DON L. SMITH

Décisions


DON L. SMITH
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2002-009


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le vendredi 26 septembre 2003

Appel no AP-2002-009

EU ÉGARD À un appel entendu le 26 février 2003 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 17 avril 2002 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

DON L. SMITH Appelant

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre présidant

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes à l'égard d'une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire) le 17 avril 2002 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le dispositif en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre de dispositif prohibé, comme l'a déterminé le commissaire.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Afin de déterminer si le dispositif en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00, le Tribunal doit déterminer si ce dispositif satisfait à la définition de « réplique » aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel. Pour que le dispositif en cause satisfasse à cette définition, il doit remplir trois conditions : 1) il doit être un objet conçu de façon à avoir l'apparence exacte d'une arme à feu, ou la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence; 2) il ne doit pas être une arme à feu; 3) il ne doit pas être un objet conçu de façon à avoir l'apparence exacte d'une arme à feu historique, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence. Le Tribunal conclut que le dispositif en cause satisfait à la définition de « réplique » aux termes du paragraphe 84(1). Étant donné qu'une réplique est comprise dans la définition de « dispositif prohibé » aux termes du paragraphe 84(1), le Tribunal est d'avis que le dispositif en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 26 février 2003

Date de la décision :

Le 26 septembre 2003

Membre du Tribunal :

James A. Ogilvy, membre présidant

Conseiller pour le Tribunal :

Dominique Laporte

Greffier :

Margaret Fisher

A comparu :

Elizabeth Richards, pour l'intimé

MOTIFS DE LA DÉCISION

INTRODUCTION

Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l'égard d'une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire) le 17 avril 2002 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le dispositif en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l'annexe du Tarif des douanes 2 à titre de dispositif prohibé, comme l'a déterminé le commissaire.

Le numéro tarifaire 9898.00.00 se lit en partie ainsi :

9898.00.00 Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l'assemblage d'armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, [...]

Pour l'application du présent numéro tarifaire,

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s'entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel.

Le paragraphe 84(1) du Code criminel 3 prévoit que l'expression « dispositif prohibé » comprend, entre autres, une réplique, dont la définition est la suivante :

« réplique » Tout objet, qui n'est pas une arme à feu, conçu de façon à en avoir l'apparence exacte - ou à la reproduire le plus fidèlement possible - ou auquel on a voulu donner cette apparence. La présente définition exclut tout objet conçu de façon à avoir l'apparence exacte d'une arme à feu historique - ou à la reproduire le plus fidèlement possible - ou auquel on a voulu donner cette apparence.

Les termes « arme à feu » et « arme à feu historique » sont définis de la façon suivante dans le Code criminel :

« arme à feu » Toute arme susceptible, grâce à un canon qui permet de tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile, d'infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne, y compris une carcasse ou une boîte de culasse d'une telle arme ainsi que toute chose pouvant être modifiée pour être utilisée comme telle;

« arme à feu historique » Toute arme à feu fabriquée avant 1898 qui n'a pas été conçue ni modifiée pour l'utilisation de munitions à percussion annulaire ou centrale ou toute arme à feu désignée comme telle par règlement.

PREUVE

Le commissaire a déposé le dispositif en cause comme pièce. Le dispositif a été décrit comme étant une réplique Airsoft UA-312 d'une mitraillette à silencieux. Il est fabriqué en plastique noir et dur, et la bouche du canon a une extrémité rouge orange. Le dispositif en cause est fabriqué à Taïwan.

M. Dean B. Dahlstrom, inspecteur d'armes à feu et de traces d'outils à la Section des armes à feu du Laboratoire judiciaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à Regina (Saskatchewan), a comparu au nom du commissaire. Le Tribunal lui a reconnu le titre d'expert dans le domaine de l'identification des armes à feu et des traces d'outils.

Le témoignage de M. Dahlstrom a porté sur son examen du dispositif en cause et sur son rapport qui a été soumis par le commissaire. M. Dahlstrom a témoigné que le dispositif en cause n'était pas une arme à feu, étant donné que les projectiles qu'il tire ne sont pas susceptibles d'infliger des lésions corporelles graves ou la mort d'une personne. Il a expliqué que le poids et la vitesse combinés des projectiles tirés par le dispositif en cause n'étaient pas suffisamment élevés pour entrer dans l'_il, ce qui est la façon dont on mesure la capacité d'infliger des lésions corporelles graves. Il a indiqué que la vitesse initiale maximum du dispositif en cause était de 75 mètres par seconde.

M. Dahlstrom a également témoigné que le dispositif en cause était conçu de façon à reproduire le plus fidèlement possible le modèle MP5SDA3 de Heckler et Koch, arme à feu qui est utilisée, par exemple, par les groupes d'armes spéciales et tactiques de la GRC. Interrogé par le Tribunal quant à la signification de la marque orange ou rouge sur le dispositif en cause, il a déclaré qu'à son avis elle n'avait aucune signification, étant donné que la couleur orange est une couleur qui apparaît parfois sur les armes à feu, et que cela n'empêche pas le dispositif en cause d'avoir l'apparence d'une arme à feu.

PLAIDOIRIE

Dans son exposé écrit, M. Don L. Smith, qui se présente comme étant un cinéaste indépendant, a indiqué que le dispositif en cause avait été commandé auprès d'un détaillant du Texas. Il a soutenu que le dispositif en cause n'a été fabriqué ni pour avoir l'apparence d'une arme à feu ni pour reproduire le plus fidèlement possible une arme à feu, pas plus que les autres armes à balles BB vendues dans tout le Canada, qui sont plus dangereuses et qui, dans certains cas, ont une apparence plus réaliste. Quant à la question de savoir si le dispositif en cause satisfait à la définition d'une réplique, l'argument de M. Smith peut être résumé ainsi : le dispositif en cause est fait de plastique léger et est beaucoup plus léger qu'une arme à feu véritable; il n'a ni culasse fonctionnelle, ni chambre ni imitation de culasse; il a des marques oranges sur le canon et au-dessus du canon, ce que n'a pas une arme à feu véritable; il tire des balles BB à 220 pieds par seconde4 ; il n'a pas de canon de métal. M. Smith a soutenu également que la norme de qualité du dispositif en cause était inférieure à celle d'une arme véritable. Pour ces raisons, M. Smith a soutenu que le dispositif en cause est un jouet, qu'il n'a pas l'apparence d'une arme à feu véritable et qu'il n'en est pas non plus une reproduction la plus fidèle possible.

M. Smith a déclaré qu'un agent des douanes de l'Agence des douanes et du revenu du Canada l'avait assuré que le dispositif en cause pouvait être expédié au Canada, à condition que sa vitesse initiale ne dépasse pas 500 pieds par seconde5 . Il a aussi soutenu qu'il était le propriétaire responsable d'une arme à feu, qu'il détenait un permis de posséder une arme à feu et qu'il était dénué de sens qu'il ait le droit de posséder des armes à feu véritables mais pas des armes à balles BB.

Le commissaire a fait référence au test à trois volets qui permet de déterminer si un article est une « réplique » aux fins du numéro tarifaire 9898.00.00. Le commissaire a également fait référence au témoignage de M. Dahlstrom selon lequel le dispositif en cause ne peut pas percer un _il, qu'il ne satisfait donc pas au critère d'être susceptible d'infliger des lésions corporelles graves ou la mort d'une personne et qu'il n'est pas considéré comme une arme à feu aux termes du Code criminel. Quant à la question de savoir si oui ou non le dispositif en cause est conçu pour avoir l'apparence d'une arme à feu, ou pour la reproduire le plus fidèlement possible, le commissaire a prétendu que, en se fondant sur les photographies comparatives et le témoignage expert de M. Dalhstrom, il est clair que le dispositif en cause a été conçu pour avoir l'apparence d'une mitraillette Heckler et Koch. En ce qui concerne le fait que le dispositif en cause a une extrémité orange, le commissaire a pris note du témoignage de l'expert, ainsi que de la décision du Tribunal dans Vito V. Servello c. Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada 6 , et il a soutenu que cela n'était pas un élément déterminant et qu'on ne pouvait tirer aucune conclusion à cet égard. Enfin, le commissaire a fait observer que M. Smith n'avait pas comparu à l'audience et a soutenu que c'était à M. Smith qu'il revenait de faire la preuve que le classement du commissaire était incorrect.

DÉCISION

Bien que M. Smith n'ait pas été présent à l'audience, le Tribunal a décidé de procéder. Il était d'avis que le mémoire de M. Smith faisait état de plusieurs arguments mettant en question la conclusion du commissaire selon laquelle le dispositif en cause reproduit le plus fidèlement possible l'apparence d'une arme à feu. Étant donné que le témoin du commissaire était disponible pour témoigner sur son rapport concernant le dispositif en cause, le Tribunal était d'avis qu'il y avait un fondement suffisant pour traiter de la question de fond dans le présent appel.

Le Tribunal doit décider si le dispositif en cause est classé correctement dans le numéro tarifaire 9898.00.00. À cette fin, il doit déterminer si le dispositif en cause satisfait à la définition de « réplique » aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel. Pour que le dispositif en cause satisfasse à cette définition, il doit remplir trois conditions : 1) il doit être un objet conçu de façon à avoir l'apparence exacte d'une arme à feu, ou la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence; 2) il ne doit pas être une arme à feu; 3) il ne doit pas être un objet conçu de façon à avoir l'apparence exacte d'une arme à feu historique, ou à la reproduire le plus fidèlement possible, ou auquel on a voulu donner cette apparence.

Le Tribunal est d'avis que la question de savoir si le dispositif en cause est un objet « conçu de façon à [...] avoir l'apparence exacte [d'une arme à feu] - ou à la reproduire le plus fidèlement possible - ou auquel on a voulu donner cette apparence » est essentiellement un exercice visuel, comme il l'a fait observer précédemment dans Servello. De l'avis du Tribunal, une comparaison visuelle du dispositif en cause avec l'arme véritable qui lui a servi de modèle révèle une proche ressemblance au niveau de la taille, de la forme et de l'apparence générale. En se fondant sur les éléments de preuve photographiques présentés par le commissaire, il est clair que le dispositif en cause est un objet « conçu de façon à [...] avoir l'apparence exacte [d'une arme à feu] - ou à la reproduire le plus fidèlement possible - ou auquel on a voulu donner cette apparence », l'arme à feu étant plus précisément le modèle MP5SDA3 de Heckler et Koch. Le Tribunal est aussi d'avis que le dispositif en cause n'est pas une arme à feu. En effet, selon le témoin expert, bien qu'il soit conçu pour tirer un projectile, il n'est pas susceptible d'infliger des lésions corporelles graves ou la mort d'une personne.

Le Tribunal comprend que le modèle d'arme à feu suivant lequel le dispositif en cause est conçu est un modèle courant et non une arme à feu historique (définie, entre autres, comme étant une arme à feu fabriquée avant 1898). Le fait que cette réplique reproduit le plus fidèlement possible une arme à feu qui n'est pas une arme à feu historique satisfait au troisième volet du test.

Au cours de l'audience, une question a été soulevée quant à savoir si le dispositif en cause est exclu du numéro tarifaire 9898.00.00, lequel comprend une exclusion pour « d) les armes qui, conformément au paragraphe 84(3) du Code criminel, sont réputées ne pas être des armes à feu ». L'alinéa 84(3)d) du Code criminel stipule ce qui suit :

(3) [...] sont réputés ne pas être des armes à feu :

d) toute autre arme pourvue d'un canon dont il est démontré qu'elle n'est ni conçue ni adaptée pour tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile à une vitesse initiale de plus de 152,4 m par seconde ou pour tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile conçus ou adaptés pour atteindre une vitesse de plus de 152,4 m par seconde.

Selon un principe général d'interprétation juridique, les exclusions doivent faire l'objet d'une interprétation stricte. Par conséquent, les marchandises qui sont énumérées explicitement comme étant incluses ne peuvent pas faire l'objet d'une exclusion plus large qui ne les couvre pas expressément. Étant donné que les répliques sont expressément énumérées comme étant des dispositifs prohibés dans le paragraphe 84(1) du Code criminel et que les « dispositifs prohibés » sont explicitement inclus dans le numéro tarifaire 9898.00.00, l'exclusion de toute arme qui, aux termes du paragraphe 84(3), est réputée ne pas être une arme à feu ne peut pas être interprétée comme visant les répliques. De plus, étant donné qu'elles sont expressément incluses dans le numéro tarifaire 9898.00.00, on ne peut pas raisonnablement présumer que le Parlement avait l'intention, en vertu des exclusions de ce numéro tarifaire, de permettre la libre importation de dispositifs tels que celui qui est en cause.

M. Smith a également soulevé d'autres arguments qui portent davantage sur l'équité. Le premier a trait à l'assurance que lui a donnée un agent des douanes selon laquelle le dispositif en cause pouvait être expédié au Canada, à condition que sa vitesse initiale ne dépasse pas 500 pieds par seconde. Deuxièmement, M. Smith a fait valoir qu'il est un propriétaire d'armes à feu responsable et détient un permis de posséder des armes à feu; il a également soutenu que d'autres armes à balles BB, qui sont plus dangereuses et, dans certains cas, d'apparence plus réaliste, sont disponibles sur le marché canadien. Cependant, le Tribunal n'est pas un tribunal d'équité et son mandat se limite au classement tarifaire du dispositif en cause. Ces arguments ne constituent pas un fondement sur lequel le Tribunal peut baser son classement du dispositif en cause, et le Tribunal ne peut donc pas en tenir compte.

Le Tribunal conclut que le dispositif en cause satisfait au test à trois volets de la définition de réplique et qu'il est donc correctement classé dans le numéro tarifaire 9898.00.00 comme dispositif prohibé.

Pour les motifs qui précèdent, l'appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . L.R.C. 1985, c. C-46.

4 . Approximativement 67 mètres par seconde.

5 . Approximativement 152,4 mètres par seconde.

6 . (19 juin 2002), AP-2001-078 (TCCE) [Servello].