'expression « cadre domestique ».

19. Par conséquent, étant donné qu'il a été établi que les marchandises en cause sont des marchandises autres que pour usages domestiques et que peu ou pas d'éléments de preuve convaincants du contraire n'ont été produits, lesdites marchandises doivent être classées dans le numéro tarifaire 9401.79.90.

20. Pour les motifs qui précèdent, l'appel est admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . Pour une description précise des marchandises en cause, voir Transcription de l'audience publique, 23 février 2004 à la p. 4.

3 . L.C. 1997, c. 36.

4 . (17 septembre 2002), AP-2001-065 (TCCE) [Ro-Na].

5 . (11 janvier 2001), AP-2000-015 (TCCE) [Costco].

6 . Conseil de coopération douanière, 2éd., Bruxelles, 1996 [Notes explicatives].

7 . Dans Costco, la question en litige était semblable à celle dans le présent appel : à savoir si les marchandises en cause étaient pour usages domestiques. Le Tribunal a interprété l'expression « pour usages domestiques » comme signifiant des marchandises destinées à servir à l'extérieur « des quatre murs d'une maison », sous réserve que leur but premier soit de servir à des personnes dans un cadre domestique. Le critère à appliquer a donc été établi, à savoir si les caractéristiques physiques, la conception et le prix des marchandises indiquaient une utilisation dans un cadre domestique. Les marchandises avaient alors été comparées à des bancs de parc.

8 . Le Tribunal est d'avis que Ro-Na vient simplement confirmer Costco. Le Tribunal a conclu que les chaises pliantes dans Ro-Na étaient des chaises autres que pour usages domestiques parce que leur but principal, d'après leur construction, leurs caractéristiques de conception et leur commercialisation, était de servir de siège temporaire. Les marchandises avaient été comparées à des chaises pliantes semblables utilisées dans un cadre commercial; malgré certaines différences du point de vue de leur robustesse, le Tribunal a décidé qu'elles étaient des marchandises pour usages autres que domestiques.

9 . Voir Costco et Ro-Na.