JENCON BITS OF PIECES

Décisions


JENCON BITS OF PIECES
c.
COMMISSAIRE DE L’AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2003-009

Décision et motifs rendus
le mercredi 12 juillet 2006


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 5 juin 2006 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada le 14 février 2003 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

JENCON BITS OF PIECES

Appelante

ET

 

LE COMMISSAIRE DE L’AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 5 juin 2006

   

Membre du Tribunal :

Zdenek Kvarda, membre présidant

   

Gestionnaire de la recherche :

Paul R. Berlinguette

   

Conseiller pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Agent du greffe :

Stéphanie Doré

   

Parties :

E. Barry Jensen, pour l’appelante

 

Lynn Marchildon, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue par le commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) (maintenant le président de l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC]) le 14 février 2003 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’ADRC a correctement classé les marchandises en cause dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre de dispositifs prohibés. Les marchandises en cause sont six trousses de chargeur d’arme à feu non monté.

3. Le Tribunal a décidé de tenir une audience sur pièces en vertu des articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 . Un avis à cet effet a été publié dans la Gazette du Canada du 20 mai 20064 .

4. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

5. Le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit ce qui suit :

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, [...]

[...]

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel [...]

6. Le paragraphe 84(1) du Code criminel 5 définit « dispositif prohibé » ainsi :

“prohibited device” means

(a) any component or part of a weapon, or any accessory for use with a weapon, that is prescribed to be a prohibited device,

. . . 

(d) a cartridge magazine that is prescribed to be a prohibited device . . . .

« dispositif prohibé »

a) Élément ou pièce d’une arme, ou accessoire destiné à être utilisé avec une arme, désignés comme tel par règlement;

[...]

d) chargeur désigné comme tel par règlement [...]

7. L’article 5 du Règlement désignant des armes à feu, armes, éléments ou pièces d’armes, accessoires, chargeurs, munitions et projectiles comme étant prohibés ou à autorisation restreinte 6 prévoit ce qui suit :

The components and parts of weapons, accessories, and cartridge magazines listed in Part 4 of the schedule are prohibited devices for the purposes of paragraphs (a) and (d) of the definition “prohibited device” in subsection 84(1) of the Criminal Code.

Les éléments ou pièces d’armes, les accessoires et les chargeurs énumérés à la partie 4 de l’annexe sont désignés des dispositifs prohibés pour l’application des alinéas a) et d) de la définition de « dispositif prohibé » au paragraphe 84(1) du Code criminel.

8. Le paragraphe 3(1) de la partie 4 de l’annexe du Règlement prévoit ce qui suit :

Any cartridge magazine

(a) that is capable of containing more than five cartridges of the type for which the magazine was originally designed and that is designed or manufactured for use in

(i) a semi-automatic handgun that is not commonly available in Canada,

(ii) a semi-automatic firearm other than a semi-automatic handgun,

. . . 

(b) that is capable of containing more than 10 cartridges of the type for which the magazine was originally designed and that is designed or manufactured for use in a semi-automatic handgun that is commonly available in Canada.

Tout chargeur qui peut contenir :

a) plus de cinq cartouches du type pour lequel il a été initialement conçu et qui est conçu ou fabriqué pour servir dans l’une des armes à feu suivantes :

(i) une arme de poing semi-automatique qui n’est pas habituellement disponible au Canada,

(ii) une arme à feu semi-automatique, autre qu’une arme de poing semi-automatique,

[...]

b) plus de dix cartouches du type pour lequel il a été initialement conçu et qui est conçu ou fabriqué pour servir dans une arme de poing semi-automatique qui est habituellement disponible au Canada.

PREUVE

9. Jencon Bits of Pieces (Jencon) a tenté d’importer les marchandises en cause par la poste. Les six trousses de chargeur d’arme à feu non monté se composent chacune d’une douille (aussi appelé « étui » ou « boîtier »), d’un ressort, d’un plateau et d’une portière.

10. L’ASFC a déposé les marchandises en cause à titre de pièces, et le Tribunal les a examinées.

11. L’ASFC a déposé un rapport d’expert préparé par M. A. J. Voth du Service des laboratoires judiciaires de la Gendarmerie royale du Canada. Les titres et qualités de M. Voth en tant qu’expert en matière d’armes n’ont pas été contestés par Jencon. Le Tribunal a reconnu à M. Voth le titre d’expert en matière d’armes prohibées. M. Voth a conclu dans son rapport que, selon son opinion d’expert, les marchandises en cause, lorsqu’elles sont assemblées, entrent dans la portée de la définition du paragraphe 84(1) du Code criminel.

PLAIDOIRIE

12. Jencon a soutenu que les marchandises en cause ne sont pas des dispositifs prohibés et devraient être classées à titre d’articles individuels. D’après Jencon, les marchandises en cause devaient être utilisées comme matière première pour la fabrication de chargeurs conformes aux dispositions du Code criminel. Elle a prétendu que la définition de « chargeur » au sens du Code criminel n’inclut pas les pièces non montées d’un chargeur. De plus, les diverses pièces ne peuvent pas alimenter en munitions la chambre d’une arme à feu. À l’appui de sa position, Jencon a invoqué l’affaire R. c. Ross 7 , soutenant que cette décision corrobore la proposition selon laquelle les pièces d’un dispositif prohibé ne constituent pas le dispositif prohibé. En outre, elle a soutenu que des marchandises semblables ou identiques aux marchandises en cause ont été dédouanées par le passé.

13. L’ASFC a dit ne pas être d’accord et a soutenu que les marchandises en cause sont effectivement des dispositifs prohibés au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel, puisqu’elles sont des éléments de chargeurs qui sont désignés des « dispositif[s] prohibé[s] » aux termes du Règlement. Elle a prétendu que les marchandises en cause peuvent être montées en quelques minutes pour constituer des chargeurs haute capacité capables de contenir, selon le cas, plus de 5 ou plus de 10 cartouches et sont donc classées correctement à titre de dispositifs prohibés au sens du Code criminel. Quant à Ross, l’ASFC a soutenu que le juge de première instance dans cette affaire avait examiné l’intention du Parlement dans le contexte du système de justice pénale, lorsque les droits à la liberté de l’accusé étaient en jeu. De plus, elle a soutenu que Ross traitait de trousses qui pouvaient être montées en silencieux. À cet égard, l’ASFC a soutenu que le Tribunal a établi sa propre jurisprudence en ce qui a trait à l’importance de la possibilité qu’un objet soit reconverti en « arme prohibée » avec assez de facilité et dans un laps de temps assez court8 . De plus, elle a soutenu que chaque importation particulière fait l’objet d’une évaluation et d’un classement distincts.

DÉCISION

14. Le Tribunal doit déterminer si les marchandises en cause sont classées correctement dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre de dispositifs prohibés. Comme il a déjà été indiqué, l’article 5 du Règlement prévoit que les « [...] éléments ou pièces d’armes [...] et les chargeurs énumérés à la partie 4 de l’annexe sont désignés des dispositifs prohibés pour l’application des alinéas a) et d) de la définition de “dispositif prohibé” au paragraphe 84(1) du Code criminel ». D’après M. Voth, les marchandises en cause, lorsqu’elles sont montées, sont des dispositifs ou contenants à partir desquels il est possible d’alimenter en munitions la chambre de diverses armes à feu. Après avoir examiné les marchandises en cause, le Tribunal a déterminé qu’elles pourraient être converties en chargeurs dans un laps de temps assez court et avec assez de facilité. De plus, le fait que les marchandises en cause sont importées sous forme de trousses ou en paquets montre, en soi, que lesdites marchandises ne sont pas destinées à d’autres fins qu’à devenir des chargeurs montés. Il est donc clair que les marchandises en cause sont des objets conçus de façon à être montés en chargeurs d’armes à feu, ou auxquels on a voulu donner cette utilisation finale. En outre, le Tribunal accueille les éléments de preuve produits par l’ASFC selon lesquels chaque trousse de chargeur comprend un boîtier capable de contenir, selon le cas, plus de 5 ou plus de 10 cartouches. Les marchandises en cause satisfont donc au critère prévu à la partie 4 de l’annexe du Règlement. Par conséquent, elles satisfont à la définition de « dispositif prohibé » au sens du Code criminel.

15. En ce qui concerne la prétention de Jencon que des expéditions similaires ou identiques ont été dédouanées, le Tribunal rappelle sa décision dans Wayne Ericksen c. ADRC 9 dans laquelle il indiquait que cela n’est pas pertinent.

16. Par conséquent, le Tribunal conclut que les marchandises en cause sont correctement classées dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre de dispositifs prohibés et, à ce titre, leur importation au Canada est interdite aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel et du paragraphe 136(1) du Tarif des douanes.

17. Pour les raisons qui précèdent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Gaz. C. 2006.I.1231.

5 . L.R.C. 1985, c. C-46.

6 . D.O.R.S./98-462 [Règlement].

7 . 16 C.C.C. (3e) 175 [Ross].

8 . À l’appui de sa prétention, l’ASFC a invoqué Special Missions Group Ltd. c. Sous-ministre R.N.D.A. (13 février 1996), AP-89-284 (TCCE) et Anderson c. Sous-ministre R.N.D.A. (13 janvier 1999), AP-97-043 (TCCE).

9 . (3 janvier 2002), AP-2000-059 (TCCE). Dans cette affaire, le Tribunal a conclu que, aux fins de classement, il n’était pas pertinent que des marchandises similaires ou identiques étaient auparavant entrées au Canada librement.