STANLEY T. WONG

Décisions


STANLEY T. WONG
c.
COMMISSAIRE DE L’AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2002-102

Décision et motifs rendus
le mercredi 12 juillet 2006


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 8 juin 2006 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada le 4 octobre 2002 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

STANLEY T. WONG

Appelant

ET

 

LE COMMISSAIRE DE L’AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 8 juin 2006

   

Membre du Tribunal :

Zdenek Kvarda, membre présidant

   

Gestionnaire de la recherche :

Paul R. Berlinguette

   

Conseiller pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Agent du greffe :

Stéphanie Doré

   

Parties :

Stanley T. Wong, pour l’appelant

 

Richard Casanova et Sonia Barrette, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue par le commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) (maintenant le président de l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC]) le 4 octobre 2002 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’ADRC a correctement classé les pistolets en cause dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre de dispositifs prohibés. Les pistolets en cause sont deux pistolets Heckler & Koch USP et un pistolet SG Polizei P228.

3. Le Tribunal a décidé de tenir une audience sur pièces en vertu des articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 . Un avis à cet effet a été publié dans la Gazette du Canada du 20 mai 20064 .

4. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

5. Le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit ce qui suit :

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, [...]

[...]

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel [...]

6. Le paragraphe 84(1) du Code criminel 5 prévoit qu’un « dispositif prohibé » comprend, entre autres, une réplique, laquelle est définie ainsi :

“replica firearm” means any device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, a firearm, and that itself is not a firearm, but does not include any such device that is designed or intended to exactly resemble, or to resemble with near precision, an antique firearm.

« réplique » Tout objet, qui n’est pas une arme à feu, conçu de façon à en avoir l’apparence exacte — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence. La présente définition exclut tout objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique — ou à la reproduire le plus fidèlement possible — ou auquel on a voulu donner cette apparence.

7. L’article 2 du Code criminel définit « arme à feu » ainsi :

“firearm” means a barrelled weapon from which any shot, bullet or other projectile can be discharged and that is capable of causing serious bodily injury or death to a person, and includes any frame or receiver of such a barrelled weapon and anything that can be adapted for use as a firearm.

« arme à feu » Toute arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile, d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne, y compris une carcasse ou une boîte de culasse d’une telle arme ainsi que toute chose pouvant être modifiée pour être utilisée comme telle.

8. Le paragraphe 84(1) du Code criminel définit « arme à feu historique » ainsi :

“antique firearm” means

(a) any firearm manufactured before 1898 that was not designed to discharge rim-fire or centre-fire ammunition and that has not been redesigned to discharge such ammunition, or

(b) any firearm that is prescribed to be an antique firearm.

« arme à feu historique » Toute arme à feu fabriquée avant 1898 qui n’a pas été conçue ni modifiée pour l’utilisation de munitions à percussion annulaire ou centrale ou toute arme à feu désignée comme telle par règlement.

PREUVE

9. M. Stanley T. Wong a tenté d’importer les pistolets en cause par la poste. Les deux pistolets Heckler & Koch USP sont des pistolets à ressort noirs. Le pistolet SG Polizei P228 est lui aussi un pistolet à ressort, en plastique noir.

10. L’ASFC a déposé les pistolets en cause à titre de pièces, et le Tribunal les a examinés. Le Tribunal a aussi examiné les armes à feu réelles dont les pistolets en cause sont censés avoir l’apparence, que l’ASFC a fournies à titre de pièces.

11. L’ASFC a déposé un rapport d’expert préparé par M. John William Marshall du Service des laboratoires judiciaires de la Gendarmerie royale du Canada. Les titres et qualités de M. Marshall en tant qu’expert en matière d’armes n’ont pas été contestés par M. Wong. Le Tribunal a reconnu à M. Marshall le titre d’expert en matière d’armes prohibées.

PLAIDOIRIE

12. M. Wong a soutenu que les pistolets en cause ne devraient pas être prohibés car ils servent dans des jeux tactiques et que beaucoup de ses amis et collègues étudiants possèdent de tels jouets. Il a ajouté que le Tribunal devrait considérer les pistolets en cause comme des jouets et non pas des articles dangereux.

13. L’ASFC a soutenu que les pistolets en cause satisfont à toutes les conditions énoncées dans la définition de « réplique » au sens du Code criminel et sont donc des dispositifs prohibés.

DÉCISION

14. Pour décider si les pistolets en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9898.00.00, le Tribunal doit déterminer s’ils satisfont à la définition de « réplique » aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel. Pour satisfaire à cette définition, chacun des pistolets en cause doit remplir trois conditions : 1) il doit être un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence; 2) il ne doit pas être une arme à feu; 3) il ne doit pas être un objet conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

15. L’ASFC a soutenu que le pistolet Heckler & Koch USP, dans sa version Hop-Up, est conçu comme une réplique grandeur nature du pistolet semi-automatique réel original qui porte ce nom et que le pistolet SG Polizei P228 est conçu d’après le pistolet semi-automatique SIG-Sauer P228 réel original. Elle a prétendu que les pistolets en cause sont des objets conçus de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auxquels on a voulu donner cette apparence. À son avis, le rouge à l’extrémité des pistolets en cause ne les distingue pas suffisamment des armes à feu originales. Comme dans Vito V. Servello c. ADRC 6 , elle a soutenu que le Tribunal devrait tenir compte des caractéristiques visibles globales des pistolets en cause et ne pas tenir compte des caractéristiques qui ne sont pas visibles. Selon l’examen des pistolets en cause et des armes à feu réelles originales dont leur apparence est inspirée, effectué par le Tribunal, ces pistolets sont des reproductions fidèles des points de vue de la taille, de la forme et de l’apparence générale.

16. Même si M. Wong a prétendu que les pistolets en cause sont, pour l’essentiel, des jouets, le Tribunal fait observer qu’il reconnaît le réalisme de leur apparence. En ce qui a trait à la pièce rouge située à l’extrémité du canon des pistolets en cause, le Tribunal est d’avis qu’elle ne les rend pas suffisamment différentes des armes à feu réelles. Dans son rapport, M. Marshall indiquait que les pistolets en cause sont des objets conçus de façon à reproduire le plus fidèlement possible l’apparence des pistolets semi-automatiques réels originaux, ou auxquels on a voulu donner cette apparence.

17. Le Tribunal s’entend avec l’ASFC pour dire que le pistolet semi-automatique Heckler & Koch USP et le pistolet semi-automatique SIG-Sauer P228 sont des armes à feu au sens du Code criminel car ils sont des armes qui, grâce à un canon, tirent des balles et peuvent infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne. À la lumière de la définition de l’expression « arme à feu » qui se trouve à l’article 2 du Code criminel, le Tribunal est convaincu que les pistolets en cause satisfont à la première condition de la définition de « réplique », à savoir qu’il s’agit d’objets conçus de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auxquels on a voulu donner cette apparence.

18. L’ASFC a soutenu que les pistolets en cause ne sont pas des armes à feu puisque les projectiles qu’ils tirent ne peuvent pas infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne, comme le prévoit la définition de l’expression « arme à feu » qui se trouve à l’article 2 du Code criminel. Le Tribunal s’entend avec l’ASFC pour dire que, pour être réputé une arme à feu, un pistolet airsoft doit tirer des projectiles à une vitesse initiale de plus de 124 mètres (407 pieds) par seconde. Parce qu’ils tirent des projectiles à une vitesse initiale inférieure au seuil susmentionné7 , le Tribunal est d’avis que les pistolets en cause ne sont pas des armes à feu. À la lumière de la définition de l’expression « arme à feu » qui se trouve à l’article 2 du Code criminel, le Tribunal est convaincu que chacun des pistolets en cause satisfait à la deuxième condition de la définition de « réplique », à savoir qu’il n’est pas une arme à feu.

19. L’ASFC a soutenu que les pistolets en cause ne sont pas des objets conçus de façon à avoir l’apparence d’une arme à feu historique, ou auxquels on a voulu donner cette apparence, car les armes à feu originales dont leur apparence est inspirée ont été fabriquées après 1898. M. Wong n’a pas contesté cet argument. Le Tribunal est donc convaincu qu’il est satisfait à la troisième condition de la définition de « réplique », à savoir que chacun des pistolets en cause n’est pas un objet qui a été conçu de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu historique, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

20. Par conséquent, étant donné que les pistolets en cause satisfont aux trois conditions qui en font des « réplique[s] » aux termes du Code criminel, le Tribunal conclut qu’ils sont des dispositifs prohibés. Le Tribunal conclut donc que les pistolets en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9898.00.00 et, à ce titre, leur importation au Canada est interdite aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel et du paragraphe 136(1) du Tarif des douanes.

21. Pour les raisons qui précèdent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Gaz. C. 2006.I.1231.

5 . L.R.C. 1985, c. C-46.

6 . (19 juin 2002), AP-2001-078 (TCCE).

7 . Le relevé détaillé de rajustement indiquait que, pour être réputée une arme à feu réelle, l’arme doit tirer un projectile à une vitesse initiale de plus de 124 mètres par seconde (407 pieds par seconde). Selon le rapport de M. Marshall, les pistolets en cause ne satisfont pas à ce critère.