JOHNSON & JOHNSON INC.

Décisions


JOHNSON & JOHNSON INC.
c.
COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2003-030

Décision et motifs rendus
le mercredi 28 avril 2004


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 22 janvier 2004 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du Revenu du Canada le 11 juin 2003 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 60 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

JOHNSON & JOHNSON INC.

Appelante

ET

 

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

Intimé

DECISION DU TRIBUNAL

L'appel est admis.

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre présidant

Richard Lafontaine
Richard Lafontaine
Membre

Meriel V. M. Bradford
Meriel V. M. Bradford
Membre

Susanne Grimes
Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 22 janvier 2004

   

Membres du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

 

Richard Lafontaine, membre

 

Meriel V. M. Bradford, membre

   

Avocat pour le Tribunal :

John Dodsworth

   

Greffier :

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

Michael Kaylor, pour l'appelante

 

Yannick Landry, pour l'intimé

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : (613) 993-4717
Télécopieur : (613) 990-2439
Courriel :

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l'égard d'une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) le 11 juin 2003, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. Selon la description des marchandises en cause, il s'agit de parties centrales absorbantes préformées de marque NovaThinMD, en rouleaux de 5,6 cm de largeur. L'ADRC a classé les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 3926.90.90 de l'annexe du Tarif des douanes 2 , à titre d'autres ouvrages en matières plastiques et ouvrages en autres matières des positions nos 39.01 à 39.14.

3. Johnson & Johnson Inc. (Johnson & Johnson) alléguait que les marchandises en cause doivent être classées dans le numéro tarifaire 4818.90.90, à titre d'autres ouates de cellulose ou nappes de fibres de cellulose, des types utilisés à des fins domestiques ou sanitaires, en rouleaux d'une largeur n'excédant pas 36 cm, ou coupés à format.

4. Johnson & Johnson a proposé, comme solution de rechange, que les marchandises en cause soient classées dans la position no 39.06 à titre de polymères acryliques sous formes primaires.

PREUVE

5. M. Jacques Vadeboncoeur était le premier témoin de Johnson & Johnson. M. Vadeboncoeur travaille pour Johnson & Johnson depuis 18 ans; il est à l'heure actuelle chargé de toutes les questions de transport et de douane à Montréal (Québec). Selon M. Vadeboncoeur, les marchandises en cause sont des polymères enrobés de deux couches de papier pulpe. En poids, les marchandises en cause sont formées de 60 p. 100 de papier pulpe et de 40 p. 100 de polymère superabsorbant (PSA)3 . Selon le témoignage de M. Vadeboncoeur, les marchandises en cause sont importées en gros rouleaux de 5,6 cm de largeur. Elles servent à la fabrication de serviettes sanitaires.

6. D'après M. Vadeboncoeur, les marchandises en cause ne sont plus importées au Canada, mais un produit similaire, composé, en poids, de 76 p. 100 de papier pulpe et de 24 p. 100 de PSA, est maintenant importé4 .

7. Le deuxième témoin de Johnson & Johnson était M. John F. Poccia, à l'emploi de Johnson & Johnson depuis 22 ans à titre de chercheur participant à la conception et à l'élaboration de gammes de produits composés de matières absorbantes et de non tissés. À l'audience, M. Poccia a été reconnu à titre de témoin expert dans deux domaines : la fonction des polymères et des fibres de cellulose (c.-à-d. le papier) et la conception et la fonction des marchandises en cause et des serviettes sanitaires produites avec les marchandises en cause.

8. M. Poccia a témoigné que les marchandises en cause sont formées de deux couches de papier pulpe composé de fibres de cellulose venant de pâte chimique blanchie et de PSA sous forme granulaire. M. Poccia a ajouté que les marchandises importées à l'heure actuelle, qui sont composées, en poids, de 76 p. 100 de papier pulpe et de 24 p. 100 de PSA, fournissent le même degré de protection contre les fuites que les marchandises en cause, mais sont meilleur marché.

9. M. Poccia a parlé du procédé de fabrication des marchandises en cause et a expliqué que le PSA est introduit dans les fibres de cellulose et mélangés avec celles-ci. Il a témoigné qu'on utilise le PSA pour absorber et retenir les fluides menstruels et a décrit la composition de ces fluides et expliqué en quoi ils diffèrent de l'eau.

10. M. Poccia a témoigné que les deux couches de papier des marchandises en cause absorbent et retiennent aussi les fluides menstruels. Selon son témoignage, bien que chacune des fibres de cellulose en elle-même ait une absorption minimale, ensemble, elles créent un réseau ayant d'importantes propriétés absorbantes. Le réseau cellulosique fonctionne aussi comme mécanisme du transport des fluides menstruels pour les distribuer partout dans les marchandises en cause, fournissant une matrice qui enveloppe et retient les particules de PSA.

11. Selon M. Poccia, les fibres de cellulose absorbent les liquides plus rapidement que le PSA et les retiennent jusqu'à ce qu'ils soient absorbés par le PSA. Il a ajouté que, sans le réseau cellulosique, les liquides fuiraient davantage des marchandises en cause. M. Poccia a ajouté que Johnson & Johnson fabrique un autre produit composé uniquement de fibres de cellulose, sans PSA, et que les deux produits absorbent la même quantité de fluide menstruel, mais que l'autre produit est beaucoup plus épais. Selon le témoignage de M. Poccia, le réseau cellulosique des marchandises en cause et le PSA jouent dans la quantité totale de fluide des rôles à peu près égaux.

12. Au cours du contre-interrogatoire, M. Poccia a témoigné que, si le PSA était enlevé des marchandises en cause, elles perdraient de leur pouvoir absorbant. Il a ajouté que le PSA est deux à trois fois plus coûteux que la fibre de cellulose. Il a aussi mentionné que, en Amérique du Nord, le volume des ventes de produits fabriqués uniquement de fibres cellulosiques est à peu près le même que le volume des ventes de produits comportant à la fois un réseau cellulosique et des PSA.

13. En réponse à une question du Tribunal, M. Poccia a témoigné que Johnson & Johnson avait dépensé des millions de dollars pour essayer de trouver un bon modèle in vitro qui soit assez représentatif des fluides menstruels, mais n'avait pas trouvé de substitut satisfaisant.

14. Le premier témoin de l'ADRC était Mme Valérie Bélisle, qui a été reconnue à titre de témoin expert en chimie, dans le domaine des textiles et des polymères. Mme Bélisle a témoigné à propos de son analyse en laboratoire des marchandises en cause. Elle a confirmé que les marchandises en cause étaient formées de trois couches : une couche de papier, une couche de granules de polymère lâchement répartis et une autre couche de papier. Mme Bélisle a affirmé que les marchandises en cause absorbent une grande quantité d'eau et qu'il était évident d'après la documentation que le polymère absorbait plus d'eau que n'absorbaient les couches de papier.

15. Le deuxième témoin de l'ADRC était M. Brian Finch, qui a été reconnu à titre de témoin expert dans le domaine des caractéristiques du PSA et de la cellulose. Le témoignage de M. Finch a porté sur le PSA, notamment sur ses utilisations et sur les divers produits dans lesquels il a été intégré. Selon M. Finch, les marchandises en cause ont été mises dans les produits d'hygiène féminine pour absorber et retenir l'humidité. M. Finch a ajouté que l'objectif du réseau cellulosique est de créer une matrice qui transporte le liquide vers le PSA. Cette matrice immobilise aussi le PSA et le maintient dans la zone du produit où il absorbera le liquide lorsqu'il est utilisé. Selon le témoignage de M. Finch, le pouvoir absorbant des marchandises en cause vient surtout du PSA. Bien que le réseau cellulosique joue un rôle dans l'absorption, celui-ci est moins important que le rôle du PSA, d'après M. Finch.

16. M. Finch a décrit les tests qu'il a effectués pour mesurer la capacité d'absorption des marchandises en cause par rapport à d'autres produits faits de cellulose. Il a témoigné que les marchandises en cause absorbent une très grande quantité d'eau et que leur pouvoir absorbant est bien plus grand que celui des marchandises faites que de cellulose. M. Finch a ajouté que, selon lui, la capacité d'absorption des marchandises en cause vient de la présence du PSA.

17. Selon le témoignage de M. Finch, la composante PSA des marchandises en cause absorbe aussi la plus grande quantité de fluide menstruel et n'est pas une matière plastique au sens de la Note 1 du Chapitre 39. M. Finch a ajouté que les granules de PSA sont répartis partout dans les marchandises en cause, de sorte que le liquide a accès à tous les granules. La matrice cellulosique permet à l'eau de se rendre d'une zone à l'autre par un processus appelé « action capillaire ». Cette matrice agit comme un tuyau d'incendie, amenant l'eau vers le feu, mais il s'agit d'une fonction accessoire par rapport à celle que remplit le PSA, c.-à-d. l'absorption de l'eau.

18. M. Finch a contredit le témoignage de M. Poccia, selon lequel le PSA et le réseau cellulosique jouent un rôle tout aussi important l'un que l'autre dans l'absorption des fluides. Tout ce qui est aqueux est bien plus absorbé par le PSA que par le réseau cellulosique. Selon le témoignage de M. Finch, le PSA joue un rôle dans le transport du liquide d'une partie des marchandises en cause à une autre, pour autant que les granules se touchent. Il a toutefois convenu que la cellulose joue un bien plus grand rôle à cet égard que le PSA.

19. M. Finch a témoigné que le PSA est la principale matière de la rétention des fluides, tandis que la cellulose joue un rôle clé dans l'acquisition du liquide. Les propriétés de réhumidification du PSA sont plus grandes que celles de la cellulose, et l'effet de mèche du produit et sa propriété de répartition du liquide sont surtout liés au PSA. M. Finch a ajouté que le PSA se trouve sous une forme primaire.

20. M. Finch a témoigné que, bien qu'il n'ait pas utilisé de sang menstruel pour évaluer le pouvoir absorbant des marchandises en cause, le sang est une substance aqueuse qui est absorbée par le PSA de la même manière que l'eau. Les taux d'absorption de différentes matières sont différents, mais le PSA absorbe en règle générale des quantités importantes de n'importe quelle substance aqueuse. M. Finch a ajouté que le réseau cellulosique des marchandises en cause et le produit dans lequel les marchandises en cause se trouvent agissent comme un filtre pour une bonne partie des matières solides que renferment les fluides menstruels. Selon M. Finch, la plus grande partie de ce qui vient en contact avec les marchandises en cause est aqueux.

PLAIDOIRIE

21. Johnson & Johnson a fait remarquer que les marchandises en cause servent à la fabrication de serviettes sanitaires pour dames et qu'elles ne sont pas utilisées pour l'absorption d'eau seulement, ni pour l'absorption d'urine. Dans ce contexte, si le Tribunal décide que les marchandises en cause doivent être classées conformément à la Règle 3 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé 5 , il ne doit pas tenir compte des utilisations pour lesquelles les marchandises ne sont pas prévues.

22. D'après Johnson & Johnson, les marchandises en cause sont un « système complet » [traduction], dont la conception vise à maximiser l'interaction entre le PSA et le réseau cellulosique. Johnson & Johnson a insisté sur le rôle que joue le réseau cellulosique dans l'absorption et la rétention des fluides menstruels et dans la répartition de ceux-ci partout dans les marchandises en cause. Le réseau cellulosique et le PSA ont une relation symbiotique qui leur permet d'atteindre l'objectif des marchandises en cause avec le plus haut degré d'efficacité qui soit.

23. Johnson & Johnson a soutenu que la composante réseau cellulosique des marchandises en cause devrait être classée dans la position no 48.18.

24. Johnson & Johnson a allégué que le classement par l'ADRC de la composante PSA des marchandises en cause dans la position no 39.26, laquelle dit : « [a]utres ouvrages en matières plastiques et ouvrages en autres matières des nos 39.01 à 39.14 », est incorrecte. Faisant référence à la décision du Tribunal dans Pigmalion Services c. Sous-M.R.N.D.A. 6 et à celle de la Cour fédérale du Canada dans Sous-M.R.N.D.A. c. Pigmalion Services 7 , Johnson & Johnson a fait valoir que le PSA qui se trouve dans les marchandises en question est classé dans la position no 39.06.

25. Johnson & Johnson a soutenu que le PSA, quoique faisant partie des marchandises en cause, reste sous sa forme primaire. Le PSA n'est pas classé dans la position no 39.26, parce que ce n'est pas un ouvrage, comme l'exige cette position. Pour constituer un « ouvrage », la matière doit avoir une forme, une apparence et une taille définies. Selon la Note 6 du Chapitre 39, l'expression « formes primaires » s'applique aux poudres et aux granulés. Les granules de PSA contenus dans les marchandises en cause n'ont pas de forme, d'apparence ni de taille et donc restent sous une « forme primaire ».

26. Johnson & Johnson a observé que le Tribunal est tenu par la Règle 3 b) des Règles générales de tenir compte de la composante, réseau cellulosique ou PSA, qui confère au produit son caractère essentiel.

27. Johnson & Johnson a allégué que le réseau cellulosique et le PSA jouent un rôle tout aussi important l'un que l'autre dans la fonction globale des marchandises en cause. D'un côté, le réseau cellulosique absorbe des fluides menstruels et les répartit partout dans les marchandises en cause afin d'accroître le pouvoir absorbant total de celles-ci. De l'autre, le PSA absorbe et retient les fluides menstruels. Johnson & Johnson a soutenu que le témoignage de M. Poccia, selon lequel le rôle du réseau cellulosique et celui que le PSA joue dans l'absorption des fluides menstruels sont tout aussi importants l'un que l'autre, doit être préféré à celui de M. Finch, puisque les essais de M. Finch ont été effectués avec de l'eau, non avec des fluides menstruels.

28. Johnson & Johnson a allégué que, puisque le rôle de la composante réseau cellulosique et celui de la composante PSA sont également importants en ce qui a trait à la fonction des marchandises en cause, la Règle 3 b) n'aide pas à classer les marchandises en cause. Les marchandises en cause doivent par conséquent être classées conformément à la Règle 3 c), dans la position qui arrive en dernier lieu dans l'ordre de numérotation de celles qui sont également susceptibles d'être considérées. Puisque le réseau cellulosique est classé dans la position no 48.18 et que la composante PSA est classée soit dans la position no 39.26 ou dans la position no 39.06, les marchandises en cause doivent être classées dans la position no 48.18.

29. L'ADRC a allégué que les marchandises en cause ne doivent pas être classées dans la position no 39.06, comme le soutient Johnson & Johnson, parce qu'elles ne sont pas sous forme primaire, au sens de la Note 6 du Chapitre 39. L'ADRC a soutenu que le Tribunal doit classer les marchandises en cause en leur entier, comme elles sont importées, et qu'il ne doit pas essayer de classer chacune des composantes de ces marchandises comme elles existeraient après déconstruction de ces marchandises. L'ADRC a maintenu que les marchandises en cause sont des ouvrages en d'autres matières des positions nos 39.01 à 39.14 et qu'elles sont donc correctement classées dans la position no 39.26.

30. L'ADRC a convenu que les marchandises en cause peuvent également être classées dans la position no 48.18 et sont par conséquent des marchandises composites, de sorte que le classement doit être effectué conformément à la Règle 3 b) des Règles générales. L'ADRC a fait valoir que les facteurs suivants déterminent le caractère essentiel : la nature de la matière ou de la composante, son volume, sa quantité, son poids ou sa valeur, ou encore le rôle que joue une matière constitutive compte tenu de l'utilisation des marchandises.

31. Le rôle des marchandises en cause est leurs propriétés d'absorption et de rétention, sans fuites. L'ADRC a soutenu qu'il est évident d'après les éléments de preuve que le PSA joue le rôle le plus important en ce qui concerne l'absorption et la rétention des fluides. Le PSA est en outre plus coûteux que le réseau cellulosique. Bien que le poids du réseau cellulosique soit supérieur à celui du PSA, l'ADRC a allégué que le poids en lui-même n'est pas un facteur déterminant pour l'établissement du classement tarifaire. L'ADRC a donc soutenu que, étant donné que le PSA donne aux marchandises en cause leur caractère essentiel, celles-ci sont correctement classées dans la position no 39.26.

DÉCISION

32. L'article 10 du Tarif des douanes prévoit que le classement de marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué en conformité avec les Règles générales et les Règles canadiennes 8 . Les Règles générales sont structurées en cascade. S'il est impossible de déterminer le classement d'un article conformément à la Règle 1, il faut tenir compte de la Règle 2, etc. D'après l'article 11 du Tarif des douanes, il faut, pour interpréter les positions et les sous-positions de l'annexe, tenir compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 9 et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 10 .

33. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si les parties centrales absorbantes préformées de marque NovaThinMD sont correctement classées dans la position no 39.26 à titre d'autres ouvrages en matières plastiques et ouvrages en d'autres matières des positions nos 39.01 à 39.14, comme l'a déterminé l'ADRC, ou si elles doivent être classées dans la position no 48.18 à titre de ouate de cellulose ou nappes de fibres de cellulose, des types utilisés à des fins domestiques ou sanitaires, en rouleaux d'une largeur n'excédant pas 36 cm, comme l'a réclamé Johnson & Johnson. Comme solution de rechange, Johnson & Johnson a allégué que les marchandises en cause devraient être classées dans la position no 39.06 à titre de polymères acryliques sous formes primaires.

34. Les parties acceptent qu'il est impossible d'utiliser la Règle 1 des Règles générales pour le classement des marchandises, puisque celles-ci sont formées d'une combinaison de matières. La Règle 2 a), qui concerne le classement d'articles incomplets ou non finis, ne s'applique pas en l'occurrence. La Règle 2 b) a trait aux produits mélangés et aux ouvrages composés de matières différentes ainsi qu'aux marchandises constituées de deux ou de plusieurs matières ou substances. La Note XIII des Notes explicatives de la Règle 2 précise ce qui suit :

Il s'ensuit que des matières mélangées ou associées à d'autres matières, et des ouvrages constitués par deux matières ou plus sont susceptibles de relever de deux positions ou plus, et doivent dès lors être classés conformément aux dispositions de la Règle 3.

35. En l'espèce, les parties acceptent que les deux principales matières constitutives des marchandises en cause sont le réseau cellulosique et le PSA. Les parties acceptent aussi que le réseau cellulosique devrait être classé dans la position no 48.18 à titre de ouate de cellulose ou nappes de fibres de cellulose, des types utilisés à des fins domestiques ou sanitaires, en rouleaux d'une largeur n'excédant pas 36 cm. Les parties acceptent également que le PSA, s'il était importé par lui-même, entrerait dans la position no 39.06 à titre de polymères acryliques sous formes primaires.

36. Les parties ne s'entendent toutefois pas sur le classement de la composante PSA des marchandises en cause. Johnson & Johnson a soutenu que la composante PSA doit être classée dans la position no 39.06. L'ADRC a allégué que le PSA est intégré à un ouvrage et n'est plus sous forme primaire. L'ADRC a allégué que les marchandises en cause sont des ouvrages d'autres matières de la position no 39.06 et sont par conséquent classées à première vue dans la position no 39.26.

37. Le Tribunal accepte la position de Johnson & Johnson, selon laquelle le PSA se trouve dans les marchandises en cause sous une forme primaire. La Note 6 du Chapitre 39 dit ce qui suit :

Au sens des nos 39.01 à 39.14, l'expression formes primaires s'applique uniquement aux formes ci-après :

a) liquides et pâtes, y compris les dispersions (émulsions et suspensions) et les solutions;

b) blocs irréguliers, morceaux, grumeaux, poudres (y compris les poudres à mouler), granulés, flocons et masses non cohérentes similaires.

38. Le Tribunal est d'avis qu'il n'est pas nécessaire que le PSA soit importé en vrac pour être considéré comme forme primaire. À ce sujet, il adopte le raisonnement de la Cour fédérale du Canada dans l'affaire Sous-M.R.N.D.A. c. Pigmalion Services 11 . La preuve indique que la poudre ou les granules se trouvent encore dans leur état initial et n'ont pas été transformés chimiquement ou physiquement en une autre forme. Le Tribunal est d'avis que le PSA est encore sous sa forme primaire, bien qu'il soit intégré dans un autre produit et se trouve entre deux couches de fibres cellulosiques. Le fait que le PSA, par lui-même, était encore sous forme granulaire dans les marchandises en cause n'a pas été contesté.

39. La Règle 3 b) des Règles générales précise que les « ouvrages composés [...] sont classés d'après la matière ou l'article qui leur confère leur caractère essentiel » [soulignement ajouté].

40. Le Tribunal convient que les marchandises en cause sont des ouvrages composés et que leur classement doit être déterminé par la matière qui leur confère leur caractère essentiel. Le Tribunal doit donc vérifier le classement de chacun des articles. Comme cela a été mentionné ci-dessus, le Tribunal est d'avis que la composante PSA se trouve dans les marchandises en cause sous sa forme primaire, au sens de la Note 6 du Chapitre 39 et qu'elle ne constitue pas, en elle-même, un article. Les deux classements applicables des marchandises en cause sont donc les positions nos 48.18 et 39.06.

41. La Règle 3 a) des Règles générales précise que la position qui offre la description la plus précise doit avoir priorité; toutefois, lorsque deux ou plusieurs positions se rapportent chacune à une partie seulement des matières constituant un produit mélangé ou un ouvrage composé, ces positions doivent être considérées comme également spécifiques. Il n'est donc pas possible de déterminer le classement par l'application de la Règle 3 a) et le Tribunal doit ensuite tenir compte de la Règle 3 b).

42. Comme cela a été mentionné ci-dessus, la Règle 3 b) des Règles générales prévoit que « les ouvrages composés [...] dont le classement ne peut être effectué en application de la Règle 3 a), sont classés d'après la matière ou l'article qui leur confère leur caractère essentiel lorsqu'il est possible d'opérer cette détermination » [soulignement ajouté].

43. Pour déterminer quelle composante d'un produit lui donne son caractère essentiel, la Note VIII des Notes explicatives de la Règle 3 b) précise ce qui suit :

Le facteur qui détermine le caractère essentiel varie suivant le genre de marchandises. Il peut, par exemple, ressortir de la nature de la matière constitutive ou des articles qui les composent, de leur volume, leur quantité, leur poids ou leur valeur, de l'importance d'une des matières constitutives en vue de l'utilisation des marchandises.

44. Selon les éléments de preuve, bien que le PSA ait une plus grande valeur, le réseau cellulosique représente plus de volume et de poids. Le Tribunal a longuement entendu les témoins sur le rôle que jouent les deux composantes concernant l'utilisation des marchandises. Le fait que les marchandises en cause sont intégrées à des produits d'hygiène féminine et qu'elles absorbent les fluides menstruels n'est pas contesté.

45. Le Tribunal est d'avis que les témoignages sont clairs et que les deux articles jouent un rôle tout aussi important l'un que l'autre dans le pouvoir absorbant des marchandises en cause. Dans des essais effectués avec de l'eau, le PSA était beaucoup plus absorbant que les autres matières avec lesquelles il a été comparé et sa capacité de rétention était plus grande. Tout au moins en théorie, à supposer un débit constant et suffisamment de temps, il pourrait absorber plus de fluides menstruels que le réseau cellulosique. Cependant, ces essais ont été effectués avec de l'eau et non avec des fluides menstruels. Le débit des fluides menstruels dans le temps est de plus très varié.

46. Les éléments de preuve indiquent en outre que le pouvoir absorbant du PSA dépend entièrement de la fonction du réseau cellulosique, qui répartit les fluides menstruels partout dans les marchandises en cause. Les marchandises en cause doivent, pour être fonctionnelles, satisfaire à deux exigences : la composition particulière des fluides menstruels et la relation optimale entre les deux articles qui composent les marchandises en cause, c.-à-d. le PSA et le réseau cellulosique. Sans la capacité du réseau cellulosique de répartir le liquide partout dans la partie centrale et d'absorber rapidement au départ, le produit ne réussirait pas à absorber convenablement et à retenir les fluides menstruels. Dans le contexte de l'objectif annoncé et de l'utilité du produit, cet échec minerait beaucoup l'utilité et la possibilité de commercialisation du produit.

47. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal est d'avis que ni l'une ni l'autre article ne détermine le caractère essentiel des marchandises en cause et que la Règle 3 c) des Règles générales doit être utilisée. Les marchandises en cause doivent par conséquent être classées dans la position qui arrive en dernier lieu dans l'ordre de numérotation parmi celles qui sont susceptibles d'être prises en considération, en l'espèce la position no 48.18.

48. L'appel est donc admis.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . La décision de l'ADRC disait de cette composante qu'il s'agit d'une poudre incolore et granulaire formée d'un polymère acrylique, plus précisément le polyacrylate de sodium. Un témoin de Johnson & Johnson a aussi dit qu'il s'agit d'une poudre superabsorbante.

4 . Un échantillon de ce produit a été remis à l'ADRC; le rapport de laboratoire dont il était question dans son relevé détaillé de rajustement reposait sur cet échantillon.

5 . Supra note 2, annexe [Règles générales].

6 . (1 juin 1992), AP-90-138 (TCCE).

7 . (1994), 76 F.T.R. 313.

8 . Supra note 2, annexe.

9 . Conseil de coopération douanière, 1re éd., Bruxelles, 1987.

10 . Conseil de coopération douanière, 2éd., Bruxelles, 1996.

11 . Supra note 7 au para. 34.