PFIZER CANADA INC.

Décisions


PFIZER CANADA INC.
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appels nos AP-2002-038 à AP-2002-090


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le jeudi 9 octobre 2003

Appels nos AP-2002-038 à AP-2002-090

EU ÉGARD À des appels entendus le 23 avril 2003 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1, dans sa version antérieure aux modifications apportées par L.C. 1997, c. 36, art. 166 et 169, et aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1, modifiée par L.C. 1997, c. 36, art. 166 et 169;

ET EU ÉGARD À des décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada entre les 20 et 28 juin 2002 concernant des demandes de réexamen aux termes du paragraphe 63(3) de l'ancienne Loi sur les douanes et du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes actuelle.

ENTRE

PFIZER CANADA INC. Appelante

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

Les appels sont admis.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre

Meriel V.M. Bradford
Meriel V.M. Bradford
Membre

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Les présents appels sont interjetés aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, à l'égard de décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada entre les 20 et 28 juin 2002, aux termes du paragraphe 63(3) de l'ancienne Loi sur les douanes et du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes actuelle. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les marchandises en cause, des pastilles contre la toux Halls Centres, sont correctement classées dans le numéro tarifaire 1704.90.90 à titre d'autres sucreries sans cacao, comme l'a déterminé le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 3004.90.00 à titre d'autres médicaments préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, comme l'a soutenu Pfizer Canada Inc.

DÉCISION : Les appels sont admis. Le Tribunal est convaincu que les marchandises en cause sont des pastilles médicamentées contre la toux qui sont vendues à des fins thérapeutiques. Eu égard aux Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et au Recueil des Avis de classement, le Tribunal est d'avis que les Notes explicatives et l'Avis de classement pertinents sont ambigus. Selon le Tribunal, dans de telles circonstances, le classement des marchandises en cause doit être celui qui est le plus compatible avec les termes des positions pertinentes, lesquelles demeurent le premier fondement du classement. Pour l'essentiel, la position no 30.04 a pour objet de comprendre les marchandises qui présentent le caractère d'un médicament tandis que la position no 17.04 a pour objet de comprendre les marchandises qui présentent le caractère de sucreries. Classer les marchandises en cause à titre de sucreries irait à l'encontre de l'objet des positions susmentionnées.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 23 avril 2003

Date de la décision :

Le 9 octobre 2003

   

Membres du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

 

Zdenek Kvarda, membre

 

Meriel V.M. Bradford, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Greffier :

Margaret Fisher

   

Ont comparu :

Riyaz Dattu, pour l'appelante

 

Rick Woyiwada, pour l'intimé

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les présents appels sont interjetés aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 , à l'égard de décisions rendues par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire) entre les 20 et 28 juin 2002, aux termes du paragraphe 63(3) de l'ancienne Loi et du paragraphe 60(4) de la Loi actuelle. La question en litige dans les présents appels consiste à déterminer si les marchandises en cause, des pastilles contre la toux Halls Centres, sont correctement classées dans le numéro tarifaire 1704.90.90 à titre d'autres sucreries sans cacao, comme l'a déterminé le commissaire, ou si elles doivent être classées dans le numéro tarifaire 3004.90.00 à titre d'autres médicaments préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, comme l'a soutenu Pfizer Canada Inc. (Pfizer)2 . Les marchandises en cause ont été importées entre le 19 février 1997 et le 31 mars 19993 .

La nomenclature tarifaire pertinente4 prévoit ce qui suit :

17.04 Sucreries sans cacao (y compris le chocolat blanc).

1704.90.90 ---Autres

30.04 Médicaments (à l'exclusion des produits des nos 30.02, 30.05 ou 30.06) constitués par des produits mélangés ou non mélangés, préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses (y compris ceux destinés à être administrés par voie percutanée) ou conditionnés pour la vente au détail.

3004.90.00 -Autres

Les notes de chapitre pertinentes5 prévoient ce qui suit :

[Chapitre 17, Note 1c)] Le présent Chapitre ne comprend pas [...] les médicaments et autres produits du Chapitre 30.

[Chapitre 30, Note (1)a)] Le présent Chapitre ne comprend pas [...] les aliments [...] boissons.

Les passages pertinents des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 6 sont les suivants :

17.04 - SUCRERIES SANS CACAO (Y COMPRIS LE CHOCOLAT BLANC).

1704.90 - Autres

Cette position couvre la plupart des préparations alimentaires sucrées, solides ou semi-solides, prêtes, en général, pour la consommation immédiate et communément désignées sous le nom de sucreries ou de confiseries.

Parmi ces produits, on peut citer :

5e) les préparations, présentées sous forme de pastilles pour la gorge ou de bonbons contre la toux, constituées essentiellement par du sucre (même additionné d'autres substances alimentaires telles que gélatine, amidon ou farine) et des agents aromatisants (y compris des substances ayant des propriétés médicinales telles qu'alcool benzylique, menthol, eucalyptol et baume de tolu). Toutefois, les pastilles pour la gorge ou les bonbons contre la toux qui contiennent des substances ayant des propriétés médicinales, autres que des agents aromatisants, relèvent du Chapitre 30, pour autant que la proportion de ces substances dans chaque pastille ou bonbon soit telle qu'ils puissent être utilisés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques.

Sont, en outre exclus de la présente position :

e) Les médicaments du Chapitre 30.

30.04 - MÉDICAMENTS (À L'EXCLUSION DES PRODUITS DES NOS 30.02, 30.05 OU 30.06) CONSTITUÉS PAR DES PRODUITS MÉLANGÉS OU NON MÉLANGÉS, PRÉPARÉS À DES FINS THÉRAPEUTIQUES OU PROPHYLACTIQUES, PRÉSENTÉS SOUS FORME DE DOSES [...] OU CONDITIONNÉS POUR LA VENTE AU DÉTAIL.

3004.90 - Autres

La présente position comprend les médicaments constitués par des produits mélangés ou non mélangés, à condition qu'ils soient présentés :

a) Soit sous forme de doses, c'est-à-dire, répartis uniformément sous les quantités dans lesquelles ils doivent être employés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques. Ils se présentent généralement en ampoules (par exemple, l'eau bidistillée en ampoules de 1,25 à 10 cm3 destinée à être utilisée, soit directement pour le traitement de certaines maladies, notamment l'éthylisme ou le coma diabétique, soit comme solvant pour la préparation de solutions médicamenteuses injectables), cachets, comprimés, pastilles ou tablettes, ou même en poudre s'ils sont présentés sous forme de doses dans des sachets.

Toutefois, les préparations présentées sous forme de pastilles pour la gorge ou de bonbons contre la toux constituées essentiellement par du sucre (même additionné d'autres substances alimentaires telles que gélatine, amidon ou farine) et par des agents aromatisants (y compris des substances ayant des propriétés médicinales telles qu'alcool benzylique, menthol, eucalyptol et baume de tolu) relèvent du no 17.04. Les pastilles pour la gorge ou les bonbons contre la toux contenant des substances qui ont des propriétés médicinales, autres que les agents aromatisants, demeurent classés dans cette position s'ils sont présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail, pour autant que la proportion de ces substances dans chaque pastille ou bonbon soit telle qu'ils puissent être utilisés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques.

Restent, en revanche, classées ici, les préparations dans lesquelles les substances alimentaires ou les boissons sont simplement destinées à servir de support, d'excipient ou d'édulcorant à la ou aux substances médicinales, afin notamment d'en faciliter l'absorption.

Enfin, l'Avis de classement 1704.90(3)7 est aussi pertinent à l'espèce. Cet avis prévoit ce qui suit :

1704.90 3. Pastilles pour la gorge ou bonbons contre la toux constitués essentiellement par du sucre et des agents aromatisants, par exemple, menthol, eucalyptol ou essence de menthe (sans autres ingrédients actifs).

PREUVE

M. Gerry Wright, directeur, Recherche et développement, Pfizer Canada Inc., a témoigné au nom de Pfizer. Il a dit avoir précédemment été directeur associé, Affaires réglementaires chez Warner-Lambert Canada Inc., où il était chargé de préparer les demandes d'approbation de médicaments destinées au ministère de la Santé (Santé Canada). Il a témoigné que les marchandises en cause sont fabriquées au Royaume-Uni sous des conditions qui répondent aux prescriptions de Santé Canada.

M. Wright a témoigné que la publication de Santé Canada intitulée « Monographie de la catégorie IV - Pastilles pour la gorge »8 énonce les exigences auxquelles les pastilles pour la gorge doivent satisfaire pour être vendues comme médicament. D'après le M. Wright, la monographie de Santé Canada a été préparée par un comité consultatif d'experts scientifiques qui ont examiné des pastilles pour la gorge à la lumière d'études cliniques et de documents actuels. On attribue aux marchandises qui satisfont aux exigences énoncées dans la monographie de Santé Canada une identification numérique de la drogue (DIN). Lorsqu'il examine les propositions de médicaments en vue de la délivrance d'un DIN ou d'un avis de conformité, Santé Canada examine la sécurité et l'efficacité du produit.

M. Wright a ajouté que la monographie de Santé Canada traite des quantités minimum acceptables et des associations des ingrédients médicamenteux ainsi que de la présence d'ingrédients non médicamenteux dans des pastilles.

M. Wright a témoigné que les marchandises en cause sont des agents d'apaisement de la toux, de décongestion nasale et d'anesthésie ou d'analgésie. M. Wright a ajouté qu'il s'agit de médicaments exclusifs enregistrés auprès de Santé Canada aux termes de la réglementation sur les aliments et drogues et que Pfizer dépose annuellement une déclaration de drogues auprès de Santé Canada.

M. Wright a confirmé que les marchandises en cause contiennent une certaine quantité d'ingrédients actifs, à savoir, du menthol et de l'essence d'eucalyptus9 ; ces ingrédients actifs sont présents à des seuils supérieurs aux seuils prescrits dans la monographie de Santé Canada. Par conséquent, les marchandises en cause peuvent être commercialisées selon leurs fins thérapeutiques ou prophylactiques.

M. Wright a confirmé les poids, en pourcentage du poids total, du menthol, de l'eucalyptus et du sucre dans les marchandises en cause. Ce faisant, il a confirmé que le sucre est leur principal ingrédient (dans une proportion d'au moins 95 p. 100).

Selon M. Wright, étant donné que les marchandises en cause sont assorties d'un DIN et sont destinées à être vendues comme médicaments, leurs ingrédients essentiels sont leurs ingrédients actifs, c'est-à-dire le menthol et l'essence d'eucalyptus. Il a ajouté que les marchandises en cause ne goûtent pas le menthol ou l'eucalyptus, que plutôt leur saveur est dérivée de l'association de tous les ingrédients. Selon M. Wright, elles donnent une « impression de fraîcheur » [traduction] ou une « sensation de fraîcheur » [traduction] plutôt qu'une saveur.

M. Wright a témoigné que le conditionnement des marchandises en cause est conforme aux prescriptions énoncées dans la monographie de Santé Canada10 . Il a ajouté que l'emballage indique les quantités d'ingrédients actifs présents dans les marchandises en cause et, dans une mise en garde aux diabétiques, signale qu'elles contiennent aussi du sucre. Selon M. Wright, le sucre sert d'agent de transport des ingrédients médicamenteux actifs.

Selon M. Wright, l'emballage porte trois indications ou directives quant à l'emploi des marchandises en cause, à savoir qu'elles sont destinées à soulager et apaiser 1) les maux de gorge, 2) la congestion nasale et 3) la toux. L'emballage porte aussi l'énoncé suivant : « Adultes et enfants de 5 ans et plus : laisser fondre lentement dans la bouche, selon les besoins ».

M. Wright a témoigné que les mots « selon les besoins » sur l'emballage signifient que les marchandises en cause doivent servir uniquement pendant que les symptômes précisés persistent. L'emballage porte aussi une mise en garde selon laquelle les usagers doivent consulter un médecin si les symptômes sont sévères ou persistent pendant plus de deux jours. Cet énoncé vise à mettre l'usager en garde contre le début possible d'une maladie grave.

M. Wright a ajouté que les marchandises en cause ne sont pas destinées à être mâchées, mais qu'il faut plutôt les laisser fondre lentement dans la bouche, de manière à permettre aux ingrédients actifs d'avoir un effet topique prolongé sur la gorge et les voies nasales. Il a affirmé que procéder d'une autre manière ne répondrait pas aux exigences énoncées dans la monographie de Santé Canada. M. Wright a affirmé, à cet égard, qu'il existe une différence entre les marchandises en cause et les confiseries ou les sucreries puisque les marchandises en cause ne peuvent servir qu'à soulager les symptômes d'un rhume, selon les besoins.

M. Wright a mis en opposition l'étiquette des marchandises en cause et l'étiquette des produits de confiserie qui ne porte pas de mode d'emploi ou de mise en garde de ce genre.

M. Wright a indiqué que les marchandises en cause ne sont ni des sucreries ou confiseries et ne conviennent pas non plus à la consommation immédiate comme telle. Par opposition aux marchandises en cause, les sucreries ou confiseries peuvent servir à volonté et selon la quantité voulue, et leur emballage ne porte ni mise en garde, ni mode d'emploi ni affirmations quant à leur valeur médicamenteuse.

PLAIDOIRIE

Pfizer a affirmé que son argumentation était fondée sur sa perception que le commissaire n'a ni contesté les propriétés médicinales du menthol et de l'essence d'eucalyptus ni l'efficacité médicamenteuse du menthol et de l'essence d'eucalyptus présents dans les marchandises en cause. Pfizer a soutenu que les marchandises en cause peuvent être classées dans la position no 30.04 parce 1) qu'elles sont des médicaments préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, aux sens courant et scientifique de cette expression et selon le sens que lui a attribué de façon uniforme le Tribunal, et 2) qu'elles sont présentées sous forme de doses ou conditionnées pour la vente au détail. Pfizer a invoqué la jurisprudence du Tribunal et de la Cour d'appel fédérale11 à l'appui de son affirmation selon laquelle les dispositions de la position no 30.04 et les Notes explicatives afférentes exigent seulement une indication qu'un produit est destiné à servir à la prévention ou au traitement d'une affection ou d'une maladie, sans exiger une preuve de l'efficacité d'un produit.

À l'appui de sa position, Pfizer a invoqué l'Avis des douanes N-47312 concernant les pastilles contre la toux non constituées essentiellement de sucre. Elle a soutenu que l'Avis des douanes N-39213 interprète incorrectement le Tarif des douanes en exigeant le classement des pastilles contre la toux dans la position no 17.04, peu importe leur teneur en menthol ou en essence d'eucalyptus. Pfizer a soutenu qu'il ressort des éléments de preuve mis à la disposition du Tribunal dans les présents appels que les marchandises en cause satisfont aux seuils prévus pour le menthol et l'essence d'eucalyptus ou les dépassent, qu'elles sont mises en marché et étiquetées comme médicaments selon les exigences de la monographie de Santé Canada et que, par conséquent, elles diffèrent beaucoup de confiseries.

Pfizer a passé en revue les notes de chapitre et les Notes explicatives pertinentes et a conclu que, dès qu'il est démontré qu'un produit est un médicament, ce produit ne peut pas être classé dans le Chapitre 17, qui vise les produits commercialisés selon d'autres fins que des fins thérapeutiques. En réalité, après examen de la définition de « confectionery » (sucreries) que donnent les dictionnaires, Pfizer a soutenu qu'aucun élément de preuve en l'espèce ne porte à conclure que les marchandises en cause sont des sucreries. Contrairement aux marchandises en cause, les sucreries de la position no 17.04 sont des produits commercialisés d'une manière différente de celle des médicaments, ne sont pas assorties d'un mode d'emploi ou de posologie, et ne portent aucune mise en garde ou restriction quant à la manière de les prendre.

Pfizer a contesté la position du commissaire selon laquelle il faut qu'un produit contienne un ingrédient actif autre que le menthol ou l'essence d'eucalyptus pour être classé dans la position no 30.04. Elle a aussi résumé la position du commissaire comme signifiant que les pastilles contre la toux doivent être classées dans la position no 17.04 peu importe leur teneur en menthol ou en essence d'eucalyptus. Au contraire, selon Pfizer, les notes de chapitre et les Notes explicatives portent à conclure que les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 30.04 parce que le menthol et l'essence d'eucalyptus y sont présents à des fins médicinales, et non en tant qu'aromatisants.

De plus, invoquant diverses définitions du mot « essential » (essentiel) tirées des dictionnaires les plus courants, Pfizer a soutenu que les marchandises en cause ne sont pas constituées essentiellement de sucre, mais plutôt d'ingrédients actifs, étant donné que les pastilles contre la toux sont achetées pour leurs propriétés médicinales. Le fait que les marchandises en cause contiennent une quantité importante de sucre n'en fait pas des sucreries. Leur caractère essentiel est celui d'un médicament.

Le commissaire a soutenu que les Notes explicatives et l'Avis de classement 1704.90(3) commandent clairement le classement des marchandises en cause dans la position no 17.04. En réalité, le commissaire a soutenu que l'Avis de classement 1704.90(3) décrit précisément et complètement les marchandises en cause. À l'appui de son affirmation, il a souligné que les marchandises en cause sont constituées presque entièrement de sucre, dans une proportion d'au moins 95 p. 100 en poids de chaque pastille contre la toux. D'après l'exposé du commissaire, le Tarif des douanes, les Notes explicatives et l'Avis de classement 1704.90(3) traitent tous clairement le menthol et l'essence d'eucalyptus comme des aromatisants, malgré leurs propriétés médicinales. Le commissaire a soutenu que, pour être classée dans la position no 30.04, il faudrait qu'une pastille contre la toux contienne d'autres propriétés médicinales. Le commissaire a soutenu que le Tribunal, pour déroger à un tel avis, devait s'appuyer sur un motif clair et prédominant.

Le commissaire a aussi soutenu que jamais, dans les décisions rendues par les autorités douanières étrangères citées par Pfizer, une note explicative n'avait aussi clairement et précisément visé le produit exact en cause. Il a aussi d'abord soutenu que l'Avis de classement 1704.90(3) visait précisément des marchandises similaires aux marchandises en cause. Cependant, en réponse à une question du Tribunal, le commissaire a dit qu'il ne pouvait pas divulguer l'information confidentielle qui fondait son argument et qu'il ne l'invoquait donc plus. Le commissaire a ajouté que le fait que les marchandises en cause soient assorties d'un DIN n'est pas pertinent aux fins du classement.

DÉCISION

Le paragraphe 10(1) du Tarif des douanes, dans sa version au moment des dates d'importation, prévoit ce qui suit :

10. (1) [...] le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé et les Règles canadiennes énoncées à l'annexe [ou à l'annexe I, selon le cas].

La Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé 14 prévoit ce qui suit :

Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n'ayant qu'une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d'après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les règles suivantes.

La Note III) des Notes explicatives de la Règle 1 des Règles générales précise en partie que la Règle 1 « prévoit que le classement est déterminé : a) d'après les libellés des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres, et b) au besoin, lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d'après les dispositions des Règles 2, 3, 4 et 5 ».

L'article 11 du Tarif des douanes, dans sa version au moment de toutes les dates d'importation, prévoit ce qui suit : « Pour l'interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes) »15 .

La position no 30.04 prévoit le classement des « [m]édicaments [...] préparés à des fins thérapeutiques [...] présentés sous forme de doses ». Le Tribunal fait observer que le dictionnaire The Oxford English Dictionary définit « medicament »16 (médicament) comme « une substance utilisée dans un traitement curatif » [traduction] et « therapeutic »17 (thérapeutique) comme « une substance curative ou qui concerne la guérison d'une affection » [traduction].

Les parties conviennent que le menthol et l'essence d'eucalyptus ont des propriétés médicinales18 . Cette conclusion a aussi été corroborée par la preuve déposée par le témoin de Pfizer. M. Wright a indiqué que les marchandises en cause satisfont aux critères énoncés dans la monographie de Santé Canada et sont assorties d'un DIN, pouvant, de ce fait, être vendues comme médicaments19 . M. Wright a ajouté que les marchandises en cause sont mises en marché comme médicaments et qu'il est clairement précisé sur leur emballage qu'elles doivent être prises selon le mode d'emploi, pour le soulagement de certains symptômes énumérés20 . Il ressort aussi des éléments de preuve que les marchandises sont conditionnées sous forme de doses21 . Le Tribunal est donc convaincu que les marchandises en cause sont des médicaments vendus à des fins thérapeutiques et présentés sous forme de doses.

Les notes du Chapitre 17 précisent que le Chapitre « ne comprend pas [...] c) les médicaments [...] du Chapitre 30 ». La position no 17.04 prévoit le classement des « [s]ucreries ». Les Notes explicatives de la position no 17.04 précisent que « [c]ette position couvre la plupart des préparations alimentaires sucrées, solides ou semi-solides, prêtes, en général, pour la consommation immédiate et communément désignées sous le nom de sucreries ou de confiseries ».

Le dictionnaire The Oxford English Dictionary définit « confectionery »22 (sucreries, confiseries) comme « articles fabriqués ou vendus par un confiseur; nom générique des sucreries et confiseries » [traduction]. Le mot « sweetmeat »23 (sucrerie) est défini comme « aliments sucrés, comme des gâteaux ou pâtisseries sucrés, confiseries; fruits en conserve ou confits, noix sucrées, etc.; globules, pastilles "bonbons" ou "baguettes" constitués de sucre accompagné de fruits ou d'un autre aromatisant ou d'une autre fourrure » [traduction]. Le mot « confection »24 (confiserie) est défini comme « fabrication de conserves ou de sucreries [...] une préparation de fruits, d'épices, de sucre ou d'ingrédients similaires, servant de condiments ou de morceaux de choix; des conserves, des sucreries, des dragées » [traduction]. Le mot « candy »25 (bonbon, produit de confiserie) est défini comme « sucre cristallisé, candi par un procédé d'ébullitions répétées et d'évaporation lente, appelé plus complètement bonbon sucré; toute sucrerie ainsi fabriquée ou incrustée » [traduction].

Étant donné leur commercialisation, leur emballage et leur emploi, à savoir un emploi à des fins médicinales, ainsi qu'il a déjà été indiqué, le Tribunal est convaincu que les marchandises en cause n'entrent pas dans la portée de la définition des mots « sucreries » ou « confiseries ».

Ainsi qu'il a déjà été indiqué, l'article 11 du Tarif des douanes prévoit que, pour l'interprétation des positions, il est tenu compte des Notes explicatives et des Avis de classement pertinents.

La partie pertinente des Notes explicatives de la position no 30.04 prévoit ce qui suit :

La présente position comprend les médicaments [...] à condition qu'ils soient présentés : a) Soit sous forme de doses [...] sous les quantités dans lesquelles ils doivent être employés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques [...] Ils se présentent [...] pastilles ou tablettes.

Toutefois, les préparations présentées sous forme de pastilles pour la gorge ou de bonbons contre la toux constituées essentiellement par du sucre (même additionné d'autres substances alimentaires telles que gélatine, amidon ou farine) et par des agents aromatisants (y compris des substances ayant des propriétés médicinales telles qu'alcool benzylique, menthol, eucalyptol et baume de tolu) relèvent du no 17.04. Les pastilles pour la gorge ou les bonbons contre la toux contenant des substances qui ont des propriétés médicinales, autres que les agents aromatisants, demeurent classés dans cette position s'ils sont présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail, pour autant que la proportion de ces substances dans chaque pastille ou bonbon soit telle qu'ils puissent être utilisés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques.

D'une façon similaire, les Notes explicatives de la position no 17.04 prévoient que la position comprend :

5) les préparations, présentées sous forme de pastilles pour la gorge ou de bonbons contre la toux, constituées essentiellement par du sucre (même additionné d'autres substances alimentaires telles que gélatine, amidon ou farine) et des agents aromatisants (y compris des substances ayant des propriétés médicinales telles qu'alcool benzylique, menthol, eucalyptol et baume de tolu). Toutefois, les pastilles pour la gorge ou les bonbons contre la toux qui contiennent des substances ayant des propriétés médicinales, autres que des agents aromatisants, relèvent du Chapitre 30, pour autant que la proportion de ces substances dans chaque pastille ou bonbon soit telle qu'ils puissent être utilisés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques.

L'Avis de classement 1704.90(3) prévoit ce qui suit :

1704.90 3. Pastilles pour la gorge ou bonbons contre la toux constituées essentiellement par du sucre et des agents aromatisants, par exemple, menthol, eucalyptol ou essence de menthe (sans autres ingrédients actifs).

Les parties ne contestent pas le fait que les marchandises en cause sont des pastilles contre la toux. Les pièces au dossier confirment que lesdites marchandises sont conditionnées sous cette forme26 .

Il ressort des éléments de preuve que l'essence d'eucalyptus et le menthol ont été inclus dans les marchandises en cause principalement à des fins médicinales, et non en tant qu'aromatisants. Dans un tel contexte, le Tribunal a examiné avec soin à la fois la version anglaise et la version française des Notes explicatives et de l'Avis de classement 1704.90(3) et estime que, considérés isolément, on peut en faire une double lecture. Ainsi que l'a soutenu le commissaire, les textes en question peuvent se lire comme signifiant que l'essence d'eucalyptus et le menthol sont toujours réputés être des aromatisants lorsqu'ils sont employés dans des pastilles contre la toux, même lorsqu'ils sont inclus principalement à des fins médicinales. Par ailleurs, comme l'a soutenu Pfizer, les mêmes textes peuvent se lire comme signifiant que l'essence d'eucalyptus et le menthol ne sont réputés être des aromatisants que s'ils sont inclus principalement pour aromatiser.

Ainsi qu'il a déjà été indiqué, la partie pertinente de la Règle 1 des Règles générales prévoit que le classement tarifaire est déterminé « d'après les termes des positions ». L'article 11 du Tarif des douanes prévoit qu'il est tenu compte des Notes explicatives et des Avis de classement pour l'interprétation des positions. Autrement dit, les positions sont le premier fondement de la détermination du classement. Les Notes explicatives et les Avis de classement ont pour rôle d'aider à l'interprétation des positions.

Par conséquent, en l'espèce, le Tribunal estime qu'il doit dénouer l'ambiguïté des Notes explicatives et de l'Avis de classement 1704.90(3) de la manière la plus compatible avec les positions pertinentes et classer les marchandises en cause en conséquence. Il est d'avis que la position no 30.04 a essentiellement pour objet de comprendre les marchandises qui présentent le caractère d'un médicament. La position no 17.04 a essentiellement pour objet de comprendre les marchandises qui présentent le caractère de sucreries. Le Tribunal estime que les marchandises en cause sont assimilables à des médicaments et non pas à des sucreries et que l'interprétation des Notes explicatives et de l'Avis de classement 1704.90(3) avancée par Pfizer est plus compatible avec l'objet respectif des positions nos 30.04 et 17.04 que ne l'est l'interprétation avancée par le commissaire. Selon le Tribunal, classer les marchandises en cause dans la position no 17.04 uniquement parce que leurs propriétés médicinales sont de l'essence d'eucalyptus et du menthol irait à l'encontre de l'objet des positions susmentionnées.

Par conséquent, le Tribunal est d'avis que, conformément à la Règle 1 des Règles générales, les marchandises en cause doivent donc être classées dans la position no 30.04 à titre de médicaments préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques, présentés sous forme de doses ou conditionnés pour la vente au détail. Les marchandises en cause doivent donc être classées dans le numéro tarifaire 3004.90.00 à titre d'autres médicaments préparés à des fins thérapeutiques ou prophylactiques.

Pour les motifs qui précèdent, les appels sont admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1, dans sa version antérieure aux modifications apportées par L.C. 1997, c. 36, art. 166, 169 [ancienne Loi] et modifiée par L.C. 1997, c. 36, art. 166, 169 [Loi actuelle].

2 . Pour les marchandises importées avant le 1er janvier 1998, voir l'annexe I, Tarif des douanes, L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41. Pour les marchandises importées à partir du 1er janvier 1998, voir l'annexe, Tarif des douanes, L.C. 1997, c. 36.

3 . Le dossier montre que, le 7 février 2000, Pfizer Canada Inc. est devenue le successeur pour les activités de Warner-Lambert Canada Inc., à la suite de la fusion mondiale de la Warner-Lambert Company et de Pfizer Inc. (mémoire de l'appelante, para. 1). Warner-Lambert Canada Inc. était l'importateur attitré des marchandises en cause.

4 . La nomenclature pertinente dans le Tarif des douanes est la même pour toutes les dates d'importation.

5 . Supra note 2. Les notes de chapitre pertinentes se trouvent, selon le cas, dans l'annexe I ou dans l'annexe, selon la date d'importation. Les notes de chapitre citées dans les présentes sont les mêmes que celles du Tarif des douanes dans sa version au moment de toutes les dates d'importation.

6 . Conseil de coopération douanière, 2e éd., Bruxelles, 1996 [Notes explicatives].

7 . Recueil des Avis de classement, Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

8 . Pièces supplémentaires et cahier des textes à l'appui de l'appelante, onglet 1.

9 . Les observations des parties renvoient à « essence d'eucalyptus » et « essence d'eucalyptol », d'une manière apparemment interchangeable. Le Tribunal a décidé de retenir la première expression.

10 . Objets déposés comme pièces A-1 et A-2.

11 . Sous-M.R.N. c. Yves Ponroy Canada (2000), 259 N.R. 38 (CAF); Hilary's Distribution Ltd. c. Sous-M.R.N. (25 septembre 1998), AP-97-010 (TCCE); Flora Manufacturing & Distributing Ltd. c. Sous-M.R.N. (24 septembre 1998), AP-97-058 (TCCE); Flora Manufacturing & Distributing Ltd. c. Sous-M.R.N. (24 juillet 1998), AP-97-002 (TCCE); Yves Ponroy Canada c. Sous-M.R.N. (5 décembre 1997), AP-96-117 (TCCE).

12 . Agence des douanes et du revenu du Canada, « Classification douanière des pastilles pour la gorge et des bonbons contre la toux non constitués essentiellement de sucre » (18 octobre 2002).

13 . Agence des douanes et du revenu du Canada, « Classement tarifaire des pastilles pour la gorge et des bonbons contre la toux » (16 juillet 2001).

14 . Annexe, Tarif des douanes, L.C. 1997, c. 36 [Règles générales].

15 . Pour l'interprétation de l'article 11 du Tarif des douanes, voir Fastco Canada c. Sous-M.R.N. (29 avril 1997), AP-96-078 (TCCE); Reha Enterprises Ltd. c. Sous-M.R.N. (28 octobre 1999), AP-98-053 et AP-98-054 (TCCE).

16 . Deuxième éd., s.v. « medicament ».

17 . Ibid., s.v. « therapeutic ».

18 . Voir Transcription de l'audience publique, 23 avril 2003 à la p. 5. Voir, aussi, pièces du Tribunal nos AP-2002-038 à AP-2002-090-21.

19 . Voir Transcription de l'audience publique, 23 avril 2003 à la p. 17.

20 . Le Tribunal fait observer que le libellé de l'étiquette des marchandises en cause déposées comme pièces diffère légèrement du témoignage de M. Wright. Le libellé des étiquettes est le suivant : « Pour le soulagement et l'apaisement temporaires de la toux et des maux de gorge. Adultes et enfants de cinq ans et plus : laisser fondre lentement dans la bouche, selon les besoins. Ingrédients médicamenteux : [quantité différente selon la « saveur » des pastilles] mg de menthol; [quantité différente selon la « saveur » de la pastille] mg d'huile d'eucalyptus par pastille. Ingrédient non médicamenteux : sucre. Mise en garde : si les symptômes sont sévères, s'aggravent, persistent pendant plus de 2 jours ou sont accompagnés de fièvre élevée, consulter un médecin. »

21 . Mémoire de l'intimé, onglet 2. Transcription de l'audience publique, 23 avril 2003 à la p. 11.

22 . Supra note 16, s.v. « confectionery ».

23 . Supra note 16, s.v. « sweetmeat ».

24 . Supra note 16, s.v. « confection ».

25 . Supra note 16, s.v. « candy ».

26 . Le Tribunal fait observer que, même si des pièces n'ont pas été déposées relativement à toutes les marchandises en cause, il est convaincu, à la lumière des éléments de preuve, que les pièces sont représentatives des marchandises en cause. Transcription de l'audience publique, 23 avril 2003 aux pp. 70-71.