DIGITAL CANOE INC.

Décisions


DIGITAL CANOE INC.
c.
COMMISSAIRE DE L’AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
Appel no AP-2003-044

Décision et motifs rendus
le mercredi 12 juillet 2006


TABLE DES MATIÈRES

EU ÉGARD À un appel entendu le 5 juin 2006 aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1;

ET EU ÉGARD À une décision rendue par le commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada le 13 novembre 2003 concernant une demande de réexamen aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi sur les douanes.

ENTRE

 

DIGITAL CANOE INC.

Appelante

ET

 

LE COMMISSAIRE DE L’AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA

Intimé

DÉCISION

L’appel est rejeté.

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre présidant

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire

Lieu de l’audience :

Ottawa (Ontario)

Date de l’audience :

Le 5 juin 2006

   

Membre du Tribunal :

Zdenek Kvarda, membre présidant

   

Gestionnaire de la recherche :

Paul R. Berlinguette

   

Conseiller pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Agent du greffe :

Stéphanie Doré

   

Parties :

Dave Favreau, pour l’appelante

 

Sonia Barrette et Jennifer Francis, pour l’intimé

Veuillez adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel :

EXPOSÉ DES MOTIFS

1. Le présent appel est interjeté aux termes du paragraphe 67(1) de la Loi sur les douanes 1 à l’égard d’une décision rendue par le commissaire de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) (maintenant le président de l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC]) le 13 novembre 2003 aux termes du paragraphe 60(4) de la Loi.

2. La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’ADRC a correctement classé les couteaux en cause dans le numéro tarifaire 9898.00.00 de l’annexe du Tarif des douanes 2 à titre d’armes prohibées. Les couteaux en cause sont deux poignards Kit Rae (Fang of Baelin).

3. Le Tribunal a décidé de tenir une audience sur pièces en vertu des articles 25 et 25.1 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur 3 . Un avis à cet effet a été publié dans la Gazette du Canada du 20 mai 20064 .

4. Le paragraphe 136(1) du Tarif des douanes prévoit ce qui suit :

The importation of goods of tariff item No. 9897.00.00, 9898.00.00 or 9899.00.00 is prohibited.

L’importation des marchandises des nos tarifaires 9897.00.00, 9898.00.00 ou 9899.00.00 est interdite.

5. Le numéro tarifaire 9898.00.00 prévoit ce qui suit :

Armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions prohibées et éléments ou pièces conçus exclusivement pour être utilisés dans la fabrication ou l’assemblage d’armes automatiques, désignés comme « marchandises prohibées » au présent numéro tarifaire, [...]

[...]

Pour l’application du présent numéro tarifaire :

b) « arme à autorisation restreinte », « arme à feu à autorisation restreinte », « arme à feu prohibée », « arme automatique », « arme prohibée », « dispositif prohibé », « munitions prohibées » et « permis » s’entendent au sens du paragraphe 84(1) du Code criminel [...]

6. Le paragraphe 84(1) du Code criminel 5 définit « arme prohibée » ainsi :

“prohibited weapon” means

(a) a knife that has a blade that opens automatically by gravity or centrifugal force or by hand pressure applied to a button, spring or other device in or attached to the handle of the knife, or

(b) any weapon, other than a firearm, that is prescribed to be a prohibited weapon.

« arme prohibée »

a) Couteau dont la lame s’ouvre automatiquement par gravité ou force centrifuge ou par pression manuelle sur un bouton, un ressort ou autre dispositif incorporé ou attaché au manche;

b) toute arme — qui n'est pas une arme à feu — désignée comme telle par règlement.

7. L’article 4 du Règlement désignant des armes à feu, armes, éléments ou pièces d’armes, accessoires, chargeurs, munitions et projectiles comme étant prohibés ou à autorisation restreinte 6 et l’article 9 de la partie 3 de l’annexe du Règlement prévoit ce qui suit :

4. The weapons listed in Part 3 of the schedule are prohibited weapons for the purposes of paragraph (b) of the definition “prohibited weapon” in subsection 84(1) of the Criminal Code.

9. Any knife commonly known as a “push-dagger” that is designed in such a fashion that the handle is placed perpendicular to the main cutting edge of the blade and any other similar device other than the aboriginal “ulu” knife.

4. Les armes énumérées à la partie 3 de l’annexe sont désignées des armes prohibées pour l’application de l’alinéa b) de la définition de « arme prohibée » au paragraphe 84(1) du Code criminel.

9. Tout couteau communément appelé « dague à pousser », conçu de telle façon que le manche est perpendiculaire au tranchant principal de la lame, ainsi que tout autre instrument semblable, à l’exception du couteau autochtone « ulu ».

PREUVE

8. Digital Canoe Inc. (Digital Canoe) a tenté d’importer deux poignards Kit Rae (Fang of Baelin) par la poste. Leur manche est en aluminium moulé peinturé noir et ils épousent la forme des doigts d’un dragon avec des serres. Ils sont en forme de U, leur manche constituant la partie inférieure du « U » et les lames, les parties verticales. Les deux lames incurvées sont disposées perpendiculairement à la poignée. La longueur des couteaux est d’environ 19 cm dans le sens du manche, et la longueur de chaque lame latérale est d’environ 12 cm, chacune présentant un tranchant d’une longueur d’environ 9 cm. Les tranchants des deux lames se font face et une tige non tranchante émerge en saillie au milieu du manche. Cette saillie se place entre le majeur et l’annulaire de la personne qui s’en sert. Le couteau est conçu pour être saisi par son manche dans la main serrée (le poing) de sorte que les lames ressortent de chaque côté du poing.

9. L’ASFC a déposé deux pièces : les couteaux en cause et une bande vidéo contenant une démonstration sur la façon de les utiliser. Le Tribunal a examiné les couteaux et a visionné la bande vidéo.

10. L’ASFC a déposé un rapport d’expert préparé par M. Kenneth Doyle du Service de police d’Ottawa. Les titres et qualités de M. Doyle en tant qu’expert en matière d’armes n’ont pas été contestés par Digital Canoe. Le Tribunal a reconnu à M. Doyle le titre d’expert en matière d’armes prohibées. M. Doyle a conclu dans son rapport que, selon son opinion d’expert, les couteaux en cause satisfont aux critères d’armes prohibées.

PLAIDOIRIE

11. Digital Canoe a soutenu que les couteaux en cause ne satisfont pas aux critères énoncés dans la définition de l’expression « arme prohibée » au sens du Règlement car chaque lame ne forme qu’un seul angle droit avec le manche et non pas deux angles droits comme dans le cas d’une dague à pousser. À l’appui de sa position, Digital Canoe a renvoyé à la définition de « perpendiculaire », à savoir « à angles droits par rapport à une ligne, un plan ou une surface » [traduction], que donne le Concise Oxford Dictionary. Elle a prétendu qu’une dague à pousser typique comprend une lame qui forme un « T » sur le manche et est considérée « perpendiculaire » à cause des angles droits de chaque côté de la lame. Digital Canoe a de plus soutenu qu’interdire les couteaux parce qu’ils ont un angle droit reviendrait à interdire les couteaux à tapis courants et les haches, puisque ces articles, selon elle, ne présentent qu’un seul angle droit avec la lame.

12. L’ASFC a dit ne pas être d’accord et a soutenu que le classement des couteaux en cause est tout à fait conforme aux dispositions pertinentes de la loi, des règles, des notes, des avis et de la jurisprudence ainsi qu’au caractère essentiel des couteaux en cause. Elle a invoqué diverses définitions que donnent les dictionnaires des mots « perpendiculaire » et « angle droit ». À son avis, le mot « angles » compris dans la définition de « perpendiculaire » invoquée par Digital Canoe renvoie aux deux lignes nécessaires pour former un angle droit et non pas à la présence nécessaire de deux angles droits. L’ASFC a soutenu que, même si le Tribunal conclut que, pour être une dague à pousser, un couteau doit comprendre deux angles droits, les couteaux en cause répondent à ce critère; plus précisément, même si le manche lui-même se termine à la lame, formant un seul angle droit avec chaque lame, le plan se prolonge au-delà du manche, et forme un deuxième angle droit avec la lame.

DÉCISION

13. Le Tribunal est d’avis que les couteaux en cause sont classés correctement à titre d’armes prohibées dans le numéro tarifaire 9898.00.00. Il rejette la prétention de Digital Canoe que les couteaux en cause ne satisfont pas aux critères énoncés pour les « armes prohibées » dans le Règlement. Selon le Tribunal, le Règlement n’exige pas qu’une dague à pousser soit dotée d’une lame qui forme nécessairement deux angles droits de chaque côté de son manche. Le Tribunal est d’avis que les couteaux en cause peuvent servir de dagues à pousser et sont des dispositifs semblables. Le fait a été clairement établi dans la démonstration et l’exposé narratif de M. Doyle dans la preuve sur vidéo. De plus, selon le rapport d’expert de M. Doyle, il est possible de déceler un angle droit dans la conception des couteaux en cause. À cet égard, le Tribunal s’entend avec l’ASFC pour dire que la définition des mots « perpendiculaire » et « angle droit » donnée par divers dictionnaires corrobore l’argument selon lequel le mot « angles » dans la définition de « perpendiculaire » renvoie aux deux lignes nécessaires pour former un angle droit. De toute façon, le Tribunal est en outre d’accord sur le fait que, même si le manche des couteaux en cause se termine à la lame, ne formant qu’un seul angle droit avec chacune des lames, son plan se prolonge au-delà du manche et forme un deuxième angle droit. De plus, le Tribunal fait observer que deux angles droits existent dans les couteaux en cause car chacune des lames forme un angle droit à la base du manche, de sorte que le couteau satisfait audit critère. Pour l’essentiel, l’objet que le Tribunal a examiné en l’espèce est une dague à pousser à deux lames.

14. Pour ce qui est des arguments de Digital Canoe concernant le couteau à tapis courant et la hache, le Tribunal est d’avis que ces objets ne sont pas communément appelés dagues à pousser et ne supposent pas une action de « poussée », puisque dans le premier cas le mouvement en est un de traction et dans le deuxième, un mouvement d’élan en rotation.

15. Par conséquent, le Tribunal conclut que les couteaux en cause sont correctement classés dans le numéro tarifaire 9898.00.00 à titre d’armes prohibées et, à ce titre, leur importation au Canada est interdite aux termes du paragraphe 84(1) du Code criminel et du paragraphe 136(1) du Tarif des douanes.

16. Pour les raisons qui précèdent, l’appel est rejeté.


1 . L.R.C. 1985 (2e supp.), c. 1 [Loi].

2 . L.C. 1997, c. 36.

3 . D.O.R.S./91-499.

4 . Gaz. C. 2006.I.1231.

5 . L.R.C. 1985, c. C-46.

6 . D.O.R.S./98-462 [Règlement].