713460 ONTARIO LTD. S/N HEIRLOOM CLOCK COMPANY

Décisions


713460 ONTARIO LTD. S/N HEIRLOOM CLOCK COMPANY
c.
MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Appel no AP-2003-035

Décision et motifs rendus
le vendredi 13 août 2004


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. 1985, c. E-15;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le ministre du Revenu national le 21 février 2003 concernant un avis d'opposition signifié aux termes de l'article 81.15 de la Loi sur la taxe d'accise.

ENTRE

 

713460 ONTARIO LTD. S/N HEIRLOOM CLOCK COMPANY

Appelante

ET

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

Intimé

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est admis.

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre présidant

Richard Lafontaine
Richard Lafontaine
Membre

Meriel V. M. Bradford
Meriel V. M. Bradford
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Le 5 avril 2004

   

Membres du Tribunal :

Zdenek Kvarda, membre présidant

 

Richard Lafontaine, membre

 

Meriel V. M. Bradford, membre

   

Conseiller pour le Tribunal :

Marie-France Dagenais

   

Greffier :

Anne Turcotte

   

Parties :

Peter A. Eickmeier, pour l'appelante

 

Sonia Barrette, pour l'intimé

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : (613) 993-3595
Télécopieur : (613) 990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 81.19 de la Loi sur la taxe d'accise 1 à l'égard d'une décision rendue par le ministre du Revenu national (le ministre) le 21 février 2003, qui a eu pour effet de confirmer la cotisation du 26 juin 2002 pour taxes d'accise impayées. Le Tribunal a tenu une audience sur pièces conformément à l'article 36.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 2 . La question en litige consiste à déterminer si 713460 Ontario Ltd. s/n Heirloom Clock Company (Heirloom) est réputée fabricant d'horloges aux termes du paragraphe 23(11) de la Loi ou, à titre subsidiaire, si elle est correctement définie comme fabricant d'horloges aux termes du paragraphe 23(1) ou, également à titre subsidiaire, si elle est un fabricant ou producteur du fait qu'elle prépare « des marchandises pour la vente en les assemblant, [...] emballant ou remballant » aux termes du paragraphe 2(1), auxquels cas elle doit percevoir et remettre la taxe d'accise sur ses ventes d'horloges de parquet.

PREUVE

2. Le ministre et Heirloom ont déposé un exposé conjoint des faits daté du 13 février 2004. Ces faits sont, entre autres, les suivants :

· Heirloom fabrique des cabinets pour horloges de parquet.

· Une horloge de parquet se compose d'un cabinet, d'un mécanisme, d'un cadran, d'un pendule et de poids qui entraînent le pendule.

· Lorsqu'un client commande un cabinet d'horloge de parquet doté d'un mécanisme d'horloge, d'un cadran, d'un pendule et de poids, Heirloom installe le mécanisme et le cadran dans le cabinet d'horloge avant de l'expédier, mais n'installe pas le pendule et les poids.

· Entre le 1er avril 1998 et le 31 décembre 2000, Heirloom a fabriqué des boîtiers d'horloge et installé des mécanismes et des cadrans d'horloge dans ces boîtiers pour les vendre à des détaillants et, à l'occasion, à des consommateurs.

POSITION DES PARTIES

3. Heirloom soutient ne pas pouvoir être considérée comme une personne qui fabrique des horloges aux termes du paragraphe 23(11) de la Loi, puisqu'elle ne place pas de mouvement d'horloge dans une horloge. Elle soutient ne pas avoir vendu d'horloges à des clients de gros, mais avoir vendu des cabinets d'horloge et des mouvements d'horloge.

4. D'après Heirloom, un mouvement d'horloge se compose des pièces mobiles de l'horloge, qui comprennent les pièces mobiles du mécanisme, les aiguilles du cadran, le pendule et les poids qui entraînent le pendule.

5. Heirloom soutient que, lorsqu'elle vend une horloge de parquet, elle installe seulement le mécanisme et les aiguilles du cadran, mais n'installe jamais le pendule et les poids. De ce fait, Heirloom soutient installer seulement une partie d'un mouvement d'horloge et que le produit final qu'elle vend n'est pas fonctionnel et ne peut être considéré comme une horloge.

6. Heirloom soutient que le Tribunal doit tenir compte des définitions que donnent les dictionnaires pour déterminer ce qu'est un mouvement d'horloge. Elle renvoie à la définition du dictionnaire du mot « mouvement » [traduction] qui prévoit en partie qu'il s'agit « des pièces mobiles d'un mécanisme » [traduction]3 et soutient que le mouvement de l'horloge est assimilable aux pièces mobiles de l'horloge, qui comprennent les poids et le pendule.

7. Selon Heirloom, pour qu'un objet soit considéré comme une horloge, il doit pouvoir indiquer l'heure. Puisqu'une horloge de parquet doit être dotée de poids et d'un pendule pour indiquer l'heure, les horloges de parquet que fabrique Heirloom ne peuvent être considérées comme des horloges lorsqu'elles sont livrées à ses clients, puisque aucun poids ni pendule n'est installé dans les cabinets d'horloge.

8. Heirloom soutient aussi ne pas pouvoir être considérée comme un fabricant d'horloges aux termes du paragraphe 23(1) de la Loi ni une personne réputée fabricant aux termes du paragraphe 2(1), puisqu'elle ne livre pas à l'acheteur une horloge complètement fabriquée, mais plutôt des composants d'horloge et des pièces d'un mouvement d'horloge qui ne sont pas dans un état complètement assemblé et fonctionnel.

9. Le ministre soutient que Heirloom est un fabricant ou un producteur du fait qu'elle « prépare des marchandises pour la vente en les assemblant, [...] emballant ou remballant » conformément au paragraphe 2(1) de la Loi.

10. Le ministre renvoie à la décision rendue par le Tribunal dans Movado Group of Canada, Inc. c. M.R.N. 4 , où ce dernier a conclu, à l'étude de l'alinéa f) de la définition de l'expression « fabricant ou producteur » au sens du paragraphe 2(1) de la Loi, que l'ajout d'un bracelet au bloc-montre ne répond pas à la définition de l'expression « fabrication ou production », puisque cette opération ne débouche pas sur une montre capable d'exercer une fonction qu'elle ne pouvait remplir auparavant. Le ministre soutient que, en l'espèce, puisqu'elle place un mouvement dans un cabinet d'horloge ce qui, de l'avis du ministre, rend l'horloge fonctionnelle, Heirloom est un fabricant ou un producteur d'horloges aux termes de l'alinéa f).

11. Le ministre soutient également que Heirloom est réputée avoir fabriqué des horloges au sens du paragraphe 23(11) de la Loi du fait qu'elle a placé un mouvement d'horloge dans un boîtier d'horloge. D'après le ministre, le fait de placer le mouvement dans une horloge rend cette dernière fonctionnelle, et une horloge ne peut fonctionner sans le mouvement. Pour interpréter le mot « mouvement », le ministre renvoie à l'expression « mouvement d'horloge » [traduction] sur le site Web de Clockworks5 , où elle est définie comme « la partie de l'horloge qui contient tous les engrenages » [traduction]. Le ministre renvoie aussi à une autre définition de « mouvement d'horloge » qui se trouve sur le site Web de Online Clock Place6 , où il est écrit ce qui suit : « Un mouvement d'horloge est la partie composée d'un grand nombre de petits engrenages [...] Ce sont les parties de l'horloge qui effectuent tout le travail et qui font que votre horloge indique bien, ou pas, l'heure » [traduction]. Par application des définitions ci-dessus aux faits de l'espèce, le ministre soutient que, lorsqu'elle installe le mécanisme et les aiguilles du cadran dans un cabinet d'horloge, Heirloom place effectivement un mouvement d'horloge dans une horloge et, de ce fait, est réputée avoir fabriqué une horloge car elle a placé un mouvement dans un boîtier d'horloge.

12. Le ministre invoque la fiche de décision 0625/5-17 , qui traite des trousses, à l'appui de la position selon laquelle Heirloom est un fabricant d'horloges et pour réfuter l'affirmation de Heirloom selon laquelle cette dernière commercialise et vend des composants d'horloge, mais non des horloges. La fiche de décision prévoit en partie que les composants d'horloge importés dans un état démonté d'une même source, en quantité égale, seront considérés comme des horloges au sens de l'alinéa 8a) (maintenant 5a)) de l'annexe I de la Loi.

13. Enfin, le ministre soutient que Heirloom est un fabricant d'horloges aux termes du paragraphe 23(1) de la Loi, car elle a fabriqué des horloges, l'une des marchandises énumérées à l'annexe I de la Loi, et qu'elle les a livrées à un acheteur.

DÉCISION

14. La question en litige est celle de savoir si Heirloom est réputée fabricant d'horloges aux termes du paragraphe 23(11) de la Loi ou, à titre subsidiaire, si elle est correctement définie comme fabricant d'horloges aux termes du paragraphe 23(1) ou, également à titre subsidiaire, si elle est réputée fabricant ou producteur du fait qu'elle prépare « des marchandises pour la vente en les assemblant, [...] emballant ou remballant » au sens du paragraphe 2(1), auxquels cas elle doit percevoir et remettre la taxe d'accise sur ces ventes d'horloges de parquet.

15. Les dispositions pertinentes de la Loi prévoient en partie ce qui suit :

2. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article, aux parties I à VIII (sauf l'article 121) et aux annexes 1 à IV.

« fabricant ou producteur » Y sont assimilés :

f) toute personne qui, y compris par l'intermédiaire d'une autre personne agissant pour le compte de celle-ci, prépare des marchandises pour la vente en les assemblant, fusionnant, mélangeant, coupant sur mesure, diluant, embouteillant, emballant ou remballant, ou en les enduisant ou les finissant, à l'exclusion d'une personne qui prépare ainsi des marchandises dans un magasin de détail afin de les y vendre exclusivement et directement aux consommateurs.

23. (1) Sous réserve des paragraphes (6) à (8.3) et 23.2(6), lorsque les marchandises énumérées aux annexes 1 et II sont importées au Canada, ou y sont fabriquées ou produites, puis livrées à leur acheteur, il est imposé, prélevé et perçu, outre les autres droits et taxes exigibles en vertu de la présente loi ou de toute autre loi, une taxe d'accise sur les marchandises, suivant le taux applicable figurant à l'article concerné de l'annexe pertinente, calculée, lorsqu'il est précisé qu'il s'agit d'un pourcentage, d'après la valeur à l'acquitté ou le prix de vente, selon le cas.

23. (11) Lorsqu'une personne a, au Canada, selon le cas :

a) placé un mécanisme d'horloge ou de montre dans un boîtier d'horloge ou de montre;

b) placé un mécanisme d'horloge ou de montre dans un boîtier d'horloge ou de montre et y a ajouté une courroie, un bracelet, une broche ou autre accessoire;

c) serti ou monté un ou plusieurs diamants, ou autres pierres précieuses ou fines, véritables ou imitées, en une bague, une broche ou autre article de bijouterie,

elle est réputée, pour l'application de la présente partie, avoir fabriqué ou produit la montre, l'horloge, la bague, la broche ou autre article de bijouterie au Canada.

ANNEXE I

5. a) Horloges et montres adaptées à l'usage domestique ou personnel, sauf les montres d'employés de chemins de fer et les montres spécialement conçues pour l'usage des aveugles, dix pour cent de la fraction du prix de vente ou de la valeur à l'acquitté qui est supérieure à cinquante dollars.

16. Heirloom soutient que la taxe ne doit pas être imposée sur ses cabinets d'horloge de parquet en vertu de l'alinéa f) de la définition de « fabricant ou producteur » qui se trouve aux paragraphes 2(1), 23(1) et 23(11) de la Loi, car elle vend parfois des horloges et parfois seulement des composants d'horloge8 .

17. Le ministre soutient que la décision selon laquelle Heirloom est un fabricant d'horloges et est donc tenue de payer la taxe d'accise sur la vente desdites horloges est entièrement conforme à la législation et aux règles pertinentes9 .

18. Pour déterminer si Heirloom est un fabricant d'horloges, auquel cas elle doit percevoir et remettre la taxe d'accise sur ses ventes d'horloges de parquet, le Tribunal est d'avis qu'il doit d'abord déterminer ce qu'est un « mouvement d'horloge ». La Loi ne définit pas le mot « mouvement ». Comme il l'a fait dans des décisions précédentes10 , le Tribunal examinera donc la signification courante du terme qu'on retrouve dans les dictionnaires d'usage. Le Tribunal a examiné la définition que donne le dictionnaire du terme « mouvement », à laquelle Heirloom a renvoyé, qui prévoit en partie qu'il s'agit des « pièces mobiles d'un mécanisme ». Le Tribunal a aussi examiné la définition de l'expression « mouvement d'horloge » qui se trouve sur le site Web de Online Clock Place et qui prévoit ce qui suit : « Un mouvement d'horloge est la partie composée d'un grand nombre de petits engrenages [...] Ce sont les parties de l'horloge qui effectuent tout le travail et qui font que votre horloge indique bien, ou pas, l'heure » (soulignement ajouté).

19. Les parties conviennent qu'une horloge de parquet se compose d'un cabinet d'horloge, d'un mécanisme, d'un cadran, d'un pendule et de poids qui entraînent le pendule. Elles conviennent aussi que Heirloom n'installe pas le pendule et les poids dans les cabinets d'horloge avant de vendre les horloges de parquet11 .

20. Le Tribunal est d'avis que le mouvement d'horloge d'une horloge de parquet se compose de toutes les pièces mobiles de l'horloge, qui comprennent les poids et le pendule. Le Tribunal est également d'avis que le mouvement d'une horloge est ce qui la rend fonctionnelle. Étant donné que la fonction première d'une horloge est d'indiquer l'heure, le Tribunal est d'avis que Heirloom devait avoir installé tous les composants d'une horloge de parquet dans le cabinet d'horloge pour être la personne réputée avoir fabriqué les horloges de parquet. Il ressort des éléments de preuve que Heirloom n'installe pas le pendule et les poids dans les cabinets d'horloge avant de vendre les horloges de parquet. Le Tribunal conclut donc que Heirloom n'est pas réputée avoir fabriqué des horloges, puisqu'elle n'a pas placé de mouvement d'horloge dans une horloge conformément aux exigences du paragraphe 23(11) de la Loi.

21. Le Tribunal conclut aussi que Heirloom ne peut être réputée fabricant d'horloges aux termes du paragraphe 23(1) de la Loi. Aux termes du paragraphe 23(1) et de l'alinéa 5a) de l'annexe I de la Loi, une taxe d'accise est imposée sur les horloges qui sont fabriquées ou produites au Canada, puis livrées à un acheteur de telles marchandises. Le Tribunal est d'avis que, pour qu'un objet soit considéré comme une horloge fabriquée, il doit pouvoir indiquer l'heure. Les éléments de preuve établissent que tous les composants doivent être installés pour qu'une horloge de parquet puisse indiquer l'heure. Puisque les horloges de parquet fabriquées par Heirloom n'ont pas de poids et de pendule installés et, de ce fait, qu'elles ne peuvent indiquer l'heure, Heirloom ne peut être réputée fabricant d'horloges aux termes du paragraphe 23(1).

22. Le Tribunal conclut également que Heirloom n'est pas réputée fabricant au sens du paragraphe 2(1) de la Loi. En appliquant à l'espèce le raisonnement énoncé dans Movado, Heirloom doit avoir fabriqué des horloges fonctionnelles pour être considérée comme un fabricant. Puisqu'il ressort des éléments de preuve que Heirloom n'installe pas tous les composants d'une horloge de parquet dans ses cabinets d'horloge, et puisque le Tribunal a déjà conclu qu'une horloge de parquet n'est fonctionnelle que lorsque tous ses composants sont installés, Heirloom n'est pas réputée fabricant ou producteur aux termes de l'alinéa f) de la définition de « fabricant ou producteur » énoncée au paragraphe 2(1).

23. Enfin, le Tribunal est d'avis que l'interprétation administrative qui se trouve sur une fiche de décision, comme celle invoquée par le ministre, ne peut l'emporter sur une disposition claire de la Loi. Le Tribunal est d'avis que le libellé des dispositions législatives pertinentes ne peut pas être interprété comme signifiant que la taxe d'accise doit être perçue et remise sur les ventes d'horloges non assemblées qui ne sont pas fonctionnelles.

24. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal est d'avis que la cotisation du ministre n'est pas bien fondée.

25. L'appel est admis.


1 . L.R.C. 1985, c. E-15 [Loi].

2 . D.O.R.S./91-499.

3 . Mémoire de l'appelante, para. 19.

4 . (31 août 1998), AP-97-027 (TCCE) [Movado].

5 . http://www.clockworks.com/replacemove.html.

6 . http://onlineclockplace.com/Hermle-Movements.html.

7 . Le 7 mai 1973.

8 . Exposé conjoint des faits, para. 5.

9 . Exposé conjoint des faits, para. 6.

10 . Voir, par exemple, Conair Consumer Products Inc. c. Commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (20 octobre 2003), AP-2002-095 (TCCE).

11 . Exposé conjoint des faits, paras. 2, 4.