PURATOS CANADA INC.

Décisions


PURATOS CANADA INC.
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2002-117


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 13 février 2004

Appel no AP-2002-117

EU ÉGARD À un appel entendu le 17 novembre 2003 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada les 7, 23 et 24 janvier 2003 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

PURATOS CANADA INC. Appelante

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.

Patricia M. Close
Patricia M. Close
Membre présidant

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes à l'égard des décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada concernant l'importation de divers additifs alimentaires le 9 février 1998. Les produits importés se composent de quatre aromatisants utilisés dans la préparation de pain au levain : deux poudres (Othello et Traviata) et deux liquides (Fidelio et Panarome LW). Dès le début de l'audience, Puratos Canada Inc. a retiré son appel en ce qui a trait au Panarome LW.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Les aromatisants Puratos, qui étaient l'objet du présent appel, sont correctement classés dans la position no 21.06 d'après la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé. La position no 19.01 ne s'applique pas parce que les marchandises n'ont pas satisfait au critère à deux volets établi dans les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises de la position no 19.01 et selon lequel les produits doivent être à base de farines et tirer leur caractère essentiel des farines. Selon le Tribunal, les marchandises n'ont pas satisfait au deuxième volet du critère.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 17 novembre 2003

Date de la décision :

Le 13 février 2004

   

Membre du Tribunal :

Patricia M. Close, membre présidant

   

Conseiller pour le Tribunal :

Reagan Walker

   

Greffier :

Margaret Fisher

   

Ont comparu :

Michael A. Sherbo, pour l'appelante

 

Tatiana Sandler, pour l'intimé

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 à l'égard de décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire), aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, concernant l'importation de divers additifs alimentaires le 9 février 1998. Les produits importés se composent de quatre aromatisants utilisés dans la préparation de pain au levain : deux poudres (Othello et Traviata) et deux liquides (Fidelio et Panarome LW). Dès le début de l'audience, Puratos Canada Inc. (Puratos) a retiré son appel en ce qui a trait au Panarome LW.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 2106.90.99 de l'annexe du Tarif des douanes 2 à titre d'autres préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs, comme l'a déterminé le commissaire, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 1901.90.20 à titre de préparations alimentaires de farines non dénommées ni comprises ailleurs, comme l'a soutenu Puratos.

La nomenclature pertinente prévoit ce qui suit :

19.01 Extraits de malt; préparations alimentaires de farines, gruaux, semoules, amidons, fécules ou extraits de malt, ne contenant pas de cacao ou contenant moins de 40 % en poids de cacao calculés sur une base entièrement dégraissée, non dénommées ni comprises ailleurs; préparations alimentaires de produits des nos 04.01 à 04.04, ne contenant pas de cacao ou contenant moins de 5 % en poids de cacao calculés sur une base entièrement dégraissée, non dénommées ni comprises ailleurs.

1901.90 -Autres

1901.90.20 ---Préparations alimentaires de farines, de semoules, d'amidons, de fécules ou d'extraits de malt

21.06 Préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs.

2106.90 -Autres

2106.90.99 ----Autres

PREUVE

Aucun objet déposé comme pièce n'a été soumis au Tribunal. Plutôt, Puratos a déposé des fiches techniques qui décrivent chacun des produits3 . Les marchandises en cause ont aussi été décrites en détail dans des rapports de laboratoire déposés par les experts au nom du commissaire4 . Aux fins des présents motifs, les marchandises en cause sont décrites ainsi :

· Fidelio : aromatisant de levain de pâte de blé liquide concentré, fait à partir d'une fermentation de levure naturelle de farine de blé, devant être utilisé dans une proportion de 10 p. 100 en poids de la farine

· Othello : aromatisant de levain de pâte de malt en poudre concentré, fait à partir d'une fermentation de levure naturelle de farine de seigle, devant être utilisé dans une proportion de 1 à 5 p. 100 en poids de la farine

· Traviata : aromatisant de levain de pâte de style croûté en poudre concentré, fait à partir d'une fermentation de levure naturelle de farine de seigle, devant être utilisé dans une proportion de 1 à 3 p. 100 en poids de la farine

Au nom de Puratos, Mme Marion Wick5 a témoigné que les marchandises en cause étaient fabriquées directement à partir de farines dans un traitement de fermentation comportant des farines, de l'eau et des cultures de levain; que sauf l'eau, la farine est le principal ingrédient du produit après la fermentation; que les marchandises servent en panification à rehausser le pain en lui conférant une saveur de levain. Elle a expliqué que les cultures de levain sont des micro-organismes concentrés qui « exécutent » le traitement de fermentation; elles séparent les substances nutritives contenues dans la farine (sucres et protéines) en acides organiques, alcools et amino-acides. Interrogée dans le cadre du contre-interrogatoire à savoir s'il est généralement établi dans l'industrie boulangère que l'acide lactique (des bactéries lactiques [BL]), pour l'essentiel, confère au pain de levain sa saveur aigre, Mme Wick a répondu qu'il s'agissait là d'une simplification exagérée et que la saveur était attribuable à l'ensemble de la combinaison d'acides et d'alcools, y compris ceux dérivés des amino-acides de la farine, et non uniquement à l'acide lactique.

Au nom du commissaire, M. Philippe St-Amour6 a témoigné qu'il avait analysé les produits Othello et Fidelio dans le but d'évaluer si ces produits contenaient de la farine, en procédant à des essais (par observation microscopique, électrophorèse et chromatographie par échange d'ions) de détection de la présence des principaux éléments constitutifs de la farine, c'est-à-dire l'amidon et les protéines; qu'à la lumière des essais susmentionnés, il ne restait plus de farine dans les produits; que le caractère essentiel des produits était l'odeur très marquée émanant des acides lactiques et acétiques.

M. Wendell Ward7 a témoigné avoir analysé la composition chimique du produit Traviata et avoir décelé des amidons et des sucres, ce qui signifie que le Traviata est un produit à base de farines. Toutefois, lorsqu'il a appris que le produit ne représentait que 2 ou 3 p. 100 en poids du mélange à pain, il a révisé son avis et a affirmé que le Traviata était utilisé pour conférer la saveur aigre, associée à sa teneur en acide lactique, et non pour la farine présente dans ce produit. La farine avait simplement servi de support à la fermentation, et toute farine résiduelle était sans importance en ce qui concerne la saveur de levain conférée par le produit.

M. Pierre Gélinas8 a témoigné qu'à son avis, la farine ne constituait pas l'ingrédient fondamental des marchandises en cause. Plutôt, la farine était simplement un support dans la fermentation visant à produire une pâte contenant la saveur de levain recherchée. En réalité, Puratos avait ajouté des bactéries spécifiques à la base de farine du produit pour « orienter » le goût du consommateur, et les bactéries, et non la farine, constituaient à cet égard l'élément important. En contre-interrogatoire, il a ajouté que, dans le cas des poudres, le traitement de séchage à haute température afférent à leur fabrication donnait un produit plus proche de la levure autolysée que de la pâte9 . À son avis, les produits ne sont pas des produits à base de farines, mais plutôt à base des composés aromatiques présents après le traitement final, leur ingrédient le plus important étant les BL.

PLAIDOIRIE

Puratos prétend que les marchandises en cause sont des préparations alimentaires de farines non dénommées ni comprises ailleurs, au sens du numéro tarifaire 1901.90.20. À l'appui de sa prétention, elle souligne le sens censément ordinaire du libellé du numéro tarifaire qui, selon elle, doit prévaloir sur toutes autres Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 10 contradictoires. D'après son exposé, une préparation alimentaire est « de farines » si elle provient ou dérive de farines, ce qui est le cas des marchandises en cause.

Puratos invoque diverses Notes explicatives qui, d'après elle, se rapportent directement à la position no 19.01. Les Notes explicatives du Chapitre 19 prévoient que « [l]e présent Chapitre comprend un ensemble de produits ayant généralement le caractère de préparations alimentaires, obtenues [...] directement [...] à partir de produits du Chapitre 11 » (c.-à-d. de farines). Puratos prétend que ses produits sont obtenus directement à partir de farines par l'intermédiaire de la fermentation. Les Notes explicatives de la position no 19.01 prévoient que « [c]ette position couvre un ensemble de préparations alimentaires à base de farines, de semoules, d'amidons, de fécules ou d'extraits de malt, qui tirent leur caractère essentiel de ces constituants, que ceux-ci prédominent ou non en poids ou en volume. » Puratos prétend que l'expression « base de farines », au sens des Notes explicatives, signifie que les farines doivent représenter l'ingrédient principal, ce qui est le cas de toutes les marchandises en cause, comme le montrent les éléments de preuve.

D'une façon similaire, Puratos a aussi invoqué d'autres notes explicatives moins directement pertinentes. Les Notes explicatives de la position no 11.02 (Farines de céréales autres que de froment [blé] ou de méteil) prévoient que « [l]es farines qui ont été soumises à des traitements complémentaires ou qui ont fait l'objet d'autres additions en vue d'être utilisées comme préparations alimentaires relèvent généralement du no 19.01. » Une affirmation identique se retrouve dans les Notes explicatives de la position no 11.01 (Farines de froment [blé] ou de méteil). Puratos souligne que, d'après les éléments de preuve, la fermentation était un traitement au sens des Notes explicatives.

Le commissaire soutient que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 2106.90.99 à titre d'autres préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs. Ce faisant, il invoque l'Avis de classement 2106.90/211 au sujet du Vitamix, un additif pour farines de céréales contenant de la vitamine B1, et dans lequel il est déterminé que de tels additifs doivent être classés dans la sous-position no 2106.90. L'implication en l'espèce est que les additifs aromatisants sont analogues aux additifs qui donnent un supplément alimentaire et doivent être classés d'une façon similaire.

Le commissaire prétend que la position no 19.01 ne conviendrait pas en l'espèce, pour plusieurs raisons. Premièrement, le fait que les préparations alimentaires doivent être « de farines » ne signifie pas que toutes les marchandises qui contiennent des farines à une certaine étape de leur fabrication doivent être classées dans cette position; une telle interprétation est très large et va à l'encontre de l'intention du législateur. Deuxièmement, les Notes explicatives de la position no 19.01 citées auparavant imposent l'application d'un critère à deux volets : (1) le produit doit être un produit « à base de farines »; (2) le produit doit tirer son caractère essentiel de ces farines, que ces dernières soient ou non l'ingrédient prédominant.

Le commissaire prétend que les marchandises en cause ne sont pas à base de farines parce qu'au moment de leur importation, elles ne contenaient plus de farine, par suite de la fermentation. Le moment indiqué pour l'examen des marchandises importées aux fins de leur classement est le moment de leur importation12 . La farine doit donc figurer au nombre des ingrédients finals des marchandises en cause. Le commissaire prétend également que le caractère essentiel des marchandises en cause n'est pas la farine, parce que lesdites marchandises sont mélangées avec la farine seulement dans une proportion de 1 à 10 p. 100 en poids. D'après ses témoins experts, les marchandises en cause tirent leur caractère essentiel de divers sous-produits acides de la fermentation, dont le principal est l'acide lactique. Les marchandises ont perdu le caractère principal des farines, qui est la capacité de retenir des gaz qui font lever la pâte. À cet égard, il renvoie aux Notes explicatives de la position no 19.01, qui prévoient que la position comprend « [l]es pizzas non cuites, constituées d'un fond de pâte à pizza recouvert de divers autres ingrédients ».

En réponse, Puratos soutient que la position no 21.06 est la position résiduelle ultime et ne peut s'appliquer que s'il est impossible de classer une préparation alimentaire ailleurs. À cet égard, elle a ajouté qu'il existe une autre position ailleurs, à savoir la position no 19.01, ce qui se trouve corroboré par les Notes explicatives de la position no 21.06, qui prévoient que « [l]es poudres à base de farine [...] entrent dans [le no ...] 19.01 ». Le fait que le produit Fidelio se présente sous forme liquide, et non sous forme de poudre, ne devrait pas l'empêcher d'être classé d'après les Notes explicatives susmentionnées puisque les Notes explicatives de la position no 19.01 prévoient que « [l]es préparations de la présente position peuvent se présenter sous forme de liquides, de poudres, de granulés, de pâtes ou sous toute autre forme solide, comme des rubans ou des disques. »

Au sujet des arguments du commissaire contre le classement dans la position no 19.01, Puratos répond que, pour ce qui est du premier volet du critère à deux volets susmentionné, rien dans le Tarif des douanes n'exige que les farines soient un ingrédient des préparations élémentaires sous leur forme finale. La décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans Sa Majesté la Reine c. Suncor Inc. 13 corrobore l'affirmation selon laquelle il n'est pas nécessaire qu'un élément constitutif ou une composante du produit final conserve son identité à partir du moment où il est introduit dans le procédé de fabrication, et ce jusqu'à la fin. En outre, dans deux décisions nationales des douanes où il était question de fermentation14 , le ministère du Revenu national a classé les marchandises dans la position no 19.01 même si la fermentation altérait les éléments constitutifs qui conféraient aux marchandises leur caractère essentiel. Quant au deuxième volet du critère, le fait que l'acide lactique conférait leur caractère essentiel aux marchandises en cause a été contesté; il serait plus juste de dire que l'acide lactique a joué un important rôle, avec certains autres éléments constitutifs. Quoi qu'il en soit, l'acide lactique peut être acheté séparément et, s'il était vraiment la source de la saveur de levain, il n'y aurait pas de demande à l'endroit des marchandises en cause sur le marché.

DÉCISION

À la lumière des éléments de preuve, le Tribunal conclut que les faits pertinents de l'espèce sont les suivants : dans des conditions convenables, lorsqu'elle vient en contact avec des sucres ou des amidons, la levure libère du gaz carbonique et de l'alcool dans une série de réactions chimiques appelées fermentation. En panification, la libération des gaz fait lever la pâte et confère au pain une texture légère. Cependant, dans la fermentation du levain, la pâte doit aussi être acidifiée afin de donner au pain sa saveur de levain. Ce résultat est atteint par l'addition de BL ou d'acides organiques à la culture de levure de manière à constituer un milieu liquide appelé levain chef.

La méthode traditionnelle de préparation de pain au levain à partir de levain chef a pour inconvénient qu'elle dépend d'un procédé de fermentation lent qui n'est pas entièrement fiable. Afin de procurer une méthode plus rapide et plus fiable, Puratos vend aux boulangers commerciaux divers produits qui remplacent le levain chef par un aromatisant préfermenté. L'aromatisant est ajouté à la farine en très petites proportions, avec la levure, dans la préparation du levain. Même si la farine est un substrat, ou support, à la fin de la fermentation il ne reste plus de farine dans ce procédé de fermentation (qu'il ne faut pas confondre avec la fermentation à partir de levures dont il est question dans le paragraphe ci-dessus). Il s'agit d'une méthode en propriété exclusive qui fait appel à un certain nombre de farines et de levains chefs (c.-à-d. des micro-organismes concentrés qui contrôlent la fermentation). Même si les BL sont la principale source de la saveur de levain, pour obtenir les saveurs voulues avec les marchandises en cause, il importe de choisir les farines utilisées dans la préparation du produit, puisqu'elles doivent contenir les éléments nutritifs spécifiques qui donneront, après la fermentation, la saveur de levain particulière recherchée. Ainsi, dans une certaine mesure, la farine sert davantage que de simple substrat.

Les marchandises en cause ne sont pas des substances alimentaires au sens traditionnel donné à cette expression; elles sont plutôt des préparations alimentaires intermédiaires utilisées dans l'industrie boulangère en panification. Même si Mme Wick a témoigné que le pain pouvait être préparé directement à partir des marchandises en cause, le Tribunal accueille le témoignage de M. Gélinas selon lequel le pain ainsi préparé présenterait une texture et une saveur inacceptables à toutes fins pratiques sur le marché de la consommation alimentaire.

Ainsi qu'il a déjà été souligné, la question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 2106.90.99 à titre d'autres préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs, comme l'a déterminé le commissaire, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 1901.90.20 à titre de préparations alimentaires de farines non dénommées ni comprises ailleurs, comme l'a soutenu Puratos. Le Tribunal a pour coutume, dans de tels appels, d'entendre l'affaire puis de déterminer le classement indiqué des marchandises qui font l'objet de l'appel, en conformité avec les règles inteprétatives prescrites pertinentes.

Les divers classements tarifaires sont établis d'une manière considérablement détaillée à l'annexe, promulguée comme partie du Tarif des douanes. Chaque section et chapitre du Tarif des douanes présente ses propres notes, et parfois des notes supplémentaires, suivies d'une liste de marchandises dénommées dans un certain nombre de positions, de sous-positions et de numéros tarifaires individuels. Le Tarif des douanes renferme ses propres règles d'interprétation de l'annexe, qui se trouvent aux sections 10 et 11 :

10. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé et les Règles canadiennes énoncées à l'annexe.

[. . .]

11. Pour l'interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes).

Les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé 15 dont il est fait mention à l'article 10 du Tarif des douanes tirent leur origine de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises. Elles sont structurées en cascade de sorte que, si le classement des marchandises ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il doit alors être tenu compte de la Règle 2, et ainsi de suite. La Règle 1 prévoit ce qui suit :

Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n'ayant qu'une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d'après les termes des positions et des Notes de sections ou de Chapitres et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les Règles suivantes.

Aux termes de la disposition susmentionnée, le Tribunal doit suivre plusieurs étapes avant d'arriver au classement indiqué de marchandises qui font l'objet d'un appel : premièrement, il doit examiner l'annexe pour déterminer si les marchandises peuvent de prime abord être classées d'après les termes d'une position tarifaire; deuxièmement, il doit examiner si les notes de chapitre ou de section empêchent le classement des marchandises dans ladite position; troisièmement, il doit examiner les Avis de classement et les Notes explicatives pour confirmer le classement des marchandises dans la position.

Si la démarche ci-dessus mène au classement des marchandises dans une, et uniquement une, position, l'étape suivante consiste à déterminer la sous-position et le numéro tarifaire indiqués. Lorsque les marchandises paraissent pouvoir être classées dans deux ou plusieurs positions, le classement s'opère par application, en cascade, des autres règles générales, jusqu'à ce que la position la mieux indiquée soit déterminée. Au besoin, la même démarche est reprise au niveau de la sous-position et du numéro tarifaire, dans ce dernier cas par application des Règles canadiennes.

Ainsi qu'il a déjà été indiqué, Puratos soutient que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 19.01 à titre de « préparations alimentaires de farines ». La Règle 1 des Règles générales exige que le classement soit déterminé d'après les termes de la position elle-même et de toutes les notes de section ou de chapitre pertinentes. Les deux parties s'entendent pour dire que les marchandises en cause sont des « préparations alimentaires ». Le Tribunal est aussi d'accord sur ce fait, même si les marchandises en cause sont des produits intermédiaires, puisque les Notes explicatives de la position no 19.01 confirment que les préparations alimentaires peuvent également constituer des « préparations intermédiaires destinées à l'industrie alimentaire ».

Le n_ud du litige est la question de savoir si les marchandises sont des « préparations alimentaires de farines » [soulignement ajoutée]. La Note 2a) du Chapitre 19 définit « farines » comme « [l]es farines [...] du Chapitre 11 ». La Note 2A) du Chapitre 11 décrit les farines visées par le chapitre en termes de leur teneur en amidon et en cendres. Le Chapitre 11 divise aussi les farines de céréales en deux groupes : a) les farines de froment (blé) ou de méteil (position no 11.01); b) les farines de céréales autres que de froment (blé) ou de méteil (position no 11.02). Les Notes explicatives de ces positions définissent les farines de céréales comme « les produits pulvérulents provenant de la mouture des céréales » et ajoutent « [l]es farines de cette position peuvent être améliorées par l'addition de très faibles quantités de phosphates minéraux, d'antioxydants, d'émulsifiants, de vitamines ou de poudres à lever préparées (farines fermentantes). » Autrement dit, le terme « farines » a une portée très vaste au sens du Chapitre 19. Rien dans les éléments de preuve n'indique que les farines utilisées pour fabriquer les marchandises en cause n'étaient pas des « farines » au sens du Chapitre 19.

Aux termes de l'article 11 du Tarif des douanes, le Tribunal doit tenir compte des Notes explicatives et des Avis de classement pour le classement des marchandises. Les Notes explicatives du Chapitre 19 stipulent que le chapitre comprend « un ensemble de produits ayant généralement le caractère de préparations alimentaires, obtenues [...] directement à partir de [...] produits du Chapitre 11 » (c.-à-d. les farines de céréales). Les Notes explicatives de la position no 19.01 prévoient ce qui suit : « Cette position couvre un ensemble de préparations alimentaires à base de farines, de semoules, d'amidons, de fécules ou d'extraits de malt, qui tirent leur caractère essentiel de ces constituants, que ceux-ci prédominent ou non en poids ou en volume. » Le Tribunal est d'accord avec le commissaire sur le fait qu'il en ressort un critère à deux volets : non seulement les marchandises doivent-elles être à base de farines, mais elles doivent aussi tirer leur caractère essentiel de ces farines.

En ce qui a trait au premier volet du critère, le Tribunal prend note de la définition du mot « basis » (base) dans le Gage Canadian Dictionary 16 , qui se lit ainsi : « la base ou la partie principale; fondement, l'ingrédient principal » [traduction]. Le Tribunal accueille aussi les éléments de preuve produits par Puratos selon lesquels, dans la fabrication des marchandises en cause, les marchandises ont été tirées, par fermentation, de la farine. Le commissaire prétend que les marchandises en cause ne sont pas à base de farines parce qu'il n'y a pas de farine dans le produit sous sa forme finale. Le Tribunal est d'avis que rien dans les Notes explicatives n'impose une telle condition et, par conséquent, conclut que les marchandises en cause sont à base de farines. En arrivant à cette conclusion, le Tribunal ne souhaite pas être perçu comme accueillant l'argument de Puratos selon lequel Suncor oblige à tirer une telle conclusion. Selon le Tribunal, Suncor n'a aucune utilité en l'espèce, étant donné l'objet très différent de la disposition étroite et complexe de la Loi sur la taxe d'accise 17 prise en compte dans cette affaire aux fins du classement sous le régime du Tarif des douanes.

Quant au deuxième volet du critère, le Tribunal conclut que ce n'est pas la farine qui confère aux marchandises en cause leur caractère essentiel. Ces dernières tirent plutôt leur caractère essentiel des composés concentrés d'acides organiques présents dans les produits à la suite de la fermentation entraînée par l'addition d'une culture de BL à la culture de farine fermentée. L'objet des marchandises en cause est d'ajouter au pain la saveur de levain. En l'espèce, c'est la saveur « aigre » du levain plutôt que la « pâte » qui confère aux marchandises en cause leur caractère essentiel. Ajouter de la farine à de la farine ne produirait pas cette saveur, et ajouter uniquement de l'acide lactique ne la produirait pas non plus, d'après le témoignage de Mme Wick. C'est plutôt le traitement faisant l'objet d'une propriété exclusive - y compris la combinaison spécifique de micro-organismes de culture de levain - qui est nécessaire pour produire la saveur de levain que ces produits donnent au pain, ce qui évite de devoir recourir à un long procédé de fermentation par culture de levain.

Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause ne sont pas classées dans la position no 19.01.

À l'audience, Puratos a prétendu que, en vertu de la Règle 1 des Règles générales, le Tribunal doit retenir le sens ordinaire des termes de la position qui devrait prévaloir sur toutes autres notes explicatives contradictoires. Toutefois, une telle démarche d'interprétation serait incompatible avec le mécanisme législatif que le Tribunal doit respecter. Manifestement, les Notes explicatives sont des aides obligatoires à l'interprétation en vertu de l'article 11 du Tarif des douanes, qui oblige le Tribunal à les prendre en considération. Quoi qu'il en soit, le Tribunal ne voit pas ici de contradiction. L'expression « de farines » dans la position no 19.01 est vague et les renseignements complémentaires contenus dans les Notes explicatives de la position sont nécessaires à une application correcte.

Le commissaire soutient que les marchandises en cause sont correctement classées dans la position no 21.06 à titre de « préparations alimentaires non dénommées ni comprises ailleurs ». Il ressort manifestement de l'application de la Règle 1 des Règles générales que cette position est une position résiduelle pour les préparations alimentaires qui ne conviennent pas à un classement ailleurs dans l'annexe18 . Il n'y a pas de notes de section ou de chapitre pertinentes. En appliquant l'article 11 du Tarif des douanes, le Tribunal prend note des Notes explicatives de la position no 21.06 qui prévoient en partie ce qui suit : « Sont notamment classées ici celles consistant en mélanges de produits chimiques (acides organiques, sels de calcium, etc.) et de substances alimentaires (farines, sucres, poudre de lait, par exemple), destinées à être incorporées dans des préparations alimentaires, soit comme composants de ces préparations, soit pour améliorer certaines de leurs caractéristiques (présentation, conservation, etc.) » [soulignement ajoutée]. Il prend aussi note de l'Avis de classement 2106.90/2 et conclut que les marchandises en cause sont classées dans la position no 21.06.

Puratos a prétendu que cette position était exclue en vertu des Notes explicatives de la position no 21.06, qui prévoit en partie ce qui suit : « Les poudres à base de farine [...] entrent dans les nos 18.06 ou 19.01, suivant leur teneur en cacao ». Toutefois, le Tribunal est d'avis que les Notes explicatives de la position no 21.06 ne l'emportent pas sur les Notes explicatives de la position no 19.01 plus spécifiques et qui, comme il a déjà été indiqué, exigent que les marchandises, en plus d'être à base de farines, tirent leur caractère essentiel des farines, ce qui n'est pas le cas des marchandises en cause.

En l'absence de tout autre classement concurrent, le Tribunal conclut aussi que les marchandises en cause sont classées dans la sous-position no 2106.90, « Autres », et dans le numéro tarifaire 2106.90.99, « Autres », et qu'elles sont correctement classées dans ce numéro tarifaire. L'appel est donc rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Mémoire de l'appelante, onglet 1.

4 . Rapport du témoin expert, M. Philippe St-Amour, pièce B (pour Othello et Fidelio); rapport du témoin expert, M. Wendell Ward, pièce B (pour Traviata).

5 . Directrice de produit, Beldem s.a., un membre du Groupe Puratos. Mme Wick a été reconnue à titre d'expert dans le domaine de la fermentation et des marchandises en cause.

6 . Chimiste principal, Section des produits organiques et inorganiques, Direction des travaux scientifiques et de laboratoire, Agence des douanes et du revenu du Canada. M. St-Amour a été reconnu à titre d'expert en chimie organique capable de présenter une preuve relativement à la composition chimique des marchandises en cause.

7 . Chef, Section de l'instrumentation et des services analytiques, Direction des travaux scientifiques et de laboratoire, Agence des douanes et du revenu du Canada. M. Ward a aussi été reconnu à titre d'expert en chimie organique capable de présenter une preuve relativement à la composition chimique des marchandises en cause.

8 . Chercheur, Qualité des aliments à base de céréales, Farines, produits de boulangerie et de pâtisserie, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. M. Gélinas a été reconnu à titre d'expert en fermentation des pâtes, qualité des farines et applications de boulangerie.

9 . Substance utilisée comme aromatisant. Elle est préparée par destruction des cellules des levures par leurs enzymes intracellulaires dans un processus appelé autolyse ou autodigestion. Les cellules des levures détruites ne peuvent plus agir à titre de levain.

10 . Conseil de coopération douanière, 2éd., Bruxelles, 1996 [Notes explicatives].

11 . Recueil des avis de classement, Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987 [Avis de classement].

12 . Paragraphe 20(1) du Tarif des douanes.

13 . [1996] A.C.F. no 351 (C.A.) (QL) [Suncor].

14 . Ministère du Revenu national, « Le contenu de la politique du classement tarifaire des décisions nationales des douanes (DND) » (31 mars 1999) aux pp. IV-2, IV-3.

15 . Supra note 2, annexe [Règles générales].

16 . 1996, s.v. « basis » (base).

17 . L.R.C. 1985, c. E-15.

18 . Intersave West Buying and Merchandising Services c. Le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (7 janvier 2002), AP-2000-057 (TCCE).