ASEA BROWN BOVERI INC.

Décisions


ASEA BROWN BOVERI INC.
v.
LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2002-091


TABLE DES MATIÈRES

Ottawa, le mercredi 2 juillet 2003

Appel no AP-2002-091

EU ÉGARD À un appel entendu le 19 février 2003 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 22 août 2002 concernant une demande de réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes.

ENTRE

ASEA BROWN BOVERI INC. Appelante

ET

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est rejeté.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre

Michel P. Granger
Michel P. Granger
Secrétaire

RÉSUMÉ OFFICIEUX

Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes à l'égard d'une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire) de ne pas faire droit à une demande de réexamen de la révision aux termes de l'article 63 de la Loi sur les douanes. La question préliminaire en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le Tribunal a compétence pour statuer sur l'appel.

DÉCISION : L'appel est rejeté. Le Tribunal conclut qu'il n'a pas compétence pour statuer sur le présent appel. L'article 67 de la Loi sur les douanes confère au Tribunal le pouvoir d'entendre les appels d'une personne qui s'estime lésée par une décision du commissaire (antérieurement le sous-ministre) rendue conformément à l'article 63. Le Tribunal est d'avis que l'article 63 prescrit que le commissaire doit avoir procédé à un classement tarifaire pour arriver à sa décision pour que le droit d'interjeter appel de la décision existe. En l'espèce, le Tribunal a déterminé que la décision du commissaire ne comportait pas de classement tarifaire et n'était donc pas une décision rendue conformément à l'article 63 et, par conséquent, qu'il n'y avait pas de droit d'appel aux termes de l'article 67.

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 19 février 2003

Date de la décision :

Le 2 juillet 2003

   

Membres du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

 

Pierre Gosselin, membre

 

James A. Ogilvy, membre

   

Conseillers pour le Tribunal :

Roger Nassrallah

 

Reagan Walker

   

Greffier :

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

Douglas J. Bowering, pour l'appelante

 

Marie Crowley, pour l'intimé

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l'égard d'une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (le commissaire), le 22 août 2002, aux termes de l'article 63 de la Loi. La question préliminaire en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le Tribunal a compétence pour statuer sur l'appel.

PREUVE

Les faits de la présente affaire ne sont pas contestés. Le 17 mars 1995, Asea Brown Boveri Inc. (ABB)2 a importé des changeurs de prises en charge au Canada. Le 31 août 1995, Corporate Audit Services (CAS), agissant en qualité de mandataire d'ABB, a demandé une révision du classement tarifaire, en vertu de l'alinéa 60(1)b) de la Loi. Le 5 octobre 1995, le commissaire a délivré un relevé détaillé de rajustement (RDR) en réponse à la demande de révision de CAS, aux termes du paragraphe 60(3). Le RDR a été envoyé à ABB et aussi, par erreur, à Universal Customs Brokers Ltd., un autre mandataire d'ABB. Toutefois, le RDR n'a pas été envoyé à CAS.

Le 22 octobre 2001, plus de six ans après sa demande de révision, CAS a demandé un rapport sur l'état de sa demande. Le 2 novembre 2001, le commissaire a répondu que la demande de CAS avait été approuvée le 5 octobre 1995. Le 13 novembre 2001, CAS a demandé le réexamen de la révision, en application du paragraphe 63(1)a) de la Loi 3 . Le 22 août 2002, le commissaire a écrit à CAS pour l'informer que sa demande de réexamen de la révision n'avait pas été présentée dans le délai prévu à l'article 63. Le 17 septembre 2002, CAS a déposé son avis d'appel auprès du Tribunal.

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

Les dispositions suivantes de la Loi, dans sa version applicable au moment des transactions en question, sont pertinentes à l'espèce :

60.(1) L'importateur ou toute personne redevable de droits dus sur des marchandises importées peut [...]

a) soit dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date du classement tarifaire ou de l'appréciation de la valeur en douane prévus à l'article 58, en demander la révision;

b) soit, si le ministre l'estime souhaitable, dans les deux ans suivant cette date, demander pareille révision.

(2) La demande prévue au présent article est à présenter à l'agent désigné, selon les modalités réglementaires ainsi qu'en la forme et avec les renseignements déterminés par le ministre.

(3) Sur réception de la demande prévue au présent article, l'agent désigné procède dans les meilleurs délais à la révision et donne avis de sa décision au demandeur.

63.(1) Toute personne peut demander le réexamen de la révision :

a) dans les quatre-vingt-dix jours suivant l'avis de la décision prise en vertu de l'article 60 ou 61;

b) si le ministre l'estime souhaitable, dans les deux ans suivant le classement ou l'appréciation prévus à l'article 58.

67.(1) Toute personne qui s'estime lésée par une décision du sous-ministre rendue conformément à l'article 63 ou 64 peut en interjeter appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur en déposant par écrit un avis d'appel auprès du sous-ministre et du secrétaire de ce Tribunal dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de l'avis de décision.

PLAIDOIRIE

ABB a soutenu que les faits du présent appel sont identiques en principe à ceux de Rexnord Canada Limited c. Sous-M.R.N. 4 et a invoqué l'ordonnance que le Tribunal avait rendue dans cet appel. Elle a déclaré que, dans Rexnord, le sous-ministre du Revenu national avait rendu une décision en vertu de l'article 60 de la Loi, mais ne l'avait pas notifiée à la personne qui avait présenté la demande, ce qui, selon ABB, était similaire aux faits du présent appel. Elle a de plus soutenu que les principes appliqués par le Tribunal dans Rexnord étaient corrects.

En ce qui a trait à la compétence du Tribunal, ABB a prétendu que le libellé de l'article 63 de la Loi prescrit que le commissaire doit rendre une décision, par opposition au libellé de l'article 64 qui, selon ABB, confère au Tribunal un plus grand pouvoir discrétionnaire. Elle a soutenu qu'en l'espèce, le commissaire a rendu une décision au sens de l'article 63, lorsqu'il a décidé que la demande n'avait pas été présentée dans le délai de 90 jours prévu par la loi. ABB a aussi soutenu que, même si la décision du commissaire ne traitait pas au fond d'une question de classement tarifaire, elle constituait néanmoins une décision au sens de l'article 63. À l'appui de son argument, elle a invoqué la décision du Tribunal dans Walker Exhausts Division of Tenneco Canada Inc. c. Sous-M.R.N.D.A. 5 En se fondant sur ce raisonnement, ABB a soutenu que le Tribunal avait compétence pour statuer sur l'appel.

En réponse à une question du Tribunal au sujet de la décision de la Cour fédérale du Canada dans Mueller Canada Inc. c. Canada (M.R.N.) 6 , ABB a renvoyé à une partie de la décision, qui indiquait que la principale question liée à la compétence que doit régler le Tribunal est celle de savoir si le commissaire a effectivement rendu une décision au sens de l'article 637 .

Le commissaire a soutenu que le Tribunal n'a pas compétence pour statuer sur le présent appel, étant donné qu'une décision au sens de l'article 63 de la Loi a été interprétée par le Tribunal dans de nombreuses affaires qu'il a entendues comme s'entendant d'une décision au fond sur la question du classement. Il a ajouté que toute décision se rapportant à des questions préliminaires ne devait pas être considérée comme une décision au sens de l'article 63.

En réponse à l'argument d'ABB selon lequel le Tribunal devrait appliquer les principes établis dans Walker Exhausts, le commissaire a prétendu que cette décision ne faisait plus autorité à cet égard. De plus, il a soutenu que les décisions rendues par le Tribunal depuis Mueller indiquent que le Tribunal a renoncé à la position prise dans Walker Exhausts et a constamment appliqué le principe établi dans Mueller. Enfin, le commissaire a soutenu que le recours indiqué pour les décisions préliminaires est le contrôle judiciaire devant la Cour fédérale du Canada, et non un appel devant le Tribunal.

DÉCISION

La question préliminaire en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le Tribunal a compétence aux termes de l'article 67 de la Loi pour statuer sur l'appel. Le paragraphe 67(1) dispose notamment ce qui suit :

Toute personne qui s'estime lésée par une décision du sous-ministre rendue conformément à l'article 63 [. . .] peut en interjeter appel devant le Tribunal canadien du commerce extérieur.

Le paragraphe 63(1) de la Loi dispose notamment ce qui suit :

Toute personne peut demander le réexamen de la révision [. . .] dans les quatre-vingt-dix jours suivant l'avis de la décision prise en vertu de l'article 60.

Par conséquent, pour que le Tribunal ait compétence, le commissaire doit avoir rendu une décision conformément à l'article 63 de la Loi. Pour que le commissaire ait compétence pour procéder à un réexamen aux termes de l'article 63 de la Loi, ABB doit avoir présenté une demande de réexamen dans le délai prévu.

La réponse du commissaire à la demande de réexamen de la révision présentée par ABB se lit ainsi : « Cette demande n'a pas été présentée dans le délai prévu à l'article 63 de la Loi sur les douanes. Étant donné que le délai prévu est écoulé, la demande ne fera pas l'objet d'un examen plus poussé » [traduction]. L'élément de preuve ci-dessus concernant la nature de la décision du commissaire n'a pas été réfuté, et les éléments de preuve indiquent qu'il s'agissait de la seule décision rendue par le commissaire. La question est celle de savoir si cette décision, à elle seule, constitue une décision au sens de l'article 63 de la Loi et peut donc ouvrir droit à un appel en vertu de l'article 67.

Ainsi qu'il a déjà été décrit, ABB a invoqué la décision du Tribunal dans Walker Exhausts et l'ordonnance du Tribunal dans Rexnord à l'appui de sa position. Le commissaire a soutenu que la jurisprudence du Tribunal à cet égard a évolué depuis Mueller. ABB ne semblait pas avoir adopté la position que Walker Exhausts et Rexnord étaient incompatibles avec Mueller.

Dans Mueller, la Cour fédérale du Canada a déterminé que les intimés, ayant procédé à un « classement tarifaire », étaient arrivés à une décision au fond qui constituait une décision rendue conformément à l'article 63 de la Loi et, de ce fait, que le Tribunal avait compétence en vertu de l'article 67 :

ce que les intimés appellent une [TRADUCTION] « question préliminaire » est à mon sens une décision au fond voilée. Pour considérer que le décret rétroactif ne s'appliquait pas aux marchandises en question, il a fallu que les intimés procèdent à un classement tarifaire. Soutenir qu'il s'agissait d'une question préliminaire créerait une redondance que le législateur n'aurait pu envisager [. . .] Je le répète, je ne crois pas que c'est ce que le législateur envisageait, étant donné que le TCCE est expressément habilité à traiter de ces questions techniques8 . [Soulignement ajouté]

Le Tribunal a constamment appliqué les principes établis dans Mueller pour déterminer s'il a compétence en vertu de l'article 67 de la Loi. Il s'est appuyé sur Mueller non seulement dans Rexnord, mais aussi dans Fisher Scientific Ltd. c. Sous-M.R.N. 9 , Vilico Optical Inc. c. Sous-M.R.N. 10 , Phillips Électronique Ltée c. Sous-M.R.N. 11 et Chicago Rawhide Products Canada Ltd. c. Sous-M.R.N. 12 À chaque occasion, le Tribunal a examiné la façon dont Mueller s'applique aux faits particuliers de l'affaire. Il fait observer que l'appel Walker Exhausts a été entendu avant la date de la décision rendue dans Mueller.

Dans le présent appel, pour décider que la demande de réexamen de la révision n'a pas été déposée dans le délai prévu à l'article 63 de la Loi, le commissaire n'a pas procédé à un classement tarifaire et, par conséquent, n'a pas rendu de décision au fond. Plutôt, il a décidé de ne pas examiner au fond la demande de réexamen parce que, à son avis, elle avait été déposée trop tard. Les éléments de preuve n'ont pas indiqué que le commissaire avait procédé à quoi que ce soit qui puisse être interprété comme un exercice de classement tarifaire. Le commissaire a seulement examiné si la demande avait été déposée dans le délai prévu pour la présentation d'une demande de réexamen aux termes de l'article 63.

Par conséquent, dans la présente affaire, la décision du commissaire est seulement une décision concernant une condition préliminaire qu'il faut remplir pour présenter une demande de réexamen aux termes l'article 63 de la Loi. Il ne s'agit pas d'une décision sur le classement tarifaire ni d'une « décision voilée » sur le classement tarifaire comme c'était le cas dans Mueller. Ainsi, par application des principes établis dans Mueller, il ne s'agit pas d'une décision rendue conformément à l'article 63.

Par conséquent, le Tribunal n'a pas compétence pour statuer sur le présent appel et rejette l'appel.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . ABB a été représentée à l'audience publique par M. Douglas J. Bowering, employé contractuel de Corporate Audit Services, mandataire d'ABB.

3 . En réponse à des questions du Tribunal, ABB a déclaré que les droits d'importation initialement versés étaient établis à 13,9 p. 100 et que, à la suite de sa demande de réexamen, aux termes de l'article 60 de la Loi, le commissaire avait décidé que le taux de droit aurait dû être de 9,6 p. 100 et avait remboursé la différence. De plus, ABB a déclaré avoir demandé un réexamen de la révision, conformément à l'article 63, pour tirer avantage de la décision rendue par le Tribunal dans le cadre de l'appel no AP-98-001, datée du 21 février 2000, ce qui aurait rendu, selon ABB, le taux de droit nul.

4 . (14 janvier 1997) AP-95-289 (TCCE) [Rexnord].

5 . (6 juillet 1994) AP-93-063 (TCCE) [Walker Exhausts].

6 . [1993] A.C.F. no 1193 (1re inst.) (QL) [Mueller].

7 . Transcription de l'argumentation publique aux pp. 11-12.

8 . Ibid. au para. 14.

9 . (7 mai 1996) AP-94-324 (TCCE).

10 . (7 mai 1996) AP-94-365 (TCCE).

11 . (18 décembre 1997) AP-95-224 (TCCE).

12 . (21 décembre 2000) AP-97-133 (TCCE).