LES PRODUITS DE TABAC TREMBLAY INC.

Décisions


LES PRODUITS DE TABAC TREMBLAY INC.
v.
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-2003-006


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, mercredi le 31 mars 2004

Appel no AP-2003-006

EU ÉGARD À un appel interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, c. E-15.

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 5 février 2003 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

LES PRODUITS DE TABAC TREMBLAY INC. Appelante

ET

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.

Richard Lafontaine
Richard Lafontaine
Membre présidant

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre

Meriel V. M. Bradford
Meriel V. M. Bradford
Membre

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national le 5 février 2003, qui a eu pour effet de confirmer la cotisation que ce dernier avait émise le 28 mai 2001 pour taxes d'accise impayées. La question en litige consiste à déterminer si Les Produits de Tabac Tremblay Inc. devait percevoir et remettre la taxe d'accise sur le tabac haché qu'elle avait vendu à deux acheteurs, soit Tabac Orléans et Les Emballages G.A.M.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal est d'avis que, en vertu du paragraphe 23(1) de la partie III de la Loi sur la taxe d'accise et de l'article 3 de l'annexe II de la Loi sur la taxe d'accise, Les Produits de Tabac Tremblay Inc. devait percevoir et remettre la taxe d'accise sur ses ventes de tabac haché à Tabac Orléans et à Les Emballages G.A.M., puisqu'il n'existe aucune exemption dans la Loi sur la taxe d'accise permettant à Les Produits de Tabac Tremblay Inc. de vendre du tabac manufacturé en franchise de taxe à ces deux entreprises.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 13 janvier 2004

Date de la décision :

Le 31 mars 2004

   

Membres du Tribunal :

Richard Lafontaine, membre présidant

 

Ellen Fry, membre

 

Meriel V. M. Bradford, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Marie-France Dagenais

   

Greffier :

Anne Turcotte

   

Parties :

Marc-André Leblanc, pour l'appelante

 

Jean-Robert Noiseux, pour l'intimé

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise 1 à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national (le ministre) le 5 février 2003, qui a eu pour effet de confirmer la cotisation que ce dernier avait émise le 28 mai 2001 pour taxes d'accise impayées. Le Tribunal a tenu une audience sur pièces conformément à l'article 36.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 2 . La question en litige consiste à déterminer si Les Produits de Tabac Tremblay Inc. (Tabac Tremblay) devait percevoir et remettre la taxe d'accise sur le tabac haché qu'elle avait vendu à deux acheteurs, soit Tabac Orléans et Les Emballages G.A.M. (G.A.M.).

PREUVE

Le ministre et Tabac Tremblay ont déposé un énoncé conjoint des faits, daté du 10 octobre 2003. Parmi les faits qui ont été admis, on note en bref les suivants :

· Tabac Tremblay est une compagnie qui exploite une entreprise de fabrication et de distribution de produits de tabac.

· Au cours de l'année 2001, Tabac Tremblay a fait l'objet d'une vérification par le ministre quant à la taxe d'accise qu'elle doit percevoir et remettre au ministre sur certaines marchandises qu'elle produit ou fabrique et livre à des acheteurs.

· Au cours des années 1999 et 2000, Tabac Tremblay a fait affaire respectivement avec deux entreprises, soit Tabac Orléans et G.A.M., qui détenaient toutes deux une licence d'accise.

· Dans le cadre de ses relations d'affaires avec Tabac Orléans et G.A.M., Tabac Tremblay leur a vendu du tabac haché sans percevoir ni remettre les montants de taxe payable en vertu de la Loi sur la taxe d'accise.

POSITION DES PARTIES

Dans leur correspondance du 10 octobre 2003, le ministre et Tabac Tremblay demandaient au Tribunal la permission de déposer des exposés écrits pour appuyer l'énoncé conjoint des faits. Le Tribunal a acquiescé à la demande.

Dans ses prétentions écrites, Tabac Tremblay soutient que les employés du ministère du Revenu national (Revenu Canada) ne l'ont jamais avisée que le transfert de la matière première, soit le tabac haché, à des acheteurs ne pouvait être effectué en franchise de taxe. Tabac Tremblay croyait, au contraire, à la suite de discussions avec Revenu Canada, qu'elle pouvait vendre sa marchandise en franchise de taxe à Tabac Orléans et à G.A.M., puisque ces entreprises bénéficiaient de l'exemption du petit fabricant établi par le Règlement exemptant certains petits fabricants ou producteurs de la taxe de consommation ou de vente 3 . Or, Tabac Tremblay soutient que Revenu Canada ne connaissait pas la portée de son Règlement, puisqu'il a incorrectement informé Tabac Tremblay que ledit Règlement s'appliquait à ces ventes de tabac haché.

En outre, Tabac Tremblay prétend qu'une employée de Revenu Canada l'a induite en erreur en avisant par écrit Tabac Orléans, un acheteur, que le tabac en vrac pouvait être acheté en franchise de taxe d'accise.

Tabac Tremblay soutient donc que Revenu Canada a manqué à son devoir de donner la bonne information et, de ce fait, a été négligent.

Tabac Tremblay prétend qu'elle a toujours agi selon les directives de Revenu Canada, qu'elle a toujours avisé son personnel de collaborer pleinement avec les vérificateurs de Revenu Canada et que, de ce fait, elle a un bon dossier fiscal.

Enfin, Tabac Tremblay soulève le fait que les motifs appuyant la cotisation initiale ont été modifiés par le ministre lorsque son avis de décision a été émis.

Pour sa part, le ministre soutient que Tabac Tremblay a fabriqué au Canada et livré à un acheteur du tabac haché, une marchandise visée par la définition de « tabac manufacturé » prévue à l'article 6 de la Loi sur l'accise 4 applicable en l'espèce.

Le ministre soutient de plus que, puisque ce type de marchandise est énuméré à l'article 3 de l'annexe II de la Loi sur la taxe d'accise, Tabac Tremblay devait percevoir et remettre la taxe d'accise sur ses ventes de tabac manufacturé à Tabac Orléans et à G.A.M., en vertu du paragraphe 23(1) de la Loi sur la taxe d'accise.

En outre, le ministre soutient qu'aucune exemption n'est prévue dans la Loi sur la taxe d'accise qui permettrait à Tabac Tremblay de vendre du tabac manufacturé à ces deux acheteurs en franchise de taxe. Il soutient que, même si Tabac Orléans et G.A.M. sont des petits fabricants, ces entreprises ne peuvent bénéficier de cette exemption, puisque le Règlement ne s'applique pas aux transactions engendrant le paiement de la taxe d'accise. Même si le ministre admet qu'une certaine pratique a permis d'exempter certains petits fabricants du paiement de la taxe d'accise dans certaines circonstances, il soutient qu'il s'agissait d'une exemption applicable aux ventes des petits fabricants à des tiers, et non à leurs achats de matières premières comme celles visées en l'espèce.

En réponse aux prétentions de Tabac Tremblay selon lesquelles Revenu Canada avait fourni de l'information erronée, ce qu'il nie expressément, le ministre soutient que, même si ses représentants avaient fourni des informations erronées à Tabac Tremblay quant à l'application et à l'interprétation de la Loi sur la taxe d'accise, ces prétentions ne peuvent être prises en considération, puisque la couronne ne peut être liée par une déclaration en matière d'interprétation de la loi par l'un de ses employés. Le ministre a fait référence aux décisions rendues dans Panar c. Canada 5 et M.R.N. c. Inland Industries Limited 6 pour appuyer sa prétention.

En ce qui a trait à la modification des motifs de la cotisation initiale, le ministre admet que les motifs ont été modifiés, mais soutient que le paragraphe 81.15(4) de la Loi sur la taxe d'accise l'autorise à modifier les motifs d'une cotisation au moment de l'analyse de l'avis d'opposition. Pour le ministre, la jurisprudence7 est claire à cet effet.

Enfin, le ministre prend acte des prétentions de Tabac Tremblay selon lesquelles elle possède un excellent dossier fiscal et qu'elle a toujours agi de bonne foi, mais soutient que le Tribunal ne peut appliquer des concepts d'équité à la résolution du présent litige.

DÉCISION

La question en litige consiste à déterminer si Tabac Tremblay devait remettre la taxe d'accise sur ses ventes de tabac haché.

Les dispositions pertinentes de la Loi sur la taxe d'accise prévoient en partie ce qui suit :

23. (1) Sous réserve des paragraphes (6) à (8.3) et 23.2(6), lorsque les marchandises énumérées aux annexes I et II sont importées au Canada, ou y sont fabriquées ou produites, puis livrées à leur acheteur, il est imposé, prélevé et perçu, outre les autres droits et taxes exigibles en vertu de la présente loi ou de toute autre loi, une taxe d'accise sur les marchandises, suivant le taux applicable figurant à l'article concerné de l'annexe pertinente, calculée, lorsqu'il est précisé qu'il s'agit d'un pourcentage, d'après la valeur à l'acquitté ou le prix de vente, selon le cas.

ANNEXE II

TAUX APPLICABLES AUX PRODUITS DE TABAC

3. Tabac manufacturé à l'exclusion des cigarettes et des bâtonnets de tabac :

[...]

e) 10,648 $ le kilogramme, dans les autres cas.

2. (1) [...]

« tabac fabriqué » S'entend au sens de l'article 6 de la Loi sur l'accise.

Pour sa part, l'article 6 de la Loi sur l'accise définit l'expression « tabac fabriqué » ou « tabac manufacturé » ainsi :

« tabac fabriqué » ou « tabac manufacturé » Produit réalisé par un fabricant de tabac avec du tabac en feuilles par quelque procédé que ce soit, y compris les cigarettes, les bâtonnets de tabac et le tabac à priser. La présente définition exclut les cigares.

Le Tribunal est d'avis que, en vertu du paragraphe 23(1) de la partie III de la Loi sur la taxe d'accise et de l'article 3 de l'annexe II de la Loi sur la taxe d'accise, Tabac Tremblay devait percevoir et remettre la taxe d'accise sur ses ventes de tabac haché à Tabac Orléans et à G.A.M.

L'article 2 de la Loi sur la taxe d'accise, qui renvoie à l'article 6 de la Loi sur l'accise, définit l'expression « tabac manufacturé » comme un produit réalisé par un fabricant de tabac avec du tabac en feuilles par quelque procédé que ce soit. Tabac Tremblay admet avoir fabriqué du tabac haché. À la lumière de ce qui précède et du dossier dans son ensemble, et notamment du fait que les parties ne contestent pas cet aspect, le Tribunal est d'avis que le tabac haché vendu par Tabac Tremblay à Tabac Orléans et à G.A.M. est du tabac manufacturé au sens de la Loi sur la taxe d'accise.

Le Tribunal est d'avis qu'aucune exemption dans la Loi sur la taxe d'accise ne permettait à Tabac Tremblay de vendre du tabac manufacturé en franchise de taxe d'accise aux deux entreprises susmentionnées. En effet, le paragraphe 23(1) de la Loi sur la taxe d'accise prévoit qu'une taxe d'accise est imposée, prélevée et perçue sur les marchandises énumérées aux annexes I et II, notamment le tabac manufacturé, qui sont fabriquées et livrées à leur acheteur. Les paragraphes 23(8.1), 23(8.2) et 23(8.3) de la Loi sur la taxe d'accise prévoient que la taxe prévue au paragraphe 23(1) n'est pas exigible dans le cas de certaines transactions spécifiques impliquant du tabac manufacturé. Or, le Tribunal est d'avis qu'aucune de ces situations ne s'appliquent aux transactions en l'espèce. De plus, le Tribunal tient à souligner que le Règlement ne s'applique pas en l'espèce. Cette exemption s'applique d'abord aux ventes faites par des petits fabricants ou producteurs et non à leurs achats. Qui plus est, cette exemption ne s'applique pas dans les cas où la taxe d'accise est imposable. Pour ce qui est de la licence d'accise que détiennent Tabac Orléans et G.A.M. en l'espèce, celle-ci ne leur permet pas d'acheter des marchandises en franchise de taxe d'accise.

Tabac Tremblay a soulevé le fait que les motifs de la cotisation initiale avaient été modifiés au moment de l'analyse de l'avis d'opposition. À cet effet, le Tribunal est d'avis que, dans les circonstances, le ministre pouvait modifier les motifs appuyant sa cotisation initiale. Pour appuyer cette conclusion, le Tribunal se fonde sur l'arrêt dans Anchor Pointe invoqué par le ministre. En outre, le Tribunal, dans une décision antérieure, GFT Mode Canada Inc. c. Sous-M.R.N. 8 , a aussi conclu que l'intimé pouvait présenter d'autres motifs à l'appui de sa cotisation en plus de ceux qui étaient déjà inclus dans sa première révision de la cotisation.

En ce qui a trait à la prétention de Tabac Tremblay selon laquelle les employés du ministre ne lui avaient pas fourni la bonne information, le Tribunal, à la lumière de la preuve au dossier, n'en est pas convaincu et, par conséquent, ne juge pas nécessaire de se prononcer davantage sur la question.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est d'avis que la cotisation du ministre est bien fondée.

Conséquemment, l'appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985, c. E-15.

2 . D.O.R.S./91-499.

3 . D.O.R.S./82-498 [Règlement].

4 . L.R.C. 1985, c. E-14.

5 . [2001] A.C.I. no 233 (C.C.I.).

6 . [1974] R.C.S. 514.

7 . Sa Majesté la Reine c. Anchor Pointe Energy Ltd., 2003 CAF 294 [Anchor Pointe].

8 . (18 mai 2000), AP-96-046 et AP-96-074 (TCCE).