LES PRODUITS LAITIERS ADVIDIA INC.

Décisions


LES PRODUITS LAITIERS ADVIDIA INC.
c.
COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
et
PRODUCTEURS LAITIERS DU CANADA
Appel no AP-2003-040

Décision et motifs rendus
le mardi 8 mars 2005


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu les 14 et 15 septembre 2004 aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada le 30 octobre 2003, concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

LES PRODUITS LAITIERS ADVIDIA INC.

Appelante

ET

 

LE COMMISSAIRE DE L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

Intimé

ET

 

PRODUCTEURS LAITIERS DU CANADA

Intervenante

DÉCISION DU TRIBUNAL

L'appel est admis.

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre présidant

Richard Lafontaine
Richard Lafontaine
Membre

Meriel V. M. Bradford
Meriel V. M. Bradford
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l'audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l'audience :

Les 14 et 15 septembre 2004

   

Membres du Tribunal :

Pierre Gosselin, membre présidant

 

Richard Lafontaine, membre

 

Meriel V. M. Bradford, membre

   

Conseillers pour le Tribunal :

Reagan Walker

 

Michael Keiver

   

Greffier du Tribunal :

Anne Turcotte

   

Ont comparu :

Richard S. Gottlieb et Shane Brown, pour l'appelante

 

Jean-Robert Noiseux et Yannick Landry, pour l'intimé

 

Gregory O. Somers et Benjamin P. Bedard, pour l'intervenante

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : (613) 993-3595
Télécopieur : (613) 990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le présent appel est interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi sur les douanes 1 à l'égard d'une décision rendue par le commissaire de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) le 30 octobre 2003, aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi, concernant le classement du PROMILK 872 B. Ingrédia S.A. (Ingrédia) fabrique ce produit en Suisse. La société Les Produits Laitiers Advidia Inc. (Advidia) a importé le produit en cause le 30 juin 2003. Dans une ordonnance rendue le 20 avril 2004, le Tribunal a autorisé Producteurs Laitiers du Canada à intervenir dans l'appel.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si le produit en cause est correctement classé dans le numéro tarifaire 0404.90.20 de l'annexe du Tarif des douanes 2 , comme l'a déterminé l'ADRC, ou s'il doit être classé dans la position no 35.01 ou dans le numéro tarifaire 3504.00.00, comme l'a soutenu Advidia.

3. La nomenclature pertinente prévoit ce qui suit :

04.04 Lactosérum, même concentré ou additionné de sucre ou d'autres édulcorants; produits consistant en composants naturels du lait, même additionnés de sucre ou d'autres édulcorants, non dénommés ni compris ailleurs.

0404.90 -Autres

0404.90.20 ---Au-dessus de l'engagement d'accès

35.01 Caséines, caséinates et autres dérivés des caséines; colles de caséine.

3504.00.00 Peptones et leurs dérivés; autres matières protéiques et leurs dérivés, non dénommés ni compris ailleurs; poudre de peau, traitée ou non au chrome.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

4. Advidia a initialement plaidé que le classement dépendait de la question de savoir si le produit en cause était un isolat de protéines de lait (IPL) ou un concentrat de protéines de lait (CPL) et que l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) (anciennement l'ADRC) appliquait une « politique administrative » pour classer les IPL dans le Chapitre 35 et les CPL dans le Chapitre 4. Elle a soutenu que cette politique était conforme aux « interprétations commerciales »3 internationales selon lesquelles les IPL qui, par définition4 , contiennent plus de 85 p. 100 de matières protéiques sur matière sèche, sont classés dans le Chapitre 35. Advidia a ajouté que la décision de l'ADRC de changer le classement en faveur du Chapitre 4 était fondée sur le rapport de laboratoire de Mme Cathy Copeland et sur les préoccupations de l'industrie laitière canadienne5 . En contre-interrogatoire, Mme Copeland a admis que, d'après certaines définitions, le produit en cause pourrait être considéré comme un IPL et qu'elle n'était pas un expert en classement.

5. Advidia a attiré l'attention du Tribunal sur le traitement censément injuste de l'ADRC relativement à ladite importation et a soutenu que, dans de telles circonstances, l'ASFC devait porter le fardeau de la preuve du bien-fondé du classement et qu'il n'incombait pas à Advidia de prouver que ledit classement était erroné6 .

6. Des marchandises identiques au produit en cause avaient été importées au Canada, en vertu d'une décision nationale des douanes, au titre d'albumines du lait, dans le numéro tarifaire 3502.20.00 depuis le 1er décembre 19997 . Le 10 août 2001, l'avantage découlant de ladite décision a été transféré à Advidia8 . Le 16 avril 2003, l'ADRC a renversé sa décision et a diffusé une décision « corrective » modifiant le classement au numéro tarifaire 0404.90.10 (« Dans les limites de l'engagement d'accès ») ou 0404.90.20 (« Au-dessus de l'engagement d'accès »). Aucun avis ni autre forme de communication n'a précédé la décision.

7. Quelque temps au cours du mois de juin 2003, Advidia a remis en question la décision corrective, mais on lui a dit que la seule façon qu'elle pouvait en « appeler » consistait à importer véritablement le produit et à suivre la procédure prévue dans la Loi 9 pour interjeter appel des décisions sur le classement des importations. Advidia a importé 1 500 kg du produit en cause le 30 juin 2003.

8. Advidia a soutenu que la « politique » de classement de l'ADRC pour de tels produits était confuse et contradictoire. Dans une décision datée du 21 juillet 2003, l'ADRC a classé le produit en cause dans le numéro de classement 0404.90.10.9010 . Advidia a interjeté appel le 7 août 200311 . Le 10 octobre 2003, un agent de la Division des appels de l'ADRC, à Montréal (Québec), a oralement informé Advidia que le produit en cause serait classé dans le numéro tarifaire 3504.00.0012 . Cependant, l'ASFC soutient qu'il ne s'agissait que d'une « recommandation »13 . Advidia a aussi appris qu'un produit équivalent provenant de Nouvelle-Zélande14 était autorisé à entrer au Canada dans le numéro tarifaire 3504.00.00. Toutefois, le 30 octobre 2003, l'ADRC a avisé Advidia par écrit que, à la lumière de faits nouveaux, le bon classement était le numéro de classement 0404.90.20.9015 . Le PROMILK 872 B d'Advivia est entré au Canada dans ce numéro de classement, assujetti au contrôle des importations débouchant sur un taux des droits « Au-dessus de l'engagement d'accès » de 270 p. 100 ad valorem sur le produit.

9. Advidia a présenté plusieurs demandes en vertu de la Loi sur l'accès à l'information 16 pour obtenir des renseignements de base sur cette question. Des documents obtenus en réponse aux demandes17 ont dévoilé des divergences au sein du personnel de l'ADRC. Advidia a par la suite tenté d'obtenir la production des détails manquants dans les documents divulgués, au moyen d'assignations à produire délivrées par le Tribunal. En réponse à une requête déposée par Producteurs Laitiers du Canada, le Tribunal a, dans une lettre datée du 13 septembre 2004, annulé les parties des assignations eu égard à la production des documents principalement parce qu'il ne voulait pas, relativement aux rédactions afférentes aux documents, substituer son jugement à celui du personnel responsable de l'accès à l'information de l'ADRC, des personnes spécialisées dans l'application réglementaire pertinente.

10. La lettre du Tribunal précisait aussi que ce dernier avait « constamment interprété que le pouvoir qui lui était délégué en vertu de sa loi habilitante l'autorisait à déterminer le classement indiqué des marchandises dans un appel dont il était saisi, par opposition à celui de déclarer les décisions de l'[ADRC] conformes, ou non, au droit. Par conséquent, aux fins du présent appel, le Tribunal [était] d'avis que les questions de compétence de l'[ADRC] -- y compris les règles de justice naturelle -- ne sont pas pertinentes et qu'il ne [recevrait] pas d'élément de preuve et [n'entendrait] pas d'argument sur cet aspect de la contestation de la décision [de l'ADRC] à l'audience » [traduction].

11. À l'audience - à la fois à l'étape de la production de la preuve18 et à celle de l'argumentation19 - Advidia a réitéré son affirmation selon laquelle l'ASFC devrait assumer le fardeau de la preuve en l'espèce et, donc, être contrainte de procéder en premier. Advidia a soutenu que, puisque l'ADRC n'avait jamais divulgué les « faits nouveaux » susmentionnés, elle agissait dans le contexte d'une « absence d'avis » illégitime. À l'appui de son affirmation, Advidia a invoqué l'affaire Johnston c. M.R.N. 20 Elle a fait comparaître M. Christian Emmanuel, expert-conseil en douane, en vue de confirmer la chronologie des événements susmentionnée21 . Elle a aussi assigné certains témoins, des personnes au service de l'ASFC, à comparaître et les a interrogés à l'audience relativement aux « faits nouveaux » susmentionnés et à d'autres prétendues irrégularités dans les méthodes à l'interne. Il s'agissait de M. Michael Jordan, directeur général des Ressources humaines, M. André Blais, agent de vérification et d'inspection, M. Dean Hibbard, agent principal de programme, Mme Elizabeth Udell, agente principale de programme, et M. John Dalrymple, agent des appels.

12. L'ASFC a répliqué à la prétention d'Advidia en soutenant que le fardeau de la preuve incombait à cette dernière22 et a invoqué, à l'appui de sa réplique, l'affaire Sous-M.R.N.D.A. c. Unicare Medical Products Inc. 23

DÉCISION SUR LA QUESTION PRÉLIMINAIRE

13. Comme l'a déclaré la Cour suprême du Canada, dans une procédure juridique, la règle générale est qu'il appartient à celui ou à celle qui fait une allégation de la prouver, c.-à-d. que le fardeau de la preuve incombe à la partie qui, pour l'essentiel, affirme qu'une chose existe. Cette règle est justifiable non seulement au motif de l'éthique mais aussi parce qu'il est en pratique plus difficile de prouver qu'une chose n'existe pas. La partie sur qui repose le fardeau de la preuve échouera si, une fois toute la preuve produite, le juge des faits entretient un doute véritable sur l'effet de cette preuve24 . La règle ci-dessus ne devrait être ignorée que dans les circonstances tout à fait exceptionnelles25 .

14. La règle n'est pas différente dans les affaires concernant des taxes et qui sont souvent invoquées, par analogie, dans les contestations d'un classement tarifaire. Chaque cotisation est fondée sur les présomptions factuelles établies par le ministre du Revenu national (ou le titulaire d'une charge publique équivalente), c.-à-d. le ministre du Revenu national interprète les faits qui lui ont déjà été divulgués par le contribuable. Ces faits relèvent uniquement de la connaissance et du contrôle du contribuable et il n'est donc pas injuste d'obliger ce dernier à réfuter les faits en question si, en appel, il tente de faire déclarer incorrrecte la cotisation26 .

15. Advidia soutient, en se fondant sur Johnston, que l'ASFC, ayant omis de divulguer de nouveaux faits justifiant un changement de position, comme le reflète le formulaire « Douanes Canada - Relevé détaillé de réajustement », doit assumer le fardeau de la preuve en l'espèce, c.-à-d. que le fardeau de la preuve a été déplacé à l'ASFC du fait de la non-divulgation susmentionnée27 . Cet argument doit être rejeté, aux motifs suivants.

16. Les prétendus « faits nouveaux » invoqués par Advidia se sont révélés sans pertinence et n'ont nullement modifié le profil du litige de manière à entraîner un déplacement correspondant du fardeau de la preuve. En contre-interrogatoire par Advidia, M. Dalrymple a indiqué exactement quels étaient les faits :

[L]es faits nouveaux étaient ce que M. Hibbard m'a dit lorsqu'il m'a informé qu'il recommandait 04.0428 .

[Traduction]

17. M. Hibbard avait dit à M. Dalrymple : a) que les Services douaniers des États-Unis avaient reçu une lettre de la International Dairy Foods Association les exhortant à continuer à classer les concentrats de protéines du lait dans la position no 04.04; b) qu'un autre agent supérieur de programme avait exprimé des réserves du fait que Producteurs Laitiers du Canada allait peut-être contester tout changement de classement de tels concentrats29 .

18. De plus, dans son mémoire et ses documents supplémentaires, l'ASFC a divulgué plus de renseignements factuels qu'il n'en fallait pour qu'Advidia connaisse la défense qu'elle devait présenter. Les pièces confidentielles de l'ASFC et les déclarations des témoins experts ont informé Advidia amplement à l'avance qu'un différend allait vraisemblablement émerger sur la question de savoir si le PROMILK 872 B était, ou non, un isolat de protéines au sens de la position no 35.04. Le reste de l'argumentation était centré sur l'interprétation correcte de diverses positions et divers numéros tarifaires et il est bien établi que « [l]'interprétation des numéros tarifaires est une question de droit »30 , et non de fait. La Cour suprême du Canada a déclaré qu'aucune des parties ne supporte jamais un fardeau de la preuve en ce qui concerne le droit31 .

19. Par conséquent, de l'avis du Tribunal, Advidia n'a pas établi l'existence de circonstances exceptionnelles justifiant de passer à l'ASFC le fardeau de la preuve en l'espèce. Le reste des présents motifs portera sur la preuve et les arguments des parties sur la question de fond liée au classement dont il a déjà été fait mention et sur l'analyse et la décision du Tribunal en la matière.

PREUVE

20. Aucun échantillon du produit en cause n'a été déposé en preuve. Cependant, les parties ont joint des documents descriptifs à leurs mémoires, y compris une fiche technique renfermant une ventilation détaillée des caractéristiques du produit32 . Aucun différend notable n'existe quant à la composition chimique du produit : 87,5 p. 100 de protéines du lait (en poids sec), d'après la fiche technique33 . Tous les témoins experts s'entendaient pour dire que les constituants du produit en cause se trouvaient tous naturellement dans du lait, même si dans certains cas ils y étaient à l'état de traces34 . Une bonne partie de la preuve traitait de la question de savoir si le produit constituait un « concentrat de protéines du lait », comme l'a déterminé l'ADRC, ou un « isolat de protéines du lait » comme l'a soutenu Advidia.

21. Advidia a soutenu que les CPL et les IPL se distinguent les uns des autres. Elle a cité le site Web milkingredients.ca, parrainé par la Commission canadienne du lait35 , qui, d'après elle, définit ce qui les distingue : « Un concentré protéique de lait (MPC pour Milk Protein Concentrate) [CPL] est un produit laitier protéiné dont la teneur en protéines, exprimée sur une base de matières sèches, dépasse les 55 % (préférablement les 75 % [. . .] Un isolat protéique de lait (MPI pour Milk Protein Isolate) [IPL] est un produit laitier protéiné dont la teneur en protéines, exprimée sur base sèche, dépasse les 85 % »36 .

22. Advidia a convoqué M. Jean-François Boudier, directeur scientifique d'Ingrédia et chimiste, qui compte de nombreuses années d'expérience en matière d'élaboration de normes et de pratiques liées au secteur laitier en Europe. Le Tribunal lui a reconnu la qualité d'expert en procédés d'Ingrédia, y compris, plus particulièrement, la production du produit en cause. M. Boudier a expliqué que l'avantage du PROMILK 872 B réside dans le fait qu'il s'agit d'un produit de protéines du lait entièrement naturel, à teneur élevée en calcium mais à faible teneur en sucre, ce qui le rend particulièrement attrayant sur le segment « à faible teneur en glucides »37 du marché. De plus, sa teneur en calcium est un facteur de prévention de l'ostéoporose. Les 87,5 p. 100 du produit que représentent les protéines sont composés à 92,0 p. 100 de caséine, la protéine dominante dans le lait naturel. M. Boudier a expliqué que le PROMILK 872 B était produit sur membrane poreuse, par procédé de filtration et de diafiltration. Traditionnellement, la caséine est précipitée au moyen de procédés chimiques, par l'ajout d'acides ou de présure au lait38 , mais le problème que posent de tels procédés est qu'ils brisent les micelles de protéines39 et libèrent la totalité du calcium lié40 . Produit sur membrane, le PROMILK 872 B préserve les micelles de protéines à l'état natif conjointement avec le calcium. D'un point de vue chimique, il s'agit d'un phosphocaséinate natif41 . Le produit a été développé et commercialisé par Ingrédia, principalement dans le but de servir dans l'industrie laitière.

23. En ce qui a trait à la différence entre les CPL et les IPL, M. Boudier a admis l'absence de fondement scientifique justifiant de fixer la ligne de démarcation à une teneur en protéines de 85 p. 100; toutefois, cette démarcation sert une fin commerciale importante. Étant donné la plus grande sensibilisation des consommateurs modernes, le marché insiste sur la séparation des CPL et des IPL. Le consensus international semble favoriser une teneur de 85 p. 100, étant donné son acceptation de fait par l'Union européenne et la Fédération internationale de laiterie. Une telle démarcation ne figure dans aucune norme du Codex Alimentarius 42 . Cette absence, d'après M. Boudier, s'explique du fait que le marché ne pouvait attendre la fin de longues procédures internationales43 . De toute façon, il y a une énorme différence entre un CPL et un IPL. Ce dernier présente une teneur élevée en protéines, d'une forme plus pure, ses propriétés sont différentes de même que ses applications, et on l'appelle « isolat » par analogie à l'isolat de protéines de soya, plus connu44 . Cependant, la Fédération internationale de laiterie envisage maintenant la possibilité de renommer l'IPL une « protéine du lait »45 .

24. L'ASFC a convoqué Mme Copeland, chimiste principale, Produits organiques et inorganiques, Direction des travaux scientifiques et de laboratoire, ASFC; le Tribunal lui a reconnu le titre d'expert en analyse chimique et alimentaire. Mme Copeland a témoigné avoir examiné le produit en cause, à la lumière de la documentation disponible, en 2000, et avoir procédé à une analyse chimique, à partir d'un échantillon, en 2002. Elle a déterminé que tous les composants du produit en cause se trouvaient aussi dans le lait et a recommandé que le produit en cause soit classé dans la position no 04.04. Elle a précisé que le laboratoire offre des avis sur le classement seulement lorsqu'on le lui demande. En contre-interrogatoire, elle a admis ne pas avoir fait porter son analyse sur les proportions des protéines contenues dans le produit en cause. Elle a dit ne pas être d'accord pour appeler le PROMILK 872 B un « isolat » parce que, d'après elle, ce terme convient uniquement aux produits dérivés au moyen de procédés chimiques, alors que le produit qui fait l'objet de l'espèce est un produit obtenu par un procédé physique et est normalement appelé « concentrat ». De plus, d'après son expérience, les isolats doivent présenter une teneur en protéines d'au moins 90 p. 100.

25. L'ASF a aussi fait comparaître M. Michel Britten, Ph.D., chercheur scientifique au Centre de recherche et de développement sur les aliments, du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire à Sainte-Hyacinthe (Québec) et professeur agrégé à l'Université Laval. Le Tribunal lui a reconnu le titre d'expert en science et en technologie laitières, avec spécialisation en ingrédients laitiers. M. Britten a confirmé, mais en plus de détails, la majeure partie des affirmations de M. Boudier concernant la chimie des protéines laitières. Il a aussi affirmé que, d'un point de vue scientifique, un ingrédient pouvait être considéré comme une substance protéique, avec une teneur en protéines aussi faible que 60 p. 10046 . Il a confirmé l'absence de justification scientifique à la division entre un concentrat et un isolat, ajoutant que l'augmentation de la teneur en protéines est un phénomène en continu et qu'il n'existe pas de point précis où un concentrat devient un isolat. Il a dit considérer la distinction comme arbitraire. Il a aussi expliqué que les définitions que donne la Commission canadienne du lait des termes CPL et IPL avaient été rédigées par une personne formée en commercialisation et n'avaient pas fait l'objet d'un examen par des pairs. Le site Web, a-t-il soutenu, a été établi à des fins de commercialisation.

PLAIDOIRIE

26. Advidia a soutenu que le PROMILK 872 B est dénommé dans les chapitres 4 et 35, mais que les positions du Chapitre 35 en donnent une description plus précise et que, par conséquent, le produit en cause doit y être classé. Elle soutient que l'expression « lorsqu'elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes » dans la Règle 1 des Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé 47 oblige le Tribunal à faire porter son examen au-delà de la première position qui paraît dénommer les marchandises et à déterminer si une autre des positions subséquentes en donne une description plus précise, sauf si les notes de chapitres et de positions empêchent explicitement de le faire. Advidia soutient que cette exigence est reprise dans les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises 48 de la position no 04.04, qui contiennent l'expression « pour autant qu'ils ne soient pas visés plus spécifiquement ailleurs » (soulignement ajouté). De plus, Advidia a soutenu que, même si le produit en cause se compose de constituants naturels du lait, il devrait être exclu de la position no 04.04 par analogie à la Note 4b) du Chapitre 4, qui prévoit ce qui suit : « Le présent Chapitre ne comprend pas : [. . .] b) les albumines (y compris les concentrats de plusieurs protéines de lactosérum, contenant, en poids calculé sur matière sèche, plus de 80 % de protéines de lactosérum) (no 35.02) ainsi que les globulines (no 35.04). » Le PROMILK 872 B contient au moins 87,5 p. 100 de protéines, en poids sec.

27. Advidia a soutenu que, le produit en cause étant un mélange de matières, les Règles 2b) et 3 des Règles générales doivent s'appliquer. En vertu de la Règle 3, le classement peut s'opérer de trois façons. Premièrement, la position la plus spécifique doit avoir la priorité. Lorsqu'une position ne donne pas une description complète des matières constituant le produit, une deuxième option consiste à classer les marchandises d'après la matière ou l'article qui leur confère leur caractère essentiel. Enfin, lorsqu'il n'est pas possible d'effectuer la classement par application des deux premières options, la Règle 3 c) oblige à les classer à la position placée la dernière par ordre de numérotation.

28. Advidia a soutenu que, en plus de la position no 04.04, le Tribunal peut, en vertu de la Règle 3 b) des Règles générales, classer le produit en cause au titre de caséine dénommée dans la position no 35.01, s'il est d'avis que la caséine confère au produit en cause son caractère essentiel. Subsidiairement, si le Tribunal ne peut pas déterminer le caractère essentiel du produit, il peut le classer dans la position no 35.04 à titre de « matières protéiques [. . .] non dénommés ni compris ailleurs » par application de la Règle 3 c), puisque la position no 35.04 est la position « placée la dernière par ordre de numérotation ».

29. Advidia a soutenu que les États-Unis classent le PROMILK 872 B dans la position no 35.0149 , et l'Union européenne, dans la position no 35.0450 . Dans l'un ou l'autre de ces cas, les positions du Chapitre 35 sont plus spécifiques que la position no 04.04, qui dénomme tous les produits consistant en composants naturels du lait, sans plus de précision.

30. L'ASFC a soutenu que, le produit en cause étant expressément dénommé à la position no 04.04, à titre de « composants naturels du lait [. . .] non dénommés ni compris ailleurs », la Règle 1 des Règles générales oblige le Tribunal à le classer dans cette position. Les trois experts qui ont témoigné ont tous confirmé que le produit en cause renferme les mêmes composants que le lait naturel. Le produit ne contient pas d'additifs non laitiers, et la position donne une description complète du produit. Il n'est pas nécessaire d'aller plus loin que la position susmentionnée puisque aucune note légale ou explicative ne soustrait le produit de ladite position. Plus précisément, ledit produit n'est pas exclu de la position par la Note 4 b) du Chapitre 4, puisqu'il ne s'agit ni d'une albumine ni d'une globuline.

31. L'ASFC a soutenu que le produit ne pouvait pas être classé dans la position no 35.01 car il n'est pas une « caséine » au sens de la position qui, conformément à la Note A)(1) des Notes explicatives de la position, est « obtenue [. . .] par précipitation (caillage), généralement au moyen d'acides ou de présure ». Il ressort clairement des éléments de preuve que la caséine dans le PROMILK 872 B a été obtenue par filtration et diafiltration, et non pas par précipitation. D'autre part, le produit en cause ne peut pas être classé dans la position no 35.02 puisque, comme M. Boudier l'a lui-même admis, il n'est pas une albumine51 au sens de la position, c.-à-d. d'une « lactalbumine » d'après la Note (1) des Notes explicatives de la position no 35.02. Il n'est pas non plus composé à 80 p. 100 de protéines de lactosérum. Il ne peut pas non plus être classé dans la position no 35.04, dans la catégorie « autres matières protéiques [. . .] non dénommés ni compris ailleurs », puisque la position no 04.04 est plus spécifique que la position no 35.04. La première donne une description complète du produit, tandis que la deuxième dénomme uniquement ses principaux ingrédients et est, de toute façon, une « clause résiduelle »52 . De plus, toutes les positions ci-dessus du Chapitre 35 donnent la description d'une partie seulement du produit en cause; elles ne donnent pas la description des minéraux (principalement le calcium), du gras et du lactose.

32. Producteurs Laitiers du Canada a ajouté que les Règles générales invoquées par Advidia ne s'appliquent pas car le produit en cause n'est pas plus un mélange que ne l'est le lait naturel - qui est incontestablement dénommé au Chapitre 4. Ces deux produits sont simplement des matières composées de différents composants naturels. En outre, le PROMILK 872 B ne peut être classé dans la position no 35.04 car celle-ci représente une clause « doublement » résiduelle, qui prescrit que le produit doit être une « autre » protéine et une protéine « non dénommé[e] ni compris[e] ailleurs »53 . En fait, la seule matière liée au lait dont il est fait mention dans les Notes explicatives de la position no 35.04 est la globuline, ce que le produit n'est pas, au dire même de M. Boudier54 . De plus, le produit en cause n'est même pas un isolat car, comme Mme Copeland l'a précisé, les isolats supposent le recours à des agents chimiques pour isoler la matière protéique, tandis que les concentrats supposent l'utilisation de membranes pour filtrer le lait et en extraire les matières indésirées55 . De toute façon, que le produit soit un IPL ou un CPL n'est pas pertinent en l'espèce, tout comme ne l'est pas le fait que l'Union européenne a adopté par règlement une note supplémentaire pour classer les concentrés à forte teneur en protéines du lait dans la position no 35.04. En réponse56 , Advidia a contesté l'affirmation selon laquelle la position no 35.04 était une clause doublement résiduelle et a affirmé que le terme « autres » renvoyait uniquement aux protéines autres que les peptones, mentionnées dans la première partie de la position. Elle a ajouté que 85 p. 100 était un seuil raisonnable pour déterminer le caractère essentiel d'un produit et qu'il n'était pas nécessaire qu'un produit soit nommé dans une note explicative pour être compris dans une position.

DÉCISION

33. Le Tribunal conclut que le produit en cause est une poudre sèche composée d'ingrédients naturels du lait, comprenant les composants principaux suivants : a) humidité (5,0 p. 100); b) matières grasses (1,5 p. 100); c) protéines (87,5 p. 100 en poids sec); d) lactose (2,0 p. 100). Ces composants sont présents dans le produit en cause dans des proportions différentes de celles qui se trouvent dans le lait naturel. Parmi les protéines qui se trouvent dans ce produit, 92 p. 100 sont des micelles de caséines, et les autres 8 p. 100, des protéines de lactosérum. Le produit en cause est obtenu par filtration et diafiltration. Même si le produit est commercialisé au titre d'isolat de protéines de lait en poudre de pulvérisation, pour les motifs donnés ci-après, le Tribunal ne juge pas nécessaire de rendre des conclusions sur la question de savoir si le produit est, ou non, un isolat de protéines du lait.

34. La question dont le Tribunal est saisi, comme il a déjà été indiqué, est celle de savoir si le produit en cause est correctement classé dans la position no 04.04 à titre de produits consistant en composants naturels du lait non dénommés ni compris ailleurs, comme l'a déterminé l'ADRC, ou s'il doit être classé dans la position no 35.01 à titre de caséines ou à la position no 35.04, dans la catégorie « autres matières protéiques [. . .] non dénommés ni compris ailleurs », comme l'a soutenu Advidia.

Droit

35. Dans un appel interjeté aux termes de l'article 67 de la Loi concernant le classement tarifaire, le Tribunal entend l'affaire et détermine le classement correct des marchandises portées en appel conformément aux articles 10 et 11 du Tarif des douanes. Le paragraphe 10(1) prévoit ce qui suit :

10. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales pour l'interprétation du Système harmonisé et les Règles canadiennes énoncées à l'annexe.

36. L'article 11 du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

11. Pour l'interprétation des positions et sous-positions, il est tenu compte du Recueil des Avis de classement du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises et de leurs modifications, publiés par le Conseil de coopération douanière (Organisation mondiale des douanes).

37. Les Règles générales sont structurées en cascade. Si le classement d'un article ne peut être déterminé conformément à la Règle 1, il faut alors appliquer les règles suivantes, l'une après l'autre, jusqu'à ce qu'on arrive à la position ou à la sous-position qui donne la description la plus précise des marchandises. Les Règles canadiennes 57 précisent elles aussi que le classement des marchandises dans les numéros tarifaires est aussi déterminé en conformité avec les Règles générales.

38. L'ASFC et Producteurs Laitiers du Canada ont soutenu que la question du classement peut en l'espèce être tranchée par l'application de la seule Règle 1 des Règles générales, puisque le produit en cause est incontestablement composé de rien d'autre que de composants naturels du lait au sens de la position no 04.04. Cette position dénomme les « produits consistant en composants naturels du lait [. . .] non dénommés ni compris ailleurs ». Les Notes explicatives de la position no 04.04 précisent que les produits de composition autre que celle du produit naturel, c.-à-d. le lait, sont également compris dans la position, pour autant qu'ils ne soient pas visés plus spécifiquement ailleurs. L'analyse chimique du PROMILK 872 B n'a pas fait l'objet de litige.

39. Toutes les parties ont reconnu que le PROMILK 872 B est un produit consistant en composants naturels du lait et que les composants se trouvent dans des proportions différentes de celles qui se trouvent dans le lait. Advidia a admis que le produit en cause répond à la description ci-dessus. Toutefois, une lecture attentive fait ressortir que le Tribunal doit aussi aller au-delà des termes de la position susmentionnée même si le produit entre manifestement dans sa portée. La position ne s'applique qu'aux « produits consistant en composants naturels du lait [. . .] non dénommés ni compris ailleurs » (soulignement ajouté). Le deuxième paragraphe des Notes explicatives de la position no 04.04 précise que cette position couvre les produits « pour autant qu'ils ne soient pas visés plus spécifiquement ailleurs » (soulignement ajouté).

40. Par conséquent, la question que le Tribunal doit trancher est celle de savoir si, en appliquant les principes de classement décrits ci-dessus, l'une ou l'autre des positions proposées par Advidia couvre le produit en cause plus spécifiquement que ne le fait la position no 04.04. Le cas échéant, le produit en cause doit être classé dans la position plus spécifique par application de la Règle 3 a) des Règles générales, qui prévoit, notamment, ce qui suit : « Lorsque des marchandises paraissent devoir être classées sous deux ou plusieurs positions par application de la Règle 2 b) ou dans tout autre cas, le classement s'opère comme suit : a) La position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d'une portée plus générale. » (Soulignement ajouté)

41. Avant d'aborder l'examen des positions, le Tribunal doit traiter d'un argument avancé par Advidia au sujet de la position no 04.04, à savoir que cette position ne peut s'appliquer au produit en cause car la Note 4 du Chapitre 4 prévoit ce qui suit : « Le présent Chapitre ne comprend pas : [. . .] b) les albumines (y compris les concentrats de plusieurs protéines de lactosérum, contenant, en poids calculé sur matière sèche, plus de 80 % de protéines de lactosérum) (no 35.02) ainsi que les globulines (no 35.04). » Advidia admet que le produit en cause n'est ni une albumine, au sens de la position no 35.02, ni une globuline, au sens de la position no 35.04. Pourtant, elle affirme que la note de chapitre susmentionnée doit s'appliquer, par analogie, au produit en cause, et l'exclure de la position no 04.04, étant donné son caractère similaire à celui des deux matières visées dans la note de chapitre. Le Tribunal rejette cet argument.

42. Ce n'est que si le Tribunal était toujours incapable de classer les marchandises après avoir appliqué les Règles 1 à 3 des Règles générales qu'il aurait recours au classement par analogie. À cet égard, il est utile de faire observer la Règle 4, qui précise ce qui suit : « Les marchandises qui ne peuvent pas être classées en vertu des Règles visées ci-dessus sont classées dans la position afférente aux articles les plus analogues. » (Soulignement ajouté)

Analyse

43. Le reste des présents motifs se rapporte aux positions proposées par Advidia et à la question de savoir si elles visent le produit en cause et en donnent une description plus précise que ne le fait la position no 04.04. Ainsi qu'il a déjà été indiqué, Advidia a soutenu que le produit en cause pouvait être classé soit dans la position no 35.01, à titre de « caséines », soit dans la position no 35.04, dans la catégorie « autres matières protéiques [. . .] non dénommés ni compris ailleurs ».

Position no 35.01

44. Le Tribunal reconnaît que le terme « caséines » revêt un caractère plus spécifique que l'expression « produits consistant en composants naturels du lait [. . .] non dénommés ni compris ailleurs », l'expression pertinente de la position no 04.04. Cette dernière est une clause résiduelle, tandis que la première couvre une protéine spécifique. Toutefois, le Tribunal rejette l'argument d'Advidia selon lequel le produit en cause peut être classé dans la position no 35.01.

45. Même si M. Boudier a décrit le produit en cause comme étant un phosphocaséinate natif58 , la preuve n'a quand même pas établi qu'il s'agit d'une caséine au sens de la position no 35.01. La Note A)(1) des Notes explicatives de la position donne une définition étroite du terme « caséine », de la manière suivante : « La caséine est la principale matière protéique entrant dans la composition du lait. Elle est obtenue à partir du lait écrémé par précipitation (caillage), généralement au moyen d'acides ou de présure. On range ici les diverses espèces de caséines, dont les caractères varient selon le procédé utilisé pour cailler le lait : caséine acide, caséinogène, caséine à la présure (paracaséine), par exemple. » Il ressort de la preuve que le produit a été obtenu par filtration et diafiltration, et non par précipitation au moyen d'acides ou de présure. Le produit n'est donc pas un caséine au sens de la position no 35.01.

46. Advidia a invoqué le fait que les États-Unis ont classé le PROMILK 872 B au titre de caséines dans la position no 35.0159 . Il n'y a rien à propos de cette information qui puisse convaincre le Tribunal. Aucun élément de preuve n'a été produit pour expliquer les motifs de ce classement par les Services douaniers des États-Unis, si ce n'est pour signaler que le tarif des États-Unis contient le numéro tarifaire 3501.10.10, « milk protein concentrate » (« concentrat de protéines du lait »)60 . Le tarif canadien ne renferme pas de numéro tarifaire spécifique semblable.

Position no 35.04

47. Le Tribunal conclut que l'expression « autres matières protéiques [. . .] non dénommés ni compris ailleurs », l'expression pertinente dans la position no 35.04, est également plus spécifique que l'expression « produits consistant en composants naturels du lait [. . .] non dénommés ni compris ailleurs », la phrase pertinente dans la position no 04.04. Manifestement, il s'agit là de deux clauses résiduelles. Toutefois, le Tribunal est d'avis que le terme « protéiques » est plus spécifique que l'expression « composants du lait ». Le premier comprend seulement une catégorie de molécules importantes d'un point de vue biologique : les protéines. Par opposition, à moins qu'un produit n'en soit exclu, la position no 04.04 comprend tous les produits possibles qui contiennent des composants naturels du lait, même additionnés de sucre. Par exemple, la position couvrirait des matières aussi diverses que des sucres (p. ex. du lactose), des minéraux ou des cendres (p. ex. du calcium, du potassium et de la lactoferrine) et des vitamines (p. ex. A, B1, B2, C et D), en plus des protéines du lait61 . Autrement dit, cette position englobe l'univers complet des produits consistant en composants naturels du lait, sauf ceux qui sont spécifiquement dénommés ailleurs, ce qui lui confère une portée plus vaste que l'expression ci-dessus visant les protéines non dénommées.

48. Par conséquent, puisque les matières protéiques présentent un caractère plus spécifique que les produits consistant en composants naturels du lait, le Tribunal conclut que le produit en cause doit être classé dans la position no 35.04 par application de la Règle 3 a) des Règles générales. La preuve incontestée est que le produit est composé de matière protéique à 87,5 p. 100 en poids sec. Le Tribunal est d'avis que le produit se trouve ainsi réputé être soit un concentrat de protéines du lait soit un isolat de protéines du lait. Qu'il soit un concentrat ou un isolat, le Tribunal est d'avis que, à une telle concentration, le produit en cause est une matière protéique.

49. Producteurs Laitiers du Canada a soutenu que la position no 35.04 ne couvre pas spécifiquement le produit en cause, puisqu'elle ne couvre que sa partie protéique. Dans son exposé, elle soutient que la position no 04.04 est la mieux indiquée puisqu'elle couvre tous les ingrédients du PROMILK 872 B. Le Tribunal rejette cet argument.

50. Il n'est pas nécessaire qu'un produit ait une teneur protéique de 100,0 p. 100 pour être classé comme matière protéique. L'annexe du Tarif des douanes renferme des positions qui dénomment un produit comme s'il était une matière pure, même s'il est clair que son principal élément représente moins de 100,0 p. 100 du produit. Comme il a déjà été souligné, il suffit que les lactoalbumines présentent une teneur de protéines de lactosérum de 80,0 p. 100 pour être classées dans la position no 35.02. De plus, dans son témoignage, M. Britten a affirmé qu'une teneur en protéines de 60,0 p. 100 suffirait pour que le produit en cause soit réputé être une matière protéique. M. Boudier a fait mention du Codex Alimentarius, qui permet d'étiqueter un produit « protéines du lait » si sa teneur en protéines dépasse 50,0 p. 100 en poids sec62 . Avec une teneur en protéines de 87,5 p. 100 en poids sec, le produit en cause dépasse de beaucoup les seuils susmentionnés.

51. L'ASFC et Producteurs Laitiers du Canada ont toutes deux soutenu que le produit en cause ne peut être visé par l'expression « autres matières protéiques » de la position no 35.04 puisque, en tant qu'ingrédient naturel du lait, il est déjà visé dans la position no 04.04. En fait, Producteurs Laitiers du Canada a soutenu que la position no 35.04 était une « position de dernier recours »63 . Le Tribunal rejette cet argument.

52. La position no 35.04 couvre expressément les protéines. La première catégorie visée par la position est composée des « peptones et leurs dérivés ». La Note A) des Notes explicatives de la position no 35.04 définit les peptones comme des « substances solubles que l'on obtient en hydrolysant des protéines ou en les soumettant à l'action de certaines enzymes » (soulignement ajouté). La catégorie suivante se compose des « autres matières protéiques ». La dernière catégorie couvre la « poudre de peau, traitée ou non au chrome ». La Note C) des Notes explicatives de la position no 35.04 définit poudre de peau comme étant un « collagène pratiquement pur », c.-à-d. « [a] protein which is present in the form of fibres as a major constituent of bone, tendons and other connective tissue and which yields gelatine on boiling and leather on tanning » (« une protéine fibreuse qui forme un important composant des os, des tendons et des autres tissus conjonctifs et qui devient de la gélatine, par ébullition, et du cuir, par tannage »)64 . Le Tribunal est d'avis que l'emploi de l'expression autres matières protéiques dans la position a simplement pour objet de distinguer les matières protéiques non précisées des peptones et leurs dérivés, qui sont visées dans la catégorie précédente, et non de toutes les autres matières protéiques dénommées dans la nomenclature, peu importe leur description. En outre, la Note B) des Notes explicatives de la position no 35.04 donne, à titre d'exemple, une liste de matières comprises dans la catégorie autres matières protéiques, y compris, notamment, des protéines extraites des céréales, des protéines du soja (soya), les nucléoprotéides (dédoublables en protéines et en acides nucléiques) et les isolats de protéines obtenus à partir d'une substance végétale.

53. La clause résiduelle dans la position no 35.04, « non dénommés ni compris ailleurs », ne vise que les matières protéiques non dénommées ailleurs dans la nomenclature en tant que protéines comme telles, et cette position est donc plus spécifique que la position no 04.04. La dernière partie de la Note explicative de cette position contient une liste d'articles qui ne sont pas compris dans la position. Certains sont compris dans des positions qui traitent expressément d'autres protéines, soit directement soit dans une sous-position, p. ex. les hydrolysats de protéines (sous-position no 2106.10, « Concentrats de protéines et substances protéiques texturées »), et les enzymes, qui sont, par définition « [a]ny of the proteins produced by cells which catalyse specific biochemical reactions » (« toutes protéines produites par les cellules qui catalysent des réactions biochimiques spécifiques »)65 (position no 35.07). D'autres traitent de manière spécifique de matières chimiques, dont la composition s'est appuyée - ou aurait pu s'appuyer - sur des protéines, p. ex. les protéinates de métaux précieux (position no 28.43, « Métaux précieux à l'état colloïdal »), et l'acide nucléique (position no 29.34). D'autres encore ont trait - directement ou dans des sous-positions - à des matières dont les protéines sont un important composant, sinon le principal composant, p. ex. le fibrinogène (position no 30.02, « autres fractions du sang »), et les protéines conditionnées sous forme de médicaments (sous-position no 3003.20, « autres antibiotiques »). Une seule des protéines incluses dans la liste des produits non compris a été classée dans une clause résiduelle semblable à celle de la position no 04.04 : les protéines durcies (position no 39.13, « Polymères naturels [. . .] non dénommés ni compris ailleurs »). Cependant, le Tribunal est d'avis que cette clause a une portée plus étroite que la portée de la position no 04.04, puisqu'elle se limite à une seule catégorie de molécules, les polymères, c.-à-d. « any substance which has a molecular structure built up largely or completely from a number (freq. very large) of similar polyatomic units bonded together » (« toute matière dont la structure moléculaire se compose en grande partie ou totalement d'une quantité (souvent très importante) d'unités polyatomiques semblables liées ensemble »)66 . Autrement dit, les Notes explicatives n'appuient pas l'argument selon lequel la position no 35.04 est une clause résiduelle « de dernier recours ». Plutôt, la Note B) des Notes explicatives de la position no 35.04 précise que la position s'applique à d'autres matières protéiques et leurs dérivés « qui ne sont pas compris dans une autre position plus spécifique de la Nomenclature » (soulignement ajouté).

54. En l'espèce, beaucoup de temps et d'efforts ont été consacrés à la question de savoir si le produit en cause est un isolat de protéines du lait ou un concentrat de protéines du lait. Le Tribunal est d'avis qu'il n'est pas nécessaire de s'engager dans un tel débat. Quelle que soit la façon de le caractériser, Advidia a établi que le PROMILK 872 B est une « autre [matière] protéique » au sens de la position no 35.0467 . Il est vrai que les Notes explicatives de la position no 35.04 incluent plus particulièrement, dans la liste donnée à titre d'exemple, les « isolats de protéines obtenus par extraction, à partir d'une substance végétale ». De l'avis du Tribunal, cela ne signifie pas qu'il faille présumer que les autres matières protéiques non énumérées ne sont pas comprises dans la position. L'objet même de l'emploi du terme « notamment », dans la rédaction d'une liste, est de prévoir la possibilité d'ajout subséquent d'articles après interprétation et application68 .

55. Le Tribunal rejette aussi l'argument selon lequel, avant de pouvoir classer des marchandises, il faut apporter une modification législative à la position no 35.04, pour y ajouter spécifiquement les concentrats à haute teneur en protéines, comme l'Union européenne l'a fait. Il est vrai que l'Union européenne a choisi de promulguer une disposition législative, qui a eu pour effet d'ajouter une note au Tarif douanier commun de l'Union européenne pour préciser une teneur en protéines de 85 p. 100 comme seuil de démarcation entre les concentrats de protéines du lait à classer dans la position no 35.04 et ceux à classer dans la position no 04.0469 . La disposition législative a été promulguée en 1990 expressément aux fins du classement des concentrats visés dans l'un ou l'autre des chapitres de manière à uniformiser l'application de la nomenclature commune des nombreux États membres. Le Parlement n'a pas décidé d'adopter une mesure législative similaire en l'espèce, parce que, du moins peut-on le présumer, il n'existe pas un tel besoin d'uniformiser l'application de la nomenclature au sein des entités autres que fédérales, étant donné que le classement tarifaire est exclusivement de compétence fédérale. Par conséquent, à la lumière de cette différence constitutionnelle, le Tribunal n'est pas disposé à tirer une conclusion défavorable vu l'existence d'une telle note.

56. Le Tribunal accueille donc le présent appel et détermine que le produit en cause doit être classé dans le numéro tarifaire 3504.00.00, le seul numéro tarifaire de la position no 35.04.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . Transcription de l'argumentation publique, 15 septembre 2004, à la p. 45.

4 . La terminologie n'est pas constante. Parfois, les IPL sont appelés « matières protéiques du lait » et, parfois, « protéines du lait entier ». Cependant, quelle que soit leur appellation, ils sont classés dans le Chapitre 35.

5 . Transcription de l'argumentation publique, 15 septembre 2004, aux pp. 8, 10.

6 . Mémoire révisé non confidentiel de l'appelante à la p. 28.

7 . Ibid., onglet 9.

8 . Ibid., onglet 10.

9 . Mémoire original confidentiel de l'appelante, 12 janvier 2004, à la p. 2.

10 . Mémoire révisé non confidentiel de l'appelante à la p. 10.

11 . Ibid., pièce confidentielle no 14.

12 . Pièce de l'appelante no 22 à la p. 43.

13 . Transcription de l'argumentation publique, 15 septembre 2004, à la p. 62.

14 . ALAPRO 4900.

15 . Mémoire révisé non confidentiel de l'appelante, onglet 1.

16 . L.R.C. 1985, c. A-1.

17 . Liste supplémentaire de pièces de l'appelante, onglet 22.

18 . Transcription de l'audience publique, vol. 1, 14 septembre 2004, aux pp. 11, 115.

19 . Transcription de l'argumentation publique, 15 septembre 2004, à la p. 8.

20 . [1948] R.C.S. 486 à la p. 490 [Johnston].

21 . Transcription de l'audience publique, vol. 1, 14 septembre 2004, à la p. 106.

22 . Transcription de l'argumentation publique, 15 septembre 2004, à la p. 63.

23 . (30 avril 1990), appels nos 4237, 2438, 2485, 2591 et 2592 (TCCE).

24 . Smith c. Nevins, [1925] R.C.S. 619.

25 . St-Jean c. Mercier, [2002] 1 R.C.S. 491.

26 . Dwyer c. Canada, 2003 CFA 322, [2003] A.C.F. no 1256 (C.A.) [Dwyer].

27 . Mémoire révisé non confidentiel de l'appelante, para. 108.

28 . Transcription de l'audience publique, vol. 2, 15 septembre 2004, à la p. 248.

29 . Liste supplémentaire de pièces de l'appelante, onglet 22 à la p. 38.

30 . Hunt Foods Export Corp. of Canada c. Sous-M.R.N.D.A., [1970] R.C.É. 828 à la p. 837.

31 . Dwyer, para. 22.

32 . Mémoire révisé non confidentiel de l'appelante, onglet 2.

33 . Voir aussi le rapport de laboratoire de Mme Copeland, pièce confidentielle no 2.

34 . Transcription de l'audience publique, vol. 2, 15 septembre 2004, à la p. 280.

35 . Transcription de l'audience publique, vol. 1, 14 septembre 2004, à la p. 122.

36 . Mémoire révisé non confidentiel de l'appelante, onglet 6.

37 . Transcription de l'audience publique, vol. 1, 14 septembre 2004, à la p. 39.

38 . Ibid. à la p. 59.

39 . « An ultramicroscopic aggregate in a colloid consisting of some tens or hundreds of ions or molecules » (« Agrégat ultramicroscopique en solution colloïdale composé de dizaines ou centaines d'ions ou de molécules »). The Oxford English Dictionary, 2e éd., s. v. « micelle » (« micelle »).

40 . Transcription de l'audience publique, vol. 1, 14 septembre 2004, à la p. 94.

41 . Il contient de l'acide phosphorique lié chimiquement.

42 . La Commission du Codex Alimentarius a été créée en 1963 par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) afin d'élaborer des normes alimentaires, des lignes directrices et d'autres textes, tels que des Codes d'usage dans le cadre du Programme mixte FAO/OMS sur les normes alimentaires. Les buts principaux de ce programme sont la protection de la santé des consommateurs, la promotion de pratiques loyales dans le commerce des aliments et la coordination de tous les travaux de normalisation ayant trait aux aliments entrepris par des organisations internationales aussi bien gouvernementales que non gouvernementales.

43 Transcription de l'audience publique, vol. 1, 14 septembre 2004, à la p. 93.

44 . Ibid. à la p. 92.

45 . Transcription de l'audience publique, vol. 2, 15 septembre 2004, à la p. 308.

46 . En réponse, M. Boudier a cité la norme du Codex Alimentarius, adoptée en juillet 2003, selon laquelle l'expression « protéine du lait » pouvait servir si la teneur minimale en protéines était de 50 p. 100 en poids sec.

47 . L.C. 1997, c. 36, annexe [Règles générales].

48 . Conseil de coopération douanière, 2éd., Bruxelles, 1996 [Notes explicatives].

49 . Transcription de l'argumentation publique, 15 septembre 2004, à la p. 40.

50 . Ibid. à la p. 38.

51 . Transcription de l'audience publique, vol. 1, 14 septembre 2004, à la p. 83.

52 . Transcription de l'argumentation publique, 15 septembre 2004, aux pp. 55, 69.

53 . Ibid. à la p. 82.

54 . Transcription de l'audience publique, vol. 1, 14 septembre 2004, à la p. 82.

55 . Transcription de l'argumentation publique, 15 septembre 2004, à la p. 77.

56 . Ibid. à la p. 85.

57 . L.C. 1997, c. 36, annexe.

58 . Transcription de l'audience publique, vol. 1, 14 septembre 2004, à la p. 79.

59 . Mémoire révisé non confidentiel de l'appelante à la p. 20; Transcription de l'audience publique, vol. 2, 15 septembre 2004, à la p. 316.

60 . Tarif douanier harmonisé des États-Unis (2003), mémoire non confidentiel de l'intimé, onglet 10.

61 . Commission américaine du commerce international, Conditions of Competition for Milk Protein Products in the U.S. Market aux pp. D-3-D-4.

62 . Transcription de l'audience publique, vol. 2, 15 septembre 2004, à la p. 306.

63 . Mémoire public de l'intervenante, para. 46.

64 . The Oxford English Dictionary, 2éd., s. v. « collagen » (« collagène »).

65 . Ibid., s. v. « enzyme » (« enzyme »).

66 . Ibid., s. v. « polymer » (« polymère »).

67 . Mémoire public de l'intervenante à la p. 18.

68 . Robert C. Dick, Legal Drafting, 2e éd., Toronto, Carswell, 1985 aux pp. 18, 24.

69 . Mémoire révisé non confidentiel de l'appelante, onglet 15.