KING WEST COMMUNICATIONS INC.

Décisions


KING WEST COMMUNICATIONS INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-2002-007


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mardi 1er avril 2003

Appel no AP-2002-007

EU ÉGARD À un appel entendu le 15 janvier 2003 aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, c. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 7 février 2002 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.17 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

KING WEST COMMUNICATIONS INC. Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre présidant

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel porte sur un avis de décision daté du 7 février 2002 qui a rejeté la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale payée en trop au motif que les documents nécessaires pour appuyer la demande n'avaient pas été produits.

DÉCISION : L'appel est rejeté. King West Communications Inc. n'a pas produit d'éléments de preuve suffisants pour appuyer sa demande, comme des factures précisant la valeur monétaire des produits vendus comme articles de représentation. Le Tribunal est d'avis qu'il incombait à King West Communications Inc. d'établir la preuve prima facie du bien-fondé de sa demande de la taxe présumément versée par erreur. Les éléments de preuve présentés par King West Communications Inc. n'ont pas établi une telle preuve.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 15 janvier 2003

Date de la décision :

Le 1er avril 2003

   

Membres du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

 

Zdenek Kvarda, membre

 

Ellen Fry, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Michèle Hurteau

   

Greffier :

Margaret Fisher

   

Parties :

Michael Kaylor, pour l'appelante

 

Jean-Robert Noiseux, pour l'intimé

MOTIFS DE LA DÉCISION

La question en litige dans le présent appel, interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise 1 , consiste à savoir si King West Communications Inc. (King West) a droit au remboursement de la taxe de vente fédérale versée par erreur sur des articles de représentation en vertu de l'article 68. Le 11 août 1992, King West a déposé une demande de remboursement au montant de 45 198,54 $ au titre de taxe de vente fédérale payée en trop sur des articles de représentation. Le 9 juillet 1999, le ministre du Revenu national (le ministre) a délivré un avis de décision et rejeté la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale payée en trop au motif que les documents nécessaires pour appuyer la demande n'avaient pas été produits. Le 20 juillet 1999, King West a signifié un avis d'opposition. Le 7 février 2002, le ministre a délivré un avis de décision et rejeté la demande au motif que la demande de remboursement n'était pas appuyée par les livres et les registres requis conformément aux paragraphes 98(1), 98(2) et 98(2.1) de la Loi. L'appel est interjeté à l'égard de cette décision.

PLAIDOIRIE

King West a soutenu qu'elle a droit au remboursement de la taxe de vente fédérale qu'elle a versée par erreur sur les articles de représentation qu'elle a fabriqués, en vertu de l'article 68 de la Loi et ainsi que l'a confirmé la Cour d'appel fédérale dans Ministre du Revenu national (Douane et Accise) c. Baird (Tom) & Associates 2 . King West a fait observer que la décision avait été fondée sur le fait qu'elle n'avait pas présenté suffisamment de documents à l'appui de sa demande.

Dans son avis d'opposition, King West a soutenu avoir payé la taxe à l'égard de certaines transactions ouvrant droit à un remboursement, ce que le ministre avait reconnu. Elle a ajouté que le ministre, en retenant la taxe admissible au remboursement, allait à l'encontre des principes d'équité. Elle a invoqué une décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Hickman Motors c. Canada 3 à l'appui de son argument selon lequel, bien qu'elles soient utiles pour appuyer l'admissibilité d'un contribuable au remboursement, les factures commerciales ne sont pas essentielles. À son avis, les registres et les rapports de vérification mêmes du ministre fournissaient la preuve relative au montant de taxe qu'elle a versé. King West a aussi invoqué Hickman Motors pour montrer que, lorsque le contribuable s'est acquitté du fardeau initial de la preuve qu'il a droit à un remboursement, le fardeau de la preuve était passé au ministre. Elle a soutenu qu'elle allait présenter sa preuve prima facie en se fondant sur les rapports de vérification et sur le témoignage d'anciens cadres de King West. Le ministre a fait opposition à l'appel au motif qu'il incombait à King West d'établir qu'elle avait droit au remboursement demandé. Il a soutenu que, étant donné que le mémoire de King West avait été radié du dossier et qu'il n'était pas permis à cette dernière de présenter de témoignage de vive voix, King West ne s'était pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait d'établir qu'elle avait droit de recevoir le remboursement. De plus, King West n'a pas établi de preuve prima facie du bien-fondé de sa demande. Par conséquent, King West n'est pas admissible à recevoir le remboursement et l'appel doit être rejeté.

DÉCISION

Question préliminaire

Le 23 juillet 2002, King West a déposé son mémoire. Le 20 août 2002, dans une lettre au Tribunal, le ministre a soutenu que le mémoire de King West ne contenait que très peu de détails et qu'il était donc difficile au ministre de préparer son mémoire, de pleinement comprendre les motifs soulevés et de présenter au Tribunal tous les renseignements nécessaires pour que ce dernier statue sur le bien-fondé de l'appel. De plus, King West avait précisé dans son mémoire qu'elle allait s'appuyer sur des témoignages présentés à l'audience pour justifier son admissibilité au remboursement. Elle n'a nullement indiqué quel type d'élément de preuve elle allait soumettre. Le ministre a demandé l'autorisation de procéder à un interrogatoire « hors cour » d'un représentant de King West ainsi qu'un report du délai de dépôt de son mémoire.

Le 26 août 2002, le Tribunal a fait savoir aux parties que les Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 4 ne prévoient pas d'interrogatoire « hors cour » des témoins durant la procédure d'appel. Il a aussi statué que le mémoire de King West ne suffisait pas pour satisfaire aux critères énoncés à l'article 34. Le Tribunal a fait observer que King West avait laissé entendre qu'elle avait l'intention de « s'appuyer sur des témoignages présentés à l'audience pour justifier son admissibilité au remboursement » [traduction] sans donner de renseignements sur la teneur de ces témoignages. Il a ordonné à King West de déposer, au plus tard le 20 septembre 2002, un mémoire modifié conforme aux critères établis à l'article 34. Le Tribunal a indiqué que, s'il ne satisfaisait pas à ces critères, le mémoire de King West serait radié du dossier et il serait statué sur l'appel à la lumière du reste du dossier. N'ayant pas reçu le mémoire modifié à la date prescrite, le 30 septembre 2002, le Tribunal a avisé les parties que le mémoire existant de King West avait été radié du dossier et qu'il allait statuer sur l'affaire à la lumière du reste du dossier, sans entendre la preuve orale de King West. Le ministre a déposé son mémoire le 18 octobre 2002.

Dans une lettre du 19 novembre 2002, le ministre a demandé que le Tribunal statue sur le bien-fondé de la cause à la lumière des documents déposés. Il a soutenu qu'une audience orale n'était pas nécessaire, puisque King West n'allait pas être autorisée à présenter de témoignages et que le ministre n'allait pas convoquer de témoins. Le 20 novembre 2002, King West a donné avis qu'elle ne s'opposait pas à ce que le Tribunal statue sur l'appel sur la foi des documents déjà déposés auprès du Tribunal. Le 15 janvier 2003, le Tribunal a statué sur l'affaire sans tenir d'audience orale, sur la foi des documents déjà déposés.

Décision sur le bien-fondé

Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

68. Lorsqu'une personne, sauf à la suite d'une cotisation, a versé des sommes d'argent par erreur de fait ou de droit ou autrement, et qu'il a été tenu compte des sommes d'argent à titre de taxes, de pénalités, d'intérêts ou d'autres sommes en vertu de la présente loi, un montant égal à celui de ces sommes doit, sous réserve des autres dispositions de la présente partie, être payé à cette personne, si elle en fait la demande dans les deux ans suivant le paiement de ces sommes.

98. (1) Quiconque :

a) est tenu par la présente loi, ou conformément à celle-ci, de payer ou de percevoir des taxes ou autres sommes ou d'apposer ou oblitérer des timbres;

b) présente une demande en vertu de l'un ou l'autre des articles 68 à 70,

doit tenir des registres et livres de comptes, en anglais et en français, à son établissement au Canada selon la forme et renfermant les renseignements qui permettent de déterminer le montant des taxes et les autres sommes qui auraient dû être payées ou perçues, le montant des timbres qui auraient dû être apposés ou oblitérés ou le montant éventuel de tout drawback accordé, de tout paiement effectué ou de toute déduction accordée par lui ou à lui, ou susceptible de l'être.

(2) Quiconque est requis, aux termes du paragraphe (1) de tenir des registres et livres de compte doit conserver tous les registres et livres de compte de ce genre, ainsi que tout compte et toute pièce justificative nécessaires à la vérification des renseignements y contenus, pendant six ans suivant la fin de l'année civile à l'égard de laquelle les documents en cause ont été tenus sauf autorisation écrite du ministre de s'en départir avant la fin de cette période.

(2.1) Nonobstant le paragraphe (2), lorsqu'une personne requise par le paragraphe (1) de tenir des registres et livres de comptes signifie un avis d'opposition en vertu de l'article 81.15 ou 81.17 ou est partie à un appel aux termes de la présente partie, elle doit conserver ces registres et livres de comptes ainsi que chaque compte et pièce justificative nécessaires à la vérification des renseignements qui y sont contenus jusqu'à ce que l'opposition ou l'appel aient été définitivement tranchés, par voie d'appel ou autrement.

Le Tribunal fait observer que le ministre a rejeté la demande de remboursement de la taxe de vente fédérale au motif que King West n'avait pas soumis les « registres et livres de comptes ainsi que chaque compte et pièce justificative nécessaires à la vérification des renseignements qui y sont contenus » contrairement à ce que prévoit le paragraphe 98(2.1) de la Loi. Dans son avis d'opposition, King West a invoqué Hickman Motors à l'appui de son argument selon lequel, bien qu'elles fussent utiles pour appuyer l'admissibilité d'un contribuable à un remboursement, les factures commerciales ne sont pas essentielles.

Il convient de prendre note que, dans Hickman Motors, tout en acceptant que « le témoignage crédible d'un contribuable suffit, malgré l'absence de documents »5 , la Cour suprême du Canada a statué que tel était le cas lorsque la Loi de l'impôt sur le revenu 6 n'exige aucun document d'appui. On peut établir une distinction claire entre l'espèce et Hickman Motors, puisque le Tribunal a affaire à une situation où la loi pertinente exige des pièces justificatives. Les dispositions de l'article 98 de la Loi obligent le contribuable à conserver les documents justificatifs pendant six ans ou jusqu'à ce que toute opposition ou tout appel pertinent aient été définitivement tranchés, y compris l'appel dont le Tribunal est maintenant saisi7 .

Le Tribunal est d'avis que les dispositions de l'article 98 de la Loi indiquent que le Parlement exige que les demandes présentées en vertu de la Loi soient appuyées par une preuve documentaire. Les pièces au dossier incluent la demande de remboursement présentée par King West y compris, en pièce jointe, un résumé de sa réclamation. Bien que les pièces qu'elle a déposées aient établi les motifs de sa demande, King West n'a pas présenté de documents pour appuyer ses prétentions, comme des factures précisant la valeur monétaire des produits vendus comme articles de représentation. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que la preuve documentaire déposée ne suffit pas pour appuyer la demande de King West.

En ce qui concerne la question du fardeau de la preuve, comme dans Prolith Incorporated 8 , le Tribunal est d'avis qu'il incombait à King West d'établir la preuve prima facie du bien-fondé de sa demande de la taxe présumément versée par erreur. Les éléments de preuve déposés auprès du Tribunal n'ont pas établi une telle preuve prima facie pour King West. Par conséquent, l'appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985, c. E-15 [ci-après Loi].

2 . (1997), 221 N.R. 201.

3 . [1997] 2 R.C.S. 336 [ci-après Hickman Motors].

4 . D.O.R.S./91-499.

5 . Supra note 3 à la p. 376.

6 . L.R.C. 1970, c. I-5.

7 . Voir aussi Les Pignons L.V.M. du Québec Inc. c. MRN (19 août 2002), AP-93-315 (TCCE).

8 . Prolith Incorporated c. MRN (3 octobre 2002), AP-99-039 et AP-99-058 (TCCE).